Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Inter le 19 mars 2021, sur les mesures de confinement territorialisé devant la "forte accélération" des contaminations par les variants du Covid-19 et le maintien des écoles ouvertes avec respect des protocoles strictes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, bonjour.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
« L'épidémie s'accélère fortement », c'est ce qu'a dit Jean CASTEX hier en fin d'après-midi, situation critique en Ile-de-France, dans les Hauts-de-France, nouvelles mesures, 16 départements, donc 8 d'Ile-de-France, 5 des Hauts-de-France, plus les Alpes-Maritimes, la Seine-Maritime et l'Eure, qui passent avec un régime particulier, 21 millions de Français. Alors, dans ces départements ne resteront ouverts que les commerces vendant des biens et des services de première nécessité, on a appris que les coiffeurs allaient rester ouverts, ça fait 110.000 commerces dans 16 départements qui vont devoir fermer, sorties en extérieur permises en journée dans un rayon de 10 kilomètres. Comment faire respecter ces règles ? Première question. Et ensuite, déplacements interrégionaux interdits sauf motifs impérieux ou professionnels, alors là j'aimerais comprendre, j'aimerais savoir ce que vous avez compris, par exemple, si je vais d'Aquitaine en Occitanie, deux régions différentes, est-ce que je peux ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est très important dans ces mesures c'est que c'est de mesures ciblées, à tout point de vue, c'est des mesures ciblées d'un point de vue territorial, c'est-à-dire elles sont prises dans les endroits où le virus est particulièrement circulant, et deuxièmement c'est ciblé, je dirais sur le plan thématique, en tirant toutes les conséquences de ce que nous apprenons mondialement depuis 1 an, c'est-à-dire le fait que les grandes contaminations ont lieu surtout dans les lieux fermés, lorsqu'on a enlevé son masque, lorsqu'on est à proximité les uns des autres, beaucoup plus que quand on est en plein air. Dans les mesures, du coup, sont faites pour éviter les brassages, tout simplement, elles sont faites pour éviter qu'on se retrouve à plusieurs en milieu fermé, en se contaminant, et éviter aussi les grandes circulations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je vous pose des questions précises, Jean-Michel BLANQUER, est-ce que je vais pouvoir circuler d'une région à l'autre ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'une région à l'autre, non, le Premier ministre a été très clair hier soir sur le fait qu'il n'y avait pas de circulation d'une région à l'autre, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que si je pars en week-end, je ne sais pas aujourd'hui, je ne pourrai pas revenir dans ma région ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, outre que ce n'est pas dans mon portefeuille ce point là…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je sais, mais j'aimerais savoir ce que vous avez compris, parce que moi je n'ai rien compris. Je vous le dis tout de suite, je n'ai rien compris.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, sur un certain nombre de choses qui sont annoncées, comme hier soir, vous avez toujours ce qu'on appelle le CIC, le lendemain de chaque déclaration du Premier ministre, c'est-à-dire les précisions qui viennent pour tous les cas de figure, parce que si vous voulez on peut faire une casuistique sur chaque point, et donc il est tout à fait normal que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est dommage qu'on ne les ait pas les précisions, ceci dit.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, si, vous allez les avoir domaine par domaine, mais là, s'agissant des déplacements, ça concerne les régions qui ont été définies hier soir par le Premier ministre, vers l'extérieur, et évidemment ça vaut dans un sens comme dans l'autre. Autrement dit le but, c'est assez simple, on veut éviter qu'il y ait expansion du virus des régions les plus concernées vers les régions les moins concernées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous verrons, nous verrons si 16 départements c'est suffisant, nous verrons au fil du temps et dans les semaines qui viennent. Couvre-feu dans toute la France, 19h au lieu de 18h parce que nous allons changer d'heure, c'est la raison première.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Là aussi c'est un pragmatisme pour tenir compte à la fois de l'évolution de la saison et puis, encore une fois, pour tenir compte du fait que ce n'est pas le fait d'être en plein air qui est le plus grand problème, le plus grand problème c'est de créer du brassage.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un confinement qui ne dit pas son nom quoi ! C'est un mot qu'on ne prononce plus, que plus personne ne veut… vous, ça ne vous gêne pas.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non… on pourrait l'appeler confinement ciblé, en particulier, encore une fois il s'agit d'aller au plus fin possible vers les vrais facteurs qui contribuent à la contamination.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, on va parler de l'air libre, de ces lieux aérés où on va pouvoir vivre finalement, il vaut mieux vivre dehors, dans un lieu aéré, si j'ai bien compris, que chez soi, dans un magasin ou ailleurs, enfermé, et notamment peut-être dans une école, on va en parler. Alors, l'école justement, les écoles vont rester ouvertes, là vous avez tenu bon, est-ce qu'il y a eu une tendance à…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde était sur la même ligne ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a toujours de la discussion, dans l'ensemble de la société française d'ailleurs, et évidemment aussi dans la sphère de l'appareil d'Etat, mais ce qui est très important c'est de rappeler, j'ai dit à l'instant que c'était un confinement ciblé, que notre priorité c'est les enfants, les adolescents, les jeunes, et ce ne sont pas des vains mots, ça influence toutes nos décisions, et donc la plus grande des priorités c'est évidemment l'école, et c'est pourquoi elle reste ouverte.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ecole maternelle, élémentaire, collège, ouverts, le lycée, demi-jauge totale, ça veut dire, demi-jauge totale, demi-classe par jour, comment ça va être organisé ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, l'idée est toute simple, c'est 1 élève sur 2 dans chaque lycée, donc on parle là d'un quart des lycées de France, puisqu'on parle des lycées d'Ile-de-France et des Hauts-de-France, et cela représente environ 1000 lycées, 2021 lycées exactement. Alors, vous aviez déjà une partie d'entre eux qui étaient déjà en mode hybride, donc pour eux ça ne change pas, par contre désormais c'est 100 % des lycées de ces territoires qui vont être en demi-jauge, de façon à limiter les brassages. On sait que plus un élève est âgé, plus un enfant est âgé, plus le sujet de la contamination est important, donc c'est pourquoi la mesure est ciblée sur les lycées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ecoles maternelles, écoles primaires, collèges, de nouvelles mesures ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, on maintient les protocoles sanitaires stricts tels qu'ils existent aujourd'hui, je rappelle que quand même on a par exemple encore tous les enfants des écoles primaires avec un masque, on a des protocoles sanitaires stricts, on a la stratégie tester-alerter-protéger qui monte en puissance, avec des tests salivaires qui se déploient dans les écoles primaires, donc c'est toute une technique qui nous permet de garder l'école ouverte. Le sujet n'est pas mince, Jean-Jacques BOURDIN, je veux vraiment redire aujourd'hui à quel point la France se distingue positivement dans cette question des écoles ouvertes. Hier je parlais avec les représentants de l'UNESCO et de l'OCDE, c'est-à-dire les personnes qui observent l'éducation à l'échelle mondiale, en Angleterre ils ont perdu 20 ans de lutte contre les inégalités sociales en une année, vous avez des centaines de millions d'enfants qui sont déscolarisés dans le monde, nous, les Français, nous sommes le pays de plus de 15 millions d'habitants qui a le plus maintenu les écoles ouvertes, eh bien c'est un investissement sur l'avenir hors du commun. Il y a là un risque de catastrophe éducative mondiale à cause de cette épidémie, ce que nous sommes en train de faire en ce moment c'est d'éviter à la France cette catastrophe, je fais des visites dans les écoles, je parle avec les uns, les autres, les professeurs, que je veux… tout le monde doit remercier les professeurs aujourd'hui, exprimer cette gratitude, parce qu'ils sont au premier rang de cette lutte pour l'éducation, on se rend compte dans la période actuelle à quel point l'école c'est fondamental, donc ce n'est pas une variable d'ajustement, ça reste le sujet central si on veut tout simplement l'avenir de nos enfants et l'avenir de notre pays. C'est ce qui est en train de se passer, c'est-à-dire cette année scolaire 2020-21, est une année scolaire où les enfants Français, je l'espère jusqu'au bout, jusqu'au mois de juin, n'auront pas perdu ces jours de classe qui sont des pertes catastrophiques dans d'autres pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les cantines, comment ça va se passer, il va y avoir changement dans l'organisation ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Les cantines, alors c'est évidemment au cas par cas que les choses se règlent, vous savez parfois on a des cantines qui sont fermées parce qu'elles n'arrivent pas à respecter le protocole…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas moi, des purificateurs d'air par exemple dans les cantines ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, avec les collectivités locales il arrive qu'on en installe, il y a toujours du débat sur telle ou telle méthode, mais le fait est que, avec les collectivités locales, il y a du travail, vous avez des cantines où du plexiglas a été installé, vous avez des cantines où il y a des purificateurs d'air, chaque réalité est un cas particulier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Education à l'extérieur ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Education à l'extérieur quand la météo le permet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
…Anne HIDALGO.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, qui est d'ailleurs, quand on peut le faire ça, c'est-à-dire quand la température le permet, quand il ne pleut pas, etc., c'est quelque chose qui est souhaitable même quand il n'y a pas d'épidémie, donc il faut être pragmatique, et c'est d'ailleurs ce qui se passe, c'est ce qui se passe en France aujourd'hui. Nous fermons des classes aussi, bien sûr, quand il y a contamination, mais c'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, combien de classes et d'écoles fermées aujourd'hui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Aujourd'hui vous avez un peu plus de 2000 classes fermées, ça fait 0,4 % des classes de France, c'est un chiffre qui reste raisonnable, même si, c'est vrai, on observe une augmentation des contaminations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux mille classes fermées, et multiplication des cas contacts aussi, chez les enseignants notamment.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, on a plus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui pose problème, pas de remplacement, souvent.

JEAN-MICHEL BLANQUER
La plupart du temps, on est, sur le remplacement, à 80, 94 % aujourd'hui, donc il y a évidemment parfois des difficultés de remplacement, mais qui sont, je dirais un moindre mal dans la situation…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Fin provisoire du dédoublement de certaines classes.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça c'est arrivé dans l'Académie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Juste dans le Rhône ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans l'Académie de Lyon effectivement, ça peut être parfois… encore une fois il faut être pragmatique. Vous savez, au début du confinement le président de la République a dit, il y a 1 an, « c'est une guerre », n'oublions pas qu'on est dans des circonstances hors du commun, et c'est dans ces circonstances hors du commun, l'honneur de l'ensemble des acteurs de l'Education, que de permettre que ça fonctionne quand même. Alors, on peut toujours me citer un dysfonctionnement ci et là, ça peut tout à fait exister, mais globalement l'école de la République, l'école en général, fonctionne en ce moment, et c'est évidemment quelque chose qui doit unir la société française autour de son école, de ses enfants en fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il y a quand même quelques inquiétudes qui s'expriment, inquiétudes des élèves de BTS par exemple, contrôle continu ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, tout dépend évidemment de l'évolution de l'épidémie, mais les élèves de BTS, comme les élèves de classes préparatoires, ont eu la chance, depuis septembre dernier, d'avoir les lycées ouverts, puisque les BTS et les classes préparatoires ça se passe dans l'enceinte de lycées, donc ils ont eu une situation beaucoup plus favorable que beaucoup d'étudiants qui, du fait des restrictions liées à l'université, parce que les amphithéâtres sont plus grands, les conditions sanitaires sont différentes, se sont donc trouvés eux, élèves de BTS, dans une situation plus favorable, qui leur a permis d'étudier. Je ne veux pas qu'aujourd'hui la revendication de contrôle continu soit la revendication dans tous les domaines, comme s'il y avait un avantage à faire le contrôle continu plutôt que le contrôle terminal, quand on peut faire le contrôle terminal, selon les règles prévues, il est préférable de le faire. Donc on va… comme à chaque fois je regarde la situation, je discute, mais le principe c'est, pour chacun, de préserver autant que possible les règles prévues au début, a fortiori, comme dans le cas des BTS, où on a pu maintenir les cours des élèves.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, les tests dans les écoles, tests salivaires dans les écoles primaires, on en est à combien de tests aujourd'hui, parce que vous avez annoncé plein de chiffres, on devait avoir 300.000 tests cette semaine ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, eh bien c'est probablement ce que nous aurons ce soir comme bilan.

JEAN-JACQUES BOURDIN
300.000 ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, j'avais dit qu'on ferait… écoutez, on part de zéro sur les tests salivaires, on est parti il y a 3 semaines de zéro, et il y a toujours beaucoup d'exigence en France vis-à-vis de ces…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est normal.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est normal, mais je voudrais dire qu'on est parti de zéro et qu'aujourd'hui on est le pays qui fait le plus de tests salivaires à grande échelle dans un système scolaire, disons-le. Ensuite, il y a eu une montée en puissance, et j'avais dit on montrait jusqu'à 300.000 à la mi-mars, nous sommes à la mi-mars, et ce soir c'est la semaine où nous avons pu déployer autour de 300.000 tests. Après, l'acceptation des tests…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce soir, on sera à 300 000 tests.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Au moins 300 000 tests proposés. En général, vous avez autour de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez. Proposés mais pas réalisés.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Réalisés. Ça va être autour de 80 % de ce qui est proposé. Nous n'y pouvons rien si les gens… C'est sur la base du volontariat. Quand on fait les tests nasopharyngés, on a un taux de volontariat autour de 20 %, de 20 à 30 %. Quand on fait des tests salivaires, on a un taux d'acceptation des familles - on est obligé de demander l'accord des familles - qui est de l'ordre de 80 %. Par exemple la semaine dernière, on en a proposé autour de 150 000. On a eu environ 70 % de taux d'acceptation ; ça nous a donc fait à peu près un peu moins de 100 000 tests réalisés. Cette semaine nous en aurons proposé 300 000. C'est trop tôt pour vous dire combien ont été faits en réalité. Ce sera sans doute un chiffre autour de 250 000.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les résultats ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc c'est une montée en puissance. On veut toujours voir le verre un dixième vide. Non pas vous, mais j'entends dans le débat public. Ce qu'il faut bien noter, c'est une montée en puissance conforme à la courbe que nous avions prévue. Mais le plus important, c'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les résultats.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est les résultats bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que donnent ces résultats ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ces résultats nous donnent un taux de contamination en moyenne d'environ 0,5 %.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire 500 pour 100 000.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça fait 0,5. Oui, ça fait 5 pour mille. 0,5 %, ça fait 5 pour mille.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait 500 pour 100 000. C'est au-dessus du taux d'incidence.

JEAN-MICHEL BLANQUER
5 000 pour un million.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que le virus circule dans les écoles. Et largement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr que le virus existe partout dans la société. Mais dans l'école les enfants qui sont contaminés, la plupart du temps quand on remonte la chaîne de contamination, ce n'est pas du tout à l'école qu'ils se sont contaminés. Ils se sont contaminés en famille. Donc le fait d'aller en milieu scolaire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais les enfants contaminent les familles quand ils rentrent chez eux.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. C'est plutôt qu'ils peuvent éventuellement contaminer à l'école quand ils arrivent dans leur famille mais il faut toujours se poser plusieurs questions. Les choses ne sont pas aussi simples que ça. Premièrement, que se passe-t-il pour les enfants s'ils ne sont pas à l'école ? Ils sont dans la plupart du temps dans des activités sociales où ils se contaminent davantage. Deuxièmement, le fait qu'on les teste à l'école permet de remonter et de casser des chaînes de contamination que sinon on ne casserait pas. Troisièmement, on a un protocole beaucoup plus strict à l'école et ç'a même une vertu pédagogique parce que les enfants sont ambassadeurs ensuite de ces protocoles stricts dans le reste de la société. Et puis quatrièmement évidemment, les dégâts éducatifs sont énormes quand on ne va pas à l'école, et donc ça se justifie en soi cela.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais 500 pour 5 000, c'est un taux élevé.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un taux élevé, ça reste un taux raisonnable d'autant plus que si on les repère, évidemment on casse la chaîne de contamination. Que l'immense majorité de ces enfants sont asymptomatiques ou n'ont que des petits symptômes. Donc on est toujours dans un rapport avantages/inconvénients. On peut toujours souligner les inconvénients. Moi ce que je fais à chaque fois, c'est de prendre des décisions en mesurant les inconvénients et en mesurant les avantages. Vous verrez quand on fera le bilan de cette crise quand elle sera finie, c'est-à-dire j'espère le plus tôt possible, on verra à quel point c'était la bonne stratégie. C'est-à-dire il fallait avoir les écoles ouvertes, qu'on est en train de préserver l'avenir de la France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, comment se fait-il que les enseignants doivent payer de leur poche le reste à charge de leur test salivaire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors un test salivaire, ça coûte autour de 60 euros, la réalité, et bien entendu on ne fait pas payer ça. C'est gratuit pour tous les enfants. Je ne crois pas qu'il y ait un seul pays qui fasse ce que nous faisons en ce moment, c'est-à-dire d'avoir 300 000 tests gratuits pour les enfants alors même que le coût réel de chacun de ces tests c'est 60 euros. Deuxièmement pour les adultes s'applique la règle de la caisse primaire d'Assurance maladie qui apparemment est assez difficile à faire évoluer, qui est que ce qui est effectivement un euro de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un euro de reste à charge.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Qui se prend sur votre carte Vitale sur une prochaine prestation. Ceci étant, je suis en train d'étudier avec le ministère de la Santé la possibilité d'en finir avec cette règle mais ça ne signifie pas que vous versez un euro au moment où on fait votre test. C'est juste quelque chose…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez en finir avec cette règle ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vais essayer. Vous savez, c'est les règles de la caisse primaire d'Assurance maladie peuvent se comprendre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne paieront plus ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, c'est souhaitable. Mais en tout cas, personne n'a à payer tout de suite quoi que ce soit et c'est la règle qui s'applique pour les adultes de la caisse primaire d'Assurance maladie. C'est une règle universelle jusqu'à présent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La vaccination des personnels scolaires et notamment des enseignants. Vous aviez souhaité qu'elle soit prioritaire mais elle ne l'est pas.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Il y a une règle d'ensemble qui est fixée qui est : on va des plus vulnérables aux moins vulnérables. Donc on va des plus âgés et des personnes qui ont des comorbidités jusqu'aux moins vulnérables. Certains professeurs sont déjà concernés par la vague de vaccination que nous faisons puisque, s'ils ont plus de 50 ans et qu'ils ont une comorbidité, ils ont évidemment la vaccination possible dès maintenant. Evidemment que je plaide pour que dès que ce sera possible, c'est-à-dire dès que la vague de vaccins sera suffisante pour qu'ils soient considérés comme étant dans les catégories prioritaires, cela se passe. Donc j'espère que c'est au cours des prochaines semaines qu'une bonne partie des professeurs seront concernés. Nous y travaillons mais il y a une rationalité à ce que nous sommes en train de faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de priorité. Le sport pour les enfants ; donc horaires du couvre-feu - on est bien d'accord. Les gymnases restent fermés.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour l'éducation physique et sportive en temps scolaire, non, ils peuvent rouvrir. C'est une des innovations. Nous prenons en considération une autre chose si vous voulez. C'est que nos enfants qui sont la priorité, c'est la priorité, c'est affirmé par le président de la République et le Premier ministre en permanence. Nous pouvons être fiers de cela et nous devons le traduire de manière concrète. Et c'est vrai pour nous tous, acteurs de la société. Les enfants, les adolescents, les jeunes doivent être notre priorité absolue. Un des problèmes de la jeunesse aujourd'hui, les petits comme les comme les plus grands, c'est le manque d'activité physique, le risque de sédentarité, le risque de problèmes de santé liés à cela. Le risque de déprime aussi, disons-le. Donc nous prenons en compte cela, notamment pour continuer à autoriser les activités sportives de plein air dès lors que ce ne sont pas des activités de contact. C'est très important. Et puis deuxièmement, nous permettons l'activité et donc l'éducation physique et sportive en temps scolaire, y compris en milieu fermé dès lors que le protocole que nous avions élaboré au premier trimestre de cette année scolaire est appliqué, de façon à ce qu'il n'y ait pas de contaminations dans ces gymnases.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les cours de natation ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
La piscine en temps scolaire redevient possible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Redevient possible ; bien. Jean-Michel BLANQUER, 5 000 spectateurs testés négatifs - je parle de football professionnel - testés négatifs pourront assister à un match de foot. Pays-Bas/Lituanie, un match international le 27 mars à Amsterdam. Est-ce que c'est un exemple à suivre ? Chaque spectateur devra montrer un test négatif grâce à une application combinée au ticket du match.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce sont des expérimentations intéressantes. Nous regardons ça avec Roxana MARACINEANU de près puisque si dans le futur ça nous permet d'avoir un retour aux stades plus rapide, évidemment que c'est intéressant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On pourrait tester cela en France ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pourquoi pas ? En tout cas c'est quelque chose que je ne nous interdis pas. Vous savez, nous parlons beaucoup avec les fédérations en permanence en ce moment. En plus on a une proposition de loi sport qui est passée devant l'Assemblée hier et avant-hier. Nous avons évidemment un grand désir de retour au stade mais il faut que ça se passe dans de bonnes conditions. Pourquoi pas ce type de formule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le cyber-harcèlement, je voulais vous en parler. Le cyber-harcèlement a augmenté depuis le début de l'épidémie. Alors interdiction des téléphones portables, on le sait, au collège ; fréquentation des réseaux sociaux interdite avant 13 ans. De nouvelles mesures sont envisagées ? Est-ce que vous envisagez de nouvelles mesures ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On doit toujours aller plus loin en la matière. D'abord, merci de rappeler l'interdiction du téléphone portable : elle est effective dans tous les collèges de France. C'est quelque chose qui a vraiment changé la donne notamment pour que les élèves fassent autre chose que d'être sur leur portable tout simplement, et ç'a une vertu éducative très importante. C'est une mesure dont vraiment tout le monde se félicite aujourd'hui. Evidemment ça n'est pas suffisant. L'interdiction aux moins de 13 ans d'aller sur les réseaux sociaux doit être beaucoup plus effective. Elle est très difficile à appliquer, les parents le savent bien et nous allons, avec les plateformes des réseaux sociaux, tenter de la faire respecter davantage.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, c'est des sujets difficiles parce que c'est souvent des règles - comment dirais-je - mondiales qui s'appliquent dans les réseaux sociaux. Mais ce que nous souhaitons, c'est qu'à chaque fois qu'il y a un enfant de moins de 13 ans qui est sur un réseau social, le réseau social s'en rende compte, le signale aux parents. C'est la moindre des choses. On doit les responsabiliser davantage. Nous sommes dans le dialogue mais il est évident que nous avons une stratégie très puissante dans la lutte contre le harcèlement qui commence à avoir des premiers effets. C'est-à-dire que nos enquêtes nous montrent qu'il y a moins de harcèlement en présence. En revanche ce qui se passe, c'est qu'il y a une explosion du cyber-harcèlement qui s'est produite avec le premier confinement et qui depuis continue à être assez intense. C'est un phénomène de société mondial très grave, qui conduit à des morts comme la petite Alisha et je vais donc réunir de nouveau l'ensemble des associations, des acteurs sur ces questions. C'est un sujet sur lequel je travaille beaucoup avec Adrien TAQUET, en charge de la protection de l'enfance, de façon à ce que nous ayons un réel impact sur cette question, une responsabilisation des familles, en particulier sur cet enjeu. Et d'ores et déjà ce que j'ai demandé aux chefs d'établissement, c'est une plus grande sévérité sur les cas de cyber-harcèlement qui sont observés en milieu scolaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, l'UNEF, le syndicat étudiant, interdit la présence de Blancs, hommes ou femmes, lors de certaines réunions. Est-ce un acte raciste pour vous ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. C'est profondément scandaleux. Il y a trois ans déjà, je dénoncé ce que faisait un syndicat en la matière. J'ai les idées parfaitement claires sur ces questions. Nous sommes dans la République française. La République française repose sur des principes que nous considérons tous comme intangibles. L'article 1 de la Déclaration des droits de l'Homme dit : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits. » Ça signifie qu'on ne distingue pas les gens en fonction de la couleur de leur peau, c'est une absurdité. Les gens qui se prétendent progressistes et qui se prétendant progressistes distinguent les gens en fonction de la couleur de leur peau nous mènent vers des choses qui ressemblent au fascisme. C'est extrêmement grave. Donc soit ils le font de bonne foi si je puis dire, en pensant bien faire alors qu'ils font une chose folle ; soit ils ont des projets politiques qui sont gravissimes, qui fragmentent la société, qui divisent les gens entre eux en fonction… Alors que la République, c'est le projet inverse. La République c'est qu'on se fiche de la couleur de la peau des gens, ce qui compte c'est d'être citoyen de France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est condamnable ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr que c'est condamnable et si ça ne l'est… Juridiquement, c'est compliqué.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui va porter l'affaire devant la justice ? Vous ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Moi, je l'ai déjà portée devant la justice s'agissant du syndicat SUD Education il y a trois ans.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et là, vous allez le faire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je ne suis pas ministre de l'Enseignement supérieur mais en tant que ministre de l'Education, chaque fois que je constate des choses de ce type, bien sûr que je considère que ça doit être porté en justice et je réfléchis à d'éventuelles évolutions législatives pour empêcher cela.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Le fait que ce soit illégal tout simplement de faire des réunions en réalité racistes, simplement en utilisant le mot racialiser pour ouvrir l'idée de racisme. Vous savez, cette pente-là est gravissime. Elle s'insinue parfois dans la jeunesse avec les apparences de la générosité, de la lutte contre les discriminations. En réalité ça monte les gens les uns contre les autres. C'est très grave, c'est antirépublicain et moi si j'ai bien un projet politique, c'est celui du projet républicain. C'est ce qui fait mon adhésion au projet politique d'Emmanuel MACRON dès 2017, c'est-à-dire un projet politique qui non seulement dépasse les clivages mais veut unir la société. Unir la société sur des enjeux d'intérêt général, sur des enjeux sociaux qui sont des enjeux de rassemblement. Pas des choses qui fragmentent et qui divise les gens en fonction de la couleur de leur peau.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Michel BLANQUER d'être venu nous voir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2021