Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue à vous et bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour !
SONIA MABROUK
Qu'est-ce que vous avez contre les commerçants ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous n'avons rien contre les commerçants, nous sommes à leurs côtés et nous resterons à leurs côtés mais les commerçants ont envie de travailler, c'est normal, je les comprends, j'ai moi-même de la famille commerçants, ils ne demandent que cela mais nous avons une situation épidémique, nous avons des contraintes qui doivent s'imposer, des restrictions. Ça nécessite des décisions qui sont très douloureuses et qui le sont en particulier pour eux mais nous restons à leurs côtés et nous continuerons à les aider.
SONIA MABROUK
Mais quelle logique, Monsieur le ministre, parce que pour les 16 départements confinés, pas de limitation de temps aux sorties des citoyens mais la sanction de la fermeture pour les petits commerces en très grande souffrance !
OLIVIER DUSSOPT
Il ne faut pas dire " sanction ", il ne faut pas dire " sanction " !
SONIA MABROUK
Ils le vivent ainsi !
OLIVIER DUSSOPT
Ils le vivent ainsi mais ça n'est pas une volonté de sanction, loin s'en faut. Je le répète, nous resterons à leurs côtés, nous avons mis en place des dispositifs d'aides, des aides qui sont des aides massives avec le Fonds solidarité, avec les exonérations, avec l'activité partielle, tout ça reste et nous nous garderons ces dispositifs aussi longtemps qu'il y aura des restrictions.
SONIA MABROUK
C'est-à-dire que vous nous dites ce matin que le " quoi qu'il en coûte " va se poursuivre quoi qu'il arrive !
OLIVIER DUSSOPT
Le " quoi qu'il en coûte " va se poursuivre tout au long de la crise épidémique. Nous sommes dans une crise sanitaire qui a des conséquences économiques et sociales difficiles, dures pour les commerçants en particulier, pour l'économie en général. Nous avons la chance d'une certaine manière, dans …les moyens de faire face, de pouvoir financer les aides que nous mettons en place. Quand la crise sera finie, quand l'épidémie aurait été jugulée et que l'activité redeviendra une activité normale, alors, il sera temps de débrancher progressivement les aides mais nous sommes dans une période de crise et nous resterons aux côtés des entreprises, des Français, des commerçants aussi longtemps qu'il le faut.
SONIA MABROUK
Alors, comment très concrètement parce que ce matin de nombreux élus des départements confinés réclament, Olivier DUSSOPT, des aides supplémentaires, rapides, concrètes pour les commerçants pénalisés. Est-ce que vous pouvez faire plus que le " quoi qu'il en coûte " actuel ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un dispositif d'aide qui a été arrêté pour les mois de novembre, dernier mois de confinement, qui a été renforcé au mois de décembre avec la possibilité d'être aidé à hauteur de 20% du chiffre d'affaires en plus de l'activité partielle et nous avons encore renforcé ce dispositif d'aide il y a quelques jours pour les entreprises qui ont la particularité d'avoir des coûts fixes très importants. Nous veillons avec Bruno LE MAIRE à ce que tous les commerçants puissent être accompagnés et nous avons un dispositif qui est coûteux pour les finances publiques puisque, avant les décisions d'hier soir, nous étions sur un coût d'un peu près 6 milliards, 6,5 milliards par mois et les décisions annoncées hier soir représentent un coût supplémentaire de 1,2 milliard pour chaque mois et nous devrons vivre comme ça en espérant que ce soit le plus court possible.
SONIA MABROUK
Donc 1,2 milliard en plus par mois, c'est 0,2 point de PIB annuel, ça c'est la version un peu soft, optimiste ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas tout à fait ce calcul-là : quand nous parlons d'un impact de 0,2 point de PIB, de 0,2 point de croissance, c'est pour traduire les conséquences sur la croissance économique du confinement dans 16 départements annoncé hier soir. Nous avons une prévision de croissance qui est à 6%. Notre estimation est que les décisions annoncées hier soir pourraient nous coûter 0,2 point. Moi, je reste convaincu que le 6% est atteignable. J'en suis convaincu parce que …
SONIA MABROUK
Attendez. Je ne comprends pas, il y a eu hier des annonces supplémentaires, un confinement quand même pour 16 départements et malgré tout, vous gardez la même prévision de croissance ! C'est du déni !
OLIVIER DUSSOPT
Nous gardons la même prévision de croissance puisque nos estimations nous laissent penser que les décisions annoncées hier soir représentent 0,2 point, donc ça serait un passage de 6 à 5,8 mais nous avons aussi des motifs d'espoir du point de vue économique. Je mesure bien la difficulté sanitaire, les difficultés rencontrées.
SONIA MABROUK
Donc ce matin, le ministre en charge des Comptes publics nous dit qu'il y a des signes d'espoir alors que 16 départements vont être confinés, qu'on est parti pour 4 semaines, voire plus.
OLIVIER DUSSOPT
Je répète, pour être très clair, je sais la difficulté de la situation sanitaire, je sais la difficulté rencontrée par les commerçants, nous avons des indicateurs économiques qui, malgré la crise, malgré les difficultés, nous donnent des motifs d'espoir sur la capacité de rebond et la capacité de relance de l'économie française.
SONIA MABROUK
Lesquels par exemple ?
OLIVIER DUSSOPT
Par exemple, au mois de janvier, la TVA que l'Etat a encaissée qui est un versement quasi automatique est 2 milliards supérieure à notre prévision, elle s'élève à 19,4 milliards. C'est peu ou prou, à quelques dizaines de millions d'euros près, le même montant que ce que l'Etat avait perçu en janvier 2020 avant le début de la crise Covid. Donc ça signifie que l'économie résiste. De la même manière au troisième trimestre 2020, nous avons connu une très forte croissance, au quatrième trimestre l'investissement des entreprises a résisté et donc nous sommes dans une situation qui est difficile, je le répète.
SONIA MABROUK
Olivier DUSSOPT, l'économie résiste mais les Français résistent de moins en moins. Je vous donne un exemple concret parce que les secteurs qui sont très fortement touchés sont ceux du tourisme, de la restauration, de l'aéronautique. Est-ce que vous dites ce matin que l'accompagnement se prolongera bien au-delà de la fin des mesures de restriction ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous savons qu'un certain nombre de secteurs, vous les avez cités, l'événementiel, l'aéronautique et évidemment l'hôtellerie, les cafés et la restauration mais il y en a certainement d'autres moins exposés médiatiquement qui vont connaître des difficultés au-delà de la crise épidémique. Au-delà de la fin de l'épidémie, ces secteurs seront en difficulté ; tout à l'heure, j'ai dit qu'à la fin de la crise épidémique, il faudra débrancher les aides progressivement. Progressivement, c'est aussi faire attention à ce que dans les secteurs qui le nécessitent …
SONIA MABROUK
Mais vous pensez que c'est le moment aujourd'hui, ce matin de nous dire à ce micro qu'on va commencer à débrancher les aides dans la crise alors qu'on ne voit pas le bout de la fin du tunnel ?!
OLIVIER DUSSOPT
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Je ne commence pas en disant « nous allons débrancher », je dis : quand la crise sera terminée, il faudra commencer à débrancher progressivement.
SONIA MABROUK
Mais pourquoi tenez-vous à le dire ? On dirait que vous cherchez à envoyer un message, peut-être d'ailleurs à l'Europe, à Bruxelles qui nous demande davantage d'efforts et de lever le pied sur tout ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout simplement parce que c'est d'abord ma responsabilité de le dire puisque après la crise, il faudra revenir à un niveau plus soutenable de dépense publique. Nous avons confié un certain nombre de travaux à une commission présidée par Jean ARTHUIS, les parlementaires, la Cour des comptes se penchent sur ce sujet-là et il serait surtout irresponsable de ne pas le rappeler et donc il faut savoir préparer la sortie de crise. Mon collègue Alain GRISET prépare avec les restaurateurs des protocoles d'ouverture.
SONIA MABROUK
Attendez, Olivier DUSSOPT, vous savez la crainte que nous avons, que beaucoup de Français ont, c'est la double peine, c'est-à-dire, on subit les restrictions et, en plus, c'est nous qui allons payer la facture, la fameuse dette par une augmentation des impôts !
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit et répété, et je le répète à nouveau, que nous ne voulons pas augmenter les impôts.
SONIA MABROUK
Ce n'est pas parce que vous le répétez qu'on va le croire !
OLIVIER DUSSOPT
Ça, c'est votre perception !
SONIA MABROUK
Non, c'est ce qui est dit dans les sondages, 76% des Français ne croient en la promesse de non augmentation des impôts !
OLIVIER DUSSOPT
Laissez-moi donner deux explications ou deux raisons pour convaincre s'il faut convaincre. La première, c'est ce que nous avons fait depuis le début du quinquennat la plus grande baisse d'impôts qui n'ait jamais eu lieu. A la fin du quinquennat, avec les mesures qui sont annoncées, les impôts auront baissé de 50 milliards d'euros en France, la moitié pour les ménages, la moitié pour les entreprises et nous considérons que sortir de la crise économique, relancer l'activité ne passe pas par une augmentation d'impôt ; nous considérons que la meilleure façon de rembourser la dette que vous avez évoquée, c'est de provoquer de la croissance et que quand on augmente les impôts, on ne provoque pas de croissance !
SONIA MABROUK
Et oui mais il faudra l'arracher peut-être avec les dents, cette croissance. Dites-nous, Monsieur le ministre, sur un an, le coût total de l'épidémie, c'est 160, 170 milliards d'euros, c'est presque 7% du PIB. Pourquoi, et je vais reprendre une expression que vous connaissez bien, " ce pognon de dingue ", il n'est pas aussi dépensé pour ouvrir des lits de réanimation qui sont les juges de paix de ce confinement ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord, vous avez raison sur l'estimation et les 160, 170 milliards que vous évoquez correspondent au passage d'un déficit de 2, un peu plus de 2 à presque 10%. Vous évoquez la question de la santé ; nous avons au cours de l'année 2020 augmenté les dépenses de santé et c'est normal, c'est légitime, de presque 20 milliards d'euros en plus de ce que nous avons intégré dans les accords Ségur, négociés par Olivier VERAN.
SONIA MABROUK
Les lits de réanimation, tant d'argent pour soutenir l'économie, pourquoi cela ne va pas dans pour la création de ces lits… C'est bien en fonction de cela qu'on confine aujourd'hui.
OLIVIER DUSSOPT
Le Premier ministre l'a dit hier et Olivier VERAN aussi. A chaque fois que des capacités de réanimation sont ouvrables, elles sont ouvertes et le personnel hospitalier se démène avec les administrations de la santé pour le faire. Nous pouvons aussi dire et avoir un discours de raison et rappeler qu'ouvrir des lits c'est bien et c'est nécessaire, nous le faisons, il faut aussi qu'il y ait des médecins, des réanimateurs et que ceci ne se forment pas en quelques jours.
SONIA MABROUK
La Cour des comptes, hier, je sais que vous vous penchez sur ses rapports Monsieur le Ministre des Comptes publics, la Cour des comptes estime que les services de réa étaient très mal préparés, allez-vous engager une réforme d'urgence ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord, en matière de santé, des reformes nous en faisons. Olivier VERAN est à la tâche. Il faut d'abord saluer les personnels de santé parce que ce sont eux qui sont en première ligne. La Cour des comptes a pointé que l'hôpital, avant cette crise Covid, a subi pendant vingt ans, plus de vingt ans même, des restrictions financières et un encadrement, une forme d'austérité.
SONIA MABROUK
Cela n'exonère pas votre responsabilité. Dans les vingt ans, vous y êtes aussi.
OLIVIER DUSSOPT
Exactement, mais je souligne que de 2017 à 2020, avant la crise Covid, le niveau d'évolution des dépenses de santé était déjà plus élevé que les dix années précédentes, que nous avions annoncé avec Agnès BUZYN, à cette époque-là, un plan Hôpital à l'automne 2019.
SONIA MABROUK
C'était un autre monde déjà quand vous parlez de ce nom.
OLIVIER DUSSOPT
D'ailleurs, je souligne à nouveau les effets des engagements pris à l'occasion du Ségur qui sont mis en oeuvre ainsi que l'augmentation très légitime, je le répète, des dépenses pour faire face au Covid au cours de l'année 2020.
SONIA MABROUK
La sortie de crise dépend surtout bien sûr de la vaccination et de son rythme encore très poussif en France. Il va y avoir la reprise du vaccin ASTRAZENECA avec malheureusement un manque de confiance mais combien d'ailleurs nous coûte, puisque vous êtes le maître des chiffres, la vaccination ? Est-ce que cela a un coût ?
OLIVIER DUSSOPT
La vaccination à un coût, comme les tests ont un coût. C'est l'occasion de rappeler que la France est un des seuls pays à permettre à ses ressortissants, à ses habitants, de ne pas payer les tests, avoir une gratuité totale et c'est à souligner. L'année passée, les tests en 2020, ont coûté à l'Etat, à la Sécurité sociale, mais à travers l'Etat, un peu plus de 2 600 000 000 d'euros. Pour la vaccination, nous avons inscrit dans le budget 2021, un milliard cinq de provision, cela coûtera plus cher…
SONIA MABROUK
Cela coûtera plus cher parce que vous n'avez pas prévu que tant de gens voulaient se faire vacciner.
OLIVIER DUSSOPT
Non, cela coûtera plus cher parce que lorsque nous avons inscrit cette provision, c'était fin septembre, c'était à un moment où nous ne savions même pas à quelle date les vaccins seraient créés.
SONIA MABROUK
Cela coûtera combien ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous pensons que cela coûtera entre trois et quatre milliards d'euros mais c'est le meilleur des investissements qui soit.
SONIA MABROUK
C'est le « quoi qu'il en coûte » vaccinal.
OLIVIER DUSSOPT
C'est le meilleur investissement pour la santé, pour l'économie et pour la France. Donc s'il y a une dépense sur laquelle il ne faut absolument ne pas mettre de frein, c'est la vaccination. Vaccinons nous, faisons en sorte d'être vacciné.
SONIA MABROUK
Vous nous dites le coût de la vaccination. Mais dites combien, Monsieur le Ministre, nous coûte en point de PIB les jours de retard en vaccination ? Cela nous pénalise par rapport à d'autres économies et pays efficaces dans leur campagne, j'imagine.
OLIVIER DUSSOPT
Le Premier ministre l'a rappelé hier. Il y a indépendamment de cette parenthèse sur ASTRAZENECA, un rythme de vaccination qui va permettre de tenir les engagements qu'il avait pris. Donc, il faut tenir cette trajectoire. Il faut que la vaccination soit au rendez-vous.
SONIA MABROUK
Vous êtes d'accord que par exemple par rapport aux économies, aux autres pays, les Etats-Unis, l'Angleterre, Israël, ils vont pour voir leur économie repartir et nous plus lentement.
OLIVIER DUSSOPT
Je pense et je le répète que notre économie va bien rebondir. Vous avez cité trois pays qui ont effectivement ont un temps d'avance sur les autres. Les autres pays européens, nos voisins les plus immédiats, sont je crois à peu près dans la même situation que nous. L'essentiel pour moi, c'est que cette vaccination nous donne un horizon, que cette vaccination nous permette de sortir de la crise épidémique. Quand on sort de la crise épidémique, on sortira de la crise économique.
SONIA MABROUK
On va conclure, mais vous avez parlé justement de la crise économique, est-ce qu'il peut y avoir une crise sociale et même au-delà ? L'économie résiste mais les Français beaucoup moins. Ils sont lassés, usés, pour certains abattus, est-ce que vous craignez des tensions sociales, des bouffées de violence voire plus ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a évidemment une lassitude et elle est normale, on la partage. On vit tous et toutes avec des contraintes qui sont difficiles et ce sont des décisions difficiles qui sont prises. Je pense que les Français ont tout à fait conscience que leurs efforts peuvent payer, que ce qu'ils font pour se protéger et nous protéger collectivement peuvent payer.
SONIA MABROUK
Parce que c'est le dernier confinement.
OLIVIER DUSSOPT
Je l'espère.
SONIA MABROUK
Jusqu'au prochain ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais vous savez, ni vous ni moi, ne pouvons connaître l'évolution de la crise épidémique. Par contre, nous pouvons avoir le même espoir, c'est qu'on en sorte.
SONIA MABROUK
Merci Olivier DUSSOPT, merci d'avoir été notre invité ce matin. Bonne journée à vous ainsi qu'à nos auditeurs.
OLIVIER DUSSOPT
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2021