Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME nous recevons ce matin le ministre de l'Education nationale dans « Le grand entretien du 7-9 », questions et réactions, vous êtes déjà nombreux au 01 45 24 7000, sur les réseaux sociaux et l'application mobile de France Inter. Jean-Michel BLANQUER, bonjour.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être au micro d'Inter ce matin, on va commencer par la situation sanitaire en France, où les différents variants du virus sont en circulation, le variant anglais désormais majoritaire. Les contaminations sont en hausse de 8 % par rapport à la semaine dernière, 20 départements sont sous surveillance renforcée, d'ici la fin de semaine de nouvelles mesures de restriction pourraient être prises. Dans ce contexte, Jean-Michel BLANQUER, est-ce que votre volonté, je dirais même votre obsession, c'est de tout faire pour que les écoles soient et restent ouvertes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, puisque, comme je le dis depuis le début de cette crise, l'école n'est pas une variable d'ajustement, l'école est fondamentale pour tous les enfants, on voit les dégâts que cela fait sur les enfants quand ils n'ont pas école, pas seulement en France, mais dans le monde, et je l'ai répété depuis le début de la crise, pour le monde, pas pour la France, mais pour le monde, cette crise sanitaire peut être une catastrophe éducative, j'essaye d'épargner ça à la France.
NICOLAS DEMORAND
Donc y compris dans ce contexte, où les choses sont en train de se tendre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, après nous sommes tout à fait capables de prendre des mesures ciblées, depuis le début nous le faisons, je rappelle qu'il y a en permanence des structures fermées en France, des écoles, collèges ou des lycées, ou des classes, qui sont fermés, avec des décisions locales en fonction des situations locales, c'est cette approche ciblée qui nous permet de tenir depuis de nombreux mois et d'avoir un atout pour la France qui est d'avoir les écoles ouvertes. C'est vrai que ça devient une exception française, mais il y a tout lieu d'en être fier parce que c'est très important pour nos enfants.
LEA SALAME
Oui, mais si on écoute les médecins, beaucoup de médecins disent il y a – par exemple Dominique COSTAGLIOLA – en France il y a un dogme pour dire qu'il ne se passe rien dans le milieu scolaire, ce n'est pas vrai, c'est faux. Il y a une étude publiée hier par…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais personne ne dit… c'est pour ça, je suis toujours surpris quand vous entendez un médecin même s'exprimer de la sorte, personne ne dit qu'il n'y a pas de problème, c'est juste une question de relation entre les avantages et les inconvénients, et s'exprimer de cette façon c'est déjà un peu caricatural.
LEA SALAME
Mais quand vous dites sur BFM, il y a 15 jours, « d'après les études », dites-vous, « on observe qu'à l'occasion des vacances les enfants ont tendance à se contaminer davantage que lors de la période scolaire », est-ce que vous ne contribuez pas à dire qu'il y a peut-être moins de problèmes à l'école qu'ailleurs ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah ben oui, je le dis très clairement.
LEA SALAME
Vous dites qu'il y a moins de problèmes à l'école qu'ailleurs, de contaminations ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, puisqu'à l'école les enfants respectent plus les gestes barrières que dans le reste de leur vie sociale, qu'à l'école tout le monde est responsable, qu'à l'école il y a des mesures spécifiques qui sont prises, c'est évident, et d'ailleurs on le voit, pendant les vacances vous voyez beaucoup plus d'adolescents…
LEA SALAME
Mais vous vous basez sur quelle étude pour dire qu'on se contamine plus en vacances qu'à l'école ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Beaucoup, encore hier, l'étude du Professeur FONTANET, qui est sortie hier, nous montre que, bien sûr il y a des contaminations à l'école, mais qu'elles ne sont pas au-dessus de la moyenne de ce qui se passe…
LEA SALAME
Mais qu'elles sont égales Jean-Michel BLANQUER, ce que dit le Professeur FONTANET…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça dépend, l'enseignement secondaire oui, pour l'enseignement primaire c'est moins que dans le reste de la société.
LEA SALAME
Il dit aussi « la transmission du virus dans les écoles existe bien, si l'épidémie venait à flamber, la fermeture des écoles ne doit pas être taboue », c'est ce que dit Arnaud FONTANET. Est-ce qu'elle est taboue cette fermeture ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si elle était taboue ça se saurait, tout le monde en parle toute la journée, donc c'est vraiment un tabou à la française, dont on parle tout le temps, mais, si vous voulez, non, simplement on a toujours dit que l'école était ce qui devait fermer en dernier, autrement dit il faut d'abord fermer tout le reste de la société et puis en dernier on fermerait l'école si c'était indispensable, c'est cela la doctrine.
NICOLAS DEMORAND
Alors que les élèves rentrent progressivement à l'école après les vacances de février, la semaine dernière c'était les élèves de la zone A, cette semaine ce sont les élèves de la zone C, la semaine prochaine les élèves de la zone B, vous avez, Jean-Michel BLANQUER, annoncé un protocole renforcé pour répondre aux variants, anglais, sud-africain et brésilien, est-ce que vous pouvez nous en rappeler les grandes lignes de ce protocole, s'il vous plaît ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, il y a une distinction à faire entre le variant anglais et les deux autres variants puisque le variant anglais désormais s'impose dans de nombreux territoires, et donc c'est la même jurisprudence, si je puis dire, pour le variant anglais que pour la forme classique. Donc, nous fermons lorsqu'il y a trois cas dans la forme classique et avec le variant anglais, et nous fermons lorsqu'il y a un cas du variant sud-africain ou du variant brésilien, c'est cela… Alors après il peut y avoir des décisions locales qui adaptent cette doctrine, mais le grand principe c'est celui-là.
LEA SALAME
Hier, par exemple, les écoles primaires et le collège de Chambourcy, dans l'ouest parisien, n'ont pas rouvert après la détection de 13 cas, six adultes et sept enfants, de variant sud-africain, quelle est la situation ce matin par exemple à Chambourcy, elles vont rester fermer combien de temps les écoles ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
En général, alors c'est évidemment une décision qui est prise avec les autorités sanitaires et en fonction de ce qui se passe, à chaque fois, vous le savez, il y a un travail de traçage qui est fait avec les autorités sanitaires, qui nous permet d'essayer de rompre la chaîne de contamination, et bien entendu d'isoler. Je rappelle que la politique qu'on appelle TAP, c'est-à-dire tracer et protéger, cette politique marche entre l'Education nationale et la santé, et elle nous a permis à chaque fois, ou presque toujours en tout cas, d'identifier la chaîne de contamination, d'isoler les personnes concernées, souvent de nous rendre compte que l'origine de la contamination est extérieure à l'école, et chaque fois que nécessaire de fermer une structure. Dans un cas comme Chambourcy c'est probablement autour de deux à trois semaines, c'est en général le temps de fermeture d'une structure quand il y a eu des contaminations.
LEA SALAME
Deux à trois semaines donc sans écoles et collèges à Chambourcy.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Avec à chaque fois de la continuité pédagogique qui s'organise, c'était encore le cas, hier j'étais en Haute-Saône, près de Vesoul, où j'ai vu une école où il y avait eu à un moment donné une classe fermée, et à ce moment-là la continuité pédagogique s'organise pour la classe concernée.
LEA SALAME
Avant d'aborder la question des tests salivaires, une dernière réaction. La maire de Paris hier, Anne HIDALGO, a proposé aux enseignants de faire cours fenêtres ouvertes et de faire classe en extérieur toutes les fois que c'est possible, y êtes-vous favorable également ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors évidemment c'est du bon sens, ça dépend de la météo, mais je pense que c'est ce qu'elle avait à l'esprit aussi, je l'ai dit au printemps dernier, à la sortie du confinement, en m'inspirant par exemple de ce qui se passe au Danemark, et ce sont des choses que l'on peut dire même quand il n'y a pas de contamination, faire cours dehors ça peut être quelque chose de très agréable et de très positif, encore faut-il que la météo le permette, en ce moment c'est un petit peu difficile à envisager.
NICOLAS DEMORAND
Oui, elle parlait des beaux jours.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais si elle parlait des beaux jours, on peut être d'accord avec cette approche.
NICOLAS DEMORAND
Vous avez annoncé que les tests salivaires allaient donc commencer dans les écoles après les vacances scolaires de février, combien de tests réalisés, Jean-Michel BLANQUER, dans la zone qui est de retour en place depuis le 22 février, c'est-à-dire la zone A, le nombre et les résultats ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ce que nous visons c'est une montée en puissance progressive, cette semaine c'est entre 50 et 80.000 tests qui vont être réalisés pour la zone qui vient de rentrer, la semaine dernière c'était moins que cela, on était en dessous de 10.000, parce que c'était la première semaine et qu'il y avait tout un travail d'organisation, et puis d'ici à la mi-mars, c'est-à-dire d'ici à deux semaines, nous serons à 300.000 tests hebdomadaires. Je rappelle que ceci vient en complément de ce que nous faisions déjà, ce que nous faisons déjà depuis maintenant plusieurs mois, c'est d'avoir des tests antigéniques, qui nous permettent d'arriver, dès qu'il y a des élèves ou des adultes qui ont des symptômes, et ensuite de faire ce travail de traçage.
LEA SALAME
Mais les tests salivaires, à partir du 15 mars il y aura 300.000 tests par semaine dans les maternelles et les primaires, c'est ça, c'est-à-dire que chaque enfant, il y aura 300.000, pardon, enfants, pour le dire un peu crûment, qui vont cracher ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parfois ça touchera aussi l'enseignement secondaire, mais c'est vrai que ça touchera tout particulièrement l'enseignement primaire, puisque nous attendions avec impatience les tests salivaires qui sont, comme chacun peut le comprendre, plus faciles à réaliser que les tests nasopharyngés, et donc cette politique est en complément de ce que nous faisions déjà. Si je résume, ce que nous faisions déjà, c'était avoir des tests, et nous le ferons encore, qui permettent d'arriver le plus vite, dès qu'il y a des symptômes, et donc de voir si…
LEA SALAME
Ça c'est le goupillon dans le nez.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça c'est le goupillon dans le nez, et puis maintenant ce que nous faisons c'est les tests salivaires, pas forcément vis-à-vis, enfin pas du tout même, vis-à-vis d'élèves qui ont des symptômes, mais dans des zones où le virus circule tout particulièrement, de façon à aller capter les positifs qui s'ignorent, si je puis dire, au travers de cela, et ce que nous ferons souvent c'est aussi de revenir au même endroit, ce qui permettra de voir l'évolution du virus.
LEA SALAME
Justement, Anne HIDALGO demande que les tests salivaires soient répétés tous les 15 jours, c'est faisable ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ça ne va pas être faisable pour tout le monde, mais nous allons le faire dans un certain nombre de cas, notamment dans les zones où le virus circule beaucoup. Si vous regardez par exemple, vous m'interrogiez sur la zone qui est rentrée de vacances la semaine précédente, c'est-à-dire qui correspond à Nouvelle Aquitaine, Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, toute cette zone en fait est moins touchée par le virus que d'autres zones, à un département près.
LEA SALAME
Oui, préservée, donc là il y aura moins de tests salivaires dans ces régions-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas forcément, parce que le virus évolue, mais en tout cas ce que je voulais dire c'est qu'on voyait la semaine dernière qu'en faisant des tests aléatoires on tombait sur très très peu de cas positifs.
NICOLAS DEMORAND
Vous avez déclaré que ces tests salivaires, il y avait des interrogations sur le sujet, seraient réalisés par des personnels de santé comme les infirmières scolaires, des personnels éventuellement des agences régionales de santé, éventuellement aussi des infirmières de laboratoires privés, et pas par les enseignants, on est bien d'accord là-dessus ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est très clair.
NICOLAS DEMORAND
Le syndicat majoritaire des infirmières de l'Education nationale rappelle que les 7 400 infirmières scolaires, qui sont affectées sur 62.000 sites, peinent déjà à remplir leurs missions habituelles auxquelles il faut donc ajouter ces tests salivaires, que leur répondez-vous ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord je voudrais rendre hommage aux infirmières scolaires, et aux médecins scolaires de France, comme à l'ensemble des personnels qui sont ultra mobilisés depuis le début de la crise, et qui parfois peuvent ressentir, comme d'autres métiers, une sorte de fatigue devant tout ce qu'il y a à faire, c'est vrai qu'ils ont énormément de travail. La réponse c'est, premièrement, que c'est un travail d'équipe, heureusement il n'y a pas que les infirmières scolaires, comme vous le rappeliez, nous mobilisons toute une série d'acteurs de santé, et puis l'autre réponse c'est qu'à partir d'aujourd'hui nous allons recruter, et ça je vous l'annonce, 1700 médiateurs, qui vont être des étudiants en médecine, des étudiants en pharmacie, mais aussi des étudiants qui peuvent être dans d'autres domaines que la médecine, mais qui à ce moment-là ne seront pas dans des tâches de santé, de façon à aider, à appuyer les personnels qui aujourd'hui sont mobilisés pour la réalisation de ces tests.
LEA SALAME
Donc 1700 emplois, payés ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, payés bien sûr, pour des… souvent ce sera des profils d'étudiants, et c'est entre maintenant et la fin du mois de juin que nous recrutons, enfin c'est dès maintenant que nous les recrutons, pour qu'ils travaillent entre maintenant et la fin du mois de juin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mars 2021