Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat consacré au suivi de la crise sanitaire, dont la conférence des présidents a décidé la tenue le 2 février. En raison de l'importance de la pandémie et de ses conséquences, elle a souhaité que l'Assemblée nationale prête une attention particulière aux modalités selon lesquelles la France y fait face. Ce débat s'inscrit également dans le prolongement des nombreuses auditions menées par les commissions dans leurs domaines de compétences respectifs. Je rappelle que ces travaux ont fait l'objet d'une publication commune, préalablement mise en ligne sur le site de l'Assemblée nationale.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les représentants des commissions et de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – OPECST –, les orateurs des groupes puis le Gouvernement. Nous passerons ensuite à une série de questions-réponses.
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Que dire qui n'ait déjà été dit, écrit, entendu au sujet de cette crise sanitaire ? Si je pose cette question, c'est parce que le thème de ce débat a été imposé à tous par les circonstances, il y a un peu plus d'un an ; thème imposé dont j'ai bien conscience qu'il suscite de la fatigue, de la lassitude, de l'exaspération, mais qui recouvre aussi le drame vécu par tant de nos concitoyens, tant de familles endeuillées.
À ce jour, 92 908 Français sont morts du covid-19 : j'ai évidemment, en cet instant, une pensée pour eux et pour leurs proches. Derrière les chiffres égrenés avec lesquels nous vivons depuis plusieurs mois, qui permettent de suivre la marche de l'épidémie et de prendre des décisions adaptées, il y a des histoires personnelles et familiales ; il y a des parents, des grands-parents, des amis, des collègues, des êtres aimés que l'on ne reverra plus. Je pense à ceux qui luttent aujourd'hui dans les services de réanimation : les malades, mais aussi les soignants qui les accompagnent dans cette épreuve, dans ce combat, et dont la mobilisation, depuis le début de l'épidémie, a été proprement exceptionnelle. Nous leur devons tant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR et Dem.)
L'été dernier, le Ségur de la santé a traduit cette reconnaissance en actes et en engagements financiers inédits. Cette reconnaissance, ces engagements, attendus par toute la nation, ne pouvaient attendre davantage. La première ligne n'est pas un concept imaginaire ou médiatique, c'est la ligne qui fait face aux patients en manque d'oxygène, en détresse respiratoire, aux vies qui ne tiennent plus qu'à un fil.
Aujourd'hui, nous sommes à un tournant de notre combat contre l'épidémie : les prochaines semaines s'annoncent très difficiles, mais pour la suite, l'espoir, encore vague il y a peu, est désormais permis. Pour que cet espoir prenne une forme concrète, il a fallu que la recherche tienne toutes ses promesses et accomplisse la prouesse d'élaborer en quelques mois seulement un vaccin dont il nous revient aujourd'hui d'assurer le déploiement dans les meilleures conditions. Nous en débattons régulièrement dans cet hémicycle. Croyez bien que nous suivons heure par heure la progression de la campagne de vaccination : à court terme, elle changera la donne, et je gage qu'elle la changera définitivement.
Mesdames et messieurs les députés, quels enseignements tirer de ce que nous avons vécu, de ce que nous vivons encore ? Nous avons appris, ce qui est la moindre des choses, me direz-vous ; mais quand survient un événement aussi inconcevable, un virus au sujet duquel les connaissances théoriques et pratiques font également défaut, cette nouveauté même constitue un handicap considérable, que seuls l'expérience et le temps peuvent permettre de surmonter. Nous avons appris à mieux détecter la maladie, à proposer dans tout le territoire des dispositifs de dépistage systématique : la France s'est montrée capable de cette prouesse technique et logistique.
Désormais, que ce soit dans les villes ou à la campagne, nos concitoyens peuvent se faire tester gratuitement, sans ordonnance, afin de se protéger et de protéger leurs proches. Nous avons appris à mieux soigner les malades, à mieux les prendre en charge. Aujourd'hui, grâce à la mobilisation des acteurs de la médecine de ville, les patients sont hospitalisés à leur domicile, même si une oxygénothérapie est nécessaire ; à l'hôpital, le nombre de lits de réanimation et de soins critiques est bien plus élevé qu'avant la crise et peut encore être adapté, en fonction de l'évolution de l'épidémie, aux besoins de chaque territoire. Nous savons organiser des transferts sanitaires par voie aérienne, par train, par bateau, afin de répartir la charge entre tous les services de réanimation de France.
Voilà quelques-uns des enseignements que nous avons tirés de cette crise sanitaire, avant même d'en être sortis. L'épidémie n'est pas un aléa sanitaire, voire hospitalier : par son ampleur, elle constitue un fait social total. Elle interroge nos institutions, le statut de la parole scientifique et jusqu'aux valeurs les plus fondamentales de notre nation, c'est-à-dire pour le Gouvernement, ces dernières semaines, ces derniers mois, la santé de nos concitoyens et les solidarités qui protègent chacun. Il y a des décisions qu'il coûte de prendre ; il y a aussi des enjeux qui n'ont pas de prix. Je suis ministre des solidarités et de la santé : mon portefeuille ne réunit pas par hasard ces deux aspects en réalité indissociables de la protection sociale. Peu d'institutions abritent le quotidien des Français, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs, comme la sécurité sociale, ce pilier du pacte républicain : en témoigne le fait que ses valeurs mettent à peu près tout le monde d'accord, en dépit des profondes divisions de notre société.
Quand tout semble fragile, incertain, la protection sociale est un repère solide, ces derniers mois nous l'ont rappelé. Dans la création d'un revenu de remplacement pour faire face à un ralentissement d'activité inédit, comment ne pas voir la preuve de son rôle majeur en matière d'accompagnement de la vie économique ? L'épidémie aura également prouvé, si besoin était, que l'universalité constituait un principe et une exigence indispensables. Il suffit pour s'en convaincre de diriger son regard vers les pays qui ont fait d'autres choix, des pays pourtant riches, mais où l'accès aux soins ne relève pas de l'évidence pour tout le monde, tant s'en faut. Notre protection sociale est donc bien plus qu'une grande machine assurantielle : c'est une véritable conception de la vie, fondée sur la solidarité, car, dans le pays des droits de l'homme, on ne demande pas à un malade s'il a les moyens de se soigner avant de lui ouvrir les portes d'un hôpital ou d'un laboratoire. La santé pour tous, les solidarités pour chacun, voilà notre exigence commune : l'épidémie n'a fait que la renforcer.
Cette exigence a beau être partagée, je n'en mesure pas moins la fatigue, la lassitude et parfois le découragement de nos concitoyens. Je sais combien les efforts et les sacrifices consentis par chacun sont importants. Ils sont courageux, les Français ! Néanmoins, si, depuis un an, j'ai pu me forger une conviction inamovible, c'est celle qu'il ne faut pas opposer mesures sanitaires et vie collective. Protéger nos concitoyens les plus vulnérables, ce n'est pas faire preuve de charité, ce n'est pas choisir, ce n'est pas privilégier les uns au détriment les autres : c'est honorer notre pacte social et ses promesses. Dedans ou dehors, être citoyen, c'est considérer que toutes les vies ont la même valeur et que chaque vie compte ; chacun de nos comportements individuels contribue à la solution collective qui est devant nous. Après avoir affronté deux vagues, nous savons comment vaincre la troisième. Nous la vaincrons donc et, grâce au courage des Français, nous la vaincrons vite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. Nous en venons aux questions : je vous rappelle qu'elles ne doivent pas dépasser deux minutes, de même que les réponses. Il n'y a pas de droit de réplique.
Nous commençons par les questions du groupe Les Républicains. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door (LR). Monsieur le ministre, nous nous retrouvons sur un sujet dont vous savez qu'il me passionne : les risques épidémiques. Un an après le premier confinement, nous en sommes au même point. Les stratégies élaborées par le Gouvernement ont-elles donc été efficaces ? Il faudra un jour examiner leur bien-fondé, au vu des résultats : ordres et contrordres, cafouillages administratifs qui ont semé le chaos, retards importants des livraisons de vaccins, stop-and-go pour celui d'AstraZeneca.
Par conséquent, je souhaite vous interroger sur quelques points. Tout d'abord, il est évident que l'Europe a péché par l'achat tardif des vaccins et la négociation des contrats ; à ce jour, chacun le reconnaît, y compris au sein de la Commission européenne. Pourquoi ne pas s'orienter vers l'accroissement de nos stocks par le vaccin russe, dont on parle beaucoup et qui possède une certaine efficacité ?
Il conviendrait aussi de s'interroger au sujet des déprogrammations d'interventions chirurgicales, qui agitent le centre Gustave-Roussy et le professeur Axel Kahn en raison des risques qu'elles entraînent pour les patients, particulièrement lorsque leur pathologie est cancéreuse ; ainsi qu'au sujet du décret du 1er mars, qui refuse aux infirmiers diplômés d'État le droit de prescription pourtant accordé aux sages-femmes et aux pharmaciens. Dans les territoires ruraux, ces professionnels de santé jouent un rôle d'autant plus important que les médecins se font rares. Il y a donc là, malheureusement, une incohérence au sein de la stratégie vaccinale.
Enfin, je vaccine chaque semaine, monsieur le ministre, et l'on me questionne sur cette vaccination en fonction des tranches d'âge. Ces derniers mois, j'ai réclamé ici, à plusieurs reprises, une vaccination de masse. Il faut en finir avec le saucissonnage : à tout âge, les Français doivent pouvoir se faire vacciner.
M. Olivier Véran, ministre. Non !
M. Jean-Pierre Door. C'est certainement l'unique solution. Nous l'avions fait à l'époque du virus H1N1 : cela n'a pas été une grande réussite vaccinale, hélas, mais c'était une vaccination de grande ampleur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Vous-même l'avez souligné, monsieur Door : vous êtes parlementaire et médecin. Peut-on décemment proposer à toute une population un produit de santé qui n'a été autorisé par aucune des agences habilitées, les Russes ayant tout simplement tardé à déposer la demande d'autorisation ? J'ai l'impression d'avoir déjà eu cette discussion,…
M. Jean-Pierre Door. Non !
M. Olivier Véran, ministre. …non pas avec vous, mais avec certains de vos collègues, et au sujet de remèdes prétendument miraculeux. Combien de fois, en un an, m'aura-t-on demandé pourquoi je n'autorisais pas tel ou tel médicament, puisque cela fonctionnait ! Or, quelques mois plus tard, je ne regrettais pas d'avoir eu les reins solides. Si l'AEM, l'Agence européenne des médicaments, autorise la mise sur le marché du vaccin russe, je serai très heureux que nous disposions de cette ressource supplémentaire. À ce stade,…
M. Jean-Pierre Door. Il faut deux mois pour l'instruction !
M. Olivier Véran, ministre. …cette autorisation demandée tardivement, je le répète, n'a pas encore été accordée. Je tiens en outre à souligner que les Russes, à l'heure où je vous parle, ont vacciné 4 % de leur population, contre 11 % en France : je ne suis donc pas sûr que les doses de ce vaccin afflueraient vers notre territoire, même s'il y était déjà autorisé. Enfin, pourquoi pas ?
Concernant les infirmiers, je souhaite comme vous qu'ils puissent prescrire le vaccin AstraZeneca, afin de l'administrer à domicile aux personnes âgées isolées. La Haute Autorité de santé – HAS – me l'a refusé une première fois. Je l'ai de nouveau saisie ; elle doit donner sa réponse dans les tout prochains jours. Pour avoir adopté ces dispositions dans un cadre législatif, vous savez que la HAS est une autorité indépendante. En tant que ministre, en tant que médecin, je voudrais que les infirmiers reçoivent ce droit de prescription : vous voyez que ma réponse va loin. Or je dois attendre l'avis des experts. Depuis un an que je gère cette crise, j'évite de revêtir leur costume ; j'essaie de les écouter lorsqu'ils sont raisonnés et raisonnables, parfois de les motiver, de les inciter à faire preuve d'ouverture d'esprit, mais en aucun cas de les contraindre. Jusqu'à présent, il semblerait plutôt que nous avons bien fait de nous en tenir à cette attitude.
Enfin, c'est à la vaccination par tranche d'âge que nous devons une mortalité bien plus faible que prévu, puisque nous avons donné la priorité aux personnes les plus âgées : sans cela, il y aurait chaque jour deux ou trois fois plus de décès qu'il ne s'en produit réellement. Peut-être aurions-nous même dépassé le seuil des 100 000 morts. On continue de protéger en priorité les plus fragiles ; il sera temps d'élargir la vaccination ensuite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.
Mme Laurence Trastour-Isnart (LR). Cela fait un an que nos concitoyens subissent des restrictions de libertés. Pour les justifier, vous aviez mis en avant le défaut de connaissances au sujet de ce virus ; aujourd'hui, comment expliquer le retour à la case « confinement » ? Comment entendre parler, comme jeudi dernier, de course contre la montre, alors que la pandémie dure depuis un an ? Les Français ont le sentiment qu'un Gouvernement d'amateurs bricole des mesures à la petite semaine. L'attestation de déplacement publiée la semaine passée, par exemple, en constitue à elle seule un témoignage flagrant.
Où sont les 12 000 lits de réanimation promis au début de la crise ? L'argument du manque de lits en réanimation ne peut plus être invoqué. Qu'en est-il des recrutements de personnels soignants, de leur montée en compétence afin de renforcer les équipes ? Ceux qui se mobilisent depuis un an sont épuisés, bien qu'ils continuent de réaliser un travail remarquable, que je tiens à saluer ici. Pourquoi avoir déprogrammé des interventions chirurgicales dans des structures privées qui n'ont finalement pas accueilli de malades de la covid-19 ? Pourquoi une campagne de vaccination si lente, alors qu'elle devrait être prioritaire ? Pourquoi, au sein des EHPAD, nos aînés se sont-ils trouvés isolés des mois durant ? Aujourd'hui, ce sont les jeunes, déprimés, inquiets pour leur avenir, qui se sentent sacrifiés. Comment peut-on qualifier certains commerces de « non essentiels » ? Quel manque de considération ! Les entrepreneurs sont désespérés : ils demandent à pouvoir rouvrir, accueillir des clients, travailler, enfin.
Le 16 mars 2020, le Président de la République déclarait : « Nous sommes en guerre. » Un an plus tard, nous attendons toujours notre chef de guerre… Les citoyens veulent retrouver leur liberté ; ils ne tolèrent plus d'être infantilisés. Quand leur présenterez-vous un échéancier concret en vue du retour à une vie normale, afin que nous puissions tous nous projeter dans l'avenir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Justement parce que je n'infantilise pas les Français, vous ne m'aurez jamais vu en tant que député – consultez les archives –, vous ne me verrez jamais en tant que ministre, les interpeller par un tel enchaînement de formules toutes faites, lapidaires, qui ne servent pas le débat démocratique.
M. Julien Borowczyk. C'est vrai, ce n'est pas au niveau !
M. Olivier Véran, ministre. Ne pas infantiliser les Français, c'est être capable de leur dire ce qu'ils savent d'ailleurs déjà : qu'un virus émergent, un variant dont ni vous ni moi n'avions entendu parler avant le mois de janvier, une épidémie, sont des phénomènes naturels contre lesquels il faut lutter par des moyens naturels tels que le vaccin ou la distanciation sociale, mais aussi par notre courage.
Madame la députée, les Français en ont marre : marre du confinement, du virus, d'avoir des malades autour d'eux,…
Mme Laurence Trastour-Isnart. Ils en ont marre qu'on ne leur fasse pas confiance !
M. Olivier Véran, ministre. …marre que les soignants, en milieu hospitalier, subissent un stress considérable. Vous êtes libre de vos propos, comme je le suis des miens, mais je croirais volontiers aussi que nos concitoyens sont las d'entendre ce genre d'interpellations.
Je suis ici devant vous pour que nous puissions discuter ensemble des solutions que vous avez à proposer. Si votre proposition, face à la troisième vague que nous affrontons, consiste à rouvrir les commerces et à multiplier les lits de réanimation pour mieux les remplir, sans vous soucier des victimes, nous ne serons définitivement pas d'accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Julien Borowczyk. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Comme mon collègue Philippe Bolo ici présent, je me félicite de la vaccination à venir des personnels enseignants, particulièrement exposés du simple fait des flux de personnes importants dans les établissements.
M. Frédéric Reiss. Très bien ! Il était temps.
Mme Géraldine Bannier. Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur la vaccination des personnes fragiles et plus particulièrement, suite à la publication du communiqué du Collège national des gynécologues et obstétriciens français – CNGOF – et du groupe de recherche sur les infections pendant la grossesse – GRIG – sur celle des femmes enceintes, particulièrement vulnérables. Les médecins préconisent d'utiliser les vaccins à ARN messager des laboratoires Pfizer et Moderna dès la fin du premier trimestre de grossesse. La Haute Autorité de santé a partagé un avis, début mars, stipulant que l'administration des vaccins contre le covid-19 chez la femme enceinte n'est pas contre-indiquée.
Sont particulièrement ciblées les femmes enceintes âgées de plus de 35 ans, celles présentant d'autres comorbidités comme l'obésité ou le diabète, ainsi que les femmes enceintes susceptibles d'être en contact avec des personnes infectées du fait de leur activité professionnelle. La perspective du covid-19 est particulièrement angoissante pour ces femmes, d'autant plus que les conditions d'accouchement sont difficiles dans le contexte sanitaire actuel. Monsieur le ministre, quelle suite donnerez-vous à ces préconisations ?
Il sera sans doute important durant la phase d'élargissement des publics à vacciner, hors critère d'âge, de prioriser les individus particulièrement exposés, comme les travailleurs en milieux clos ou « au contact » ; je pense notamment aux surveillants pénitentiaires, mais aussi aux conducteurs de bus, aux commerçants et aux ouvriers, dont on doit saluer à nouveau le rôle essentiel durant cette période difficile. Monsieur le ministre, étant précisé que nous comprenons bien qu'il faille faire preuve de patience pour la livraison des vaccins, sera-t-il possible, et à quelle échéance, d'intégrer les femmes enceintes et les travailleurs exposés à la liste des publics prioritaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Je vous remercie, madame la députée, pour votre question. Ce que dit la Haute Autorité de santé, c'est que la vaccination n'est pas contre-indiquée chez les femmes enceintes et que le vaccin à ARN doit être privilégié. On considère en effet que l'ARN messager se dégradant très vite, il ne présente pas de risque avéré pour le foetus. De la même façon, une femme allaitante pourrait être vaccinée.
La Haute Autorité de santé propose de privilégier la vaccination des femmes enceintes âgées de plus de 35 ans, et/ou porteuses de comorbidités. Le fait d'être enceinte ne constitue pas en lui-même un facteur de risque de présenter des formes graves. Femme enceinte ou non, travailleur de première ligne ou non, la priorité aujourd'hui est d'éviter à des gens d'aller en réanimation. Or l'immense majorité des personnes qui vont en réanimation, qui sont hospitalisées ou qui font l'objet d'un transfert sanitaire sont des personnes âgées, même si l'on peut toujours y trouver des gens jeunes présentant des comorbidités, comme une très forte obésité. L'âge est le principal facteur déterminant.
L'objectif de la phase actuelle de la vaccination est d'éviter que les gens développent des formes graves de la maladie, tout simplement pour les empêcher de mourir. C'est cet objectif que nous poursuivons. Ensuite, comme l'a dit le Président de la République, lorsque la couverture vaccinale des publics fragiles sera plus importante, vers la fin du mois d'avril, se posera la question de la priorisation de certaines professions ; le Président a par exemple évoqué les enseignants car les écoles sont ouvertes en France. C'est ainsi qu'il faut envisager la vaccination, comme nous le recommandent toutes les autorités scientifiques françaises, européennes et mondiales. Il me semble que c'est une bonne façon de procéder.
M. le président. La parole est à M. Alain David.
M. Alain David (SOC). Le 28 janvier dernier, le comité de liaison réuni à l'initiative du Premier ministre a communiqué aux parlementaires des projections d'évolution des contaminations en fonction de l'impact des variants. Ces projections laissaient envisager, en l'absence de mesures supplémentaires et indépendamment de l'effet du vaccin, une explosion de la pandémie. Nous avions alors imaginé, comme d'autres, que le Gouvernement déciderait de ce que son porte-parole qualifiait alors de confinement très serré, qu'il définissait comme un confinement ayant des effets rapides et efficaces pour freiner davantage la circulation du virus. Finalement, il n'en fut rien. Le Président prit la décision de nous laisser une chance de ne pas confiner, dans une forme de pari dont on peut dire aujourd'hui, au regard des décisions prises, qu'il a été perdu. Les projections se sont réalisées à hauteur de 70 ou 80 % ; l'explosion des contaminations mi-mars n'était pas seulement prévisible, elle était prévue.
Ces projections ayant par la suite été passées sous silence et ignorées, la présidente du groupe socialiste les a à nouveau réclamées lors de la réunion du 17 mars avec le Premier ministre, en demandant que l'impact de la vaccination y soit inclus. Finalement, le 18 mars, le Premier ministre lui a transmis une nouvelle projection jusqu'au 24 mai qui laisse envisager, sans confinement, jusqu'à 140 000 nouvelles contaminations par jour. Cette projection n'inclut toujours pas l'impact de la vaccination.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, pourquoi il n'a pas été mieux tenu compte des prévisions du 28 janvier, et nous préciser les conséquences de cette décision ? Pourriez-vous également nous dire comment considérer les nouvelles projections, dans la mesure où il n'a pas été fait le choix d'un confinement mais plutôt d'une troisième voie dont on mesure mal l'impact qu'elle pourra avoir sur la pandémie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. J'étais présent, à la fin du mois de janvier, lorsque le Premier ministre a consulté les présidents des groupes parlementaires. Il est possible que je perde la mémoire, la fatigue aidant. Je suis néanmoins à peu près convaincu – et cela pourra être vérifié dans les archives – que le groupe socialiste n'a pas appelé au confinement serré. Je peux vous le dire : j'y étais. Il me semble qu'à l'époque, pas un seul parlementaire socialiste n'appelait à un confinement dur et serré. On peut toujours refaire le match et refaire l'histoire…
M. Alain David. C'est le porte-parole du Gouvernement !
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le député, c'est un fait. Vous avez dit que vous étiez favorable au confinement mais en réalité, à l'époque, la question vous avait été posé et vous ne l'étiez pas.
J'en viens au deuxième point de ma réponse. À l'époque, le Conseil scientifique réalisait des simulations d'évolution des cas qui étaient révisées toutes les semaines. Or nous avons observé, chaque semaine au cours du mois de janvier, que le début de la phase exponentielle de l'épidémie était repoussé de dix jours. Chaque semaine, nous gagnions dix jours. Après un certain temps, à force de gagner dix jours à chaque fois, nous nous sommes dit que nous n'étions pas au pied du mur et qu'il n'y avait pas lieu de décider d'un confinement. En revanche, nous avons mis en place des mesures importantes, notamment un couvre-feu resserré et des mesures de gestion là où cela était nécessaire, et nous restons prêts à nous réinterroger à chaque instant.
D'autres pays ont fait d'autres choix. On a beaucoup parlé de l'Allemagne – les députés du groupe LR notamment m'en ont beaucoup parlé pendant la première année de gestion de crise, mais je crois qu'ils ne sont plus là. L'Allemagne a voulu écraser le virus en fermant tout et en confinant, pour ne pas voir augmenter la circulation des variants et du virus. Absolument tout a été fermé le 13 décembre, notamment les écoles et les commerces, pour une durée de trois mois – quasiment deux fois la durée du premier confinement français. Puis les Allemands ont rouvert et, dix jours après, ils ont constaté que la circulation du virus recommençait à augmenter en raison de l'effet du variant. Aujourd'hui, ils referment.
Nous devons être humbles collectivement, avec nos certitudes et nos incertitudes, et avancer en ayant toujours, au coeur et au corps, la volonté de protéger les Français dans tous les sens que recouvre le terme « protection » : protection de la santé, de la santé mentale, de la santé économique et de la santé sociale. Les décisions sont prises lorsqu'elles deviennent absolument indispensables. Il était devenu indispensable, il y a quelques jours, de prendre des mesures fortes dans certaines régions. Nous prendrons les mesures indispensables chaque fois qu'elles le deviendront et non par anticipation, monsieur le député, car si l'on anticipe trop, on décide trop tôt, on confine trop et on ne protège pas mieux.
Mme Sereine Mauborgne. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). J'ai trois questions, monsieur le ministre. La covid-19 a été un véritable accélérateur de la transformation de nos façons de travailler. Ma première question porte sur la coordination entre le public et le privé, qui s'est révélée extraordinaire et qui doit encore s'accélérer. La déprogrammation d'opérations et d'actes de dépistage, dans les hôpitaux, est importante. Comment, dès lors, renforcer davantage dans les jours et semaines à venir la coordination entre le public et le privé, nécessaire pour éviter des situations dramatiques pour certaines personnes atteintes de pathologies chroniques ?
Ma deuxième question concerne le traitement, au sujet duquel je crois avoir entendu que les laboratoires Roche avaient réalisé une découverte importante. Avez-vous des projets concernant les traitements, qui pourraient être une autre façon de sortir du tunnel et de redonner espoir à nos concitoyens ?
Ma troisième question concerne la vaccination, notre unique et seul passeport de sortie de crise, qui doit être fortement accélérée.
M. Olivier Véran, ministre. Tout à fait.
Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je me réjouis de l'annonce que vous venez de faire à mon collègue Jean-Pierre Door quant à votre volonté d'élargir aux infirmières la possibilité de vacciner ; elles pourront en effet se rendre à domicile pour le faire, ce qui répond à une demande forte de nos concitoyens. Je m'interroge sur la possibilité, pour l'ensemble du circuit de ville, de vacciner avec tous les vaccins. Les grossistes répartiteurs sont maintenant équipés de frigos permettant de stocker les vaccins Moderna et Pfizer. Moi qui suis pharmacien, je n'ai pas encore vacciné parce que je n'ai pas encore reçu les doses que j'attends. Je vais recevoir deux flacons, avec lesquels je vaccinerai vendredi et samedi, puis je n'aurai plus rien jusqu'au 10 avril. C'est la limite du vaccin AstraZeneca : vous gérez la pénurie, et ce n'est pas simple. Mais quand pourrons-nous vacciner avec les vaccins Pfizer et Moderna ?
Enfin, j'ai une question au sujet des personnels soignants, qui sont relativement peu vaccinés. Vous aviez rédigé une lettre d'incitation à leur intention, monsieur le ministre. Leur vaccination est en effet également un enjeu important. Avez-vous un retour quant à l'acceptation de la vaccination par les personnels à la suite de votre courrier ? (Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame la députée, vous avez posé quatre questions ! N'étant pas certain de pouvoir répondre aux quatre, je vais vous apporter des réponses rapides.
La coordination entre le public et le privé, d'abord, est excellente. J'ai fait le point ce matin. Le secteur privé lucratif prend désormais en charge 22 % des patients souffrant de covid-19 hospitalisés en soins critiques dans notre pays, contre 19 % pendant la première vague. Le niveau de prise en charge par le privé a donc augmenté. Des déprogrammations sont également prévues partout mais vous avez raison, elles doivent se faire en bonne intelligence entre public et privé, pour préserver la cancérologie et les interventions lourdes. Tout le monde est au charbon !
Concernant votre deuxième question, sachez que la France a acheté des traitements à base d'anticorps monoclonaux, en quantité : celui d'Eli Lilly et celui de Roche – le traitement avec Regeneron, que vous évoquiez. Les arguments scientifiques sont là : les études de phase 3 montrent une réduction de 70 % des risques de cas graves. Plus d'une centaine de Français ont déjà bénéficié de ces traitements depuis leur réception il y a quelques jours. Les anticorps monoclonaux bénéficient d'une autorisation temporaire d'utilisation – ATU – de cohorte en bonne et due forme. Plus de cent hôpitaux sont mobilisés, avec la médecine de ville, pour pouvoir prescrire ces traitements en phase précoce aux patients âgés de 70 ans et plus, porteurs de comorbidités, pour éviter les formes graves de la maladie. Gageons que cela fonctionnera.
Au sujet de la vaccination, madame la députée, je vous ferai une réponse de Gascon : plus j'ai de doses, mieux je me porte ! On parle aujourd'hui de logistique vaccinale mais en réalité il n'y a pas de stocks, pas de réserves. L'utilisation des doses du vaccin Pfizer atteint 90 %. Un léger retard a été enregistré dans la vaccination avec le vaccin AstraZeneca en raison de ce qui s'est passé la semaine dernière, mais hier 70 000 injections ont été réalisées en une journée avec ce vaccin, sur un total de 280 000 – un chiffre qui augmentera encore aujourd'hui. Le nombre de vaccinés augmente donc !
Plus j'aurai de doses, plus j'en donnerai aux pharmaciens, aux médecins, aux infirmiers, aux kinésithérapeutes, aux sages-femmes et aux centres de vaccination, et plus la population sera protégée. Il est faux d'affirmer que le facteur limitant est la logistique. Je sais que ce n'est pas ce que vous avez dit, madame la députée, mais je le précise à destination de ceux qui mettent en cause la logistique ou la bureaucratie. Le seul facteur limitant pour la vaccination est le nombre de doses qui nous sont livrées aujourd'hui. Les livraisons vont augmenter et nous aurons besoin de tout le monde car il faudra vacciner vite et fort – nous savons le faire.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill (UDI-I). Les mesures de soutien à l'économie dans les seize départements concernés par le nouveau confinement coûteront, selon Bercy, 7,2 milliards d'euros par mois. Cette somme colossale est de l'argent perdu car elle ne sert qu'à maintenir sous perfusion les commerces et services condamnés à une mort programmée par des restrictions gouvernementales. Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait pu faire d'une pierre deux coups en investissant ses capitaux dans des entreprises et acteurs français ayant développé des outils et technologies de lutte contre le virus. Il aurait ainsi largement contribué à un investissement rentable pour notre pays, tout en forgeant un formidable instrument de souveraineté sanitaire.
M. Olivier Véran, ministre. Eh oui !
Mme Agnès Thill. Si vos services ne vous ont pas transmis de listes de ces acteurs, je peux vous aider à l'établir. L'entreprise Proneem a développé un spray virucide pour tous types de tissus. L'entreprise bioMérieux vient d'obtenir l'homologation aux USA d'un diagnostic pour infection respiratoire. Les marins-pompiers de Marseille ont cherché dès l'apparition du virus, en coopération avec bioMérieux, des réactifs susceptibles de détecter les concentrations virales et ont réussi à arrêter la propagation du virus dans quatre-vingts EHPAD marseillais et en Moselle. Je pourrais citer de nombreuses autres sociétés, de Dassault Systèmes à des petites entreprises locales.
Pour des coûts bien moindres que ceux du reconfinement, l'investissement dans ces acteurs aurait pu avoir de formidables retombées positives pour l'emploi, la recherche et la souveraineté de la France, tout en épargnant d'énièmes mesures à nos concitoyens qui sont au bord de l'usure. Aussi, monsieur le ministre, comment et combien le Gouvernement va-t-il investir pour faire de ces acteurs français, dont l'excellence nous honore, une force de frappe conséquente dans la lutte contre l'épidémie et pour la relance de notre pays ? Par ailleurs, vos services peuvent-ils mettre à la disposition des parlementaires une cartographie complète de ces acteurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Je relayerai la dernière partie de votre question à Bercy. Je ne sais pas si les services du ministère disposent d'une cartographie. Sachez néanmoins qu'on ne fait pas la guerre sans des entreprises et des industries très actives. La reconversion des entreprises s'est opérée assez naturellement et assez vite. Ainsi, les masques grand public ont été produits massivement par des entreprises du secteur textile, que vous évoquez, mais aussi d'autres secteurs : le masque que je porte a été fabriqué par Michelin, dont ce n'est pourtant pas le coeur de métier. Je ne parle pas des couturières, des artisans qui se sont mobilisés, de Mme Lemoine dans l'Eure qui a transformé son industrie de cotons-tiges pour fabriquer des écouvillons permettant de réaliser des tests PCR…
Nous avons évidemment besoin que l'industrie participe. C'est aussi dans l'intérêt économique du pays que l'industrie soit capable de se réorganiser face à une demande mondiale croissante et avec un objectif très fort, celui de retrouver de la souveraineté en matière de dispositifs médicaux, de médicaments, de matériaux de protection… La France a la chance d'être à la fois un pays innovant et doté de capacités de production ; au-delà de ses propres besoins, elle peut donc produire pour exporter, ce qui ne fait pas non plus de mal à l'économie.
Dans ce secteur, l'État encourage et accompagne. Il lance également des appels à projets, portés par Bercy, en matière d'innovation en santé. Il accompagne financièrement les petites entreprises, les ETI, mais les grands groupes qui auraient besoin d'être accompagnés pour la réorganisation de leurs filières. Le grand groupe Sanofi a souvent été raillé ; il n'empêche qu'il a transformé deux usines de fabrication en quelques mois en vue de produire des vaccins pour le compte d'autres laboratoires.
C'est aussi cette aventure industrielle collective que je retiendrai de cette crise quand elle sera derrière nous.
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher (LT). Ma question concerne le développement de la pandémie dans les territoires du Pacifique, spécialement celui de Wallis-et-Futuna, auquel notre collègue Sylvain Brial est particulièrement vigilant.
Jusqu'à ces derniers jours, grâce à des mesures très strictes, le territoire était épargné par le virus. Ce n'est plus le cas ; aujourd'hui, c'est une explosion. Pour y faire face, le Gouvernement, dont nous saluons la réactivité, a missionné d'importants moyens. Au nom de Sylvain Brial, j'exprime les remerciements des Wallisiens et Futuniens aux soixante-douze bénévoles qui ont répondu présent mais aussi à l'ensemble des personnels de santé, eux-mêmes largement touchés par ce virus.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de nous faire un état de la situation sur place. Le territoire était épargné par le virus depuis un an. Pouvez-vous nous indiquer en quoi le protocole, adopté localement dans le consensus, a péché ? Il est urgent d'expliquer le développement imprévu de la covid pour couper court à la désignation de boucs émissaires et adapter les règles en vigueur.
Comme certains médias ne cessent de le proclamer, il semble que le virus soit arrivé à Nouméa depuis Wallis, mais d'où est-il arrivé à Wallis, et pourquoi n'a-t-il pas été repéré ? Il faut répondre à cette question afin de lever toute suspicion.
La campagne de vaccination a été promptement lancée. Pouvez-vous nous faire un état de son avancement ? Le virus s'étant répandu par la communauté éducative, parfois par le regroupement des populations du fait de l'alerte tsunami, pouvez-vous nous indiquer si une stratégie vaccinale spécifique a été adoptée ?
Enfin, sur les réseaux sociaux se développe une campagne inqualifiable qui donne à croire que le Gouvernement instrumentalise le virus à des fins politiques. Que comptez-vous entreprendre pour couper court à ces manoeuvres et ne pas laisser se développer une défiance envers la métropole ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. On compte actuellement 310 cas de covid diagnostiqués à Wallis et 8 cas à Futuna, soit 318 cas au total. Il existe un fort potentiel épidémique puisqu'il s'agit essentiellement du variant britannique. Quinze patients sont hospitalisés pour covid, cinq en réanimation, trois en coma intubés et ventilés. Les capacités de prise en charge hospitalière sont extrêmement limitées sur le territoire et un cluster hospitalier a conduit à la contamination de quarante-cinq agents de l'Agence de santé, dont treize médecins, ce qui n'a pas simplifié les choses.
Nous avons réagi extrêmement vite. Tout d'abord, nous avons envoyé un volume important de matériel sanitaire et soixante-quatorze professionnels de santé en renfort immédiat. Nous avons ensuite lancé la plus grosse campagne de vaccination proportionnellement à la population, puisque nous avons envoyé 18 000 doses de vaccin Moderna. Hier, 1 300 personnes avaient déjà été vaccinées. Cette campagne de vaccination va donc aller vite.
Des mesures de gestion ont été décidées très tôt : un confinement généralisé sur l'ensemble du territoire depuis le 9 mars, prolongé jusqu'au 6 avril, ainsi qu'un dépistage intensif. Nous faisons évidemment très attention à toutes les personnes qui arrivent là-bas. Les soixante-quatorze professionnels de santé envoyés sont soumis à un protocole sanitaire strict : la réalisation d'un test PCR a d'ailleurs permis d'identifier trois cas positifs, ce qui a conduit à l'isolement de ces personnes. Les renforts pour l'hôpital sont soumis quotidiennement à des tests antigéniques et deux fois par test PCR en complément.
Je termine en vous indiquant un premier décès à Wallis, le samedi 20 mars ; il s'agissait d'une octogénaire qui avait été transférée depuis Futuna.
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière (FI). Pour commencer, monsieur le ministre, ce que nous faisons là n'est pas de mon point de vue un débat et, sans vous manquer de respect, je pense que vous avez sans doute mieux à faire que de vous prêter à ce jeu de questions-réponses dépourvu de sens. Ce n'est pas digne de la situation à laquelle nous sommes confrontés et les collègues l'ont sans doute compris puisqu'ils ne viennent pas, pas plus que le président de l'Assemblée. Chacun pourra en tirer ses propres conclusions mais franchement, ce n'est pas satisfaisant.
Mme Patricia Mirallès, Mme Sereine Mauborgne et M. Jean-François Eliaou. Nous sommes là !
M. Alexis Corbière. Vous conviendrez qu'il y a un problème, chers collègues : ce n'est pas un débat sérieux.
Je vais tout de même poser ma question… Au mois de décembre, le Premier ministre s'était fixé comme objectif de vacciner quinze millions de personnes ; nous en sommes seulement à huit. Le 4 janvier dernier, le ministre de l'éducation avait annoncé vouloir que les enseignants soient vaccinés « d'ici mars au plus tard » mais hier, le Président de la République ne l'envisageait plus que pour la mi-avril. Vous ouvrez des mégacentres de vaccination mais, dans mon département, sur quarante villes, seules vingt ont des centres de vaccination. J'habite une ville, Bagnolet, où il n'y en a pas, malgré les annonces faites par les préfets au mois de janvier. La situation est telle dans les écoles que les centres d'animation sont fermés et que les parents doivent garder les enfants. Des revenus de remplacement sont-ils prévus ?
Allez-vous élargir la palette de vaccins – nous vous avons déjà posé la question – en recourant à d'autres vaccins que ceux que vous utilisez actuellement ?
Pourquoi vous obstinez-vous à maintenir une situation où nous ne participons pas à la levée des brevets, notamment dans les débats qui ont eu lieu dernièrement au sein de l'Organisation mondiale du commerce – OMC –, afin que nous puissions éviter que se creuse l'inégalité très forte entre pays riches et pays pauvres concernant l'attribution des vaccins ?
Vous l'aurez compris, j'ai utilisé ma question pour appeler votre attention sur ce qui me paraît constituer le fond du problème : la situation n'est satisfaisante ni sur le fond, ni sur la forme – sur ce dernier point, je veux parler du débat parlementaire que nous avons.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le député, je vous rappelle que je ne fixe pas les règles et que je ne fais donc que répondre à la convocation du Parlement. Je passe en effet trois heures ici cet après-midi, juste après le Conseil de défense et de sécurité nationale, à répondre à l'interpellation des députés. Je constate qu'au moment où je vous parle, aucun député du principal groupe d'opposition n'est présent dans l'hémicycle, alors que, dans la plupart des interventions de la discussion générale, était exprimé le regret que le Parlement ne soit pas davantage consulté. Je réponds à chaque convocation. Sans manquer de respect au Parlement, et chacun sait que les parlementaires ont beaucoup de missions, vous êtes douze à être présents.
M. Alexis Corbière. Mais ce n'est pas un vrai débat !
M. Olivier Véran, ministre. Il ne me revient pas de porter de jugement, encore moins de critiquer ; je suis à la disposition du Parlement et je viendrai à chaque fois que je serai convoqué.
Sur les centres, j'ai souhaité de la proximité : que les gens n'aient pas à faire deux heures de bus pour un vaccin. En tout, 1 500 centres de vaccination sont ouverts, appelez-les comme vous voulez, « vaccinodromes », « mégacentres »…, je m'intéresse aux actes plutôt qu'aux mots. Nous ne pouvons évidemment pas avoir un centre de vaccination par commune, cela n'aurait pas de sens, et plutôt que de gérer tout cela depuis le ministère j'ai souhaité que soient coordonnées des cellules départementales réunissant les élus – les parlementaires sont invités –, le préfet et les représentants des ARS, qui ont défini une cartographie propre à chaque département répartissant les différents centres de vaccination. D'autres ouvriront, puisque beaucoup de doses nous seront livrées tout au long des mois d'avril et de mai.
Vous aurez donc peut-être l'occasion de plaider au sein de la cellule départementale pour l'ouverture d'autres centres. Je vous demande pardon de ne pas connaître la situation de votre territoire : je navigue à travers tout le pays, mais je ne connais pas toute la cartographie des centres !
Nous gardons la proximité mais veillons aussi à préserver l'efficacité, car c'est coûteux en ressources humaines : il faut des médecins, des infirmières, des élus, des salariés des collectivités pour organiser cette vaccination.
M. le président. La forme de ce débat a été fixée par la Conférence des présidents et les orateurs sont prévus d'avance, contrairement à des débats d'amendement. La présence physique dans l'hémicycle ne traduit donc pas forcément un désintérêt de nos collègues, qui peuvent suivre le débat sans être présents ici, où ils ne pourraient de toute façon pas intervenir en raison de la forme de nos travaux.
M. Alexis Corbière. Ce n'était pas une critique des collègues !
M. le président. Je tenais simplement à le préciser.
La parole est à M. Sébastien Jumel.
M. Sébastien Jumel (GDR). C'est bien de défendre le Parlement, monsieur le président, vous avez raison, il n'est jamais assez défendu.
Peut-être que le caractère inopérant de ce débat est lié au fait qu'un Conseil de défense s'est tenu il y a quelques minutes et que nous ne savons pas ce qui s'y est dit.
M. Alexis Corbière. Exactement !
M. Sébastien Jumel. Par ailleurs, on réunit l'Assemblée aujourd'hui pour parler de la crise sanitaire alors que les décisions ont été annoncées par le Président de la République il y a deux jours…
Je veux appeler votre attention sur l'important sujet des services de réanimation. La Cour des comptes, qui n'est pas réputée pour être au chevet des services publics, a sonné l'alarme dans son rapport en soulignant « un taux d'équipement en réanimation qui se dégrade » et un modèle « marqué par de fortes inégalités territoriales ». Elle précise que, si ce phénomène n'est pas né durant le présent quinquennat, il n'y a pas non plus été corrigé.
Avec sept lits pour 100 000 habitants, la France est sous-dotée. Pourtant, rien n'a été engagé pour inverser la logique. Pourquoi ne pas avoir écouté la demande des médecins, qui réclament une simplification de l'offre de soins critiques en intégrant au parc de lits de réanimation les lits d'unités de surveillance continue ?
Les services de réanimation sont mal équipés, en matériel comme en personnel. Pourtant, pour 2021, vous n'avez augmenté que de deux postes supplémentaires la spécialité « médecine intensive-réanimation » qui forme des réanimateurs à plein temps. Pourquoi ne pas passer ce niveau de recrutement à 150 postes par an, comme le demande la profession ?
La réanimation peine à recruter et nous pourrions nous retrouver en pénurie aggravée de médecins réanimateurs d'ici à quelques années. Pourquoi ne pas avancer sur la reconnaissance du métier d'infirmier de réanimation, comme le demandent les personnels de santé pour soulager les services ?
Cette situation est due à la logique comptable qui s'est emparée depuis trop longtemps du monde hospitalier. Pourquoi le Gouvernement ne profite-t-il pas de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale pour sortir les services de réanimation de la logique imposée par la tarification à l'activité – T2A ? La Cour des comptes et les médecins le demandent. Allez-vous entendre les propositions des médecins réanimateurs, que je relaie à la faveur de cette question ?
M. Alexis Corbière. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. En 2015 – je n'étais plus parlementaire –, j'ai commis un rapport sur le financement des hôpitaux et me suis notamment intéressé au financement des services de réanimation. Un service de réanimation est ouvert sur autorisation, on dit à un hôpital : « Vous devez avoir quinze lits de réanimation ouverts. » De mémoire, 85 % des coûts de fonctionnement sont des coûts fixes, liés à la présence du personnel, qui doit être là que les lits soient occupés ou non, au matériel et à la nature des soins pratiqués. Pourtant, les soins de réanimation sont payés à l'activité, de sorte que, si vous avez quinze lits ouverts, vous avez des coûts fixes pour quinze lits, même si vous n'avez que cinq patients dedans. C'est pourquoi on dit qu'un service de réanimation fait perdre de l'argent à l'hôpital. Cela m'a toujours hérissé et je n'ai aucun problème avec ce que vous dites – j'aurais même du mal à ne pas être d'accord,…
M. Sébastien Jumel. Il faut le faire !
M. Olivier Véran, ministre. …puisque j'ai écrit dans mon rapport en 2015 qu'il fallait sortir le financement de la réanimation de la tarification à l'activité, comme d'autres soins d'ailleurs.
Des évolutions ont eu lieu dans le financement de la réanimation depuis 2015, peut-être faut-il se réinterroger mais pas maintenant, si vous en êtes d'accord, parce que nous sommes en pleine crise sanitaire et que les ARS sont mobilisées à fond tous les jours et toutes les nuits pour organiser la vaccination, monter les lits de réanimation, aider les personnels… De même, je vois un grand nombre de réanimateurs et d'infirmières de réanimation dans toute la France et je peux vous dire qu'ils ne comptent pas leurs heures. Vous avez raison de dire que des travaux sont à mener ; je m'y suis engagé dans le cadre du Ségur et hors Ségur, et je l'ai dit à 40 000 infirmiers et infirmières avec qui j'ai pu dialoguer en visioconférence et devant qui j'ai pris l'engagement de faire évoluer les professions.
Cela ne se fera pas en un claquement de doigts – même si, l'été dernier, nous avons réussi à débloquer quasiment 9 milliards d'euros de hausses de salaires en cinq semaines –, mais je ferai tout mon possible pour faire bouger les lignes le plus rapidement possible.
Vous le savez, je suis passionné par notre système de santé – nous avons cela en commun bien que nous ne partagions pas les mêmes idées, monsieur Jumel ! Je m'engage donc à agir pour les services de réanimation.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Eliaou.
M. Jean-François Eliaou (LaREM). Depuis plus d'un an, notre pays fait face à une crise sanitaire gravissime, qui a entraîné une mobilisation sans précédent de nos institutions. Les projets de loi instaurant puis prorogeant l'état d'urgence sanitaire se succèdent, le dernier datant du mois de février. Le contrôle du Parlement sur les actions du Gouvernement relatives à la gestion de la crise a rapidement été mis en place et les commissions permanentes des deux chambres, ainsi que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, travaillent à l'évaluation des politiques publiques et formulent des propositions.
Récemment, de nouvelles restrictions, localisées, ont été décidées pour un temps défini. La stratégie de protection, de détection et de prévention reste la même, mais elle est renforcée par la campagne de vaccination, sur laquelle je ne reviens pas. Toutefois, il est grand temps de s'interroger sur le maintien à long terme des mesures de limitation des déplacements et de la capacité à travailler, à se rencontrer, bref à vivre, fût-ce avec le virus.
L'Union européenne a annoncé la création, d'ici au mois de juin – c'est-à-dire demain –, d'un passeport vert permettant aux citoyens européens immunisés ou testés négatifs de circuler à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Nous savons que ce document pourrait utiliser un QR code contenant des informations non identifiantes et présentant le « statut covid » de son porteur.
En France, nous avons d'ores et déjà écarté la piste d'un passeport vaccinal car ce document ne concernerait qu'un petit nombre de personnes pour l'instant et comporterait un risque de divulgation d'informations confidentielles. En revanche, l'idée d'un pass sanitaire provisoire et garantissant le respect du secret médical paraît plus réaliste et s'impose de plus en plus dans l'opinion française. Elle est d'ailleurs testée actuellement dans certains pays. De toute évidence, la création de ce pass sanitaire impliquerait un changement de stratégie puisqu'il s'agirait de passer de mesures collectives à des formes d'autorisations individuelles. Il s'agirait surtout de prévenir le non-respect massif des consignes sanitaires au nom des libertés individuelles.
Monsieur le ministre, où en est la réflexion sur le pass sanitaire ? Quelles en seraient les modalités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. La question du pass sanitaire recouvre en réalité deux aspects. Le premier concerne le passeport vaccinal et les conditions exigées par les pays européens pour entrer sur leur territoire. Au niveau de l'Union européenne, une coordination existe désormais entre les États : le moment venu, un QR code et un certificat électronique de vaccination permettront de rouvrir les frontières, et certains pays pourront exiger que seules les personnes vaccinées soient autorisées à entrer sur leur territoire. Sur ce sujet, la coordination entre les États européens est indispensable plutôt que des décisions prises unilatéralement, sans concertation.
Le second aspect de la question concerne les conditions qui seront exigées demain pour se rendre dans un établissement recevant du public. Faudra-t-il, pour cela, être vacciné ? C'est la question que vous posez, monsieur Eliaou, en évoquant le recours à des formes de contraintes individuelles, lesquelles comportent des enjeux éthiques, scientifiques, juridiques, techniques et numériques importants.
La décision ne m'appartient pas et je ne souhaite fermer aucune porte, mais il me semble qu'avant même que ce débat ne soit tranché, la couverture vaccinale de la population sera satisfaisante et que nous serons probablement sortis de la troisième vague épidémique et en capacité de rouvrir différents lieux recevant du public.
Je crois dans les démarches collectives. Nous avons, en France, la passion de l'égalité. Comme l'année dernière au mois de mai, au cours des prochains mois, nous rouvrirons progressivement les lieux publics, dans le cadre d'une stratégie de résilience post-crise virale et par ordre décroissant de dangerosité au regard de la contamination virale. Il se peut toutefois que je me trompe, ce que certains ne manqueront pas de me signaler le moment venu en soulignant que je me suis une fois encore déjugé, ce que j'admettrai alors volontiers – je n'ai jamais de difficulté à reconnaître quand je me trompe.
Vous me posez une question et je vous réponds franchement, monsieur le député. Je n'exprime pas ici l'avis du Gouvernement. Différents travaux techniques, scientifiques, juridiques et médicaux sont en cours. Nous verrons bien ce qu'il en sortira.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Mirallès.
Mme Patricia Mirallès (LaREM). Le 17 février dernier, la proposition de résolution visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme de la covid-19, que je présentais avec mon collègue Julien Borowczyk, a été adoptée ici-même à l'unanimité. Je vous en remercie une fois encore, chers collègues.
Ce texte a permis de matérialiser la reconnaissance de cette maladie et de mettre en lumière toutes les difficultés que rencontrent les patients. Il a aussi contribué à braquer les projecteurs sur les chercheurs, des acteurs essentiels sur lesquels reposent en grande partie les espoirs des personnes atteintes du covid long.
Depuis de nombreux mois, les initiatives fleurissent aux quatre coins de la France dans les hôpitaux et les centres de recherche. De nombreux spécialistes se consacrent à la recherche sur ce covid long que nous continuons de méconnaître, qu'il s'agisse de ses causes ou de son remède. Pour que leurs efforts ne soient pas vains, il est fondamental de leur donner les moyens d'accomplir la mission qu'ils se sont donnée, mais nous devons également coordonner tous leurs efforts à l'échelle nationale. Ces initiatives distinctes portent en germe une solution pour les patients atteints du covid long. Il nous revient, monsieur le ministre, de leur donner le cadre, les outils et l'impulsion qui leur permettront de trouver cette solution pour de bon.
Comment coordonner les efforts de la recherche et permettre aux chercheurs de mettre en commun leurs travaux, leurs pistes de travail et leurs découvertes ? Comment les aider à atteindre leur objectif ? Seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à travailler sur une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame Mirallès, je veux tout d'abord vous remercier pour votre engagement exemplaire pour la cause du covid long. Ce sujet est complexe et, croyez-moi, il me tient à cœur depuis le premier jour.
Mme Patricia Mirallès. Oui, c'est vrai !
M. Olivier Véran, ministre. On parle de covid long lorsque des symptômes persistent quatre semaines après le déclenchement de la maladie. Il s'agit souvent de troubles de l'odorat et du goût, d'une fatigue persistante, de céphalées et de douleurs articulaires. On ne connaît pas toujours les causes physiques de ces symptômes, mais ils existent et font souffrir des Françaises et des Français. Ils ont comme conséquences le non-retour au travail et un quotidien difficile. Ils sont la cause de douleurs et de stress, lui-même engendrant parfois des troubles psychologiques.
Nous devons prendre soin de chaque Français, qu'il souffre du covid, qu'il en ait souffert et conserve des symptômes, ou qu'il souffre d'autres pathologies. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce que l'ensemble des instituts scientifiques et sanitaires développent des programmes de recherche théorique et appliquée en lien avec des cliniciens et que des équipes spécialisées soient constituées dans les grands centres hospitaliers, eux-mêmes en lien avec les équipes de ville, c'est-à-dire les médecins, les kinésithérapeutes, les psychologues et les infirmiers. Cette mobilisation permettra d'identifier et d'expliquer les symptômes du covid long et d'accompagner, sur un plan pluridisciplinaire, les patients dans leur rétablissement après la maladie.
Chacun d'entre nous connaît une personne qui souffre de symptômes persistants après l'infection. Nous souhaitons tous venir en aide aux personnes atteintes du covid long. En tant que ministre des solidarités et de la santé, j'ai la possibilité de doter les soignants des moyens nécessaires pour aider ces malades et de développer les capacités de recherche sur ce sujet. Après la troisième vague du covid-19 et la campagne de vaccination, lorsque nous serons sortis de la pandémie, il n'est pas exclu que nous observions une recrudescence du nombre de ces Français qui, non contents d'avoir souffert du covid-19, conserveront certains symptômes. Nous devons donc avancer dans ce domaine. Je connais votre engagement, madame la députée, et vous pouvez compter sur le mien.
Mme Patricia Mirallès. Merci beaucoup, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, député non inscrit.
M. Nicolas Meizonnet. Enfin un débat, ou un semblant de débat, sur le suivi de la crise sanitaire à l'Assemblée nationale ! Dans une démocratie normale, le suivi de la crise sanitaire devrait faire l'objet d'échanges réguliers étant donné les répercussions liberticides sociales, économiques et psychologiques que vos restrictions imposent aux Français. Aujourd'hui, la majorité consacre seulement deux petites heures de débat à cet enjeu pourtant majeur. Franchement, c'est une mascarade !
Vous avez préféré écarter le Parlement de toutes vos prises de décision, d'une part en abusant de l'état d'urgence sanitaire qui vous accorde des pouvoirs exorbitants et vous déresponsabilise de vos nombreux fiascos et mensonges,…
Mme Patricia Mirallès. Oh !
M. Nicolas Meizonnet. …d'autre part en mettant un coup d'arrêt à la mission d'information parlementaire sur la gestion de la crise du covid-19. Vous avez même préféré consulter trente-cinq citoyens tirés au sort – on ne sait pas trop comment – plutôt que les députés mandatés par nos concitoyens. Pourquoi ne pas supprimer le Parlement tant que vous y êtes ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Cette pratique autoritaire se traduit aussi par les décisions arbitraires prises dans la plus grande opacité par le triumvirat composé du Président de la République, du conseil de défense et du conseil scientifique. Il est sans doute important de consulter ces deux organes, mais ils n'ont pas à se substituer à la représentation nationale.
Alors que vous vous enfermez dans votre tour d'ivoire, comment s'étonner d'une attestation de déplacement bureaucratique de deux pages contenant quinze dérogations ?
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, nous voulons tous sortir de la crise sanitaire et renouer avec la vie normale, retrouver nos libertés et relancer notre économie. Pour cela, un effort collectif est nécessaire. Quand accepterez-vous d'écouter les propositions de l'opposition ? Quand déconfinerez-vous la démocratie ? Quand rendrez-vous son rôle au Parlement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Pour ce qui me concerne, je suis là depuis deux heures quarante, monsieur le député, alors que vous êtes arrivé il y a un quart d'heure.
M. Nicolas Meizonnet. Je suivais la séance depuis mon bureau !
M. Olivier Véran, ministre. Vos leçons de démocratie, vous me permettrez donc de vous les laisser !
Au moins, nous aurons vu que vous étiez là et que le Rassemblement national était dignement représenté… Si la présidente de votre groupe parlementaire, Mme Le Pen, avait été présente, je l'aurais remerciée pour les propositions qu'elle a formulées. Pour lutter contre le troisième vague et la marée montante de patients dans les services de réanimation parisiens, elle prétend qu'il suffit de rouvrir les petits commerces. Pousser le populisme à un tel paroxysme, avec autant de cynisme, est irresponsable et déraisonnable. C'est surtout prendre les Français pour ce qu'ils ne sont pas, c'est-à-dire des imbéciles.
Les Français savent que la situation sanitaire exige des décisions courageuses. Quand on aspire à gouverner un pays, il est important de leur montrer qu'on est capable de faire preuve de courage. Pardonnez-moi de vous parler ainsi, monsieur le député, mais je vous donne mon avis de citoyen, d'ancien parlementaire et de ministre de la majorité : je considère que votre parti n'est pas courageux et qu'il ne l'a été à aucun moment depuis un an. Vous n'avez soutenu aucun des textes visant à protéger les Français…
Mme Patricia Mirallès. Très bien !
M. Olivier Véran, ministre. …en instaurant l'état d'urgence sanitaire et la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Vous n'avez même pas voté en faveur des mesures de soutien économique, ni même en faveur des mesures de soutien aux commerçants. Et pourtant, votre présidente donne des leçons à la terre entière ! Faites des propositions, montrez que vous voulez sauver des vies et vous pourrez ensuite nous donner des leçons de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 mars 2021