Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Léa SALAME, votre invité ce matin est le Porte-parole du Gouvernement.
LEA SALAME
Oui. Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
LEA SALAME
Merci d'être avec nous ce matin. On a bien compris que le ton avait changé hier lors de la conférence de presse que vous avez tenue et qui a suivi le Conseil de défense. Vous avez déclaré : le couvre-feu à 18 heures ne freine pas suffisamment la propagation du virus. Plusieurs scénarios sont à l'étude et notamment un confinement très serré. Qu'est-ce que ça veut dire "très serré", Gabriel ATTAL ? Ça veut dire quoi ? Strict, sec, dur ?
GABRIEL ATTAL
Ce que j'ai dit hier, Léa SALAME, c'est qu'on a une situation épidémique en France avec un plateau haut qui monte progressivement et surtout avec des variants qui se développent et dont on sait qu'ils sont plus contagieux. Et dans ces conditions, on a mis en place un couvre-feu à 18 heures pour freiner l'épidémie. Il a été mis en place, annoncé par le Premier ministre, pour deux semaines. Ce n'est pas une temporalité qu'on a particulièrement choisie, c'est les scientifiques qui estiment que c'est au bout de deux semaines qu'on peut véritablement tirer les enseignements sur une telle mesure. Ces deux semaines, elles arrivent samedi mais à ce stade, avant samedi, ce qu'on peut dire c'est qu'aujourd'hui son efficacité est relative. Ça veut dire que c'est efficace pour freiner le virus mais à ce stade pas suffisamment pour véritablement contraindre les variants. Et que dans ces conditions on anticipe, et qu'avant samedi on travaille à des scénarios qui vont du maintien du cadre actuel, qui est aujourd'hui peu probable, jusqu'à un confinement très serré. C'est-à-dire…
LEA SALAME
Ça veut dire quoi "c'est serré" ? Parce que vous comprenez bien que ce mot mystérieux que vous avez lâché interroge tout le monde depuis hier, depuis que vous avez dit ce mot "très serré", et il est anxiogène. On ne va pas se mentir. Donc est-ce que vous pouvez clarifier pour les Français ? Ça veut dire quoi "très serré" ?
GABRIEL ATTAL
C'est-à-dire u confinement qui a des effets suffisamment rapides et efficaces pour freiner davantage la circulation du virus. C'est ça que ça veut dire.
LEA SALAME
Donc c'est le confinement comme celui qu'on a connu en mars, c'est-à-dire tout fermer ?
GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, on a systématiquement appris des différents confinements qui ont eu lieu en France. Vous avez bien vu que celui de novembre n'était pas celui de mars et qu'on tire des enseignements à chaque fois. On est en train de travailler à des scénarios et notre objectif c'est quoi ? C'est d'avoir l'équilibre le plus juste entre le freinage de la circulation du virus, la limitation du virus et évidemment la vie des Français. Et moi je vais vous dire, j'entends parfaitement qu'il y a des inquiétudes. J'entends parfaitement que le climat est anxiogène, que les Français ont envie de savoir ce qui va se passer. Si leurs enfants vont pouvoir continuer à aller à l'école. Ce qui va se passer autour des vacances. Je l'entends parfaitement. Et je vais vous dire, on a annoncé le couvre-feu à 18 heures pour deux semaines, c'est à ce moment-là qu'on tirera les enseignements et les annonces, s'il doit y en avoir, évidemment seront faites rapidement.
LEA SALAME
Mais sur les écoles puisque vous soulevez ce sujet qui est…
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'on peut entendre qu'on travaille à ces scénarios et à cette mesure. Ce n'est pas des décisions - parce qu'elles sont lourdes – ce n'est pas des décisions qui se prennent au pifomètre, c'est des décisions qui se travaillent avec les scientifiques, avec les épidémiologistes.
LEA SALAME
On comprend que c'est difficile de prendre ces décisions mais aussi il y a un problème de communication, Gabriel ATTAL. Ce que je veux dire c'est que dimanche dernier, la Une du JDD – et le JDD n'invente pas, il se base sur des informations données - l'exécutif dit : le confinement est imminent. Le lendemain on dit : non, ça peut attendre une semaine et l'Elysée dit non : je ne prends pas la parole tout de suite etc, on fait tout pour éviter le reconfinement. Ensuite vous prenez la parole après le Conseil de défense hier, vous nous expliquez que le confinement peut être très serré. Vous comprenez que vous jouez avec les nerfs en fait de gens ?
GABRIEL ATTAL
Léa SALAME, ce n'est pas le gouvernement qui fait la une du JDD. De même que ce n'est pas le gouvernement qui fait le journal de France Inter. Je veux dire ils ont sorti cette une…
LEA SALAME
Oui mais s'ils le sortent, c'est qu'ils ont des informations. Vous le savez bien qu'ils parlent au gouvernement.
GABRIEL ATTAL
Ce qui compte, c'est les déclarations du gouvernement. Il se trouve que dimanche dernier, j'étais sur un plateau - celui de France 3 - et je me suis exprimé très clairement. J'ai dit que contrairement à ce qu'avançait ce journal, il n'y avait pas de décision qui avait été prise et qu'on prendrait une décision au bout des deux semaines du couvre-feu. Et je pense que si on avait pris des décisions annoncées, des décisions avant les deux semaines, les Français auraient pu nous dire : mais attendez, vous aviez dit que c'est au bout de deux semaines de couvre-feu à 18 heures que vous pouviez voir s'il y avait suffisamment d'effets, vous n'attendez même pas ce moment-là pour prendre des mesures supplémentaires.
LEA SALAME
C'est le Premier ministre qui a parlé, ce n'est pas la presse. Quand le Premier ministre dit : lundi, des décisions très importantes seront prises cette semaine.
GABRIEL ATTAL
Oui, cette semaine. En fin de semaine, après que nous ayons vu les effets du couvre-feu à 18 heures. Encore une fois, j'entends parfaitement et puis il y a des déclarations, des recommandations de scientifiques qui se multiplient etc.
LEA SALAME
Mais vous comprenez ça. Les médecins sont partout, ils nous expliquent que c'est très, très grave, qu'il faut reconfiner très vite. Est-ce qu'ils parlent trop vite les médecins ?
GABRIEL ATTAL
Mais il y a toujours eu des déclarations scientifiques, des controverses scientifiques, des déclarations qui sont parfois différentes. Nous on se fonde notamment sur le Conseil scientifique et sur son président, le professeur DELFRAISSY, qui s'est exprimé il y a quelques jours et qui a dit lui-même qu'il fallait attendre les deux semaines du couvre-feu pour en tirer les enseignements, et que c'est à ce moment-là qu'on pourrait prendre des décisions qui doivent encore une fois permettre de freiner la circulation du virus, tout en permettant aux Français de continuer à vivre parce que c'est ça qui est évidemment le plus important.
LEA SALAME
Qu'est-ce que vous dites aux parents d'élèves, aux très nombreuses familles qui vous écoutent ce matin et qui ne savent pas si les écoles doivent fermer, qui ne savent pas s'ils peuvent déposer les enfants chez les grands-parents pendant les vacances ? On parle de trois semaines, que vous compacteriez les vacances sur trois semaines pour toute la France. Est-ce que tout ça, c'est… Est-ce qu'il faut qu'ils commencent juste à se préparer ? Parce que tout ça, ça s'anticipe.
GABRIEL ATTAL
Evidemment, je l'entends parfaitement. Ce que je leur dis d'abord, c'est que depuis le début de cette crise on a fait un choix qui est celui de maintenir le plus possible les écoles ouvertes. Et je vais vous dire ce choix, on en est fier parce que c'est ce qui permet une continuité éducative pour nos enfants.
LEA SALAME
Il est toujours là, ce choix ? C'est toujours le choix ce matin que vous privilégiez ?
GABRIEL ATTAL
Ce que je vous dis, c'est qu'on a toujours comme boussole autant que c'est possible de permettre à nos enfants d'aller à l'école. Et je vais vous dire, il y a des pays en Europe, des pays limitrophes de la France où les enfants sont allés en un an trois semaines à l'école. Je veux dire, il faut se rendre compte de cette situation. Et ce n'est pas des pays qui s'en sortent particulièrement mieux que la France, au contraire, en termes épidémiques.
LEA SALAME
Donc à l'heure actuelle, la priorité c'est de laisser les écoles ouvertes.
GABRIEL ATTAL
Ça a toujours figuré dans nos priorités. Maintenant je disais qu'on était dans une situation particulière avec ce variant dit britannique qui se développe et que, évidemment, tous les scénarios sont sur la table. Rien n'est exclu. On arrive, vous l'avez dit, dans une période de vacances de février où sur un mois, selon les trois zones, il y a les vacances de février, et donc il est évidemment possible de réfléchir à allonger les vacances d'un côté ou de l'autre. Mais encore une fois notre objectif, ça reste évidemment que les enfants puissent continuer à apprendre.
LEA SALAME
La situation elle est comment à l'heure où nous parlons, Gabriel ATTAL ? Inquiétante, très inquiétante ? On en est où du variant anglais ? Hier France Bleu Paris révélait que le variant anglais avait été détecté dans 14% des tests positifs au Covid. C'était 10% il y a quelques jours, on en a 14%. On en est où ? Comment vous la qualifiez ? Quel est l'adjectif que vous choisissez ?
GABRIEL ATTAL
Ce que nous savons puisque nous avons eu hier des nouvelles études de Bruno LINA, c'est qu'au 8 janvier il y avait 3,2% de cas de variant dit britannique qui étaient détectés en France et qu'aujourd'hui notre estimation, c'est qu'on est autour de 10%. Donc on voit que ça monte vite, et donc c'est évidemment un signal d'alerte pour nous qui nous conduit à réfléchir aux mesures qu'on évoquait. La situation, elle est préoccupante. Voilà. On a cette particularité aujourd'hui en France, contrairement à nos voisins, on n'a pas eu de hausse exponentielle de décrochage de l'épidémie, d'emballement, de flambée pour utiliser le terme que vous voulez parce que les Français ont fait énormément d'efforts. Parce qu'ils ont fait des efforts pendant les fêtes, parce qu'ils ont respecté les recommandations. Mais on a cette hausse progressive et ce développement du variant qui nous laisse penser que, si des mesures supplémentaires ne sont pas prises à la fin de la semaine, si le couvre-feu ne montre pas davantage d'efficacité, eh bien la situation pourrait se dégrader. C'est pour ça qu'on doit prendre…
LEA SALAME
Le professeur Gilles PIALOUX disait hier que la situation était selon lui déjà pire que celle des deux premiers confinements. C'est vrai ça ?
GABRIEL ATTAL
Ecoutez, enfin, nous encore une fois on écoute tout ce qui se dit, tout ce qui s'écrit dans la communauté scientifique. On travaille avec un conseil scientifique précisément parce que les scientifiques, il n'y a pas toujours de consensus sur ces questions-là, et donc c'est important d'avoir des référents qui permettent de vous accompagner et de vous conseiller. Et donc c'est dans cette piste que nous avançons.
LEA SALAME
Une fois n'est pas coutume, ce jeudi soir Jean CASTEX ne tiendra pas la conférence de presse qu'il tient tous les jeudis. Ce sera Olivier VERAN et Jérôme SALOMON seuls. Pourquoi il n'est pas là ce soir ? Est pour laisser la voie à une prise de parole du président de la République ce week-end ?
GABRIEL ATTAL
D'abord il n'a pas systématiquement assumé, lui, la conférence de presse. Ensuite vous savez que cet après-midi, on aura un moment important puisqu'on va consulter les formations politiques, les partenaires sociaux, les associations d'élus parce que c'est important aussi quand on prend de telles décisions qu'elles soient démocratiquement concertées avec les acteurs démocratiques de notre pays.
LEA SALAME
Toutes les formations politiques ?
GABRIEL ATTAL
Oui, les formations politiques qui sont représentées au Parlement. Il y a un comité de liaison parlementaire avec les présidents des groupes parlementaires.
LEA SALAME
Donc Marine LE PEN ne sera pas invitée parce qu'elle vous reproche de ne pas l'inviter.
GABRIEL ATTAL
J'ai entendu.
LEA SALAME
Parce qu'elle n'est pas présidente de groupe parlementaire parce qu'il n'y a pas de groupe RN.
GABRIEL ATTAL
Oui, j'ai entendu son reproche. Evidemment elle sera invitée. On va proposer également aux partis représentés dans les députés non-inscrits au Parlement de participer évidemment. Là-dessus il faut qu'on parle avec tout le monde et tout le monde évidemment doit participer à cette prise de décision.
LEA SALAME
Côté vaccin ASTRAZENECA a donc annoncé que les livraisons promises à l'Union européenne seraient moins importantes que prévu à cause d'une baisse de rendement des sites de production. Seul un quart des livraisons promises seront livrées au premier trimestre. Qu'est-ce qui s'est passé ? ASTRAZENECA a eu les yeux plus gros que le ventre et a trop promis à l'Union européenne ou l'Union européenne a trop mégoté sur les prix et, du coup, ils servent ceux qui ont payé plus cher d'abord ?
GABRIEL ATTAL
C'est ce qu'on est en train de regarder avec eux. Il y a eu une réunion hier qui s'est tenue au niveau européen avec des représentants d'ASTRAZENECA. Il peut y avoir deux sujets. Soit il y a des problèmes de production dans des usines. Et je vais vous dire, sur un vaccin qui arrive aussi vite ça peut arriver. Un problème de cuve, un problème de chaîne de production, un problème de mise en bouteille. Ça peut exister. Et dans ces conditions, on les identifie et on les lève ensemble. C'est ce qui s'est passé notamment à un moment avec SANOFI. Ç'a été ralenti pendant une semaine. On a mis les choses à plat avec eux puis c'est revenu à la normale.
LEA SALAME
Soit ?
GABRIEL ATTAL
Soit il y a d'autres raisons et c'est ce qu'on est en train d'essayer d'éclaircir. Et dans ces conditions nous ce qu'on demande, c'est qu'il y ait de la responsabilité et de la transparence des laboratoires et que les contrats qui ont été signés soient honorés. Et donc ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des discussions avec eux, qu'il y a dans les contrats qu'on a signés avec eux des clauses d'audit qui permettent d'aller regarder ce qui se passe dans les usines et qu'il y a la possibilité aussi si c'est nécessaire - c'est ce que la présidente de la Commission européenne a dit - de regarder les vaccins qui sont…
LEA SALAME
Mais ASTRAZENECA, si je peux me permettre, c'est le vaccin qui devait apporter les plus gros volumes de vaccins. Est-ce que du coup ça remet en cause les objectifs fixés par Olivier VERAN ? Quatre millions de vaccinés fin mars, quinze millions en juin.
GABRIEL ATTAL
Ce qu'a dit Olivier VERAN, c'est que fin février on espérait vacciner plus de deux millions cinq cent mille personnes en France et cet objectif nous le maintenons. A ce stade ce qui est prévu pour le mois de février s'agissant des livraisons d'ASTRAZENECA, c'est 2,5 millions de doses et ensuite, les discussions sont en cours avec eux pour affiner ce que seront les livraisons à partir d'avril.
LEA SALAME
Pas sûr qu'on tienne les quinze millions de vaccinés en juin.
GABRIEL ATTAL
On a toujours dit que notre objectif avant l'été, c'était ces quinze millions de personnes vulnérables et on fait tout évidemment pour le tenir.
LEA SALAME
Merci beaucoup Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Merci.
LEA SALAME
Merci d'avoir été avec nous ce matin sur France Inter et belle journée à vous.
GABRIEL ATTAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 janvier 2021