Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à France Info le 5 janvier 2021, sur la campagne de vaccination, l'ouverture des magasins les dimanches, le télétravail et la réforme de l'assurance-chômage.

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Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Votre collègue de la Santé Olivier VERAN annonce que finalement les pompiers, les aides à domicile, les personnes âgées de plus de 75 ans pourront toutes se faire vacciner d'ici la fin du mois. C'est un changement de cap dans notre politique de vaccination ?

ELISABETH BORNE
Je ne pense pas que ce soit un changement de cap. On continue à vacciner d'abord les personnes vulnérables, donc on démarre par les personnes âgées on EHPAD, parce que vous avez vu que c'est un tiers des décès, alors c'est 1 % de la population, donc c'est important de vacciner d'abord les personnes vulnérables, mais effectivement on accélère en permettant notamment au personnel soignant de plus de 50 ans, de se faire vacciner dès maintenant et non pas dans une deuxième étape comme cela avait été envisagé initialement.

MARC FAUVELLE
Vous arrivez à suivre, vous, la politique de vaccination du gouvernement ? Les revirements, les annonces de ces derniers jours.

ELISABETH BORNE
Je vous dis, la politique c'est la même, c'est-à-dire qu'on ne vaccine pas au hasard, n'importe qui, on vaccine d'abord les personnes vulnérables, parce que c'est celles qui risquent de se retrouver, enfin d'avoir une forme grave du Covid et donc d'être dans des services de réanimation, mais on accélère… 

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous, vous assumez la méthode, mais est-ce qu'on a té beaucoup trop lents ? Xavier BERTRAND dit ce matin dans les colonnes du Parisien : « Le président a commis une faute grave gravissime, la stratégie nous conduit à l'échec ».

ELISABETH BORNE
Oui, enfin je crois que c'est depuis le début de la crise, vous savez, quoi qu'on fasse Xavier BERTRAND et d'autres nous disent que c'est un scandale d'Etat, que c'est une faute grave, donc je pense qu'il faut que chacun garde son calme. On a une stratégie et je pense que c'est celle qui a été proposée par des conseils scientifiques, la Haute autorité de santé, de vacciner d'abord les personnes vulnérables, c'est du bon sens parce que c'est elles qui risquent de se retrouver effectivement en réanimation. Ensuite le président de la République, le gouvernement, souhaitent aller le plus vite possible et c'est bien ce qu'Olivier VERAN a annoncé.

 SALHIA BRAKHLIA
Mais là, ce n'est pas la méthode qui pose problème, vous voyez bien que c'est le rythme, est-ce qu'il n'y a pas eu une erreur dans la communication par exemple, en voulant s'intéresser aux anti-vaccins en priorité, est-ce que le gouvernement s'est montré trop prudent et donc du coup a peut-être découragé ceux qui avaient envie de se faire vacciner ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est important aussi dans un pays, on est un des pays dans lequel il y a le plus de méfiance sur les vaccins, de créer de la confiance et donc de ne pas brusquer les étapes, c'est aussi pour ça qu'on recueil de consentement, on pourrait aussi vacciner tout le monde n'importe comment, donc on prend le temps aussi d'avoir un consentement des personnes, notamment des personnes vulnérables en EHPAD, et effectivement le président de la République, le gouvernement, souhaitent accélérer, c'est ce qu'Olivier VERAN a dit ce matin. 

SALHIA BRAKHLIA
Il faudrait revoir le consentement ? Parce qu'il est par écrit, là, jusqu'à présent.

MARC FAUVELLE
Par écrit, délai de rétractation, de plusieurs jours, est-ce qu'on peut simplifier cette démarche-là ?

ELISABETH BORNE
Olivier VERAN… il n'y a pas eu de délais de rétractation, ça c'est une Fake News, il n'y a pas de délai de rétractation.

MARC FAUVELLE
Il faudra par exemple pour se faire vacciner, pour le grand public, aller voir son médecin, une première fois, mais on ne pourra pas se faire vacciner ce jour-là, il faudra un deuxième passage chez le médecin, d'où cette expression de délai de rétractation.

ELISABETH BORNE
Vous avez vu qu'Olivier VERAN a annoncé qu'on voulait simplifier la procédure, il faut évidemment que ça se passe avec le consentement des personnes qui sont vaccinées, le plus simplement possible.

MARC FAUVELLE
Alors, est-ce que dans cette simplification de la procédure, Elisabeth BORNE, on pourra par exemple aller se faire vacciner au travail, dans son entreprise, au bureau, à l'usine ?

ELISABETH BORNE
Moi je pense que les entreprises qui tous les ans participent à la stratégie de vaccination contre la grippe, pourront le moment venu jouer effectivement un rôle dans cette stratégie de vaccination. On a vu que c'est aussi un environnement dans lequel on peut créer de la confiance, par exemple quand on a voulu faire des tests massifs au Havre et dans un certain nombre de villes, en entreprises ça s'est bien passé, les salariés ont effectivement été se faire tester, donc je pense que le moment venu les entreprises auront leur rôle à jouer, quand on vaccinera en population générale comme on dit… 

SALHIA BRAKHLIA
C'est quand ?

ELISABETH BORNE
… pour l'instant on veut vacciner des personnes âgées. Eh bien écoutez c'est d'abord, d'abord on vaccine les personnes vulnérables… 

SALHIA BRAKHLIA
Non, mais comme là on assiste à une accélération du calendrier, en entreprise ce sera possible quand ?

ELISABETH BORNE
La priorité c'est de vacciner les 15 millions de personnes vulnérables, donc les personnes qui ont des facteurs de comme comorbidité comme on dit, les personnes âgées…

MARC FAUVELLE
Il peut y en avoir dans les entreprises.

ELISABETH BORNE
Oui, mais je pense qu'effectivement le moment venu, moi je suis favorable à ce que les entreprises puissent prendre leur part dans cette stratégie de vaccination, évidemment ça ne se substitue pas à ce qui pourra être fait avec les professionnels de santé, en proximité. Je pense que ces professionnels de santé ils savent aussi créer de la confiance avec les Français, donc c'est important.

MARC FAUVELLE
Est-ce que l'employeur connaîtra la liste des personnes qui ont été vaccinées et non vaccinés ou est-ce que ce sera confidentiel ?

ELISABETH BORNE
Non, c'est… Enfin vous savez, on n'est pas sur une vaccination obligatoire, donc il n'y aura pas d'obligation, l'entreprise ne pourra pas obliger…

MARC FAUVELLE
Pas sur l'obligation, mais sur le caractère secret ou pas de la vaccination.

ELISABETH BORNE
Non, je pense que ce n'est pas une bonne chose de commencer, enfin c'est des informations médicales et je crois qu'il faut qu'on reste attentif, comme on l'est pour les tests, quand on fait des tests en entreprise, et ça c'est possible à ce que ce soit bien sur la base du volontariat dans le respect du secret médical. Ensuite le salarié est invité à informer son entreprise, évidemment, mais ce n'est pas une obligation et il n'y a pas de transmission, de violation du secret médical. 

SALHIA BRAKHLIA
Et si la vaccination se fait en entreprise, il n'y a pas de risque de fichage des salariés ? Parce que certains peuvent le craindre ça.

ELISABETH BORNE
Je l'entends et donc il faudra qu'on reste très vigilants pour qu'on garde les mêmes principes : le volontariat, le secret médical.

MARC FAUVELLE
Une autre question qui intéresse de nombreux commerces qui ont souffert de l'année écoulée et qui souffrent encore aujourd'hui, pourront-ils continuer à ouvrir tous les dimanches au mois de janvier ?

ELISABETH BORNE
Non, ce n'est pas la règle, donc vous savez qu'effectivement au moment où on a rouvert les commerces qui avaient été fermés pendant le confinement, moi j'ai adressé une instruction aux préfets pour leur demander d'instruire rapidement les dérogations au repos dominical, puisque c'est de ça dont il s'agit, pour les dimanches, le dernier dimanche de novembre…

MARC FAUVELLE
Du mois de décembre.

ELISABETH BORNE
… et les dimanches de décembre. Ensuite je leur avais demandé aux préfets d'engager immédiatement la concertation localement pour pouvoir respecter les procédures, normalement ces autorisations d'ouverture du dimanche ça suppose d'avoir une concertation avec les collectivités, avec les partenaires sociaux, c'est bien ce qu'on a fait, les préfets ont mené leur concertation et du coup on a des situations différentes en fonction des résultats des concertations. Dans certains cas, dans des départements les partenaires sociaux ont dit : « Non, on n'ouvrira pas les dimanches de janvier », dans la plupart des cas on ouvrira comme on le fait chaque année pour les dimanches de soldes, donc les deux derniers dimanches de janvier.

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas d'automaticité donc de l'ouverture.

ELISABETH BORNE
Il n'y a pas d'automaticité, moi je pense que…

MARC FAUVELLE
Mais il y a en revanche, au niveau d'une ville, soit tout le monde ouvre, soit personne n'ouvre ?

ELISABETH BORNE
Il peut y avoir des dimanches du maire, c'est d'abord des autorisations qui sont données par les maires, vous savez il y a 12 dimanches par an, donc ça c'est la procédure de droit commun. Dans un certain nombre de cas, notamment les maires qui avaient pris des délibérations avant le décalage des soldes, les préfets ont pu prendre des arrêtés quand les communes n'avaient pas pu redélibérer, pour permettre d'ouvrir les bons dimanches, mais il n'y a pas du tout d'automaticité, moi je suis attachée à ce que ça se fasse dans la concertation et ensuite qu'on respecte les procédures, c'est sur la base du volontariat pour le salarié et avec des compensations financières et des repos aussi pour compenser le travail du dimanche.

MARC FAUVELLE
On va parler dans un instant Elisabeth BORNE de la question du télétravail, puisque la règle est en train de changer, en tout cas va changer dans les jours qui viennent. D'abord le fil info à 08h40 avec Mélanie DELAUNAY.

/// Le Fil info ///

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Elisabeth BORNE, la ministre du Travail, alors pendant plusieurs mois, vous avez demandé aux entreprises, aux salariés de recourir massivement au télétravail, est-ce qu'aujourd'hui, en cette nouvelle année, vous dites la même chose, il faut privilégier le télétravail ou alors vous dites, c'est bon, vous pouvez revenir au bureau ?

ELISABETH BORNE
Non, je continue à dire qu'il faut privilégier le télétravail, il y a des protocoles sanitaires qui sont très stricts en entreprise qui évitent effectivement des contaminations, mais recourir au télétravail, ça permet de réduire les interactions sur les trajets domicile-travail en marge du travail, donc ça reste un élément important. Par contre, j'entends les salariés, ceux qui sont depuis 2 mois, depuis le début du mois de novembre, en télétravail 5 jours sur 5…

MARC FAUVELLE
Et qui pour certains n'en peuvent plus…

ELISABETH BORNE
Il y en a beaucoup qui n'en peuvent plus, et donc je pense qu'il faut entendre aussi ces problèmes psychologiques, on a plus de la moitié des salariés en télétravail 5 jours sur 5 qui souffrent d'isolement, donc on va permettre dans ces entreprises aux salariés qui en expriment le besoin de revenir un jour par semaine, ensuite, ça devra se discuter dans l'entreprise, dans le dialogue social, en proximité, pour décider de la façon dont ça se passe pour à la fois qu'on puisse retrouver l'équipe de travail, en même temps, ne pas être trop nombreux le même jour dans l'entreprise ; donc c'est le dialogue social qui permettra de préciser les conditions de ce retour un jour par semaine…

MARC FAUVELLE
Donc, tout salarié qui était ces dernières semaines entièrement à la maison 5 jours sur 5 peut lever la main, appeler son DHR, son employeur, son patron et lui dire : je souhaite revenir au moins une journée par semaine ça ne peut pas lui être refusé ?

ELISABETH BORNE
C'est bien ça l'idée effectivement que les salariés qui peuvent avoir une forme de détresse psychologique puisse revenir dans leur entreprise, et ensuite, dans le dialogue au sein de l'entreprise, on précise les modalités de ce retour un jour par semaine.

SALHIA BRAKHLIA
Et qu'est-ce qui se passe si l'employeur dit non ?

ELISABETH BORNE
Si l'entreprise a des bonnes raisons, voyez, par exemple, tout est fermé, il y a un salarié qui le demande, eh bien, ça peut s'entendre, je crois qu'il faut trouver ce bon équilibre entre recourir à fond au télétravail, parce que ça permet de limiter les interactions, et donc de ralentir, d'éviter la propagation du virus, entendre les difficultés psychologiques d'un certain nombre de salariés, ça doit se passer dans le dialogue au sein des entreprises.

SALHIA BRAKHLIA
Elisabeth BORNE, le gouvernement doit se réunir en séminaire la semaine prochaine, le 13 janvier, pour évoquer l'agenda des 6 prochains mois et les grandes priorités, les grandes réformes à mener, la réforme de l'assurance-chômage, ça reste une priorité, sachant qu'elle a été de multiple fois de repoussée, elle est prévue pour le mois d'avril, là, vous la maintenez, elle est toujours sur la table ?

ELISABETH BORNE
Je vous confirme que je pense que c'est prioritaire de mener à bien cette réforme de l'assurance-chômage, il faut rappeler l'objectif de cette réforme, c'est de lutter contre la précarité, notamment du fait d'un recours excessif à des contrats courts, on est un des pays dans lequel…

MARC FAUVELLE
Ça, c'est l'un des volets de la réforme…

ELISABETH BORNE
Oui, c'est un des aspects de la réforme, de dissuader les entreprises de multiplier les contrats courts, et quand on voit les difficultés des salariés qui avaient l'habitude d'enchaîner des contrats courts et des périodes de chômage, je pense que c'est vraiment important de lutter contre la précarité…

SALHIA BRAKHLIA
… Il y a cinq syndicats…

MARC FAUVELLE
L'autre volet de la réforme durcit les conditions du versement…

ELISABETH BORNE
L'autre volet de la réforme, c'est aussi plus d'équité, parce que, aujourd'hui, par exemple, quand vous êtes un salarié qui travaille 1 jour sur 2 à temps plein ou qui travaille tous les jours à mi-temps, vous n'avez pas du tout la même allocation chômage, donc il y a un sujet d'équité, donc ça fait partie des sujets qu'on doit aborder dans le cadre de cette réforme, évidemment…

SALHIA BRAKHLIA
Justement, il y a cinq syndicats qui réclament l'abandon pur et simple de cette réforme, est-ce qu'il y a des choses, il y a des points sur lesquels vous allez négocier et où vous allez reculer avant la mise en place de cette réforme ?

ELISABETH BORNE
On a des sujets sur la table, le bonus-malus pour dissuader le recours aux contrats courts, les modes de calculs de l'allocation chômage pour avoir plus d'équité…

SALHIA BRAKHLIA
Ça, c'est une autre partie…

ELISABETH BORNE
Ensuite…

MARC FAUVELLE
Il est sur la table lui aussi le mode de calculs ?

ELISABETH BORNE
Oui, le mode de calculs est sur la table…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que la version qu'on connaît de la réforme ne sera pas forcément celle qui entrera en vigueur ?

ELISABETH BORNE
Non, non, si on fait une concertation, ce n'est pas pour faire exactement ce qui était prévu avant, sinon, il n'y a pas besoin de concertation…

SALHIA BRAKHLIA
Donc le bonus-malus, ça pourrait être retiré de la réforme ?

ELISABETH BORNE
Non, je pense que ça fait vraiment partie de l'équilibre de la réforme de lutter…

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors sur quoi vous bougez ?

ELISABETH BORNE
On a besoin d'un équilibre dans cette réforme à la fois de lutter contre la précarité, c'est le rôle du bonus-malus, il y a d'autres dispositions, moi, je suis ouvert à toutes dispositions qui dissuadent le recours excessif aux contrats cours…

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors sur quoi vous êtes prête à bouger ?

ELISABETH BORNE
Le mode de calculs de l'allocation chômage, c'est évidemment un sujet important, il faut qu'on ait de l'équité, donc ça fait partie des échanges qu'on aura avec les partenaires sociaux, ensuite, il y a des questions sur les périodes d'ouverture des droits, donc tous ces sujets sont sur la table, et l'objectif, effectivement, je l'ai dit aux partenaires sociaux hier, c'est de reprendre les discussions dans la deuxième quinzaine de janvier.

MARC FAUVELLE
Il y a une autre réforme en ce moment qui est quelque part dans les cartons du gouvernement, on ne sait pas bien où, c'est la réforme des retraites, voici ce qu'en disait votre collègue Bruno LE MAIRE, il y a tout juste un mois, ici même.

BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
C'est au président de la République et à lui seul de décider le calendrier, mais vous voyez bien que les faits sont têtus, vous ne pouvez pas avoir un régime de retraite qui reste déficitaire pendant des décennies, jusqu'en 2045, sinon, c'est les retraites de nos enfants, pour reprendre l'expression de Jean-Luc MELENCHON, que vous menacez, et que vous mettez en péril.

MARC FAUVELLE
Elle est morte ou elle bouge encore la réforme des retraites ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'on a besoin d'une réforme des retraites dans notre pays pour avoir un système plus lisible, plus juste, vous savez, on parle beaucoup des travailleurs de la deuxième ligne depuis le début de la crise sanitaire, ce sont souvent ceux qui sont les plus pénalisés, ceux qui ont des carrières hachées, qui ont effectivement des périodes effectivement où ils ne peuvent pas travailler, qui sont les plus pénalisés par le système actuel. Donc je pense que notre pays a besoin d'une réforme des retraites…

SALHIA BRAKHLIA
Mais pour quand ?

ELISABETH BORNE
Ensuite, elle doit se faire dans le dialogue social, et donc, il faut aussi qu'on apprécie, si les conditions sont réunies, pour reprendre ces discussions…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas au nom de l'équité que Bruno LE MAIRE, quand on l'écoute, justifie la nécessité de cette réforme, c'est au nom de l'équilibre des comptes. Il dit qu'il faut faire une réforme pour économiser de l'argent, ce n'est pas du tout ce que vous dites, vous.

ELISABETH BORNE
Enfin, moi, je dis que le président de la République…

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'à terme, cette réforme doit faire faire des économies ou pas ?

ELISABETH BORNE
Je dis que le président de la République a porté dans sa campagne en 2017 une réforme des retraites pour plus de justice, et donc je pense que cette réforme, elle est pertinente, il faut voir dans quelles conditions on peut reprendre la discussion avec les partenaires sociaux…

SALHIA BRAKHLIA
Justement, mais alors, est-ce que vous êtes pour que cette discussion soit menée avant la fin du quinquennat…

ELISABETH BORNE
Je dis qu'il y a par ailleurs un sujet qu'on ne va pas mettre sous la table, qui est effectivement l'équilibre de notre système de retraite, c'est deux sujets qui sont disjoints, et il faudra voir dans quelles conditions on peut reprendre les discussions, moi, je suis très attachée au dialogue social, et vous voyez, je pense que dans le contexte qu'on connaît, mener des réformes dans le dialogue social, c'est quelque chose d'absolument essentiel.

MARC FAUVELLE
Je tente ma chance, cette réforme verra-t-elle le jour avant la fin du quinquennat ?

ELISABETH BORNE
Moi, je ne sais pas vous répondre, je pense que cette réforme, elle doit…

MARC FAUVELLE
Pour l'instant, on ne sait pas…

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas vous répondre, parce que je pense que cette réforme, elle doit se faire avec une concertation avec les partenaires sociaux, on va voir, pour l'instant, on a une situation sanitaire qui n'est pas celle qu'on s'était donné comme objectif sur le nombre de nouveaux cas par jour, par exemple, on doit prioritairement protéger les emplois, favoriser le redémarrage de notre économie…

SALHIA BRAKHLIA
Non, mais pour qu'on comprenne, le calendrier, une dernière question là-dessus, est-ce que comme Richard FERRAND, vous dites, le président de l'Assemblée nationale, c'est une excellente première réforme de deuxième quinquennat ?

ELISABETH BORNE
Je vous dis, on ne sait pas répondre, il y a quand même des incertitudes liées au contexte sanitaire, et donc économiques, donc on verra comment la situation sanitaire évoluera, la priorité, c'est de protéger les emplois, les entreprises, les salariés, les personnes les plus vulnérables dans la crise.

MARC FAUVELLE
Quand on parle de la protection, que dire aux jeunes qui aujourd'hui s'inquiètent d'une année noire sur l'emploi, est-ce que 2021 va être l'année des plans sociaux et du chômage de masse dans la jeunesse ?

ELISABETH BORNE
Moi, je leur dis qu'on est mobilisé comme jamais pour aider chaque jeune à accéder à l'emploi, c'est tout le sens du plan « 1 jeune 1 solution » qu'on a présenté dès le mois de juillet, ce plan, il a des premiers résultats, vous savez qu'on a plus d'un million de jeunes qui ont été recrutés en CDD de plus de 3 mois ou en CDI depuis le mois d'août, d'août à novembre, c'est-à-dire quasiment autant qu'en 2019, et plus qu'en 2018, on est en train de battre tous les records sur l'apprentissage, on avait mis en place une prime de 5.000 euros pour les mineurs, 8.000 euros pour les majeurs, pour encourager le recrutement d'apprentis, on est à 440.000 apprentis recrutés cette année, on bat tous les records, donc c'est une bonne nouvelle, puisque ça permet aux jeunes d'accéder à l'emploi. On a aussi 560.000 jeunes qui sont rentrés dans des parcours d'insertion ; on fera ou fera tout pour permettre à chaque jeune d'accéder à l'emploi, notamment, on a élargi les dispositifs, vous savez, on veut mettre en place une Garantie Jeunes Universelle, la Garantie Jeunes, c'est un système qui marche très bien, qui permet d'avoir un accompagnement vers l'emploi, et jusqu'à 500 euros par mois, près de 500 euros par mois, pour accompagner les jeunes, on va systématiser ce dispositif pour que chaque jeune qui est accompagné par une Mission locale, par Pôle emploi, par l'Association pour l'Emploi des Cadres, puisse avoir une rémunération. Mon objectif, c'est que, aucun jeune ne soit empêché d'entrer dans un parcours vers l'emploi parce qu'il aurait un problème de rémunération. Donc on est mobilisé plus que jamais, et on a un plan « 1 jeune 1 solution » qui porte ses fruits.

MARC FAUVELLE
Elisabeth BORNE, ministre du Travail, vous restez avec nous, il est 8h50, le « Fil info » avec Mélanie DELAUNAY.

/// Le fil info ///

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre la ministre du Travail, Elisabeth BORNE, alors vous disiez juste avant le « Fil info » que vous élargissez le dispositif Garantie Jeunes, pourtant, ce n'est pas la demande des associations, qui viennent en aide aux jeunes, elles, elles demandent le RSA jeunes, et vous, vous dites non.

ELISABETH BORNE
Moi, je dis que ce qu'on fait, c'est mieux qu'un RSA Jeunes, parce que, on dit chaque jeune a le droit à un accompagnement vers l'emploi, à une formation, et quand il rentre dans un accompagnement de ce type, alors, il a le droit à une rémunération jusqu'à 500 euros par mois, donc non seulement, on règle la situation immédiate, les difficultés immédiates du jeune, mais on permet de l'armer pour gagner son autonomie, rentrer dans l'emploi.

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce que vous n'aimez pas avec le RSA Jeunes, c'est le principe même ?

ELISABETH BORNE
Ce que je pense, c'est qu'il est…

MARC FAUVELLE
Pourquoi on ne fait pas…

SALHIA BRAKHLIA
C'est de l'assistanat, vous considérez que c'est de l'assistanat ?

MARC FAUVELLE
Pourquoi on ne fait pas aux 18-25 ce qu'on fait pour tous les autres ?

ELISABETH BORNE
Eh bien, ce que je dis, c'est que, plutôt que de dire : eh bien, vous avez droit à une allocation, et puis, peut-être qu'on va vous accompagner vers l'emploi, on dit : vous avez droit à un accompagnement vers l'emploi, à une formation vers un métier qui recrute, la transition écologique, le digital, le soin, et si vous en avez besoin, alors, vous avez droit à une allocation.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous savez combien de salariés aujourd'hui encore en France ont recours au chômage partiel ?

ELISABETH BORNE
On a, au mois de novembre, on avait 2,9 millions de salariés qui ont eu recours au chômage partiel, je pense que ça baissera sur décembre avec la réouverture des commerces de proximité, mais donc, je pense que le dispositif de chômage partiel, eh bien, il montre qu'il joue bien son rôle de protéger les emplois, vous savez, au plus fort de la crise, il y a eu près de 9 millions de salariés qui ont été protégés, maintenant, moi, j'invite toutes les entreprises à signer des accords pour les dispositifs d'activité partielle de longue durée, c'est pendant 2 ans, on peut protéger les emplois en partageant l'activité qui peut baisser jusqu'à 40 %, mais dans ce cas-là, l'Etat prend en charge la rémunération des salariés pendant la période où ils ne travaillent pas, et surtout, on forme les salariés pour que les entreprises soient plus fortes, on a près de 8.000 accorde ce type qui ont été signés, qui protègent. 400 000 emplois.

MARC FAUVELLE
Vous confirmez que pour les bars et restaurants, la date qui avait été envisagée dans un premier temps, date de réouverture, le 20 janvier, c'est-à-dire dans environ 2 semaines, n'est absolument plus d'actualité ?

ELISABETH BORNE
Le Premier ministre aura l'occasion de faire le point jeudi prochain sur les réouvertures attendues dans le domaine de la culture, des salles de sport, des restaurants, il faut qu'on tienne compte de la situation sanitaire, je le disais, on n'est pas au niveau qui était attendu à 5.000 cas par jour, et donc on ajustera forcément le calendrier en tenant compte de la situation sanitaire, on maintient un accompagnement massif pour les secteurs qui sont fermés, une activité partielle avec aucun reste à charge pour l'entreprise…

MARC FAUVELLE
Au même niveau qu'aujourd'hui…

ELISABETH BORNE
Au même niveau qu'aujourd'hui tant que dureront les restrictions sanitaires, et évidemment tous les dispositifs économiques, le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'Etat, tous ces dispositifs sont maintenus tant que durent les restrictions sanitaires.

SALHIA BRAKHLIA
Le patron de la CGT, Philippe MARTINEZ, annonce d'ores et déjà des journées de mobilisation dans les secteurs de l'Education et de l'énergie, donc en janvier, car il vous accuse, je cite, de distribuer beaucoup d'argent aux entreprises, mais rien aux salariés, qu'est-ce que vous lui répondez ?

ELISABETH BORNE
Qu'on est très attentif à la situation des salariés, vous savez quand je dis qu'on a mis en place l'activité partielle, c'est 30 milliards d'euros, l'Etat s'est substitué aux entreprises qui ne pouvaient pas payer les salaires, parce que les activités étaient fermées ou très ralenties, 30 milliards d'euros d'activité partielle en 2020, sans doute plus de 10 milliards en 2021 ; on est attentif à la situation des jeunes, 7 milliards d'euros, le Plan Jeunes, moi, je suis aussi très attentive à la situation des travailleurs précaires qui habituellement enchaînaient des contrats courts et qui n'ont pas pu travailler pendant la période, on a mis en place une aide exceptionnelle pour leur garantir 900 euros de rémunération, c'est 450.000 travailleurs précaires qui vont en bénéficier…

SALHIA BRAKHLIA
Mais lui vous reproche par exemple de ne pas avoir fait de véritable coup de pouce au SMIC par exemple, il a augmenté de 0,99 %…

MARC FAUVELLE
Il s'en amuse même, Philippe MARTINEZ…

SALHIA BRAKHLIA
Il s'en amuse, oui…

MARC FAUVELLE
Il dit : il y a des technocrates qui auraient pu arrondir ça à 1 % plutôt que de le laisser symboliquement à ce 0,99, qui représente une dizaine d'euros…

ELISABETH BORNE
Vous savez, j'ai entendu ses critiques, on a été très attentif depuis le début du quinquennat à la rémunération des salariés au SMIC, entre la suppression d'un certain nombre de charges sociales, l'augmentation de la prime d'activité, pour les salariés au SMIC, c'est l'équivalent d'un 13ème, voire d'un 14ème mois, qui a été mis en place…

SALHIA BRAKHLIA
Mais ce n'est pas pris en compte pour la retraite…

ELISABETH BORNE
J'entends, mais voyez, je pense que, vraiment, aujourd'hui, les difficultés des salariés, c'est moins le taux horaire du SMIC que la capacité qu'on a à travailler à temps plein quand on le souhaite, et d'éviter la précarité des contrats courts.

MARC FAUVELLE
Vous redoutez une colère sociale aujourd'hui en France ?

ELISABETH BORNE
Moi, j'entends que les salariés, que les Français peuvent avoir de la lassitude, de l'inquiétude, moi, je veux dire que, vraiment, on est aux côtés des Français avec des dispositifs pour protéger le pouvoir d'achat, pour accompagner les plus vulnérables, les jeunes, avec la Garantie Jeunes Universelle, les travailleurs précaires, avec l'aide de 900 euros, l'activité partielle qui durera aussi longtemps que nécessaire pour protéger les emplois. Donc on est un des pays, sans doute le pays au monde qui a le plus protégé le pouvoir d'achat.

MARC FAUVELLE
Merci à vous, Elisabeth BORNE, ministre du Travail, invitée ce matin de France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 janvier 2021