Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur le projet de loi de finances 2022, à l'Assemblée nationale le 22 septembre 2021.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Circonstance : Audition sur le projet de loi de finances pour 2022 par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale

Texte intégral

Merci Monsieur le président,
Monsieur le ministre des Comptes publics,
Mesdames et Messieurs les députés,


J'espère que vous n'êtes pas trop lassé de me voir pour la cinquième fois vous présenter le projet de loi de finances. Nous en reparlerons quand nous entamerons le prochain quinquennat, quand nous serons tous partis pour cinq ans dans un exercice de stabilité sans précédent sous la Vème République.

En tout cas, pour ce qui me concerne, je suis très heureux de vous retrouver pour ce cinquième projet de loi de finances du quinquennat du président de la République, Emmanuel Macron.

Quelles sont les lignes de force qui ont été celles de cette majorité depuis le début du quinquennat en matière de budget et de finances publiques ? La maîtrise des comptes publics, la baisse des impôts et la sincérité.

La maîtrise des comptes publics d'abord, puisque je le rappelle, quand j'entends les critiques ici ou là qui sont bien naturelles en démocratie, il est bon aussi que la majorité réponde et rappelle aux bons souvenirs de chacun que nous sommes la majorité qui est revenue sous la procédure de déficit excessif en 2018. Nous sommes la majorité qui a rétabli les comptes publics en 2018. Nous sommes la majorité qui a engagé la baisse de la dette publique, qui ne cessait d'augmenter, qui avait pris 30 points de plus depuis 2008. Nous sommes la majorité qui a engagé une réduction d'impôt sur laquelle je reviendrai, et qui était la plus importante depuis 20 ans.

Ce rétablissement des comptes publics qui s'est opéré entre 2017 et 2019, il n'est pas tombé du ciel, il est le fruit de décisions courageuses dont la majorité doit être fière, parce que ces décisions à l'époque ont été controversées parce qu'elles étaient trop dures. Aujourd'hui, on nous reproche exactement l'inverse.

Quand nous avons réduit les dépenses, quand nous avons supprimé les contrats aidés pour 2 milliards d'euros, et fait des économies en réformant les chambres de commerce et d'industrie pour un demi-milliard d'euros. Quand nous avons engagé la réforme d'Action logement, toutes ces décisions courageuses sont les décisions de la majorité et nous ont permis de parvenir à ce résultat.

Ce n'est pas la conjoncture qui a fait la réduction des déficits, c'est la politique du Gouvernement. Ce n'est pas la conjoncture qui nous a permis de repasser sous les 3 % de déficit public, c'est des choix courageux de réduction de dépenses.

Dans un deuxième temps, nous avons effectivement, fortement, augmenté la dépense publique parce que nous étions confrontés à la crise la plus grave que la France ait eu à connaître en matière économique depuis 1929. C'est un choix politique revendiqué. Nous avons utilisé la dépense publique à bon escient pour protéger les salariés et protéger les entreprises.

Je le dis à tous ceux qui multiplient aujourd'hui les propositions d'augmentation de dépenses publiques qui, elles, ne sont plus à bon escient et qui me paraissent totalement décalées, pour ceux qui veulent nationaliser les autoroutes pour 40 milliards, ceux qui veulent augmenter de 10 % tous les salaires aux frais de l'Etat pour 25 milliards ou ceux qui veulent doubler le salaire des enseignants pour 50 milliards d'euros, cela me paraît très décalé par rapport à la situation actuelle.

En tout cas, cela ne me paraît pas de l'utilisation de l'argent public à bon escient pour protéger les Français comme nous l'avons fait pendant la crise.

Enfin, en 2022, nous reviendrons progressivement à la normale puisque nous passons de 8,4 à 4,8 % de déficit public, que nous ramènerons le niveau de dette de 116 à 114 points et que nous présentons un projet d'amortissement de la dette Covid sur 20 ans d'ici 2042.

La deuxième ligne de force qui se retrouve dans ce PLF, c'est la baisse des impôts. 50 milliards d'euros, c'est la baisse d'impôts la plus forte en France depuis 20 ans. Répartis à parts égales entre les ménages : 25 milliards d'euros, et les entreprises 25 milliards d'euros également.

Derrière, c'est la réduction de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, c'est la suppression de la taxe d'habitation, c'est le début de la baisse des impôts de production et je me réjouis pour le coup de voir que chacun maintenant trouve les vertus à cette baisse des impôts de production . Certains le disent, nous, nous le faisons. C'est la trajectoire de baisse de l'impôt de société que nous avons constamment tenu, nous avions promis que toutes les entreprises seraient à 25% de taux d'impôt sur les sociétés en 2022. Dans ce PLF, la promesse est tenue. Toutes les entreprises, sans exception, ont rejoint la moyenne européenne de 25% de taux d'impôt sur les sociétés.

Tout cela nous permet de parvenir à un taux de prélèvements obligatoires de 43,5% en 2022. C'est le plus bas depuis 10 ans. Mais cela ne nous permet que de retrouver le haut de la moyenne européenne. C'est bien pour cela que je continue de considérer que les augmentations d'impôts sont une impasse dans notre pays et que nous devons tenir cette ligne de réduction des impôts des Français pour nous rapprocher de la moyenne européenne et garantir le niveau de vie des Français.

Enfin, la troisième ligne de force après la maîtrise des comptes publics et la baisse des impôts, c'est la sincérité. Sincérité, c'est de dire qu'effectivement, chaque euro dépensé doit être financé. C'est de reconnaître, comme nous l'avons fait avec Olivier Dussopt, qu'il y a deux objets qui ne figurent pas dans le PLF qui vous est présenté.

Le premier, c'est le plan d'investissement, tout simplement parce que cela demande du temps de discussion et de concertation avec les partenaires sociaux, les élus locaux, les chercheurs, les scientifiques de savoir où l'investissement doit être fait.

En deuxième lieu, les mesures pour les jeunes. Pour une raison qui est simple, c'est que la conjoncture économique est radicalement différente. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une pénurie de main d'oeuvre qui change la donne en matière d'emploi.

Sur la conjoncture économique, un mot, la croissance revient, elle revient partout en Europe, aux Etats-Unis comme en Chine. Elle revient fortement.

Dans ce contexte-là, la France se singularise par la puissance de sa reprise économique et elle se singularise par la force de son redressement économique. Nous prévoyons 6 % de croissance pour 2021. Il y a trois mois, cette prévision aurait paru optimiste. Aujourd'hui, elle paraît presque prudente par rapport aux évaluations des différents organismes internationaux de la Banque de France. Je maintiens néanmoins nos prévisions de croissance à 6% pour 2021 et 4% pour 2022.

Nous avons retrouvé le niveau de chômage d'avant-crise et même amélioré ce niveau. Nous avons un niveau d'investissement qui est élevé dans les entreprises et une consommation qui est dynamique. Je crois que tout cela prouve l'efficacité du plan de relance que nous avons mise en place.

Je veux dire à la majorité et aux autres membres de cette commission des finances qui ont aussi voté le plan de relance, qu'il apporte la preuve de son efficacité.

Que cela prouve-t-il également ? C'est que le « quoi qu'il en coûte » était une politique réfléchie, efficace et nécessaire et qu'il était beaucoup moins coûteux de protéger les salariés, les compétences, les entreprises, les savoir-faire, les artisans, les commerçants, les professions libérales, plutôt que de devoir réparer ensuite les dégâts de la crise économique.

Ce choix de protection par la dépense publique et par l'investissement de l'État, l'histoire vient de montrer que c'était le seul choix responsable. Celui qui nous permet de retrouver vite de la croissance, celui qui nous épargne le drame du chômage de masse et celui qui nous épargne le drame des faillites par centaines de milliers.

A partir de là, le projet de loi de finances que nous vous présentons fait un choix clair qui est celui de la relance et de l'investissement. Nous mettons fin au " quoi qu'il en coûte ". Le Fonds de solidarité sera supprimé à partir du 1er octobre, à l'exception des départements et territoires d'outre-mer qui font encore l'objet de mesures sanitaires restrictives, et les dispositifs forfaitaires comme le Fonds Solidarité seront remplacés par des dispositifs sur-mesure comme le dispositif sur les charges fixes. Le premier coûte plusieurs milliards d'euros par mois, le second 150 millions d'euros.

Nous accélérons le déploiement de la relance, qui est déjà bien engagée avec 50 milliards d'euros qui sont déjà engagés. Nous visons 70 milliards d'euros engagés d'ici la fin de l'année 2021.

Enfin, le président de la République présentera un plan d'investissement dont l'objectif sera d'accélérer la réindustrialisation de la France et de garantir notre indépendance sur des technologies clés comme l'hydrogène vert, l'intelligence artificielle ou les semi-conducteurs.

Ce PLF fait en deuxième lieu un choix clair de réarmement régalien et les crédits qui sont prévus notamment pour les armées, 1,7 milliard, pour la justice, 700 millions d'euros, pour l'Intérieur avec le Beauvau de la sécurité, 1,5 milliard d'euros, témoigne de cet engagement du président de la République et de la majorité en faveur de la sécurité des Français et des missions régaliennes de l'Etat.

J'entends dire ici ou là que le président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement multiplieraient les annonces et auraient sorti depuis plusieurs semaines le carnet de chèque et arroseraient largement de dépenses publiques les Français.

Je veux simplement rappeler que toutes les dépenses annoncées par le président de la République et par le Premier ministre sont des dépenses qui avaient été annoncées en juillet. Nous avons dit avec le ministre des Comptes publics qu'il y aurait 11 milliards d'euros de dépenses supplémentaires de l'Etat en 2022. Tout ce que je viens d'indiquer se retrouve dans les dépenses que nous avons engagées, dans les 11 milliards d'euros que nous avons engagés.

Nous avons également fait le choix de réutiliser les crédits non consommés de la mission Urgence pour réduire le déficit public de 2021, preuve de notre bonne gestion budgétaire, et pour effectivement financer une dépense d'urgence, celle liée à l'augmentation du prix du gaz qui nous a amenés avec le Premier ministre à proposer un chèque énergie de 100 euros supplémentaires pour 600 millions d'euros au total.

Si certains critiquent ces dépenses, mais qu'ils assument devant les Français qu'ils ne font pas de chèque énergie. C'est trop facile d'aller expliquer sur les plateaux de télévision « Il y a trop de dépenses, il y a trop d'engagements de l'Etat » en niant que nous les avions annoncés depuis le début du mois de juillet ; et dans le même temps, de ne pas préciser aux Français ce qu'on voudrait couper comme dépenses.

Où est-ce que la hache va tomber ? Est-ce que c'est sur le chèque énergie pour les Français les plus modestes ? Est-ce que c'est sur le recrutement de policiers supplémentaires ? Est-ce que c'est sur la protection des agriculteurs ? Est-ce que c'est sur les dépenses d'investissement que nous avons prévues pour les nouvelles technologies ? Est-ce que c'est pour l'assurance récolte qui va enfin protéger les agriculteurs contre les risques de pertes de revenus liés aux calamités agricoles ?

Que ceux qui annoncent et qui dénoncent les dépenses excessives disent lesquelles parmi celles que nous avons annoncées ils retrancheraient. Je pense que c'est l'honnêteté politique qui doit dicter ce type de réponses.

En revanche, je le redis, nous avons devant nous un calendrier clair de rétablissement des finances publiques avec l'ensemble des dépenses annoncées depuis le mois de juillet : 11 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, 8 milliards d'euros du fonds d'urgence, dont la quasi intégralité va être consacrée à la réduction du déficit public, un calendrier de retour sous les 3% d'ici 2027, un amortissement de la dette Covid d'ici 2042, c'est-à-dire sur 20 ans.

Les instruments pour le rétablissement des finances publiques, vous les connaissez. Nous refusons l'instrument qui a été employé constamment, toutes majorités confondues, qui est celui de l'augmentation des impôts.

Nous lui préférons l'accélération de la croissance, la poursuite des réformes de structures comme l'adoption de l'assurance chômage au 1er octobre de cette année et la pluri annualité des dépenses publiques telle qu'elle a été proposée aussi bien par Laurent Saint-Martin que par votre président, Eric Woerth, qui doit, à mon sens, le moment venu, prendre un caractère constitutionnel pour nous permettre de faire de véritables choix démocratiques en matière de dépenses.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 24 septembre 2021