Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le plan gouvernemental en faveur de la jeunesse.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à l'habituelle séquence de questions-réponses.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Permettez-moi d'abord de vous adresser tous mes voeux pour cette nouvelle année, que nous espérons tous plus apaisée. Je souhaite qu'en 2021, la relance économique advienne au bénéfice de toutes et tous, en particulier des jeunes. Tel est l'objectif qui doit nous rassembler cet après-midi. Je remercie le groupe La République en marche d'avoir organisé ce débat sur le plan gouvernemental en faveur de la jeunesse, et je vous prie d'excuser l'absence de Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, qui devait m'accompagner pour répondre à vos questions, mais qui a dû s'isoler, en tant que cas contact.
Ces derniers mois, l'Assemblée nationale s'est saisie de la question de la prévention des effets de la crise sur les enfants et la jeunesse, à travers une mission d'enquête dédiée, présidée par Sandrine Mörch et rapportée par Marie-George Buffet. Il s'agit naturellement d'une préoccupation majeure, qui dépasse les clivages politiques. Le Président de la République l'a rappelé dans ses voeux à la nation : nous devons tout faire pour assurer un avenir à notre jeunesse, malgré la crise. Pour elle, en faisant preuve de pragmatisme, nous avons lancé dès juillet le plan « 1 jeune 1 solution ». Nous devrions tous reconnaître, sans arrière-pensée politique, qu'il s'agit d'un plan massif, qui triple les moyens traditionnellement consacrés à la jeunesse. Il repose sur un éventail de solutions, destinées à accompagner chaque jeune, quels que soient son niveau de formation, ses aspirations ou les difficultés qu'il a rencontrées dans son parcours. Monsieur Stéphane Viry, je revendique la multiplicité des propositions : nos jeunes connaissent des situations diverses et je ne crois pas qu'il existe une solution miracle, capable de résoudre les problèmes de chacun. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Évidemment, tout le Gouvernement est mobilisé pour la réussite de ce plan. Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, se préoccupe chaque jour de la situation des 2,5 millions d'étudiants. Néanmoins, je le dis à Mme Martine Wonner et à M. François Ruffin, 3,5 millions de jeunes ne sont pas étudiants, et j'estime qu'il est utile de se soucier d'eux, ce qui n'a pas l'air d'être votre cas.
M. Maxime Minot. Du calme !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Notre stratégie est en train de porter ses fruits. Des primes exceptionnelles sont versées aux entreprises qui signent des contrats d'embauche et d'alternance.
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas nouveau !
M. Jean-Louis Bricout. Il y a du retard !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous pourrons y revenir, monsieur le député.
Au regard de leur grande utilité dans la période, nous venons d'annoncer qu'elles seront prolongées jusqu'à fin mars. Je pense que cette information mérite d'être partagée avec vous tous : depuis août, plus de 1 million de jeunes de plus de 26 ans ont été embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI, soit un niveau presque équivalent à celui de 2019, et supérieur à celui de 2018.
En 2020, 615 000 jeunes ont rejoint des dispositifs d'insertion tels que la garantie jeunes – on peut dire que rien ne marche, monsieur Wulfranc, mais nous avons tenu notre objectif de 100 000 garanties jeunes en 2020 –, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie – PACEA – ou l'accompagnement intensif des jeunes. Tous les objectifs ont été tenus, notamment en matière de contrats aidés et de parcours emploi compétences. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
De l'avis de tous les acteurs de la formation, l'année 2020 a été historique pour les entrées en apprentissage : au début du mois de décembre, 440 000 contrats avaient été signés, et ce, malgré la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Mes chers collègues, seule Mme la ministre a la parole. Les orateurs des différents groupes n'ont pas été interrompus. Je me surprends moi-même à défendre le Gouvernement, mais telles sont les règles qui nous permettent de travailler utilement dans cette assemblée. Je vous surveille, mes chers collègues. Cela vaut notamment pour MM. Cordier, Minot et Saulignac. (« Voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela peut vous déranger, mesdames et messieurs les députés, mais ce plan a des résultats. Nous avons tenu nos engagements, et je m'en réjouis !
Ces aides sont complétées par l'ouverture, en 2021, de 100 000 formations supplémentaires vers des métiers qui recrutent, notamment ceux de la transition écologique, ceux du numérique – nous formons nos jeunes aux compétences nécessaires en la matière, madame Wonner – ou encore ceux du soin.
Nous avons ajouté 700 millions d'euros supplémentaires à l'engagement sans précédent consenti par l'État depuis le début du quinquennat en faveur de la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences – je me suis d'ailleurs rendue dans le Doubs vendredi dernier pour inscrire cet engagement supplémentaire dans le pacte régional d'investissement dans les compétences de Bourgogne-Franche-Comté. Nous passerons ainsi de 350 000 à 400 000 entrées en formation de jeunes de moins de 30 ans par an en moyenne, en 2021 et 2022.
Pour lutter contre la précarité étudiante, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures : pour les étudiants boursiers, les repas à 1 euro, offerts actuellement sous forme de vente à emporter ; pour les étudiants fragilisés, une aide exceptionnelle de 200 euros pendant le premier confinement, renouvelée à hauteur de 150 euros lors du deuxième confinement ; le recrutement, dans les universités, de 20 000 étudiants tuteurs, dont la mission consistera à accompagner leurs pairs lors du second semestre et à soutenir les étudiants décrocheurs ; enfin, la création de 1 600 emplois étudiants dans les CROUS, afin de proposer des référents aux 174 000 étudiants hébergés en cité universitaire.
L'objectif du Gouvernement est bien d'accompagner l'ensemble des étudiants dans cette période compliquée, compte tenu du risque accru de décrochage, de difficultés financières, mais aussi de fragilité psychologique. Je peux vous assurer que Mme Frédérique Vidal et son ministère sont pleinement mobilisés pour répondre à l'urgence. Comme il vous l'a indiqué, le Premier ministre recevra en fin de semaine les représentants de la communauté universitaire pour faire le point sur les mesures prises et sur les compléments qui pourraient y être apportés.
Monsieur Ruffin, puisque vous avez l'air de disposer d'une solution magique, n'hésitez pas à la mettre sur la table et à en faire part à tous les gouvernements européens !
M. François Ruffin. Mettre en accord le régime des écoles, des lycées et des universités !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il ne vous aura pas échappé que, chez nos voisins, ce sont non seulement les universités mais également les écoles qui sont fermées.
Les entreprises sont elles aussi mobilisées dans le cadre du plan «1 jeune 1 solution ». C'est tout l'objet du site 1jeune1solution.gouv.fr, qui met en relation les jeunes et les entreprises. Ce site rencontre un grand succès,…
M. François Ruffin. Que de succès ! Que de réjouissances ! Que de bonheur dans ce pays !
Mme Élisabeth Borne, ministre. …puisqu'il a réuni 150 000 visiteurs uniques et que 1,2 million de recherches d'emploi y ont été effectuées depuis son lancement à la fin du mois de novembre.
M. François Ruffin. Tout va bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Plus de 1 000 employeurs sont aujourd'hui formellement engagés sous la bannière « Les entreprises s'engagent ! », chiffre qui pourrait tripler dans les prochaines semaines. Je vous donne rendez-vous à la fin du mois pour saluer la cent-millième offre d'emploi publiée sur cette plateforme.
En effet, le plan «1 jeune 1 solution » prévoit non seulement des aides, mais aussi des services dédiés pour les jeunes comme pour les entreprises. Les jeunes inscrits sur le site peuvent être rappelés par la mission locale la plus proche de chez eux. Les entreprises qui rejoignent le mouvement bénéficient d'une mise en valeur de leurs offres et d'un système de rappel sous soixante-douze heures. L'agence Pôle emploi de leur secteur les accompagne pour qu'elles s'approprient les aides et construit avec elles des parcours de formation qui répondent à leurs besoins. En votre qualité de parlementaires, vous avez un rôle clé à jouer dans vos circonscriptions pour relayer les différentes solutions que nous déployons et qui sont mises à disposition sur la plateforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Pour faire face à toutes les situations, le Président de la République a demandé en novembre au Gouvernement de renforcer les moyens d'action dédiés au plan «1 jeune 1 solution ». Je le répète, celui-ci comporte un dispositif qui fonctionne bien, celui de la garantie jeunes. Il s'agit d'un accompagnement vers l'emploi proposé par les missions locales, couplé à une rémunération de près de 500 euros par mois.
L'efficacité du dispositif nous a conduits à en doubler le nombre de bénéficiaires, en passant à 200 000 garanties en 2021 (Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit), et à généraliser le principe d'une rémunération à tous les dispositifs d'accompagnement vers l'emploi qui n'en proposaient pas jusqu'à présent. Tous les jeunes suivis par Pôle emploi, l'Association pour l'emploi des cadres – APEC – ou les missions locales pourront bénéficier d'une rémunération allant jusqu'à 500 euros par mois si nécessaire, en plus de l'accompagnement pour trouver un emploi. Ce n'est pas anecdotique : en 2021, près d'un million de jeunes suivront un parcours ou disposeront d'un accompagnement donnant droit à une rémunération.
Nous avons par ailleurs relevé à 500 euros par mois la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, et étendu son bénéfice à l'ensemble des parcours vers l'apprentissage ou la formation. En 2021, plus de 400 000 jeunes pourront bénéficier de cette revalorisation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Les jeunes diplômés anciens boursiers en recherche d'emploi inscrits à Pôle emploi recevront également une aide financière exceptionnelle pendant quatre mois. Cette aide pourra, elle aussi, atteindre 500 euros par mois, en intégrant une bonification de 100 euros pour les jeunes qui vivent en logement autonome.
Il s'agit là d'une première étape vers une garantie jeunes universelle, qui sera bien mieux qu'un RSA jeunes, puisque nous nous assurerons qu'aucun jeune ne renonce à un parcours vers l'emploi du fait de difficultés financières et donnerons aux jeunes les moyens de s'en sortir…
M. Hervé Saulignac. Pas tous !
Mme Élisabeth Borne, ministre. …non seulement dans l'immédiat, mais aussi dans la durée, en leur permettant de se former, d'accéder à l'emploi et, partant, de devenir autonomes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La réussite de ce plan reposera sur la mobilisation de tout le service public de l'emploi : Pôle emploi, les missions locales et les acteurs de l'insertion. Il ne s'agit donc pas d'un plan désincarné, monsieur Viry, et je tiens à saluer l'action des dizaines de milliers de salariés des missions locales et des agences de Pôle emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Nous allons déployer cette stratégie notamment avec l'Union nationale des missions locales, dont j'ai rencontré la semaine dernière le nouveau président, M. Stéphane Valli. Les crédits supplémentaires que vous avez votés pour les missions locales permettront à celles-ci de concrétiser cette ambition.
Néanmoins, nous voulons aller plus loin que les mesures d'urgence et continuer, ensemble, à transformer durablement l'accompagnement des jeunes. Le moment est venu de travailler à la construction d'une réponse forte et pérenne à la question de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Sarah El Haïry et moi avons reçu le rapport d'Antoine Dulin, président de la commission de l'insertion des jeunes du Conseil d'orientation des politiques de la jeunesse. Une instance sera chargée, en s'appuyant sur les conclusions de ce rapport, de proposer une nouvelle logique d'accompagnement des jeunes dans la durée. Nous devons bâtir des parcours qui allient accompagnement vers l'emploi et soutien financier accessible à tous les jeunes qui en éprouvent le besoin. L'ambition de cette majorité est de permettre à chacun de maîtriser son destin tout au long de sa vie.
Mesdames et messieurs les députés, j'espère vous avoir démontré une chose : au coeur du plan « 1 jeune 1 solution », c'est l'avenir d'une génération affectée par la crise sanitaire qui se joue. En outre, plusieurs transformations sont à l'oeuvre, que l'on doit parvenir à pérenniser : la révolution de l'apprentissage, qui prend son envol ; au-delà des aides, de nouveaux services proposés aux entreprises et une nouvelle manière d'impliquer celles-ci dans les politiques publiques ; une meilleure coordination des acteurs du service public de l'emploi et de ceux de l'insertion, afin de répondre à chaque jeune ; enfin, la perspective d'une nouvelle logique d'accompagnement des jeunes.
L'avenir de nos enfants ne doit plus être déterminé à 16 ou à 18 ans ; tel est l'objectif des moyens déployés. Nous voulons faire de notre pays un exemple en matière d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. En effet, répondre à l'urgence de la crise n'empêche pas de rester fidèle à l'ambition réformatrice du Président de la République et du Gouvernement. Le premier devoir de la République est de donner des perspectives à la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et celle des réponses est limitée à deux minutes, et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont. Les différents orateurs l'ont rappelé à juste titre et vous l'avez souligné, madame la ministre, les jeunes sont particulièrement touchés par la crise sanitaire. Ne disposant que de deux minutes, je ne pourrai pas aborder la problématique dans son ensemble. La question des ressources des jeunes et celle de l'isolement extrême d'une partie d'entre eux, en particulier des étudiants, ont déjà été abordées. Je me concentrerai sur un seul aspect.
Mes chers collègues, la tâche est difficile et appelle une grande humilité. Nous devons toucher tous les jeunes. À cet égard, je note la pluralité des solutions et des parcours proposés ; le plan « 1 jeune 1 solution » vise à répondre aux diverses situations. En disant cela, je souligne la volonté du Gouvernement d'étudier précisément la diversité des attentes et des besoins, afin de permettre à chacun, nous l'espérons, de trouver un chemin vers la vie professionnelle.
Néanmoins, pour que chacun trouve une voie et un parcours, encore faut-il qu'on lui en donne les moyens et les clés. Pour cela, nous devons nous assurer que chaque jeune de France, qu'il fasse des études ou non, qu'il vive en milieu rural, en zone urbaine ou en zone périurbaine, qu'il sache précisément ce qu'il souhaite faire plus tard ou, au contraire, qu'il se trouve dans le flou le plus total, puisse connaître les diverses portes qui peuvent s'ouvrir.
À cette fin, madame la ministre, le Gouvernement doit redoubler d'efforts et s'assurer que chaque jeune a effectivement connaissance des possibilités offertes. Nous devons, me semble-t-il, mobiliser tous les réseaux possibles. Vous l'avez rappelé, les réseaux d'insertion classiques, à savoir les missions locales et les agences de Pôle emploi, ont toute leur place dans le dispositif : elles maillent notre territoire et ont vocation à présenter les offres au plus près des besoins.
Mais comment s'assurer que les jeunes poussent la porte de ces structures ? Je crois que nous devons mobiliser aussi les réseaux moins habituels : les associations, les clubs de sport, notamment de football et de basket, les élus locaux et, bien sûr, les entreprises. Il doit y avoir une véritable mobilisation de l'ensemble de la société pour sa jeunesse. Je crois que nous devons innover également en matière communication. Je n'ai qu'une question, madame la ministre : quelle stratégie de communication comptez-vous déployer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le plan « 1 jeune, 1 solution » apporte plus de deux millions de réponses aux jeunes, au travers des contrats d'insertion et des dispositifs d'accompagnement dans les formations. Les réponses sont diversifiées, car les situations que connaissent les jeunes sont variées. Le défi est que chaque jeune ait connaissance des solutions qui peuvent lui être proposées.
L'autre défi, vous l'avez dit, est d'aller chercher les jeunes qui n'ont pas l'habitude de pousser la porte de leur mission locale ou de l'agence Pôle emploi. Pour le relever, nous devons mobiliser tous les acteurs dans les territoires, au premier rang desquels les élus locaux et les parlementaires, appelés à relayer toutes ces solutions.
Nous devons évidemment mobiliser les acteurs du service public de l'emploi – les missions locales, Pôle emploi et les acteurs de l'insertion –, ainsi que tous les réseaux associatifs qui sont en relation avec les jeunes. J'ai rencontré hier deux associations qui oeuvrent beaucoup aux côtés des jeunes, Sport dans la ville et Pass'Sport pour l'emploi. Il faut nous appuyer aussi sur ces associations, qui savent aller chercher les jeunes les plus en difficulté. Dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, nous allons lancer deux nouveaux appels à projets, « repérage des invisibles » et « 100 % inclusion », ce dernier étant centré sur les quartiers relevant de la politique de la ville.
Nous devons mobiliser également les associations d'élus locaux et les réseaux d'entreprise. La plateforme « 1 jeune 1 solution » présente toutes les solutions aux jeunes et permet à ceux qui ne connaissent pas encore leur mission locale d'entrer en contact avec elle. Nous allons, en outre, déployer une stratégie de communication sur les réseaux sociaux, pour chercher les jeunes là où ils se trouvent. Nous allons procéder à des envois ciblés de SMS, à tous les jeunes, et créer un numéro vert.
Je le répète, chacun d'entre nous peut apporter sa pierre dans cette mobilisation générale en faveur de la jeunesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Calvez.
Mme Céline Calvez. Ces derniers mois, une rengaine s'est installée : une génération de jeunes serait sacrifiée. Non ! La jeunesse a consenti de nombreux sacrifices, mais elle n'est nullement sacrifiée. Elle est inquiète, et nous devons répondre à ses inquiétudes. Nous devons être aux côtés des jeunes, leur dire que nous savons que les difficultés financières et psychologiques ont été exacerbées par la crise, et que nous en tirons tous les enseignements, afin d'offrir des perspectives à chacune et à chacun. C'est bien dans cet objectif, je tiens à le redire, que le Gouvernement et la majorité se mobilisent depuis 2017.
Face à la crise de la covid-19, nous redoublons d'efforts. Mes collègues l'ont rappelé, le plan « 1 jeune 1 solution », annoncé en juillet dernier, traduit cet engagement. Il est doté de 6,5 milliards d'euros, ce qui constitue un effort budgétaire inédit en faveur de la jeunesse.
Les différents dispositifs de ce plan ont été rappelés. Nous pourrions évoquer, entre autres, le contrat d'insertion, la compensation des charges pour tout jeune recruté, les primes pour le recrutement d'un apprenti et l'augmentation du nombre de services civiques.
Mais faire de la jeunesse une priorité, ce n'est pas seulement se concentrer sur sa formation ou son insertion professionnelle, c'est aussi instaurer les vacances apprenantes ou les quartiers d'été, créer 20 000 postes de tuteurs étudiants pour accompagner les autres étudiants, verser une aide exceptionnelle, ou encore proposer des repas à 1 euro dans les restaurants universitaires.
Pour que toutes ces solutions voient le jour, il a fallu que le Gouvernement et la majorité se soient mobilisés et qu'un important travail interministériel ait été conduit avec les acteurs locaux, économiques, associatifs et universitaires.
C'est justement sur ce travail que je souhaiterais vous interroger, madame la ministre : quels freins avez-vous identifiés ? Quelles frontières ont pu être dépassées ? Des obstacles nous empêchaient, il y a encore quelques mois, d'exploiter toutes les opportunités de notre pays au profit de la jeunesse. Au fond, qu'avons-nous appris à mieux faire pour les jeunes à l'occasion de cette crise ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. J'estime que notre jeunesse doit effectivement être notre priorité, car elle est l'avenir de notre pays. Savoir l'accompagner dans son entrée dans la vie professionnelle et dans ses difficultés est la condition nécessaire à la cohésion de notre pays, aussi bien aujourd'hui que demain.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons déployé, dès le mois de juillet, un plan d'une ampleur et d'une diversité exceptionnelles, le plan « 1 jeune 1 solution ». Avec les compléments que nous avons apportés, ce sont maintenant plus de 7 milliards d'euros qui sont mobilisés. Ce plan ne propose pas seulement un accompagnement dans l'emploi : ainsi, de nombreux dispositifs reposent sur une logique d'accompagnement global, de manière à prendre en compte l'ensemble des difficultés que les jeunes peuvent rencontrer.
De plus, il me semblerait judicieux que les trente départements qui expérimenteront dès cette année le service public de l'insertion et de l'emploi contribuent au rapprochement des acteurs de l'insertion et des acteurs de l'emploi, afin de mieux accompagner les jeunes.
Autre dimension importante, le plan « 1 jeune 1 solution » renforcera notre capacité à intégrer la volonté, le souhait et l'aspiration des jeunes à s'engager pour des causes d'intérêt général. C'est tout l'objet de la création de places supplémentaires de service civique.
Nous allons également poursuivre la montée en puissance du SNU – service national universel –, avec 25 000 engagés supplémentaires au cours de l'année 2021.
Je souhaite aussi évoquer toutes les aides qui bénéficieront aux étudiants, dont personne n'ignore les difficultés qu'ils peuvent rencontrer actuellement. Les solutions qui leur sont destinées pourront être renforcées à l'issue de la rencontre que le Premier ministre et Frédérique Vidal auront en fin de semaine avec les représentants de la communauté universitaire.
Vous l'avez dit, il faut être aux côtés des jeunes dans les temps difficiles que nous connaissons, mais aussi pendant les périodes de vacances. À cet égard, 950 000 enfants ont bénéficié d'un accompagnement dans le cadre du dispositif des vacances apprenantes. La communauté éducative et le monde associatif sont aussi pleinement mobilisés pour accompagner les jeunes se trouvant en situation de décrochage.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous devons décréter la mobilisation générale en faveur de notre jeunesse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Maxime Minot.
M. Maxime Minot. Une génération sacrifiée, c'est ce qu'il nous faut éviter à tout prix à cette jeunesse qui, éprise de liberté, ne peut vivre pleinement le temps de l'insouciance. Or, depuis un an, la covid-19 et la crise sanitaire ont bouleversé la vie des étudiants, plongeant certains d'entre eux dans une grande détresse psychologique et matérielle.
Préoccupés par certaines situations, plusieurs professeurs de la Sorbonne ont même saisi le Conseil d'État pour demander une réouverture anticipée des universités et éviter les désastres psychologiques.
Démoralisés, les étudiants sont de plus en plus nombreux à décrocher et à abandonner. Dans certaines facs, le taux de connexion aux cours à distance est passé de 70 à 30 %. Plus la reprise tardera et plus les dégâts risquent d'être importants, craignent aussi les présidents d'université, qui tablent, pour la plupart, sur une reprise de l'ensemble des cours en présentiel le 1er février, si la situation sanitaire le permet.
Alors que, dans de nombreuses facs, cette semaine est consacrée aux examens de fin de semestre, organisés en présentiel ou à distance, la colère prend le pas sur l'inquiétude à certains endroits. Anxieux pour leur santé, isolés dans des logements exigus ou obligés de retourner chez leurs parents, livrés à eux-mêmes en raison des contraintes sanitaires, déprimés, certains jeunes sont, en outre, confrontés à des difficultés financières. Privés de leurs jobs avec la crise économique, les étudiants ont grossi les rangs des bénéficiaires des associations d'aide aux plus démunis. Avec un taux de chômage qui a augmenté de 16 % pour les personnes âgées de 18 à 24 ans en 2020, la précarité progresse.
Des mesures ont été prises, mais sont-elles suffisantes ? Certaines vont dans le bon sens, d'autres apparaissent sous-dimensionnées ou complexes. Il y a en tout cas urgence à proposer un véritable soutien psychologique.
Mais au-delà de cette crise et des réponses ponctuelles, il apparaît nécessaire d'élaborer un véritable plan pour la jeunesse, autour de valeurs comme le mérite, les droits et les devoirs, tout en privilégiant la formation, la mobilité et l'adaptabilité.
Madame la ministre, j'aimerais avoir votre avis en la matière et j'espère que votre irritation ne traduit pas votre malaise face aux résultats très mitigés de votre plan. (M. Frédéric Reiss applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je peux être irritée par les critiques systématiques, mais je vous assure, monsieur le député, que je ne le suis pas par les résultats du plan. (Mme Anne-Laure Cattelot applaudit.) Je le répète : qui aurait pu prédire que plus d'un million de jeunes auraient été recrutés en CDD de plus de trois mois ou en CDI entre le mois d'août et la fin novembre, soit autant qu'en 2019 et plus qu'en 2018 ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.) Qui aurait pu annoncer ces résultats au mois de juillet ?
De même, qui, au mois de juillet, aurait pu dire que 440 000 contrats d'apprentissage – et sans doute davantage – auraient été signés, soit un chiffre supérieur au record historique de 353 000 contrats passés en 2019 ?
Je constate donc que les résultats sont là, même si je ne suis pas en train de dire que nous avons réglé tous les problèmes de la jeunesse.
En 2020, plus de 600 000 jeunes sont entrés dans un parcours d'insertion, 450 000 contrats d'apprentissage ont été signés, 1 million de jeunes ont été recrutés en CDD de plus de trois mois ou en CDI : cela peut constituer un soulagement pour nous tous de savoir que ces jeunes ont obtenu une réponse dans une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent.
Je souhaiterais également vous apporter une précision relative au taux de chômage : au troisième trimestre de 2020, il était effectivement en hausse de 16 % par rapport à 2019, mais, voyez-vous, nous avons agi entre-temps. Si le taux de chômage des jeunes en catégorie A a augmenté de 18 % en juillet, la hausse a été ramenée à 11 % en août, à 9 % en septembre et à 6 % en octobre. Malheureusement, en raison du confinement du mois de novembre, la croissance du taux de chômage des jeunes est repartie à la hausse. Tous ces éléments démontrent que le plan, qui n'est pas celui du Gouvernement mais celui de toute la nation – il me semble que les entreprises et les collectivités l'ont bien compris –, porte ses fruits dès à présent. (M. Éric Alauzet et Mme Anne-Laure Cattelot applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss. Cela a été dit et redit, les jeunes se voient comme une génération sacrifiée par la crise actuelle. Lors de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, nous avons relevé que des médias ont dépeint l'image d'une jeunesse insouciante et irresponsable, alors qu'elle avait souvent respecté spontanément le confinement. Certains ont culpabilisé les jeunes, les accusant même de la reprise de l'épidémie.
Une chose est sûre, l'année scolaire et universitaire est grandement perturbée par la pandémie, et ce n'est pas fini. Le ministre Jean-Michel Blanquer accorde à juste titre une importance majeure au bon fonctionnement de l'école, et le Premier ministre a reconnu cet après-midi que la jeunesse avait payé un lourd tribut à la crise.
Aussi ma question porte-t-elle sur la rentrée de 2021, qui doit se préparer maintenant. Alors que l'actualité est à la stratégie de vaccination, certains émettent l'idée, qui n'est pas saugrenue, de vacciner en priorité les enseignants et les jeunes, le vaccin de Moderna apparaissant d'ailleurs comme le mieux indiqué.
N'attendons pas l'avis de cet absurde comité de citoyens tirés au sort pour agir !
M. Maxime Minot. Très bien !
M. Frédéric Reiss. Les enseignants – surtout les plus fragiles –, les élèves et les étudiants auront-ils la possibilité de se faire vacciner pour éviter que la prochaine année scolaire ou universitaire ne soit un nouveau désastre ? Les jeunes méritent de pouvoir étudier sereinement, en retrouvant une vie sociale et affective normale.
Par ailleurs, les échanges internationaux de jeunes ont été brutalement interrompus par la crise. Des projets innovants, avec des rencontres numériques, ont vu le jour. En tant que membre du conseil d'administration de l'OFAJ – Office franco-allemand pour la jeunesse –, je tiens à rappeler l'importance des expériences de mobilité interculturelle. Je souhaiterais savoir comment le Gouvernement envisage de relever les défis dans ce domaine et quel soutien il apportera au programme de développement des échanges franco-allemands, conformément au traité d'Aix-la-Chapelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vais essayer de vous répondre sur des sujets qui concernent davantage mes collègues Olivier Véran, Frédérique Vidal et Sarah El Haïry.
S'agissant de la stratégie vaccinale, je crois utile de rappeler que les vaccins dont nous disposons aujourd'hui permettent de protéger les personnes vulnérables des formes graves de la maladie, mais pas d'éviter la propagation et la transmission du virus – du moins nous ne pouvons le garantir. C'est pour cette raison que la stratégie du Gouvernement, qu'il n'a pas inventée seul mais en s'appuyant sur les avis de la Haute Autorité de santé, vise à vacciner d'abord les plus vulnérables, ceux qui, quand ils sont atteints du covid-19, risquent de se retrouver dans un service de réanimation, de mettre leur vie en danger et, par ailleurs, de mettre sous pression notre système de santé et nos personnels soignants, auxquels je souhaite à nouveau rendre hommage.
La stratégie est donc bien la suivante : aller au plus vite vers la vaccination des 15 millions de personnes vulnérables en France et non vacciner les jeunes, qui ne développent que très rarement des formes graves de la maladie. Cela n'empêche pas le Gouvernement, qu'il s'agisse de Jean-Michel Blanquer ou de Frédérique Vidal, de préparer activement la rentrée de 2021, tout comme je prépare la rentrée des centres de formation d'apprentis et de formation professionnelle.
Pour répondre à votre deuxième question, les mobilités internationales ont été percutées de plein fouet par la crise sanitaire. C'est le cas des échanges franco-allemands, qui ont diminué de 58 % en 2020 par rapport à 2019. Évidemment, les jeunes ont hâte de recouvrer la vie sociale qui leur fait actuellement défaut et je suis sûre qu'ils auront à coeur de reprendre ces expériences internationales, dès qu'ils le pourront.
Pour eux, nous devons être prêts. C'est pourquoi le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a demandé aux offices qui accompagnent les jeunes dans leur mobilité internationale de poursuivre leurs activités au maximum – à ce stade, en distanciel – pour que les jeunes porteurs de projets soient dans les starting-blocks et puissent, dès que les conditions sanitaires le permettront, reprendre leur mobilité internationale.
M. le président. La parole est à M. David Corceiro.
M. David Corceiro. On reconnaît un pays en crise à la façon dont le chômage sévit au sein de sa jeunesse. En temps de crise, les jeunes sont trop souvent les premières victimes des tensions économiques et sociales. Vous en avez pris la mesure, madame la ministre, puisqu'à la fin du mois de novembre, vous avez lancé, avec Sarah El Haïry, une plateforme dédiée à l'accompagnement des jeunes vers l'emploi, qui s'inscrit dans la continuité du plan « 1 jeune 1 solution »
Ce plan, doté d'une enveloppe de plus de 6 milliards d'euros, ne peut emporter que mon entière adhésion. Néanmoins, en tant que député du Val-d'Oise, je ne puis que constater que la précarité de notre jeunesse ne cesse de s'accroître. L'ensemble du monde associatif est unanime. Depuis le premier confinement, toutes les associations et organisations caritatives sont submergées par l'arrivée d'un public de plus en plus jeune. Pourtant, s'il y a une condition indispensable à la relance de notre pays, c'est la confiance de notre jeunesse en son avenir.
Comme vous, madame la ministre, je suis attaché à l'égalité des chances devant l'emploi, partout et pour tous. En tant que parlementaires, nous avons une responsabilité particulière sur ce sujet. Accompagnement, mentorat, formation, emploi : un ensemble de nouvelles chances, de nouvelles perspectives et de nouveaux horizons doit être donné à notre jeunesse. Nous le devons à nos enfants, dont dépend notre avenir.
L'égalité des chances s'incarne dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le 14 novembre dernier, le Gouvernement a reçu une lettre ouverte de 101 maires de banlieue, de toutes les couleurs politiques, pour l'égalité républicaine dans nos quartiers. « Changer le visage de nos quartiers » est un engagement présidentiel.
Dès lors, madame la ministre, qu'en est-il aujourd'hui ? Les affirmations selon lesquelles ces territoires sont les grands oubliés de la crise sont-elles à réfuter ? Quelles actions concrètes pouvez-vous déployer, et dans quel calendrier, pour ces quartiers et pour les jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Anne-Laure Cattelot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous l'avez rappelé : toute la philosophie du plan « 1 jeune 1 solution » vise à s'assurer qu'aucun jeune ne reste sans accompagnement adapté pour trouver une formation ou un emploi. Bien évidemment, nous nous attachons à déployer nos politiques dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, comme nous le faisons depuis le début du quinquennat.
Je puis vous rassurer sur le déploiement de ce plan : nous avons globalement atteint non seulement nos objectifs dans la mobilisation de tous les outils dont nous disposions en 2020, mais aussi la cible visée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour les dispositifs de droit commun. Pendant l'année 2020, 20 % des entrées en garantie jeunes se sont faites au profit des jeunes qui résident dans ces quartiers. Les ordres de grandeur sont les mêmes pour l'ensemble de nos dispositifs.
Il existe par ailleurs des mesures spécifiquement dédiées à ces quartiers : 140 millions d'euros y seront consacrés en 2021, notamment avec le dispositif « emploi franc + » destiné aux employeurs qui recrutent dès maintenant un jeune de moins de 26 ans résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Je rappelle aussi le doublement des parcours emploi compétences dans ces quartiers : nous portons l'effort à 24 000 parcours et majorons le taux de prise en charge de 65 % à 80 %.
Je l'ai dit, l'un de nos défis est d'aller vers ces jeunes, qui sont le plus en difficulté. Tel est le sens des appels à projets que nous allons renouveler. Je pense notamment à un appel à projets « 100 % inclusion » dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Il faut aussi accompagner les jeunes de ces quartiers pour leur apprendre les codes qu'ils ne maîtrisent pas nécessairement. Avec Sarah El Haïry, Nadia Hai, Amélie de Montchalin et Élisabeth Moreno, nous voulons développer le mentorat, qui peut être pour eux un atout précieux.
Enfin, nous travaillons à déployer un dispositif spécifique d'accompagnement de Pôle emploi pour les demandeurs d'emploi résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je vous confirme donc que nous sommes vraiment mobilisés pour ces quartiers.
M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac. Un étudiant sur deux est contraint de travailler pour financer ses études. 38 % d'entre eux ont dû arrêter leur activité durant le confinement, sans parler des jeunes apprentis ou de tous ces jeunes sans emploi et sans formation, que nous n'oublierons pas. Cette réalité d'une jeunesse violemment percutée par la crise appelle un véritable pilier supplémentaire de la protection sociale. Si la formule « 1 jeune 1 solution » est belle, elle ne reflète pas la réalité de vos propositions. Tous les jeunes ne bénéficieront pas d'une aide de 500 euros que vous avez promise dans un tweet, le 5 janvier.
Notre pays devra se résoudre à l'instauration d'un revenu universel ouvert automatiquement dès 18 ans. Nous y viendrons, soyez-en sûre. C'est pourquoi nous avions proposé il y a deux ans d'ouvrir systématiquement le RSA aux jeunes. À l'époque, vous aviez refusé tout débat. En 2020, nous avons donc travaillé au projet d'un minimum jeunesse que nous proposerons à nouveau au débat parlementaire, le 18 février prochain.
Plusieurs raisons justifient la création d'un minimum jeunesse dès 18 ans, à commencer par l'aggravation de la précarité et de la pauvreté des jeunes. Cette mesure permettrait aussi à notre pays de sortir de la liste des États les plus restrictifs : avec le Luxembourg, la France est un des rares pays européens à exclure les jeunes de moins de 25 ans du bénéfice de tout revenu minimum garanti, sauf s'ils ont la charge d'un enfant. Enfin, la mise en place d'un revenu minimum a toujours amélioré significativement le bien-être individuel, donc la cohésion sociale, sans avoir aucun effet dissuasif – contrairement à ce que prétendent ses détracteurs – sur l'insertion professionnelle. Dix-huit ans est l'âge de la majorité, mais quel est le sens d'une majorité qui ne déclenche pas les meilleures protections ?
Le 18 février, soutiendrez-vous notre proposition de loi tendant à instaurer un minimum jeunesse, qui constituerait une réponse complète et courageuse aux attentes de toute une génération ? (M. Jean-Louis Bricout applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Si je ne suis pas favorable à l'instauration d'un minimum jeunesse, c'est parce que je pense qu'il faut faire le maximum pour notre jeunesse. Nous ne partageons pas la même philosophie, mais je vous remercie de me donner l'occasion de répéter ce que j'ai toujours dit : les jeunes qui s'engagent dans une formation ou un parcours vers l'emploi doivent pouvoir bénéficier, lorsqu'ils en ont besoin, d'une rémunération pouvant aller jusqu'à 500 euros par mois.
M. Hervé Saulignac. Ce n'est pas ce que vous aviez dit !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous pouvez reprendre tous mes propos, vous constaterez que j'ai systématiquement précisé : une rémunération pouvant aller jusqu'à 500 euros par moi. Regardez la vidéo qui a été tweetée, vous pourrez le vérifier.
Je suis convaincue qu'il faut apporter aux jeunes une réponse immédiate pour leur permettre de surmonter des difficultés financières qui ne doivent en aucun cas les empêcher de s'engager dans une formation, un accompagnement ou un parcours vers l'emploi, mais notre objectif premier doit être de leur permettre d'accéder à un emploi, qui les rendra autonomes. C'est à ce projet que nous souhaitons travailler.
Nous l'avons fait à travers tous les dispositifs, par exemple en revalorisant à 500 euros la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, qui n'avait pas été augmentée depuis les années quatre-vingt. Tous ceux qui sont passés avant moi par le ministère auraient pu s'en préoccuper.
M. Pierre Cordier. Vos amis politiques aussi auraient pu le faire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons également élargi les aides financières non seulement à ceux qui sont suivis en garantie jeunes, dont nous allons doubler le nombre, mais aussi à ceux qui sont accompagnés dans le cadre d'un PACEA. Nous doublerons le bénéfice de ces rémunérations pour les jeunes en PACEA et nous l'élargirons à tous les jeunes accompagnés par Pôle emploi ou par l'APEC qui s'engagent dans un dispositif de préapprentissage et de préformation.
On s'assurera ainsi qu'aucun d'entre eux n'est freiné dans un parcours vers l'emploi par une difficulté financière. Fondamentalement, ce qui nous différencie est que nous visons d'abord l'accompagnement et la rémunération si nécessaire – et non l'inverse. (Mme Sylvie Charrière applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Benoit Potterie.
M. Benoit Potterie. Dans son allocution du 14 octobre, le Président de la République a déclaré qu'il était dur d'avoir 20 ans en 2020. Le Gouvernement a apporté des réponses en soutenant l'emploi avec le plan « 1 jeune 1 solution ». Il a aussi prévu des dispositifs matériels : repas à 1 euro et aide exceptionnelle de 150 euros pour les étudiants boursiers et les jeunes bénéficiant d'une APL.
En 2019, les boursiers représentaient 38 % des étudiants, mais nous ne devons pas oublier l'immense majorité des étudiants non boursiers qui ne bénéficient pas de ces mesures, alors qu'ils sont, eux aussi, durement frappés par la crise : fermeture des universités, difficulté de communication avec leur établissement, absence de lien social, perte de leur emploi étudiant, coût du loyer pour un logement non occupé.
Je suis sidéré par le nombre de jeunes en formation universitaire qui me signalent qu'ils vont abandonner leurs études par manque de perspectives, mais aussi d'accompagnement. Ils ont l'impression d'être les oubliés de la crise. Souvent inscrits dans des établissements publics, ils se sentent ignorés, noyés dans la masse et livrés à eux-mêmes sur le plan tant pédagogique que financier. Ce sont pourtant des étudiants sérieux, motivés et engagés dans leur filière. Comment accompagner ces étudiants décrocheurs qui ne remplissent pas les critères conditionnant l'accès aux aides ?
Par ailleurs, la crise a révélé des difficultés profondes et structurelles dans l'accompagnement des étudiants, particulièrement non boursiers, dans leur cursus. Comment profiter de cette crise pour nous interroger sur ce mal-être étudiant et réinventer l'enseignement supérieur ? Comment redonner l'envie et la confiance en nos universités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous assure que les questions que vous posez sont au coeur des préoccupations de Frédérique Vidal. Je vous répondrai certainement moins bien qu'elle, mais je lui relaierai vos interrogations.
Vous aurez compris qu'en premier lieu, nous faisons tout pour construire le chemin du retour progressif des étudiants vers les lieux d'étude, en donnant la priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Autant que faire se peut, nous avons maintenu ouvertes pour les étudiants qui ne peuvent pas étudier chez eux les universités et les bibliothèques, tout comme les salles équipées en matériel informatique et en connexion internet. Nous avons également maintenu en présentiel certains travaux pratiques qui ne peuvent se réaliser à distance. Pour accompagner le passage d'une partie des cours en distanciel, le Gouvernement a consacré 40 millions d'euros à la création de nouvelles ressources numériques.
Pour les étudiants eux-mêmes, une attention toute particulière a été portée au suivi psychologique et social. Nous doublons les capacités d'accompagnement via le recrutement de psychologues et de soixante assistantes sociales. Pour lutter contre la précarité, vous l'avez rappelé, nous avons pris de nombreuses mesures : ticket U à 1 euro, revalorisation des bourses, gel des frais d'inscription et des loyers dans les CROUS, aide exceptionnelle de 200, puis de 150 euros.
Notre objectif est de maintenir un niveau exigeant de formation des étudiants et de lutter contre le décrochage, tout en garantissant la santé de tous. Nous avons collectivement défini les modalités de reprise, afin d'accueillir, dès le 4 janvier, en petits groupes les étudiants les plus fragiles ou ceux en décrochage : étudiants entrant dans l'enseignement supérieur, étudiants en situation de handicap ou de précarité numérique, étudiants internationaux.
Parallèlement, les étudiants sont en train de recruter 20 000 étudiants tuteurs pour accompagner leurs pairs lors du second semestre. Ceux-ci s'ajouteront aux 1 600 emplois étudiants créés dans les CROUS pour proposer des référents aux 174 000 étudiants hébergés en cité universitaire. Je vous confirme que, comme il l'a indiqué, le Premier ministre aura l'occasion de faire le point avec les représentants de la communauté universitaire et Frédérique Vidal en fin de semaine. Nous pourrons dresser un bilan de ces mesures et nous demander si d'autres dispositions sont nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann. Depuis 2017, le Gouvernement a pris des mesures pour améliorer l'accès au permis de conduire et c'est heureux, mais je tiens à vous faire partager le constat que l'on dresse dans mon département des Ardennes : plus d'un jeune sur deux – 58 % exactement – qui pousse la porte d'une mission locale n'a pas le permis de conduire, ce qui rend l'insertion professionnelle plus difficile.
Dans le cadre de la préparation du plan de redynamisation des Ardennes, dénommé Pacte Ardennes, que deux ministres, Agnès Buzyn et Sébastien Lecornu, étaient venus signer à Charleville-Mézières au nom de l'État le 15 mars 2019, un groupe de travail a formulé une proposition qui me semble pertinente tant pour notre département que pour d'autres. Elle vise à autoriser chaque jeune à effectuer un stage pouvant durer jusqu'à quatre semaines dans une structure publique ou privée, en percevant une gratification – sans impôt ni cotisation sociale – supérieure à la gratification de droit commun prévue par l'article L. 124-6 du code de l'éducation. Ainsi, pour une rémunération horaire portée à 5 euros, le salaire mensuel pourrait atteindre 700 euros. Seule condition : la gratification serait versée directement à une auto-école pour participer au financement du permis.
Ce dispositif me semble vertueux. D'abord, il offrirait à chaque jeune la possibilité d'avoir une expérience professionnelle supplémentaire. Ensuite, il concernerait tous les jeunes, alors que, soyons francs, les dispositifs de subvention actuels ne touchent que très peu d'entre eux. En outre, il ne donnerait aucun travail supplémentaire à l'administration. Enfin, il ne coûterait rien ni à l'État ni à la sécurité sociale. Je vous remercie de l'intérêt que vous pourrez porter à cette proposition et me tiens à votre disposition si vous voulez créer un groupe de travail pour l'approfondir. (Mme Anne-Laure Cattelot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. L'ancienne ministre des transports que je suis est particulièrement sensible à ces enjeux de mobilité. Je suis convaincue que l'obtention du permis de conduire est un pas essentiel vers la mobilité et l'autonomie dans certains territoires. C'est un sésame indispensable pour l'aide à la recherche d'emploi et l'accomplissement d'un projet professionnel.
Malheureusement, la préparation au permis de conduire et l'examen lui-même représentent un coût important pour les candidats. Les premières victimes de ce constat sont souvent les jeunes qui n'ont pas de ressources personnelles ou familiales suffisantes pour financer le permis de conduire, ce qui a pour conséquence d'accentuer leur isolement. Il est avéré que les jeunes détenteurs d'un permis de conduire connaissent une meilleure insertion dans le marché du travail.
Le 2 mai dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en place d'une dizaine de mesures visant à baisser de 30 % le coût du permis de conduire. C'est aussi un défi auquel souhaite répondre le service public de l'insertion et de l'emploi, qu'anime mon ministère.
Plusieurs actions concrètes sont mises en oeuvre par Pôle emploi et les missions locales. Pôle emploi peut accompagner des demandeurs d'emploi pour leurs déplacements lors de la recherche d'emploi et aider à l'obtention du permis de conduire. Environ 20 000 formations au permis ont été financées dans ce cadre. Plus de 60 % des missions locales proposent aussi une offre de service de mobilité : aides financières, ateliers d'information à la mobilité, préparation du permis de conduire ou accès à des simulateurs de conduite. Les apprentis majeurs bénéficient, depuis le 1er janvier 2019, d'une aide forfaitaire d'un montant de 500 euros.
Plus généralement, je rappelle que le compte personnel de formation peut être mobilisé pour financer des apprentissages pour les épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire.
Enfin, dans le cadre du renforcement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a décidé d'accompagner la mobilité de 100 000 demandeurs d'emploi par la mise en place de nouvelles plateformes de mobilités solidaires.
En tout cas, je suis très à l'écoute des propositions que vous pourrez formuler pour trouver des solutions permettant aux jeunes de passer le permis de conduire, qui est un sésame pour la formation et l'emploi dans beaucoup de territoires.
M. Jean-Luc Warsmann. Merci, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien Quatennens. La jeunesse de France souffre. Le geste désespéré d'un étudiant en droit à Lyon, la semaine dernière, vient tristement le rappeler. Avant même la crise de la covid-19, un jeune sur cinq vivait sous le seuil de pauvreté. Les jeunes sont surreprésentés parmi les personnes sans domicile fixe et forment une part croissante des bénéficiaires des banques alimentaires. Ils sont aussi les premières victimes de cette crise. Entre les cours à distance, la fermeture des lieux de vie qui condamne bon nombre de soirées à devenir des apéros en ligne, mais aussi celle des salles de sport et des lieux de culture, leur quotidien et la possibilité de passer du bon temps sont mis à mal.
Lors de la dernière rentrée, entre 700 000 et 800 000 jeunes sont entrés sur le marché du travail. Tout indique que cette entrée sera plus difficile encore pour eux que pour leurs prédécesseurs : un jeune sur six a perdu son travail depuis le début de la pandémie, et l'Unédic estimait à 900 000 le nombre d'emplois détruits avant la fin de l'année dernière. Pour toutes ces raisons, dès le mois de mai dernier, La France insoumise mettait à votre disposition ses mesures d'urgence pour les étudiants.
Il n'est pas raisonnable d'attendre que l'activité économique reprenne. La puissance publique doit intervenir pour venir en aide à la jeunesse de France. Les services civiques, dont on a vu que l'usage était parfois dévoyé pour en faire des emplois déguisés, et les mesures liées à l'apprentissage et à l'insertion de votre énième plan jeunes passent à côté des besoins immédiats : ainsi, la mesure phare du plan n'est pas une aide directe aux jeunes, mais une énième aide aux entreprises.
La France insoumise se joint à l'appel des associations, des syndicats et des professionnels qui vous somment d'entendre que l'urgence est d'endiguer la pauvreté prévisible des jeunes. Non, l'extension de l'accès au RSA aux jeunes de moins de 18 ans n'est pas le signe d'un esprit de défaite, contrairement à ce que déclarait récemment le porte-parole du Gouvernement, mais une question de survie. Non, tous les jeunes ne recevront pas une aide de 500 euros grâce à la garantie jeunes, contrairement à ce que vous avez dit vous-même. Madame la ministre, qu'attendez-vous pour étendre l'accès automatique au RSA – cumulable avec les bourses pour celles et ceux qui en sont bénéficiaires – à tous les jeunes sans activité résidant hors du foyer familial ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous laisse libre de votre appréciation, mais quand on mobilise 7 milliards d'euros pour la jeunesse, il me semble qu'on ne peut pas parler d'un énième plan jeunes. C'est au contraire un plan inédit, qui triple les moyens consacrés à l'accompagnement de la jeunesse au moment où nous traversons une crise inédite. Je le répète : pour l'année 2021, plus de 900 000 parcours et accompagnements vers l'emploi bénéficieront d'une rémunération allant jusqu'à 500 euros ; 130 000 contrats aidés seront mobilisés, ainsi que 100 000 services civiques ; 400 000 formations seront disponibles, avec une rémunération revalorisée à 500 euros pour les stagiaires en formation professionnelle. J'espère que nous continuerons d'obtenir d'aussi bons résultats sur l'apprentissage, puisque nous comptons actuellement 450 000 apprentis. Au total, ce sont plus de deux millions de solutions que nous voulons proposer aux jeunes. Il ne s'agit donc pas d'un énième plan jeunes.
Il est de notre responsabilité de nous assurer qu'aucun jeune ne renonce à un parcours de formation ou d'accès à l'emploi à cause de difficultés financières. Nous orientons l'accompagnement vers la formation et vers l'emploi, afin de permettre aux jeunes d'acquérir leur autonomie, puis nous assurons, lorsque c'est nécessaire, une rémunération allant jusqu'à 500 euros sur laquelle je me suis déjà exprimée. Le travail va se poursuivre, notamment dans le but de simplifier l'accès à ces dispositifs et d'assurer des parcours sans couture. L'accompagnement, malgré la crise que nous connaissons, vers une formation et un emploi durable est la réponse dont notre jeunesse a besoin.
M. le président. La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani. Comme il a été dit sur tous les bancs, notre jeunesse subit de plein fouet cette crise qui accentue les inégalités. Nous ne mesurons sans doute pas encore les conséquences graves et durables qu'elle aura pour les étudiants, qui ont vu leur cursus extrêmement perturbé, pour les jeunes en formation, qui rencontrent toutes les peines du monde à obtenir ne fût-ce qu'un stage, et plus encore pour les jeunes sans formation, qui sont de fait exclus du marché du travail.
Je veux plus particulièrement insister sur les conséquences sanitaires de l'épidémie sur notre jeunesse. Le rapport d'enquête de notre collègue Marie-George Buffet a mis en lumière la dégradation de la médecine scolaire : selon lui, les carences d'effectif sont telles qu'elle n'est plus capable d'assumer l'ensemble de ses missions. Dans le même temps, les médecins, les infirmiers et les psychologues nous disent qu'ils n'ont pas été associés à la question, ni employés à la hauteur de leurs capacités.
Un autre sujet d'inquiétude est l'accès aux soins des étudiants. En 2016, 30 % des étudiants avaient renoncé à des soins ou à des examens médicaux pour des raisons financières, et l'on peut se demander ce qu'il en est aujourd'hui. Cette dégradation n'est pas acceptable. Le sujet est vital car les besoins sont importants dans tous les domaines de la santé, notamment celui de la santé mentale ; nous devons prendre la mesure exacte du danger que représentent ces carences. Au-delà des crédits votés dans la loi de finances pour 2021, le groupe Libertés et territoires répète qu'il est urgent de réformer, pour ne pas dire refonder, les services de santé scolaires et universitaires. Plusieurs chantiers sont prioritaires : il faut combler les difficultés de recrutement, mais aussi répondre aux besoins des élèves et des étudiants en matière de santé mentale. Qu'entendez-vous faire à ce sujet, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse définitive sur la réforme des services de santé scolaires et universitaires, mais je vous remercie de souligner qu'il y a aussi, parmi les jeunes dont il faut s'occuper, ceux d'entre eux qui n'ont pas pu accéder à un diplôme. Je signale à cette occasion que Jean-Michel Blanquer et moi-même serons en déplacement jeudi prochain pour le lancement des formations et de l'accompagnement destinés aux décrocheurs de 16 à 18 ans, dans le cadre de la nouvelle obligation de formation de cette tranche d'âge. Au cours d'un accompagnement de quatre mois mis en place par l'AFPA – Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes –, les jeunes pourront découvrir des métiers. Ce point est très important car, lors des échanges que j'ai avec eux, je suis frappée par le fait que les jeunes ne connaissent bien souvent pas, au moment où ils doivent choisir leur première orientation professionnelle, la diversité des métiers auxquels ils pourraient prétendre.
La santé des étudiants est bien évidemment au coeur de nos préoccupations. J'ai évoqué les dispositifs que nous avons mis en place pour renforcer l'accompagnement des étudiants ; je rappelle aussi que la réforme de la sécurité sociale étudiante, effective depuis le 1er septembre 2019, est un élément important pour la santé des étudiants puisqu'elle apporte à la fois une simplification majeure, un gain de pouvoir d'achat et une meilleure qualité de service aux étudiants. Une simplification majeure puisque les étudiants sont désormais automatiquement rattachés à une caisse primaire d'assurance maladie ; un gain de pouvoir d'achat puisque la suppression de la cotisation annuelle représente une économie de 217 euros en 2017 ; un service amélioré car ils peuvent bénéficier, sans délai, de remboursements et de prises en charge des services des caisses primaires d'assurance maladie. Je vous assure que la question de la santé des étudiants est au coeur de nos préoccupations et qu'elle l'est encore plus dans la période de crise sanitaire que nous connaissons.
M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Madame la ministre, je dois vous avouer que la question que j'avais prévu de poser s'adressait à Jean-Michel Blanquer, car je cherche une réponse sur le plafonnement des ressources en AESH – accompagnants des élèves en situation de handicap – dans mon département, que je n'arrive pas à obtenir. Mais, puisque vous êtes là, c'est à vous que je vais m'adresser en prolongeant les questionnements de mes collègues.
De nombreux jeunes se trouvent dans la difficulté. Bien qu'ils soient parmi les premières victimes de l'augmentation de la pauvreté, ils sont nombreux à rester hors des radars de l'aide sociale. Les situations d'urgence se multiplient, mais il faudra également répondre à cette question dans la durée. Je veux à mon tour pointer la situation des étudiants, qui mériterait d'être regardée de beaucoup plus près. J'ajoute que la période que nous vivons ne doit pas nous pousser à relâcher l'effort nécessaire de développement de l'accès aux formations qualifiantes.
La garantie jeunes peut être un bon dispositif d'accompagnement, mais comment faut-il interpréter la baisse de 7 % du nombre de ses bénéficiaires l'année passée ? Ne faudrait-il pas desserrer les critères de son attribution ? J'aimerais également savoir quels objectifs ont été fixés pour l'année qui vient, afin de mobiliser la garantie jeunes en fonction des besoins. Enfin, il y a le sujet de l'ARPE – aide à la recherche du premier emploi –, qui, avant sa suppression en 2019, touchait un autre public que celui de la garantie jeunes. Ne faudrait-il pas reconsidérer cette suppression ?
Madame la ministre, quel sort comptez-vous réserver aux propositions issues du rapport de la deuxième commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, dont certaines pourraient être reprises avec profit ? (M. Hubert Wulfranc applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Au nom de Jean-Michel Blanquer, je tiens à vous redire que la scolarisation de tous les élèves en situation de handicap est une priorité du quinquennat, réaffirmée par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap, le 11 février 2020. D'importantes avancées ont été réalisées depuis 2017 : l'école accueille désormais plus de 385 000 élèves en situation de handicap, soit 6,6 % de plus à la rentrée 2020 qu'à la rentrée 2019. Nous avons obtenu ces résultats en mobilisant des moyens exceptionnels : 3 milliards d'euros ont été consacrés à l'école inclusive depuis 2017, ce qui représente un effort sans précédent.
Dans le contexte actuel, le protocole sanitaire prend en compte les besoins des élèves en situation de handicap pour permettre à chaque enfant de bénéficier, dans le respect des règles qui s'imposent à tous, des apprentissages auxquels il a droit. Notre engagement s'est poursuivi à la rentrée 2020 avec des moyens nouveaux : nous avons ainsi créé 8 000 emplois d'accompagnement au premier semestre. Pour faciliter l'organisation du travail des AESH, nous avons renforcé le taux de couverture des pôles inclusifs d'accompagnement localisés, avec l'objectif de couvrir deux tiers des écoles et des établissements scolaires ; en 2021, nous visons une couverture complète, ainsi que le renforcement de ces pôles par des dispositifs médico-sociaux. En parallèle, nous augmentons significativement le nombre d'unités localisées pour l'inclusion scolaire – ULIS –, avec l'ouverture de 350 nouvelles unités.
J'ai déjà indiqué que nous voulions passer de 100 000 garanties jeunes en 2020 à 200 000 en 2021, ce qui suppose de réfléchir aux critères d'attribution du dispositif, dans lequel nous devons faire entrer ceux qui rencontrent le plus de difficultés. C'est un travail que nous allons engager avec les missions locales et en partenariat avec les associations qui accompagnent les jeunes les plus en difficulté. Nous devrons aussi revoir les critères selon lesquels nous apprécions le travail des missions locales. En effet, à ce jour, l'entrée en formation n'est pas considérée comme une sortie positive de la garanties jeunes, or je pense qu'elle est très positive quand elle aboutit à les doter de compétences qui leur permettent d'accéder à l'emploi. Nous menons ce travail avec les missions locales, qui sont très mobilisées sur le sujet.
Enfin, pour terminer sur l'accompagnement des jeunes, je signale, puisque vous avez mentionné l'ARPE, que nous avons mis en place une aide exceptionnelle pour les anciens boursiers désormais jeunes diplômés demandeurs d'emploi. Cette aide peut aller jusqu'à 500 euros, en prenant en compte les 100 euros qui peuvent être attribués aux jeunes vivant dans un logement autonome.
M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. « Génération covid, génération sacrifiée » : c'est comme cela que notre jeunesse se désigne. Pour lutter contre ce sentiment d'abandon, le Gouvernement s'est engagé à ne laisser aucun jeune sans solution. Pour tenir cette promesse et lui éviter de rejoindre le Panthéon des voeux pieux, c'est à 750 000 jeunes qu'il aurait fallu trouver un emploi pour la seule rentrée de 2020. Pour cela, le Gouvernement a déployé un plan de 6,7 milliards d'euros, échelonné sur deux ans, et actionné plusieurs leviers, ce que nous ne pouvons que saluer. Je pense ici à la compensation de charges de 4 000 euros pour tout jeune recruté entre août 2020 et janvier 2021, ainsi qu'à l'aide exceptionnelle de 5 000 euros pour le recrutement d'un alternant de moins de 18 ans, sans oublier le dispositif « emploi franc + » qui permet de verser une aide à l'employeur recrutant un jeune de moins de 26 ans en CDD d'au moins six mois ou en CDI.
Consciente de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve notre jeunesse, vous avez annoncé dimanche 3 janvier, la prolongation de deux de ces dispositifs. Grâce à la mobilisation de 1 000 entreprises, 50 000 emplois sont disponibles et 100 000 sont attendus d'ici à la fin du mois de janvier.
Ma question est très simple : pourquoi ne pas adapter ces mesures spécifiques pour les appliquer au secteur public via les collectivités territoriales ? Vous aurez compris que je ne parle pas ici des missions de service public. Les maires sont prêts à jouer le jeu, ils n'attendent même que cela. Ils sont d'ailleurs sollicités quotidiennement par les jeunes, qui ne comprennent pas que ces facilités ne soient pas applicables au secteur public alors qu'il y va de leur avenir.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous remercie, madame la députée, d'avoir rappelé les mesures du plan « 1 jeune 1 solution » qui mobilise tous les acteurs, notamment les entreprises : ainsi, plus d'un million de jeunes ont été recrutés entre août et novembre, c'est-à-dire autant qu'en 2019 et davantage qu'en 2018 ; en outre, quelque 450 000 contrats d'apprentissage ont pu être signés, chiffre largement supérieur au record de 2019. Il est rassurant de constater que tout le monde se mobilise pour que notre jeunesse puisse surmonter la crise que nous traversons.
Nous comptons aussi beaucoup sur les collectivités locales, qui sont des partenaires dans les territoires. Les préfets de région, que je réunis régulièrement, déclinent le plan « 1 jeune 1 solution », notamment à l'aide d'objectifs qu'ils ont fixés en concertation étroite avec les collectivités.
J'ai choisi de donner aux préfets la possibilité d'adapter la ventilation des différents dispositifs en fonction de la réalité des territoires et des concertations qu'ils ont menées avec les collectivités. Selon les cas, ils peuvent moduler le nombre de parcours d'accompagnement, d'insertion par l'activité économique et de contrats aidés.
Je souhaite que nous puissions travailler la main dans la main avec les collectivités territoriales sur la mise en oeuvre de ce plan. Les collectivités sont bien sûr impliquées dans les missions locales, qui sont un partenaire essentiel. Je compte vraiment sur leur appui pour déployer ce plan. Elles peuvent agir et recruter des jeunes, notamment dans le cadre des contrats aidés et des parcours emploi compétences.
Assez tardivement, du fait des décrets nécessaires, nous avons aussi mis en place une aide à l'embauche en contrat d'apprentissage de 3 000 euros, qui vient s'ajouter à l'aide apportée pour l'embauche d'apprentis par le Centre national de la fonction publique territoriale – CNFPT. Nous comptons sur les collectivités locales, que nous soutenons, pour participer à cette mobilisation générale pour la jeunesse.
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 14 janvier 2021