Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Députés,
Monsieur le ministre, cher Olivier Dussopt,
Je suis heureux de vous retrouver à l'occasion de la discussion en séance publique du projet de loi finances rectificative pour 2021.
Dans quelle période s'inscrit ce projet de loi de finances rectificative ?
Nous sortons du « quoi qu'il en coûte ». Nous ne sommes pas encore revenus tout à fait à la normale. Nous devons donc continuer à accompagner certains secteurs de l'économie française, mais notre ambition est un retour à la normale le plus rapide possible de tous les secteurs de l'économie française.
L'objectif de ce projet de loi de finances rectificative est bien d'accompagner notre économie globalement et certains secteurs en particulier vers le retour à la normale.
Les indicateurs dont nous disposons montrent que nous sommes dans la bonne voie. La croissance est de retour, l'investissement est en progression ininterrompue depuis trois trimestres en France. La consommation a fortement redémarré depuis la réouverture des commerces et des restaurants, puisque les dépenses par carte bleue dans les commerces physiques ont fortement rebondi depuis début mai et sont à +15 % de leur niveau pendant la même période en 2019. Quant à la confiance des entrepreneurs, elle est au plus haut depuis le début de la crise.
Ces chiffres valident a posteriori la stratégie qui était celle du président de la République et du Gouvernement soutenir massivement l'économie, protéger les entreprises, accompagner les salariés pour ne pas avoir de perte de compétences, pas de perte de qualifications, pas de vagues de faillites pendant la crise la plus grave qu'ait connue la France depuis 1929.
Cette stratégie a été coûteuse, mais cette stratégie a été la bonne. C'est celle qui va nous permettre de rebondir plus fort au lendemain de la crise économique. Nous tablons donc, par conséquent, sur une croissance pour 2021 de 5 %, une des meilleures en Europe. Nous estimons que nous pourrons retrouver le niveau d'activité que nous avions avant la crise, au premier trimestre de 2022.
Cette estimation pourrait être considérée comme prudente au regard des autres évaluations des instituts comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou de la Commission européenne, qui nous placent respectivement à 5,8 % et 5,7 % pour 2021. Cette prudence correspond à la stratégie que nous avons toujours adoptée depuis le début de cette crise, rester réaliste et faire le maximum pour obtenir les meilleurs résultats.
Je tiens à dire que le seul obstacle sur le chemin du retour à la croissance, c'est le retour de la pandémie, et donc je voudrais profiter de cette tribune et de ce débat pour appeler chacun au respect des gestes barrières, au sens des responsabilités et à la vaccination. Seule la vaccination collective nous garantira et nous prémunira contre tout risque de retour de l'épidémie à la rentrée 2021, et garantira par conséquent la force de la croissance française et la création d'emplois qui va avec.
Sur la base de ce constat, quels sont les défis que nous avons devant nous ?
J'en vois au moins trois qui sont précisément traités dans ce projet de loi de finances rectificative.
Le premier défi, c'est d'accompagner les secteurs qui redémarrent et qui ont des dépenses liées au redémarrage de leur activité, qui doivent acheter des fournitures, qui doivent embaucher de nouveaux salariés, qui doivent en former certains.
C'est le coeur de ce projet de loi de finances rectificative avec le maintien d'un soutien d'urgence pour plus de 15 milliards d'euros.
Nous avons décidé, avec le président de la République et le Premier ministre, de maintenir un certain nombre de mesures d'accompagnement qui vont aller en décroissant au fil des mois qui viennent jusqu'à la fin du mois d'août, de façon à accompagner ces secteurs et éviter toute brutalité dans la transition économique.
Nous allons donc maintenir un fonds de solidarité jusqu'à la fin du mois d'août pour les secteurs S1 et S1 bis, les secteurs touristiques au sens large.
Ce fonds de solidarité sera accessible à toutes les entreprises de ce secteur, quel que soit leur niveau de pertes de chiffre d'affaires, alors qu'auparavant, il fallait au minimum avoir perdu 50 % de chiffre d'affaires. La prise en charge sera dégressive. Nous prendrons en charge 40 % des pertes par rapport au chiffre d'affaires de 2019 en juin, 30 % en juillet, 20 % au mois d'août et nous nous reverrons à la fin de l'été pour faire le bilan de ces mesures et regarder quelles sont les décisions à prendre. Nous allons maintenir globalement une prise en charge des cotisations salariales à hauteur de 15 % de la masse salariale, cette fois-ci de manière continue pour les mois de juin, juillet et août.
L'objectif, il est très simple, c'est que ces secteurs embauchent massivement le plus rapidement possible en disposant de cette aide de 15 % de prise en charge des cotisations salariales pour l'ensemble de la masse salariale.
L'activité partielle sera maintenue et sera elle aussi dans cette prise en charge dégressive sur les mois de juin, juillet et août.
Tout cela confirme que nous sortons progressivement du « quoi qu'il en coûte » pour accompagner notre économie dans son retour à la normale.
S'agissant des discothèques, un secteur qui reste fermé actuellement, et c'est le seul, nous ferons le point le 21 juin, comme l'a indiqué le président de la République.
J'ai bon espoir que les discothèques puissent rouvrir dans des conditions sanitaires satisfaisantes cet été. Nous y travaillons depuis plusieurs jours avec le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, Alain Griset. Nous rendrons nos conclusions d'ici quelques jours avant que la décision soit prise d'ici la fin du mois de juin.
Je le redis, j'ai bon espoir que les discothèques puissent rouvrir et je crois préférable que les discothèques rouvrent dans de bonnes conditions sanitaires suivant un protocole que nous aurons défini, plutôt que d'avoir des rassemblements imprévus un peu partout en France tout au long de l'été.
Le deuxième enjeu, c'est de prévenir les risques de faillite. Ces risques de faillite, ils concernent des entreprises fragilisées, mais viables. Autant, chacun peut concevoir que des entreprises disparaissent parce qu'elles ne sont pas viables, elles n'ont pas fait les bons choix économiques et n'ont pas adopté la bonne stratégie, autant nous refusons que des entreprises viables, mais fragilisées par des mois et des mois de crise, elles, disparaissent en sortie de crise. Nous avons donc présenté avec le Garde des Sceaux un plan d'accompagnement des entreprises.
Ce plan d'accompagnement des entreprises repose sur un outil totalement novateur et unique au monde pour repérer les entreprises en difficulté. Toutes les données les plus sensibles sur l'activité des entreprises dont disposent la Direction générale des entreprises, la Direction générale des finances publiques, les Urssaf et la Banque de France, seront pour la première fois fusionnées dans un modèle prédictif utilisant les algorithmes d'intelligence artificielle. Cela nous permettra ensuite d'alerter les entreprises pour les accompagner dans leur redressement. Je tiens à préciser qu'évidemment, ces données resteront strictement confidentielles.
Ce plan prévoit également un fonds de transition de 3 milliards d'euros pour les plus grandes entreprises et entreprises intermédiaires pour soutenir en prêts et en quasi fonds propres les entreprises qui rencontrent des besoins de financement en sortie de crise. Cela figure également dans le projet de loi de finances rectificative qui est soumis à votre approbation.
Le troisième enjeu, c'est de lever les contraintes sur la production, car je pense que vous le voyez chacun dans vos circonscriptions, ce dont vous parlent les chefs d'entreprise, les patrons de PME, de TPE, leur première difficulté, c'est le prix des matières premières, les difficultés d'approvisionnement et les difficultés de recrutement.
J'étais en Alsace il y a quelques jours. J'ai pu échanger avec des chefs d'entreprises du bâtiment, des travaux publics, de l'hôtellerie, de la restauration, et ils ont tous eu un seul message « Nous n'arrivons pas à recruter et nous avons un problème de coût des matières premières et d'approvisionnement en matières premières ». C'est aujourd'hui un des facteurs qui fragilisent le plus le redémarrage, qui met le plus en un certain nombre de chefs d'entreprises de différents secteurs et qui suscitent le plus d'inquiétude du monde économique.
Pourquoi avons-nous cette difficulté sur l'approvisionnement en matières premières ? C'est très simple. Il y a eu moins de production de matière première pendant la crise et il y a beaucoup plus de demandes qu'attendu en sortie de crise, étant donné la force du redémarrage qui oblige l'ensemble des organisations internationales à réviser leurs prévisions de croissance à la hausse depuis quelques semaines. Nous veillerons donc, pour les contrats de commandes publiques, à ne pas appliquer de pénalités de retard lorsque les retards sont liés aux pénuries d'approvisionnement.
Je rencontrerai tous les acteurs concernés la semaine prochaine afin mettre en place une médiation de filière entre les différents acteurs du secteur et trouver des solutions à ces difficultés d'approvisionnement en matières premières qui nous semblent, au moment où je vous parle, une difficulté conjoncturelle qui devrait être levée d'ici quelques mois.
La deuxième contrainte, je le disais, c'est le recrutement, difficulté à recruter les couvreurs, difficulté à retrouver des salariés dans la restauration, dans l'hôtellerie, dans le bâtiment. Nous avons donc décidé d'investir massivement avec France Relance pour accélérer les dispositifs de qualification et de formation que met en oeuvre la ministre du Travail, Elisabeth Borne. Le FNE-Formation pour les salariés en activité partielle, les 200 000 formations aux métiers d'avenir pour les jeunes, un soutien accru à la reconversion.
Ce sera un des grands défis des années qui viennent. Mieux accompagner les salariés pour qu'ils acquièrent les formations qui leur donneront accès aux emplois qui se développent pour les protéger contre les disparitions d'emplois dans d'autres secteurs qui, eux, sont fragilisés. Cela n'est pas une chose que la France fait facilement. C'est un des défis que nous avons devant nous. Il me paraît tout à fait essentiel d'accompagner tous ceux qui sont dans des secteurs difficiles ou qui sont au chômage vers des métiers d'avenir.
Au-delà de ces défis immédiats qui nous occupent dans le projet de loi de finances rectificative, nous avons aussi des défis de long terme en sortie de crise. J'en vois au moins trois.
Le premier, c'est la lutte contre les inégalités. Nous ne voulons pas que sorte de cette crise économique un modèle économique moins juste que celui que nous avions auparavant. Nous voulons au contraire qu'il permette de lutter davantage contre les inégalités et remette de la justice au coeur de notre modèle économique.
Nous avons donc décidé de prolonger et de renforcer dans ce projet de loi de finances rectificative les dispositifs d'accompagnement qui permettent de soutenir les plus fragiles. L'activité partielle, pour plus de 6,4 milliards d'euros, est un moyen de soutenir ceux qui ont le plus de difficultés en matière d'emploi. Nous avons reconduit la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui peut atteindre jusqu'à 2 000 euros par salarié. Nous avons maintenu l'ensemble des dispositifs de soutien qui étaient prévus auparavant pour les salariés les plus modestes.
Cette conception de notre modèle économique, elle, passe aussi par plus de justice au niveau international et par le combat que nous menons avec le président de la République, avec cette majorité depuis maintenant quatre ans, en payant le prix fort pour la mise en place d'une fiscalité internationale du XXIème siècle plus juste et plus efficace. Nous avons été entendus et nous avons eu gain de cause à Londres il y a quelques jours au G7 des ministres des Finances.
Je veux dire à quel point ce combat lancé par le président de la République en 2017 est le combat de tous les Français, que les Français ont payé le prix fort parce que c'est nous devant le refus d'un certain nombre de pays européens de mettre en place une fiscalité des géants du digital qui avons avec votre soutien mis en place une taxation nationale des géants du digital qui rapporte près de 400 millions d'euros par an, qui nous a amené aussi à être victime de sanctions de la part de l'administration TRUMP et de l'administration américaine.
Ce succès est le succès de la nation française tout entière et le succès des Français qui ont payé le prix fort pour y parvenir. Nous avons franchi donc ce cap au G7 Finances. Le texte est désormais en cours d'examen au niveau des chefs d'État. Il va arriver au G20 au début du mois de juillet, puis il devra faire l'objet d'un accord global à l'OCDE, incluant les autres grandes nations et les autres grands continents au premier rang desquels la Chine.
Les défis restent très importants devant nous et je veux dire à quel point nous voulons et nous continuons à nous battre pour un accord ambitieux. Il n'est pas question pour la France de réduire ses ambitions en matière de fiscalité internationale. Nous sommes ambitieux sur le champ d'application de cette fiscalité internationale.
Nous voulons que tous les géants du numérique sans exception, y compris Amazon, soient inclus dans le champ de la taxation digitale. Nous voulons que sur l'imposition minimum à l'impôt sur les sociétés, le taux d'imposition soit le plus élevé possible, si possible au-dessus des 15 % qui ont été retenus comme point de départ au G7 Finances.
Nous avions accepté, je le rappelle, les 21 % de Joe Biden il y a quelques semaines, avant que le président américain ne se ravise et propose un taux plus bas. Nous souhaitons enfin que le champ d'application de cette imposition minimale soit le plus large possible et inclut le plus grand nombre de secteurs possibles.
Enfin, cette justice, elle passe aussi par l'ensemble des mesures que nous avons mises en place depuis 2017 pour les salariés, avec la revalorisation de la prime d'activité, la suppression des charges sur les heures supplémentaires, la baisse de l'impôt sur les revenus, la taxe d'habitation qui fait qu'un salarié au SMIC bénéficie aujourd'hui d'un gain de pouvoir d'achat de 170 euros par mois.
Je veux là aussi profiter de nos débats pour inviter les entreprises qui le peuvent à utiliser tous les dispositifs permettant d'améliorer la rémunération des salariés, en particulier les dispositifs d'intéressement et de participation que nous avons drastiquement simplifiés et sur lesquels nous avons supprimé la taxe à 20 %.
Le deuxième enjeu de long terme, c'est l'investissement. Pour accompagner les entreprises dans le rebond et la reprise d'activité normale, nous avons voulu booster l'investissement des entreprises en leur proposant de déplafonner totalement le report en arrière des déficits fiscaux et d'augmenter le nombre d'exercices sur lesquels les pertes peuvent être imputées pour le passer de une à trois années.
Cette modification du carry-back que nous vous proposons dans ce projet de loi de finances rectificative est décisive pour beaucoup d'entreprises. Cette mesure exceptionnelle permettra d'améliorer la situation financière des entreprises ayant constaté des pertes en 2020 en raison de la crise, alors même qu'elles étaient profitables avant la crise.
L'investissement, c'est aussi la réponse à cette question que nous devons tous nous poser maintenant quelle croissance demain ? Comment arriver à une croissance plus juste ? Comment arriver à une croissance plus verte ? Comment surtout faire en sorte qu'il n'y ait pas d'écart dans le potentiel de croissance trop important entre le continent américain et le continent européen ?
L'Europe n'a pas vocation à avancer plus doucement que les États-Unis en matière de redressement économique. Elle n'a pas vocation à laisser à la Chine et aux États-Unis le monopole des grandes innovations, de la maîtrise des technologies qui font la maîtrise de notre souveraineté et de notre indépendance.
Nous avons engagé dans le plan de relance un certain nombre de dispositifs d'investissement. Sur ces 100 milliards d'euros du plan de relance, 34 milliards d'euros ont déjà été engagés à la mi-mai. Notre objectif dans ce plan de relance, qui est précisément axé sur l'investissement, c'est de déployer 70 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.
Si nous voulons un niveau de croissance potentiellement plus élevé qu'avant la crise, nous devons tous ensemble investir davantage dans le capital humain, dans les hommes et les femmes qui font la croissance française en termes de qualification, de formation, de recherche et investir également dans le capital physique pour que nos entreprises se digitalisent, se numérisent, se robotisent et soient aux meilleurs standards internationaux.
Enfin, le troisième et dernier grand enjeu, ce sera la maîtrise des finances publiques. Nous savons tous qu'au sortir de la crise, quand la croissance sera de retour et solide, nous devrons rétablir nos finances publiques.
Je le dis à la majorité qui, depuis quatre ans que je travaille avec elle. Elle nous a constamment solidement soutenus dans des choix parfois difficiles de finances publiques. Je veux la remercier de son soutien. Sans elle, rien n'est possible et lui dire également que nous aurons dans les mois qui viennent, à engager ce rétablissement des finances publiques. Il fait partie de l'ADN de cette majorité qui a, je le rappelle, rétabli les finances publiques de la France dans les trois premières années et réussi à nous faire passer sous les 3 % de déficit public et sorti la France de la procédure pour déficit public excessif.
Quand la crise sera derrière nous, quand la croissance sera solide et le retour, nous devrons rétablir nos finances publiques. Cela, je le répète, ne peut pas passer par une augmentation des impôts mais passer par des solutions plus courageuses comme celles que proposent le président Woerth et le rapporteur général Laurent Saint-Martin. Je veux les remercier de leur travail et leur dire que leur proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui permettra justement de fixer une règle pluriannuelle de dépenses à mon plein et total soutien.
Je vous remercie.
Source https:/:www.economie.gouv.fr, le 14 juin 2021