Texte intégral
MELODIE PEPIN
Et nous recevons Sophie CLUZEL, secrétaire d'État en charge des personnes handicapées auprès du Premier ministre. Bonjour.
SOPHIE CLUZEL
Bonjour.
MELODIE PEPIN
Avant de commencer, petite présentation, vous venez du monde associatif, vous défendez cette cause depuis des années ayant vous-même une fille handicapée qui a 25 ans maintenant, voilà, les choses sont posées. Sophie CLUZEL, d'abord, établissons le diagnostic. En en quoi être femmes et handicapée est une double peine aujourd'hui ?
SOPHIE CLUZEL
Eh bien, nous devons affronter deux préjugés, préjugés sur les femmes, parce qu'il y a encore beaucoup, et des préjugés sur le handicap, parce qu'il y en a encore beaucoup. Le handicap est la première cause de discrimination d'accès à l'emploi, le Défenseur des droits le souligne dans chaque rapport depuis des années, et puis, nous avons encore beaucoup de préjugés sur l'handicap, or, le handicap, c'est une situation extrêmement variée, nous avons 12 millions de personnes en situation de handicap, dont la moitié de femmes. Nous avons 10 millions d'aidants, qui accompagnent ces personnes handicapées, dont beaucoup, beaucoup, 80% de femmes aidantes. Donc c'est vrai que les femmes sont très représentées dans le handicap, et nous avons ce double préjugé : femme et handicap à combattre.
MELODIE PEPIN
Et concrètement, ça se traduit comment cette inégalité ?
SOPHIE CLUZEL
Ça se traduit par incessamment rappeler que derrière les femmes, il y a des compétences, je parle par exemple de l'accès à l'emploi, ça se traduit aussi que derrière la situation de handicap, elles sont très variées, donc il nous faut travailler sur cette accessibilité universelle, ça se traduit par sans arrêt, sans arrêt, rappeler que, être femme et handicapée, ce n'est pas du tout équivalent à être vulnérable, comme souvent les personnes le pensent.
MELODIE PEPIN
Et c'est encore plus dur en temps de Covid ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, en temps de Covid, si vous voulez, nous capitalisons sur ce Covid malgré tout, moi, je suis une éternelle optimiste qui essaie justement de capitaliser sur le Covid, et capitaliser sur le Covid, ça veut dire quoi, ça veut dire que nous avons pu proroger par exemple des droits pour les personnes en situation de handicap, pour éviter les ruptures de parcours, nous avons pu travailler sur le télétravail, et donc sur des discriminations, et le voir de façon différente grâce au télétravail, nous avons pu travailler bien sûr sur les appels au secours que les femmes en situation de handicap avaient en accélérant la mise en accessibilité de la communication, si importante, c'est pour ça qu'aujourd'hui, je porte par exemple ce masque inclusif…
MELODIE PEPIN
Voilà, ce masque où on peut voir votre bouche…
SOPHIE CLUZEL
C'est un outil, certes, d'abord, avant tout, de protection, parce qu'il est bien sûr homologué, mais de communication. Pour permettre justement à toutes les situations de handicap de ne pas être coupées de cette communication pendant cette crise Covid.
MELODIE PEPIN
Et justement à l'accès à l'emploi, où est-ce qu'on en est pour les femmes en situation de handicap, est-ce que, avec la crise, vous craignez un bond en arrière ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, non, parce que nous avons mobilisé l'ensemble de l'écosystème justement économique, nous avons travaillé sur tous les leviers, nous avons travaillé sur le job coaching, l'accès à l'emploi accompagné, quand il y avait des besoins justement d'accompagnement spécifique, c'est l'emploi accompagné que nous mettons en place et que nous démultiplions. Nous avons mis les primes à l'emploi justement pour que les employeurs puissent continuer à embaucher et avec justement cette prime à l'emploi, quelle que soit la situation du handicap et quel que soit l'âge de la personne handicapée.
MELODIE PEPIN
Mais est-ce que vous avez des chiffres ?
SOPHIE CLUZEL
Aujourd'hui, le taux de chômage des personnes handicapées avant 2019 était à peu près de 500 000 personnes, nous étions passés en dessous de la barre des 500 000, beaucoup de femmes en situation de handicap, notre problème majeur, c'est la qualification, nous maintenons à peu près ce cap, donc il n'y a pas de répercussions importantes, mais j'ai très peur dans les mois à venir, cette crise économique, elle est aussi devant nous, donc il faut absolument accompagner. Et nous avons un plan de relance inclusif, justement pour que les femmes et les hommes en situation de handicap ne subissent pas, ils ne soient pas la variable d'ajustement.
LE JOURNALISTE
Il est 8h19, Sophie CLUZEL, secrétaire d'État en charge des Personnes handicapées, est notre invitée ce matin.
MELODIE PEPIN
Sophie CLUZEL, vous allez visiter après cette interview l'association Droit pluriel à Montreuil, qui se bat pour rendre la justice accessible à tous, sa directrice, Anne-Sarah KERTUDO, a un message pour vous, ou plutôt pour l'ensemble du gouvernement. Je vous propose de l'écouter.
ANNE-SARAH KERTUDO
La question, c'est : est-ce qu'elle est entendue par son gouvernement, tous les ministères, parce que c'est une question qui concerne l'Éducation, qui concerne la Justice, qui concerne la Culture, le sport, tous les domaines, aujourd'hui, par exemple, au niveau de l'accouchement, une femme qui est par exemple de petite taille, son accouchement, ça se fait encore par terre, parfois, c'est tous ses ministres et ses collègues à Sophie CLUZEL, qui ont besoin de l'entendre. Donc nous, on est là, pour la soutenir.
MELODIE PEPIN
Alors, êtes-vous entendue par les autres ministres ?
SOPHIE CLUZEL
Le fait d'être rattachée au Premier ministre change complètement la donne, je vous rappelle qu'avant, les personnes handicapées étaient rattachées au ministère de la Santé, et en voyait les personnes comme des objets de soins et non pas comme des sujets de droit, depuis 4 ans, justement, ce rattachement auprès du Premier ministre fait que c'est l'affaire de l'ensemble du gouvernement, nous avons eu quatre comités interministériels ; je tiens à rassurer Anne-Sarah KERTUDO, qui fait un travail remarquable avec l'association Droit Pluriel, que, justement, tous les ministres sont impliqués, et notamment sur le droit et l'accès aux femmes handicapées, le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice, avec qui nous travaillons main dans la main, parce qu'il en va justement, il en va vraiment de la formation de tous les personnels pour les recueils de plaintes par exemple, mais aussi la formation des avocats, et le Droit Pluriel a 70 avocats bénévoles qui travaillent justement à l'accompagnement des personnes, mais aussi à l'accompagnement de leurs collègues. Il faut que ce soit l'affaire de tous.
MELODIE PEPIN
Et que faites-vous pour améliorer les délais d'attente parfois très longs dans les maisons départementales des personnes handicapées qui, on le rappelle, guident ces personnes pour leurs démarches, pour les aides, les compensations, à Paris, par exemple, il y a 7 mois d'attente, c'est très long. Qu'est-ce que vous faites pour corriger le tir ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, ce que je fais, c'est mon chantier majeur, simplification et amélioration de la réponse de façon équitable sur l'ensemble du territoire, aujourd'hui, nous avons un enjeu de réduire les délais drastiquement, et vous avez raison, dans beaucoup de territoires, notamment à Paris, c'est encore 7 mois de délai, alors que dans d'autres…
MELODIE PEPIN
Pourquoi ?
SOPHIE CLUZEL
Alors que dans d'autres départements, c'est 2 mois, 3 mois pourquoi, parce que c'est un enjeu formidable de système informatique, de train de faire du gagnant/gagnant, pour octroyer des droits à vie, nous avons…, nous sommes le premier gouvernement à avoir octroyé des droits à vie pour les personnes handicapées, imaginez-vous que, encore, il y a 2 ans, vous étiez obligé d'aller tous les 3 ans pour prouver, quand vous étiez une femme ou un homme en situation de handicap, que vous étiez toujours trisomique, aveugle, doublement amputé, c'est fini. Pour autant, ça ne s'exécute pas encore dans les départements, donc je dis haut et fort, j'ai sorti un baromètre des droits des personnes, chaque département, vous pouvez le consulter, et maintenant, il s'agit d'y aller réellement, ce n'est pas possible qu'une politique publique se décrète et que, derrière, elle ne se mette pas en application sur les territoires. Donc un baromètre en toute transparence pour que les personnes puissent mesurer l'avancée dans chaque MDPH, et puis, c'est de dire aux directeurs des MDPH : mais pourquoi je n'ai pas mon droit vie, c'est comme ça qu'on simplifie la vie des personnes. Mais je vous rappelle que l'État n'est pas responsable de tout, ce sont les départements qui sont chefs de file des politiques de solidarité. Et donc c'est à eux vraiment, en co-construction avec nous, nous venons en appui, mais il est très important de pouvoir équitablement avoir les mêmes droits partout, avec les mêmes délais.
MELODIE PEPIN
Et de simplifier donc toute la partie administrative. Sophie CLUZEL, merci beaucoup. Le combat continue donc pour les droits des femmes handicapées, pour toutes les personnes en situation de handicap, pour toutes les femmes aussi. Juste avant de nous quitter, juste un mot, est-ce que vous êtes payée comme un homme au gouvernement ?
SOPHIE CLUZEL
Totalement, gouvernement, c'est parité et c'est égalité, mais on est encore loin du compte sur la France entière, c'est certain.
MELODIE PEPIN
Merci beaucoup Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL
Merci.
MELODIE PEPIN
Très bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mars 2021