Extraits d'un entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à France 2 le 8 juillet 2021, sur la propagation du variant Delta en Europe et une loi relative à l'homosexualité en Hongrie.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Merci d'être notre invité ce matin. Je vous voyais à l'instant regarder les images de liesse des supporters britanniques, 60 000 personnes dans les stades pour acclamer des équipes. Qui a fait preuve de légèreté, dans l'organisation de cet Euro ?

R - Ecoutez, je ne sais pas, mais on a vu des moments, effectivement, préoccupants, les stades en Hongrie, où il n'y avait plus de jauge. On voit aujourd'hui que - je comprends la joie, on les envie parfois les supporters britanniques - mais, il faut être prudent, et de manière générale, la pandémie n'est pas finie. Et donc, on a ouvert, on a retrouvé des activités, sportives, culturelles, festives, mais il faut le faire avec une très grande prudence. C'est vraiment ce message de vigilance que je veux passer aujourd'hui.

Q - Alors, le Portugal a réimposé des mesures de couvre-feu, le Delta flambe en Catalogne. Est-ce qu'il faut imposer des mesures de restriction pour les pays les plus touchés, y compris les pays européens, les plus touchés par le variant Delta ?

R - Alors nous n'excluons aucune piste, mais le variant Delta est présent partout en Europe. Et donc, nous suivons particulièrement la situation de pays où effectivement la flambée est très rapide...

Q - Le Portugal, l'Espagne ?

R - Le Portugal, l'Espagne, la Catalogne en particulier, où de nombreux Français se rendent pour faire la fête, pour des vacances. Attention, très grande prudence, on va les décider dans les prochains jours, mais nous pourrons avoir des mesures renforcées. Et puis je le dis aussi...

Q - Cela veut dire quoi, pardon, attention, mesures renforcées, concrètement ça peut vouloir dire quoi ?

R - Je dis, d'abord pour ceux qui n'ont pas encore réservé leurs vacances, évitons, évitez, l'Espagne, le Portugal, dans vos destinations. C'est un conseil de prudence, c'est une recommandation sur laquelle j'insiste. Il vaut mieux rester en France, ou aller dans d'autres pays. Mais là, on a une situation qui est particulièrement préoccupante, notamment au Portugal ; ils prennent, tant mieux, des mesures.

Et puis, je le dis aussi, c'est très important, quand on voyage, même en Europe, partout en Europe, ce sont des pays verts. Un pays vert, cela ne veut pas dire qu'on peut circuler, encore aujourd'hui, totalement librement : il faut soit un test, soit un vaccin, et il faut aussi que les compagnies aériennes, en particulier, contrôlent ce dispositif, on sera extrêmement dur sur ce point.

Q - Les décisions seront prises lundi, à une réunion sur le sujet...

R - Il y aura un Conseil de défense, lundi, pour prendre toute une série de décisions possibles, pour renforcer...

Q - Sur la question des frontières ?

R - Sur tous les sujets, nous regarderons les mesures qui sont possibles, le Président de la République et le Premier ministre décideront à ce moment-là.

Q - Juste, je ne comprends pas ce que ça veut dire, renforcer les contrôles. Il n'y en a pas, aujourd'hui, des contrôles ?

R - Alors, si justement, j'insiste. Pour voyager en Europe il faut le pass sanitaire. On l'a harmonisé : ce pass sanitaire, c'est test ou vaccin. Ce n'est pas seulement le vaccin, test ou vaccin. Nous disons aux aéroports, aux compagnies aériennes, mais aussi à chacun, bien sûr, de faire le test ou le vaccin, et puis de le contrôler. Et nous serons sans doute amenés à renforcer encore tous les dispositifs de contrôle pour s'assurer que, même en Europe aujourd'hui, on ne circule pas sans ces vérifications.

Q - Même en Europe dites-vous. Antoine Flahault, qui est épidémiologiste et qui suit cette crise depuis le début, s'agace de voir encore aujourd'hui des avions russes arriver sur les côtes françaises alors que l'épidémie connaît une reprise très forte, avec un record du nombre de morts en Russie. Est-ce qu'il y a des contrôles plus stricts pour, par exemple, ce genre de... des vols provenant de ces pays-là avec la percée du variant Delta ?

R - Oui, bien sûr, on adapte notre dispositif à chaque fois. On a des pays - je ne rentre pas dans trop de détails - verts, orange et rouges, en fonction de la gravité de la situation du pays. On classe chaque semaine des pays en rouge supplémentaires, ou de vert en orange...

Q - La suspension des vols n'est pas imaginée ?

R - Non, on a déjà fait, parfois, des suspensions des vols, par exemple avec le Brésil, en urgence. Mais ça ne marche pas très longtemps parce que ce sont des dispositifs extrêmement complexes, avec beaucoup de contournements par d'autres destinations. Ce qui marche, ce sont des contrôles, parfois des tests à l'arrivée ou des vérifications très précises de la vaccination, et dans les cas les plus extrêmes, des quarantaines qui sont contrôlées. Ça, c'est le cas des pays rouges. On n'hésitera pas à classer en orange ou en rouge des pays où la situation se dégrade.

Mais, je le dis, la situation est difficile chez nous aussi. Et donc, c'est un message quotidien de vigilance sur les gestes barrières et sur la vaccination qu'il faut passer.

Q - Est-ce que certains pays européens ont trop ouvert les vannes pour sauver la saison touristique ?

R - Je le crains. Donc, c'est pour cela que nous avons été extrêmement clairs avec nos partenaires européens, notamment sur le fait qu'il faut des contrôles, à chaque fois, à l'entrée. Un pays comme la Grèce, par exemple, qui avait, sans doute, fait preuve d'un peu de laxisme, ces dernières semaines, a renforcé son dispositif de contrôle à l'entrée. Tant mieux, je crois que cela rassure aussi les étrangers, les touristes, les Français, qui vont aller en Grèce. Et puis surtout, je le dis, il faut que les vaccins qu'on reconnaît, pour entrer sur le territoire, soient vraiment limités à ceux dont on est sûr, c'est-à-dire les quatre...

Q - Il n'y en a pas beaucoup !

R - Oui, il n'y en a pas beaucoup, bien sûr, parce qu'on est très précis, très strict. Les quatre qui sont, aujourd'hui, autorisés en France et en Europe, il y a certains pays, comme l'Espagne, qui étaient tentés, ou qui ont fait, à un moment, la reconnaissance de certains vaccins, comme le russe ou le chinois. Nous, nous disons à nos partenaires européens, on leur a redit encore ces derniers jours, "attention, et non pour ces vaccins".

Q - Justement parce que le variant Delta peut passer entre les mailles du filet de certains types de vaccins, notamment le chinois et le russe. On parle de la Hongrie : une loi controversée interdisant la diffusion de contenus sur l'homosexualité auprès des mineurs doit entrer en vigueur, aujourd'hui même, en Hongrie. Ursula von der Leyen a lancé un ultimatum, elle dit "cette loi est une honte". Si la Hongrie ne corrige pas le tir, que va-t-il se passer, Clément Beaune ?

R - Oui, c'est une loi scélérate qui assimile pédophilie et homosexualité, tout simplement. C'est un scandale. En Europe, aujourd'hui, on voit malheureusement que les cas se multiplient. On l'a encore vu en Géorgie, au moment d'une manifestation LGBT la semaine dernière. Concrètement, on a engagé, la Commission européenne, avec notre plein soutien, a engagé une procédure juridique contre la Hongrie. C'est nécessaire, cela va malheureusement prendre du temps...

Q - Cela n'empêchera pas cette loi de rentrer en vigueur, vous le savez.

R - Cela n'empêchera sans doute pas cette loi de rentrer vigueur. A nous de mener un combat qui est profond, qui n'est pas simplement lié à cette loi, qui est politique, parce qu'il y a des sociétés qui dérivent et qui considèrent que discriminer, ne pas respecter l'égalité des droits les plus élémentaires, c'est possible, et c'est sympathique. C'est un combat culturel. Je rappelle d'ailleurs que Mme Le Pen a signé une tribune avec M. Orban, en disant qu'ils vont travailler ensemble et qu'ils partagent les mêmes valeurs. Si c'est cela, là, je crois qu'il y a une dérive très grave en Europe, et on doit renforcer notre arsenal. Moi ce que je souhaite, mais cela prendra encore quelques mois, malheureusement, c'est qu'on puisse sanctionner financièrement les pays qui ont de telles lois.

Q - Il est homophobe, Viktor Orban ?

R - Je ne sais pas, mais en tout cas il joue avec l'homophobie. A la fin c'est pareil, il joue sur les peurs.

Q - Il y en a qui vont assez loin. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a déclaré, il y a quelques jours, que "la Hongrie n'a plus rien à faire dans l'Union européenne."

R - Mais les gouvernants qui font cela n'ont plus rien à faire dans l'Union européenne. Mais moi, je ne veux pas dire à un pays, et je n'assimile pas tout le monde, - il y a des associations, je les rencontrerai encore dans les prochains jours, qui défendent les droits en Hongrie, en Pologne, je m'y suis rendu plusieurs fois, - je ne veux pas qu'on leur dise "l'Europe n'est pas à vos côtés et vous quittez l'Europe", parce qu'il y a des millions de gens, en Pologne, en Hongrie, qui tiennent aux valeurs européennes, qui tiennent à l'égalité, et qui comptent sur nous pour faire respecter ces valeurs.

(...)

Q - Merci beaucoup, Clément Beaune, d'avoir été notre invité ce matin.

R - Merci à vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2021