Déclaration de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, sur le projet de loi de finances 2022, à l'Assemblée nationale le 11 octobre 2021.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Examen en séance publique à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Président / Madame la Présidente,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,


Permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que j'ai à vous retrouver en séance publique pour entamer ce marathon budgétaire qui nous occupera intensément ces prochains jours et ces prochaines semaines, afin d'examiner ensemble le projet de loi de finances pour 2022.

Ce PLF, le dernier de ce quinquennat, et le deuxième que j'ai l'honneur de défendre en tant que ministre délégué en charge des comptes publics, a pour objectif de traduire nos grandes orientations pour l'avenir, ainsi que les stratégies en matière de finances publiques que nous avons mises en oeuvre depuis le début du quinquennat et face à la crise.

L'année dernière, à la même époque, nous abordions l'examen du budget avec le sentiment inconfortable de l'incertitude : incertitude sur l'évolution de la situation sanitaire, incertitude sur les perspectives économiques et incertitude sur l'intensité du soutien à mettre en oeuvre. L'horizon n'est sans doute pas complètement clair, mais nous avons l'immense satisfaction des résultats du soutien massif que nous avons mis en oeuvre. Nous abordons donc ce PLF dans une bien meilleure situation que l'année dernière : la croissance est robuste ; le taux de chômage renoue avec des niveaux que nous n'avions pas atteints depuis la crise de 2008. La sortie de cette crise est une opportunité pour penser la France de 2030. Comme nous l'avons dit, nous vous proposerons de modifier ce budget pour financer le plan d'investissement que Bruno Le Maire a évoqué.

J'aimerais pour ma part me concentrer sur deux points essentiels :

Partie 1 : la promesse tenue
Partie 2 : le pouvoir d'achat


1) Mesdames et Messieurs les Députés, ce budget est une promesse tenue

Le budget, tel que nous vous le présentons, concrétise les engagements du Président de la République et du Gouvernement.

a. Régalien
b. Jeunes
c. Transition écologique
d. Egalité et solidarité
e. Territoires
f. Entrepreneurs

a) Ce budget renforce les moyens des missions régaliennes :

D'abord, nous réarmons l'État, comme nous nous y sommes engagés. Nous l'avons dit ; nous le faisons.

Nous respectons et mettons pleinement en oeuvre la loi de programmation militaire, grâce à une augmentation de 1,7 Md€ des crédits du ministère des armées. Nous avons tenu nos engagements.

Nous augmentons également les moyens du Ministère de l'intérieur, à hauteur de 1,5 Md€. Ce PLF finance les annonces du Président de la République faites dans le cadre du " Beauvau de la sécurité ". Là encore, nous tenons nos engagements.

Nous augmentons enfin de 8%, et ce pour la deuxième année consécutive, le budget du ministère de la justice – je remarque donc que si chacun s'était accordé à dire l'an dernier qu'une telle hausse était historique par son montant, elle l'est d'autant plus cette année. La loi de programmation pour la justice est plus que respectée. Nous tenons nos engagements.

Ce budget nous redonne les moyens de nous défendre et de faire appliquer le droit, réalisant ainsi l'engagement du Gouvernement de restaurer nos fonctions régaliennes ; nous pouvons nous en féliciter.

b) Ce budget investit dans l'avenir :

Vous le savez, la jeunesse et l'éducation sont une des priorités indiscutables de ce budget.

Le budget du ministère de l'éducation nationale progressera de 1,7 Md€ pour l'année 2022. Cette hausse historique va conforter des politiques qui ont déjà largement porté leurs fruits. Nous visons ainsi pour 2022 un objectif de 200 000 jeunes en mission de service civique. Nous croyons dans ce dispositif. Le soutien à la jeunesse, c'est aussi une plus grande attention aux élèves qui en ont le plus besoin. Nous recruterons 4 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires à la rentrée 2022. Sur le quinquennat, nous aurons créé près de 30 000 AESH. Nous sommes extrêmement fiers de ce soutien historique. Une fois de plus, nous tenons nos engagements.

Toujours en vue de préparer l'avenir en investissant dans l'éducation et la recherche, les crédits du ministère de l'enseignement supérieur augmenteront de 700 M€, dont 550 M€ correspondent à la marche prévue dans le cadre de la loi de programmation de la recherche.

c) Ce budget nous donne les moyens de poursuivre notre transition écologique :

C'est un impératif civilisationnel, et nous renforçons pour ce faire les efforts consentis depuis plusieurs années en la matière.

Nous avons régulièrement augmenté les crédits consacrés au ministère de la transition écologique. Nous ne dérogeons pas à notre règle cette année encore : l'augmentation de ses crédits s'élève à 1,5 Md€, hors plan de relance. Rappelons d'ailleurs que l'écologie, en 2021 et en 2022, représente un tiers des dépenses engagées dans le cadre de France relance : 30 Md€ ! En 2022, MaPrimeRénov' atteindra près de 2 Md€.

Enfin, nous avons souvent des débats houleux sur la fiscalité écologique : de ce point de vue, la fiscalité des biocarburants est une réussite. Année après année, nous augmentons le niveau d'exigence environnementale qui nous permettra d'atteindre les objectifs de notre programmation pluriannuelle de l'énergie. Nous allons même plus loin en intégrant l'hydrogène dans cette fiscalité.

Pour suivre l'impact environnemental de notre budget en général, nous avons été pionniers dans la mise en oeuvre du budget vert dont la seconde édition vient d'être publiée. Les dépenses favorables à l'environnement sont à nouveau en progression : elles atteindront 32,5 Md€ en 2022, après 31,4 Md€ cette année.

d) Ce budget est aussi un budget d'égalité et de solidarité

Nous maintiendrons en 2022 le plus haut niveau de places d'hébergement d'urgence que nous ayons connu, soit 190 000 places. Du point de vue budgétaire, cela se traduit par une augmentation des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence, de 2017 à 2022, de 1,8 Md€ à 2,7 Md€ par an, ce qui démontre notre engagement en la matière.

Nous vous proposons aussi, dans ce budget, de traduire un engagement pris par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale, consistant à revaloriser le montant de l'allocation adulte handicapé (AAH) pour les personnes qui en sont bénéficiaires et vivent en couple.

Nous l'avions déjà revalorisé de 90€ par mois il y a trois ans, et nous vous proposons aujourd'hui de créer un système d'abattement qui permettra à 120 000 couples de bénéficier d'une augmentation de l'AAH de 110€ par mois, pour un montant total de 200 M€. Nous l'avions dit dès le départ : le handicap était une des grandes priorités de ce quinquennat. Nous l'avons, je crois, collectivement démontré. À tous ceux qui nous disent que nous n'avons pas fait assez à cet égard, je réponds que sur le quinquennat la dépense d'AAH aura augmenté d'un quart, soit +2,4 Md€. Personne ne l'avait fait avant.

Ce budget est un budget d'égalité. Nous continuerons à lutter sans relâche pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Cela passe en 2022 par un budget en augmentation de presque 25%, pour atteindre un peu plus de 50 M€. Il financera ainsi notamment l'ouverture 24h/24h du service « 3919 » depuis le mois de septembre.

Nous vous présentons un budget solidaire. . Nous sommes fiers de présenter une aide publique au développement (APD) représentant en 2022 plus de 0,55% du revenu national brut, conformément à l'engagement du Président de la République. Certains en doutaient, mais là encore, nous tenons nos engagements. Il connaîtra une augmentation d'1Md€. À l'échelle du quinquennat, les crédits de la mission « Aide publique au développement » auront augmenté de 70%.

e) Ce budget accorde une attention particulière aux territoires de la République :

Le dernier engagement que je souhaiterais rappeler devant vous n'est pas des moindres, puisqu'il s'agit de faire des relations financières entre l'État et les collectivités locales une véritable priorité.

Ce budget se caractérise ainsi, comme c'est le cas depuis déjà 5 ans, par le maintien du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l'État aux collectivités locales, à hauteur de 26,8 Md€. Nous avons fait le choix de maintenir, dans un premier temps, les crédits de la DETR, la dotation d'équipement des territoires ruraux, et ceux de la DSIL, la dotation de solidarité à l'investissement local, à hauteur de 2 Md€, comme les années précédentes.

Rappelons que, dans le cadre du plan de relance, nous avons consacré 2,5 Md€ au soutien exceptionnel à l'investissement des collectivités locales, en plus de ces 2 Md€ annuels.

Par ailleurs, nous avons pris la décision, sous l'autorité du Premier ministre, d'abonder les crédits de soutien à l'investissement des collectivités locales. Ce projet de loi de finances propose donc d'abonder les crédits de la DSIL de 350 M€, à destination des projets inscrits dans les Contrats de Relance et de Transition Ecologique (CRTE), signés entre l'État et le Gouvernement.

La péréquation verticale continuera aussi sa progression, à hauteur de 95 M€ pour la DSU, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, et autant pour la DSR, la dotation de solidarité rurale. Nous consacrerons certains crédits aux politiques de la ville et de l'aménagement du territoire. Ainsi, 47 M€ permettront le déploiement de 200 cités éducatives, et 35 M€ financeront, au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), le développement de nouvelles maisons France services sur tout le territoire et la mise en oeuvre de l'Agenda Rural.

f) Ce budget soutient les entrepreneurs, c'est notre ADN politique

Ce texte porte le volet fiscal du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le président de la République le 16 septembre dernier. Nous y proposons une gamme de mesures qui répondent aux besoins des entrepreneurs et qui ont toutes pour fil directeur ce qui est le crédo de ce Gouvernement : introduire davantage de simplicité dans la vie économique.

Vous aurez l'occasion, lors de l'examen du texte, de vous prononcer sur un amendement du Gouvernement qui propose, en cohérence avec la création du statut unique prévue dans un projet de loi distinct, d'offrir aux entrepreneurs individuels la possibilité d'opter pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

Aujourd'hui, ils n'en ont pas le droit. C'est une mesure de cohérence, très favorable pour les travailleurs indépendants, qui améliorera leur accompagnement dans la professionnalisation de leur activité.


2) Ce budget consolide notre politique en faveur du pouvoir d'achat

Il y a, d'abord, tous les acquis du quinquennat que nous ne remettons pas en cause. La baisse de l'impôt sur les sociétés d'une part, afin que toutes les entreprises soient éligibles au taux de 25% l'an prochain, et la suppression d'une deuxième tranche de la taxe d'habitation pour les ménages dont la résidence principale est toujours imposée à ce titre, d'autre part.

Cela représente environ 6 Md€ en 2022, ce qui nous permettra d'atteindre un montant total de baisses d'impôts, à l'échelle du quinquennat, de 50 M€. Grâce à cela, la pression fiscale sera la plus faible de ces vingt dernières années. Cela signifie qu'avec les suppressions d'impôts que nous avons proposées, nous aurons effacé les augmentations de fiscalité opérées à partir de 2010-2011, à la suite de la crise financière de 2008 – puisque, je tiens à le rappeler à ceux qui semblent l'oublier, la hausse de la fiscalité a couvert les deux quinquennats précédents.

Associée à la revalorisation des revenus du travail, que nous garantissons et accompagnons chaque année, cette politique fiscale nous permet de rendre du pouvoir d'achat aux ménages français. Je pense notamment à l'augmentation de la prime d'activité et aux exonérations de cotisations salariales que vous avez votées. Je pense aussi à la défiscalisation des pourboires versés aux salariés de l'hôtellerie-café-restauration, annoncée récemment par le Président de la République et concrétisé dans ce texte par un amendement cosigné par les membres du groupe MoDem et LaRem.

Il faut avoir à l'esprit que le pouvoir d'achat des Français progressera deux fois plus vite sous ce quinquennat que sous les deux quinquennats précédents. Ce pouvoir d'achat rendu aux Français est vertueux à bien des égards, comme nous le constatons a fortiori en sortie de crise.

Cette action résolue se poursuit, dans ce projet de loi de finances, par la traduction des engagements pris par le Premier ministre pour préserver le pouvoir d'achat des ménages face à la hausse brutale et mondiale des prix du gaz et de l'électricité. En effet, le Gouvernement a déposé un amendement visant à mettre en place le volet fiscal du " bouclier tarifaire " annoncé le 30 septembre dernier. Il sera complété par les autres mesures annoncées par le Premier ministre et permettra, notamment, d'assurer que le tarif réglementé de vente de l'électricité n'augmentera pas de plus de 4% par rapport à son niveau du 1er août 2021.


Conclusion

Je terminerai par quelques mots sur les résultats que nous attendons, et qui se traduisent déjà dans les indicateurs macroéconomiques. Le fait que le déficit public soit ramené à 4,8% du PIB, soit la moitié de ce que nous avons connu en 2020 et presque la moitié de celui que nous connaîtrons en 2021, est un point important qui se mesure aussi en valeur : le déficit public devrait s'établir en 2022 à 125 Md€, contre 210 Md€ cette année et l'année dernière. La dette publique sera stabilisée à 114% du PIB, et nous arrivons ainsi, avec la prudence qui s'impose, à retrouver un niveau de dépenses publiques comparable à celui d'avant la crise.

Nous avons maîtrisé au mieux l'évolution des finances publiques dans ce contexte exceptionnel. Le taux des prélèvements obligatoires baissera pour atteindre 43,5%. La dépense publique, quant à elle, représentera en 2022 un peu plus de 55% du PIB. Nous poursuivons nos efforts de maîtrise de la dépense. Hors relance et urgence, les dépenses dites ordinaires de l'État n'augmenteront en volume que de 0,8%, soit peu ou prou la même évolution que celle connue au cours des trois premières années du quinquennat. C'est ce sérieux budgétaire qui nous avait permis de nous donner des marges de manoeuvre pour affronter la crise.


Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 14 octobre 2021