Interview de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à RMC le 11 janvier 2021, sur les tarifs réglementés de l'électricité, MaPrimeRenov', les aides au logement et les sans domicile fixe.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Emmanuelle WARGON. Vous êtes ministre déléguée au Logement. On va parler de la Prime Rénov', on va parler des aides à la rénovation, on va parler du mal logement, des plus démunis qui font face à des grandes difficultés de logement. Un mot d'abord sur la question de l‘électricité, puisque c'est ce que nous révélons sur RMC ce matin, c'est Marie DUPIN qui nous le disait tout à l'heure, elle a eu accès à cette proposition de la CRE, qui est relative aux tarifs réglementés de vente d'électricité, qui propose au gouvernement cette hausse des tarifs, 1,73 pour les particuliers, 3,02 pour les professionnels. Est-ce que le gouvernement va suivre cette proposition, comme elle le fait chaque année ?

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Apolline de MALHERBE. C'est une autorité indépendante, vous l'avez dit, qui fixe le prix de l'électricité, et donc ça dépend des coûts de production. Ça montre bien, et c'est pour ça que je suis là avec vous ce matin, qu'il faut faire des économies d'énergie, parce que ça fait aussi baisser les factures, et c'est pour ça qu'au-delà du chèque énergie, qu'on a mis en place et qui aide les ménages modestes à payer ces factures d'énergie, d'électricité, de gaz ou autres, on met le paquet vraiment sur la rénovation, parce qu'une fois que vous avez fait des travaux, votre consommation, elle baisse.

APOLLINE DE MALHERBE
On le comprend bien, c'est-à-dire que, à moyen terme, les travaux que tout le monde va engager et sans doute grâce vous, ça va effectivement les faire baisser, sauf qu'à court terme, il y a cette histoire de hausse, ça doit être décidé dans les deux semaines ; est-ce que dans un temps de crise, accepter une augmentation qui serait au-delà de l'inflation, ça vous paraît judicieux ?

EMMANUELLE WARGON
Là, la décision n'est pas prise, on va expertiser la proposition de la commission…

APOLLINE DE MALHERBE
La décision, à ce stade, n'est pas prise, vous ne vous y opposerez pas, a priori ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, je ne sais pas ce qu'on va décider, mais en tout cas, voilà, le process de décision est en cours, et en plus, je rappelle vraiment ce chèque énergie, qui est versé à quatre millions de ménages pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures.

APOLLINE DE MALHERBE
Et justement, le dispositif donc gouvernemental d'aide à la rénovation qui évolue à partir d'aujourd'hui, à midi, il sera accessible à tous, concrètement, à quoi on peut s'attendre comme niveau de remboursement pour ceux qui nous écoutent ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, c'est un gros progrès, parce qu'on multiplie par deux le nombre de ménages en France qui sont éligibles à MaPrimeRenov', c'était la moitié des ménages français, là, c'est tout le monde, quel que soit le niveau de revenu, qu'on soit occupant ou bailleur, qu'on soit dans une maison individuelle ou dans une copropriété, ça sera plus facile et plus simple ; on a eu un très beau succès cette année avec MaPrimeRenov', près de 200 000 dossiers qui ont été déposés, c'était la fourchette haute de notre hypothèse quand on l'a lancée au 1er janvier 2020, alors qu'on a vécu cette année de crise. Et pour 2021, notre hypothèse, c'est 400 000 à 500 000 dossiers, donc doubler au moins le nombre de dossiers déposés.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour ça, alors, c'est ce qu'on fait aussi ce matin avec vous sur RMC, mais enfin, il faudrait encore que tout le monde ait compris à quoi s'attendre, parce que moins d'un propriétaire sur deux envisage de faire des travaux de rénovation, et surtout, plus d'un quart des propriétaires n'a jamais entendu parler de cette prime.

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, c'est pour ça qu'on en parle ce matin, et je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée, c'est important, c'est une prime gouvernementale, donc payée par l'État, ça s'appelle MaPrimeRenov', ça permet de payer des travaux d'efficacité énergétique, de rénovation énergétique chez soi, très concrètement, de l'isolation, changement de chaudières, isolation des combles, révision complète de sa maison ou de son appartement, et c'est facile…

APOLLINE DE MALHERBE
On est très en retard par rapport à nos voisins…

EMMANUELLE WARGON
Et c'est facile à demander. On a pris du retard, effectivement, enfin, d'ailleurs, je ne sais pas si on est en retard par rapport aux voisins, parce qu'il n'y a pas beaucoup de pays ni en Europe ni ailleurs qui ont vraiment résolu le problème, en revanche, on est en retard par rapport à notre ambition climatique, on ne va pas à la bonne vitesse par rapport à notre stratégie de baisse des émissions de gaz à effet de serre, et c'est pour ça que, là, on passe la vitesse supérieure, et que notre objectif, c'est d'en faire deux fois plus l'année prochaine que cette année.

APOLLINE DE MALHERBE
Et sur l'augmentation des contrôles, est-ce que vous allez vérifier aussi la qualité de ces rénovations, on sait qu'il y a des fraudes qui existent, on vous promet une rénovation pas chère, et puis, il y a des ménages modestes qui luttent, qui ont froid l'hiver et qui ont chaud l'été, qui, du coup, acceptent cette rénovation et qui se retrouvent avec des rénovations qui, en fait, ne changent rien ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, vous avez raison d'en parler, on en a eu beaucoup l'année dernière, et on n'est pas resté les bras ballants, d'abord, le démarchage téléphonique est maintenant interdit par la loi, donc je le dis vraiment aux auditeurs, si quelqu'un vous appelle en vous disant : bonjour, je représente je ne sais pas quel organisme, je vous fais une offre commerciale, c'est juste interdit. Ensuite, on a lancé la Répression des fraudes pour faire des contrôles, ils en ont fait beaucoup, beaucoup plus l'année dernière, et donc on a quand même un peu nettoyé le marché, et puis, surtout, en positif, on est en train de généraliser, je suis en train de généraliser les points conseils partout en France, ça s'appelle des Espaces info énergie, ils sont tous regroupés sous une marque qui s'appelle FAIRE, comme le verbe "faire", et ce sont ces espaces FAIRE qui sont l'endroit où trouver du conseil neutre, libre et gratuit. Et donc je dis vraiment aux auditeurs : vous allez sur "faire.gouv.fr" sur Internet, vous trouvez le point de conseil le plus proche de chez vous, et là, vous trouverez des gens passionnés par ce qu'ils font, motivés, qui vous donneront des conseils que vous pouvez croire.

APOLLINE DE MALHERBE
Emmanuelle WARGON, le projet de loi climat arrive, alors, il va être soumis à la consultation du Conseil économique et social et du Conseil national de la transition économique, il reprend une cinquantaine des propositions de la Convention citoyenne, et il instaure notamment un audit énergétique pour les maisons individuelles et les immeubles en mono propriété, sauf que, il y a cet audit, mais derrière, il n'y a aucune obligation de rénovation, et pourtant, c'était l'une des mesures phares de cette Convention ?

EMMANUELLE WARGON
Ce que nous souhaitons faire, ce que moi, je souhaite faire, c'est améliorer encore suffisamment les aides, les diffuser suffisamment pour qu'ensuite, on puisse vraiment généraliser et passer à l'obligation. Pour l'instant, on n'aide pas encore suffisamment de Français, ça n'est pas encore suffisamment connu, on n'a pas encore atteint la masse critique, et donc l'obligation, c'est un sujet que nous avons accepté pour la location, puisque nous disons que nous ne pourrons plus louer, il ne sera plus possible de louer une passoire thermique à compter de 2028, c'est une obligation très forte qui pèsera sur les bailleurs, pour les propriétaires occupants, les gens qui sont simplement chez eux, il faut d'abord les aider, les convaincre et rendre le système encore plus fluide, pour pouvoir parler d'obligation après…

APOLLINE DE MALHERBE
Avant de passer à une obligation. Emmanuelle WARGON, il y a Ivan qui nous appelle au 32 16, il nous appelle de Coulaines, dans la Sarthe. Bonjour Yvan.

YVAN
Bonjour Madame WARGON…

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour, vous avez une directement pour la ministre sur cette rénovation…

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

YVAN
Oui, je voulais juste dire qu'il faut absolument que les gens passent par FAIRE, comme vous le disiez, parce que c'est vraiment… ils sont vraiment top, et tous les gens qui ont un projet, il faut qu'ils les contactent, parce qu'au moins, ils sont sûrs de ce qu'ils font. Ça a été mon cas, que moi, je fais partie des gens qui ont fait leurs devis au mois de juin l'année dernière, donc avant octobre, avec les confinements et tout ça, ça s'est un peu décalé, et les travaux vont se finir, seulement, là, début d'année. Comment ça se passe pour des gens comme moi ?

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il a accès à MaPrimeRenov' ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, d'abord…

YVAN
Non, je ne crois pas, justement…

EMMANUELLE WARGON
Merci tous les conseillers FAIRE, que vous saluez, parce que, vraiment, c'est des gens bien, qui sont hyper motivés, et puis, pour les devis qui ont été faits en juin et qui sont les travaux qui se terminent maintenant, aucun problème, les barèmes changent (sic)… ne changent pas, pardon, excusez-moi, aucun problème, les barèmes de changent pas, c'est stable, donc vous serez payé quand vous déposez la facture sur le site Internet, tout va bien.

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà la bonne nouvelle…

YVAN
Alors, parce que moi, ce qu'on m'a dit, juste, ce qu'on m'a dit, c'est que moi, je serai encore dans le régime de l'année 2020, selon le nouveau…

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, si c'est plus favorable, je crois qu'on sera capable de rectifier, donc ça, il faudra qu'on regarde, mais ça sera gagnant de toute façon, soit, c'est le régime 2020, soit si 2021 est plus favorable pour vous, je pense qu'on saura vous rattraper.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous savez quoi, Yvan, vous nous tenez au courant, et si ça ne fonctionne pas, on le relaiera à l'antenne, mais promesse est faite aujourd'hui que si c'est plus favorable, vous serez gagnant. Il est 7h50, Emmanuelle WARGON, un autre point sur lequel je voulais vous interroger, c'est la question de l'augmentation des loyers impayés, toute la semaine, vous le savez, on est partenaire de la Fondation Abbé Pierre, qui parle d'une bombe à retardement, une bombe à retardement avec cette plateforme "Allô Prévention Expulsion" qui, littéralement, explose face à ces difficultés. Est-ce que vous allez à nouveau prendre soin de cette question, est-ce que vous avez prévu quelque chose ?

EMMANUELLE WARGON
D'abord, je voudrais dire que la dimension sociale face à la crise, elle est très, très présente dans l'action du gouvernement, et que de même qu'on a un bilan économique très fort pour soutenir les entreprises, nous avons aussi un bilan social très fort, je voudrais le dire, parce qu'il y a eu beaucoup d'aides en fait aux ménages et aux personnes les plus en difficulté, et donc je crois qu'on peut vraiment se dire qu'on n'a pas à rougir de ce bilan social. Sur les impayés de loyers, j'ai pris l'initiative, il y a 2 mois, avec la Fondation Abbé Pierre d'ailleurs, et beaucoup d'autres organisations, de mettre en place un observatoire pour voir ce qui se passe, parce qu'on a des signaux de certaines associations qui nous disent beaucoup d'appels supplémentaires, c'est ce que nous dit la Fondation Abbé Pierre, aussi l'ANIL, qui est une association qui informe les locataires…

APOLLINE DE MALHERBE
Il demande notamment un fonds d'aide pour le paiement des loyers impayés.

EMMANUELLE WARGON
Pour l'instant, quand on regarde les chiffres, on l'a fait début décembre, on va le refaire fin janvier, il n'y a pas d'explosion, il n'y a pas d'explosion d'impayés de loyers en France, pour l'instant…

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas d'explosion d'après vous…

EMMANUELLE WARGON
Il n'y a pas d'explosion, les bailleurs sociaux nous disent les taux d'impayés sont stables, les représentants des propriétaires privés nous disent les taux d'impayés sont stables, il y a plus d'appels de gens qui sont inquiets, mais il n'y a pas plus de ménages qui ont du mal à payer…

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, plus d'inquiétude, mais vous dites qu'il n'y a pas d'explosion…

EMMANUELLE WARGON
Mais après, pour répondre à la question, s'il faut mettre plus d'argent sur les dispositifs d'aide, on le fera, deux exemples, j'ai demandé à Action logement, qui avait une prime pour aider à payer les impayés de loyers, de l'améliorer, cette prime était versée pendant deux mois maximum, maintenant, elle est versée pendant six mois, c'est opérationnel, Action logement l'a mis en place. Il y a des fonds départementaux, ça s'appelle les FSL, on travaille avec les départements pour qu'ils les ouvrent plus, plus vite, au moment où les impayés commencent tout de suite, donc on ne sera pas les deux pieds dans le même sabot s'il se passe quelque chose, pour l'instant, on observe…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est le fameux…

EMMANUELLE WARGON
Mais ça n'augmente pas…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est le fameux quoiqu'il en coûte, vous vous souvenez quand même de la phrase d'Emmanuel MACRON qui avait quand même promis que plus personne ne dormirait dans la rue. Et quand on regarde les chiffres, il y a 300 000 SDF en France, c'est deux fois plus qu'en 2012, et on le constate tous les jours, moi, je peux vous dire que le matin, quand je traverse Paris, au milieu de la nuit, et que je vois, notamment le long de la rue de Rivoli, il y a partout sous les arcades des gens qui dorment dans la rue, on le voit bien ça, là, pour le coup, vous ne pouvez pas me dire que ça n'explose pas ?

EMMANUELLE WARGON
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a 300 000 personnes, c'est à peu près l'estimation qu'on a tous, de personnes qui n'ont pas de logement du tout, qui ne savent pas où dormir, et dans ces 300 000, on en héberge autour de 280 000 à 290 000, soit un hébergement d'urgence classique, soit l'hébergement destiné aux personnes qui font des demandes d'asile, nous avons encore en France environ entre 10 000 et 15 000 personnes, c'est difficile à évaluer, et ça fait d'ailleurs partie des choses que je voudrais prendre en main, vraiment, être capable de savoir combien, entre 10 000 et 15 000 personnes qui dorment à la rue. Nous avons ouvert beaucoup plus de places cette année, on était à 140 000 places financées par mon ministère début d'année, on est à près de 200 000, et du coup, les demandes non satisfaites baissent un peu, mais je ne vous dirai pas qu'il n'y a pas de problème, moi aussi, je vois ces personnes à la rue, moi aussi, j'essaye au cas par cas de faire en sorte qu'on leur trouve une solution, en tout cas, le système d'hébergement n'a jamais été aussi ouvert avec autant de places, que ce soit des centres ou des hôtels, et notre sujet, c'est l'accompagnement dans ces centres et dans ces établissements…

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Emmanuelle WARGON, vous êtes la ministre déléguée au Logement.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.

APOLLINE DE MALHERBE
Et on poursuivra sur cette question-là à 8h10, avec vos témoignages sur la question de la précarité du logement et avec le délégué général de la Fondation Abbé Pierre.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 janvier 2021