Déclaration de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, à l'Assemblée nationale le 15 septembre 2021.

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Circonstance : Audition devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation

Texte intégral

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Hier, nous avons examiné l'ensemble des articles relevant de la compétence de M. le ministre de la justice. Il nous reste aujourd'hui à discuter les articles relevant du ministère de l'intérieur, à savoir les articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 17 et 18 ainsi que l'article 20. Pour ce faire, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Avant de commencer l'examen des articles à proprement parler, nous allons procéder à une discussion générale sur le volet " sécurité intérieure " du projet de loi.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. J'ai l'honneur de vous présenter, au nom de M. Gérald Darmanin et en mon nom propre, les volets du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure relevant du ministère de l'intérieur. Ce texte structurant, d'une importance particulière, permettra de mieux protéger tant nos concitoyens que les membres des forces de sécurité dans l'action difficile qui est la leur. Hier, vous avez eu de riches échanges avec M. le Garde des sceaux sur les articles qui relèvent du ministère de la justice. Pour ma part, j'aborderai exclusivement les dispositions des articles 5 à 11, 17 et 18, qui visent à rendre plus efficace l'action des forces de sécurité de l'État, tout en dotant ces dernières d'outils qui réduiront les risques encourus par les policiers et les gendarmes dans le cadre de leurs interventions.

L'encadrement juridique de l'ensemble des dispositions, au regard notamment de l'équilibre nécessaire entre l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée, a fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de nos services. Nous avons tenu compte des débats parlementaires que nous avons eus ensemble, de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, ainsi que de l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi.

Ce texte entend prolonger et renforcer les actions déjà entreprises concernant le délit de refus d'obtempérer et la lutte contre les rodéos motorisés.

Le refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un agent au bord de la route est un délit d'une particulière dangerosité, pour les forces de l'ordre comme pour les piétons. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les dix-sept minutes, en moyenne, sur le territoire national. Ce délit occasionne de nombreux blessés, voire des morts, notamment parmi les membres des forces de sécurité intérieure, auxquelles je pense tout particulièrement, et parmi les passants. Tous ces éléments sont soulignés dans le rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés rédigé par Mme Natalia Pouzyreff et M. Robin Reda, que je remercie, au nom du ministre de l'intérieur et en mon nom propre, pour leur engagement et leurs travaux sur ce sujet d'importance. Nous devons donc faire preuve de la plus grande fermeté contre ce phénomène. L'article 5 du présent projet de loi renforce les mesures conservatoires et le régime des peines applicables au délit de refus d'obtempérer en prévoyant le même niveau de répression que celui défini pour les délits routiers les plus graves.

Nous faisons preuve de la même fermeté contre les rodéos motorisés. Vous connaissez la détermination du ministre de l'intérieur dans la lutte contre ces pratiques dangereuses et nuisibles. Des actions fortes ont été menées par les forces de sécurité intérieure ; ainsi, lors de la seule année 2020, nos policiers ont saisi et détruit plus de 600 engins. Pour compléter les outils permettant de lutter efficacement contre ces délits, nous vous proposons aujourd'hui d'enrichir les dispositions votées dans la loi de 2018. En outre, l'article 18 vise à faciliter l'identification des auteurs de ces infractions, à empêcher la restitution des véhicules servant à réaliser des rodéos, et donc à prévenir la récidive.

L'article 17 étend la liste des infractions au code de la route qui peuvent être constatées par des gardes particuliers, complétant ainsi l'action menée par les forces de sécurité et les polices municipales. Tout cela va dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une meilleure coordination.

Le Président de la République et le ministre de l'intérieur n'ont eu de cesse d'assurer la sécurité des Français. C'est dans cette logique que nous voulons renforcer la capacité opérationnelle de la police nationale. L'article 6 opère une transformation substantielle de la réserve civile de la police nationale. Le passage à une réserve opérationnelle permettra un recrutement encore plus large de réservistes au sein de la société civile, un renforcement de la formation initiale et une meilleure structuration de la formation continue des réservistes. Il permettra aussi à la réserve de mieux appuyer l'action des policiers, sur un champ de missions plus large. Je pense que nous nous retrouvons tous autour de cette proposition.

Les articles 7, 8 et 9 visent à définir le cadre juridique de l'utilisation de dispositifs de captation d'images par les forces de sécurité. Il s'agit d'un sujet important, sur lequel vous avez déjà eu de nombreux échanges constructifs avec le Gouvernement. L'utilité opérationnelle de ces dispositifs avait été reconnue lors de la discussion de la proposition de loi pour une sécurité globale ; c'est pour cette raison qu'il nous semble important de légiférer sur ce sujet, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires en matière de respect de la vie privée en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel et des avis du Conseil d'État.

La possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue a pour objectif de diminuer les risques de suicide, d'automutilation, d'agression et, évidemment, d'évasion. La captation d'images dans les cellules de garde à vue ne saurait être systématique : elle devra bien sûr être motivée, limitée dans le temps et soumise au contrôle du juge responsable de la garde à vue. La durée de conservation des images sera évidemment elle aussi limitée ; les gardés à vue pourront demander que les enregistrements soient conservés jusqu'à sept jours.

Nous devons par ailleurs nous doter d'un cadre juridique solide qui permettra la captation d'images depuis des dispositifs vidéos installés sur des aéronefs, avec ou sans personne à bord. C'est l'objet de l'article 8, qui vise à définir un cadre juridique pour l'usage administratif de ces dispositifs. Les drones permettent en effet de sécuriser de façon beaucoup plus efficace les grands rassemblements de personnes, les grands axes de circulation et les grands lieux tels que les stades de football ou certains bâtiments publics ; ils donnent aux forces de sécurité la possibilité d'être beaucoup plus réactives dans la coordination opérationnelle et concrète, sur le terrain. Le cadre d'usage de ces dispositifs a été particulièrement renforcé, de même que le contrôle préalable à leur mise en oeuvre, qui fera l'objet d'une autorisation préfectorale.

Nous savons combien l'usage de ces dispositifs, notamment des drones, peut avoir une utilité opérationnelle pour prévenir certains phénomènes comme les rodéos. L'objectif que nous partageons tous ici est de mettre fin à ce phénomène dangereux. Le ministre de l'intérieur s'y emploie fermement.

Il reste néanmoins une dimension de l'usage de ces dispositifs qui doit encore être clarifiée, à savoir leur exploitation à des fins judiciaires. Ce cadre doit être déterminé de manière globale, sans se limiter à un seul type d'infractions. C'est pour cette raison que le Gouvernement adressera, dans les tous prochains jours, une demande d'avis au Conseil d'État. Cela devrait nous permettre d'introduire dans le texte des dispositions adaptées dès la première lecture au Sénat.

J'en viens aux caméras embarquées dans les véhicules des services de l'État. Les services concernés, notamment la police et la gendarmerie, pourront enregistrer leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, compte tenu des caractéristiques de l'opération ou du comportement des personnes concernées. Dans ce cas aussi, des garanties supplémentaires sont apportées, qu'il s'agisse de la restriction des finalités ou de la nécessaire information des personnes concernées par la captation d'images.

Enfin, le Gouvernement souhaite améliorer le contrôle de la détention d'armes en renforçant l'efficacité du Fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), afin que ce dernier puisse mieux servir à la prévention des passages à l'acte criminel des détenteurs d'armes. Je pense notamment aux dispositifs que nous mettons en place pour lutter contre les féminicides – mais nous y reviendrons, car vous connaissez mon engagement à ce sujet.

Toutes ces dispositions représentent, à notre sens, un ensemble cohérent. Attendues par les forces de sécurité, elles répondent à des questions substantielles et structurantes pour l'avenir de leur action.

M. Jean-Michel Mis, rapporteur. Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner les articles du projet de loi consacrés à la sécurité intérieure. Je m'exprimerai sur les articles 5 à 11, qui abordent des sujets différents mais s'inscrivent dans une même perspective : garantir la sécurité de nos concitoyens, dans le respect des libertés publiques. Sans rentrer dans le détail de chaque disposition, je souhaite rappeler ici les principales mesures que contiennent les titres II à IV du projet de loi, qui pourront être utilement précisées, renforcées et, en définitive, améliorées par quelques amendements que j'ai déposés en tant que rapporteur ou auxquels je donnerai un avis favorable.

L'article 5 renforce les dispositifs administratifs et judiciaires à la disposition de l'autorité publique pour sanctionner et dissuader les refus d'obtempérer. L'objectif est double : nous souhaitons à la fois garantir un meilleur respect de la loi pénale en matière routière et mieux protéger les fonctionnaires et agents chargés des contrôles sur la voie publique. Le renforcement des mesures administratives se traduit par la possible rétention immédiate du permis de conduire du conducteur, laquelle peut être suivie de sa suspension provisoire décidée par le préfet. L'article 5 prévoit également l'aggravation des sanctions pénales encourues, notamment grâce à la confiscation du véhicule.

L'article 6 vise à transformer l'actuelle réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, sur le modèle de son homologue de la gendarmerie. Lors de l'examen des amendements, j'aurai l'occasion de détailler les évolutions prévues par cet article, qui vont bien entendu au-delà d'une simple modification terminologique. J'insisterai cependant sur un point : l'engagement des citoyens au sein de la réserve constitue l'un des leviers permettant de renforcer les liens entre la police et la population. Le Beauvau de la sécurité a d'ailleurs fixé l'objectif d'une multiplication par quatre des effectifs actuels de la réserve afin d'atteindre le chiffre ambitieux de 30 000 réservistes au cours de la prochaine décennie.

Le titre III, qui comprend les articles 7 à 9 du projet de loi, fixe un cadre législatif applicable à plusieurs dispositifs de captation d'images, qu'il s'agisse de la vidéosurveillance des cellules de garde à vue, des caméras aéroportées – notamment les drones – ou des caméras embarquées dans des véhicules utilisés par la police et la gendarmerie. Ces articles sécurisent juridiquement l'emploi de ces outils au regard des exigences relatives au respect du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles. Ils tirent donc toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

Il revient en effet au législateur de préciser les finalités pour lesquelles ces outils peuvent être utilisés, les procédures d'autorisation auxquelles ils sont soumis ainsi que les modalités d'utilisation et de conservation des données enregistrées. L'article 8 relatif aux caméras aéroportées concrétise d'ailleurs l'une des préconisations du rapport que j'ai eu l'honneur de remettre au Premier ministre la semaine dernière sur l'utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité.

Comme toujours, l'équilibre sur ces questions s'avère difficile à trouver. Nous sommes partagés – pour ne pas dire tiraillés – entre, d'une part, le souci de garantir l'efficacité et le caractère opérationnel de ces mesures et, d'autre part, le nécessaire respect des libertés publiques. Le présent projet de loi a réussi à concilier ces deux impératifs. Plusieurs amendements permettront d'en améliorer la rédaction.

Enfin, le titre IV relatif au contrôle des armes et des explosifs, composé des articles 10 et 11, prévoit un certain nombre d'ajustements visant à renforcer l'utilité du FINIADA, dont le champ d'application est élargi. Le Gouvernement a déposé quatre amendements que je vous proposerai d'adopter afin, là encore, d'améliorer les contrôles administratifs en matière d'acquisition et de détention d'armes.

Chacune de ces dispositions permettra de renforcer, sur le plan juridique, opérationnel et humain, la sécurité de nos compatriotes.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. La plupart des articles dont je suis chargé, en tant que rapporteur des titres V et VI, ont déjà été discutés hier. Il reste néanmoins deux articles qui relèvent du ministère de l'intérieur.

L'article 17 complète la liste des catégories d'agents pouvant constater, par procès-verbal, certaines infractions à la partie réglementaire du code de la route, en y intégrant les gardes particuliers assermentés. Il ne s'agit pas, dans l'absolu, d'accroître les prérogatives de ces agents ; cependant, il nous a semblé utile de leur permettre de constater des infractions au code de la route dont la liste sera fixée par décret, notamment pour les agents employés par les marchés d'intérêt national et par les grands ports maritimes.

L'article 18 relatif à la lutte contre les rodéos motorisés rend obligatoire l'inscription, dans les contrats de location, du numéro d'identification de l'engin non homologué loué ainsi que du numéro d'immatriculation du véhicule permettant de le transporter. Il réduit la durée au bout de laquelle peut être constaté l'abandon d'un véhicule mis en fourrière. Enfin, il complète les dispositions du code de la route relatives à la confiscation obligatoire du véhicule afin de permettre au propriétaire de présenter ses observations devant le juge chargé de ce contentieux. Ce sujet transpartisan a fait l'objet de travaux récents de la part de nos collègues Natalia Pouzyreff et Robin Reda, que je tiens à saluer. Les conclusions de leur mission d'information, présentées la semaine dernière devant la commission des Lois, soulignent l'intérêt de cet article et renforcent la détermination du législateur à sanctionner plus lourdement cette pratique qui épuise nos concitoyens, et cela dans le respect de l'État de droit. Je ne doute pas que ce combat fasse consensus.

M. Jean Terlier. Après avoir montré hier que ce texte s'inscrivait dans la volonté du Gouvernement et de la majorité de faire de la justice et de la sécurité des priorités du quinquennat, je rappellerai aujourd'hui les efforts budgétaires, matériels et humains consentis ces quatre dernières années dans le seul domaine qui nous mobilise cet après-midi, la sécurité intérieure.

Le budget du ministère de l'intérieur a augmenté de plus de 2,5 milliards d'euros, tandis que 10 000 policiers et gendarmes seront recrutés d'ici à 2022. Sans faire une liste à la Prévert, je soulignerai simplement que le Président de la République a tenu ses engagements en clôturant, hier, le Beauvau de la sécurité, après sept mois d'une concertation inédite. Les mesures annoncées s'inscrivent dans la droite ligne des travaux engagés depuis 2017. Je pense à la simplification de la conduite des enquêtes ou encore à la future loi de programmation pour la sécurité intérieure visant à repenser la police et la gendarmerie pour les aider à faire face aux nouvelles formes de délinquance – infractions sur l'espace numérique, escroqueries digitales, cybercriminalité.

Dans ce contexte, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue une étape nécessaire pour permettre à nos forces de sécurité d'adapter leurs moyens aux problématiques du quotidien et de se projeter face à la délinquance protéiforme moderne. Il apporte les précisions demandées par le Conseil constitutionnel à propos de dispositions d'ores et déjà adoptées, mais qui méritaient d'être approfondies et mieux encadrées. Il dote les forces de l'ordre de moyens efficaces et désormais proportionnés. Il garantit la conciliation entre, d'une part, l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la préservation des droits et libertés individuelles, notamment le respect de la vie privée.

En matière de captation d'images, le projet de loi s'attache à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en introduisant des garanties procédurales strictes. Il prévoit des contrôles et autorisations préalables. La conservation des enregistrements sera strictement limitée à vingt-quatre heures ou sept jours. Ces enregistrements seront inaccessibles, sauf pour les besoins d'une procédure administrative ou d'un signalement, dans ce même délai contraint, à l'autorité judiciaire.

L'article 7 durcit le régime applicable aux caméras de vidéosurveillance, qui prévoit désormais les garanties nécessaires, notamment, à la préservation de l'intimité du gardé à vue : un pare-vue sera fixé, les images seront opacifiées et l'emplacement des caméras sera visible. Ce dispositif ne devient pas la norme : il ne pourra être mis en place que s'il existe des raisons sérieuses de penser que le gardé à vue pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour lui-même ou pour autrui. L'autorité judiciaire comme le gardé à vue pourront demander qu'il y soit mis fin.

L'article 8 vient corriger certains écueils dans l'utilisation de caméras aéroportées relevés lors de l'examen de la proposition de loi pour une sécurité globale. Aussi, l'utilisation de ces caméras dans un cadre strict et circonscrit sera soumise à une autorisation préfectorale qui en déterminera le périmètre géographique et la durée. Un nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département sera par ailleurs fixé par voie réglementaire, de sorte à introduire un contingentement national ventilé au niveau départemental.

L'article 9 repense les conditions d'utilisation des caméras embarquées en s'inspirant du régime des caméras-piétons. Le recours à ce dispositif ne sera possible que dans le cadre des interventions des forces de l'ordre dans les lieux publics, lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées. Les garanties seront les mêmes que pour les caméras-piétons : ainsi, l'enregistrement ne pourra pas être permanent.

Parmi les autres dispositions relevant du ministère de l'intérieur, la transformation de la réserve opérationnelle de la police nationale est essentielle afin de retisser le lien de confiance entre les policiers et nos concitoyens. Le fait de confier des missions de terrain à de jeunes volontaires réservistes leur permettra sans aucun doute de mieux appréhender la réalité, tout en les sensibilisant aux risques auxquels nos forces de sécurité sont exposées. L'inscription des réservistes dans un programme de formation, la proposition d'un projet de carrière et la possibilité offerte aux anciens professionnels de conserver un grade atteint au cours de leur carrière seront sans conteste source de motivation et d'attractivité. L'opportunité de ces dispositions ne fait aucun doute : la transformation de la réserve opérationnelle de la police nationale devrait permettre d'atteindre l'objectif ambitieux, évoqué hier par le Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité, de 30 000 policiers réservistes et de 20 000 réservistes supplémentaires pour la gendarmerie.

Enfin, j'aimerais m'attarder un peu sur les dispositions attendues depuis longtemps par les agents placés sur le bord de nos routes. Je pense notamment à l'aggravation du régime de sanction du refus d'obtempérer. Le présent projet de loi donne aux personnels exposés aux risques inhérents à une délinquance routière de plus en plus violente les moyens d'agir efficacement. Le refus d'obtempérer ne sera plus un petit délit, puisque sa répression sera alignée sur celle des délits routiers les plus graves. Des mesures conservatoires immédiates pourront être prononcées, telles que la rétention immédiate du permis de conduire pour au moins soixante-douze heures, ou encore l'immobilisation et la mise en fourrière du véhicule. La création d'un bloc d'infractions permettra de retenir la sanction la plus grave.

Madame la ministre déléguée, les dispositions que vous défendez, y compris celles sur lesquelles je n'ai pas eu le temps de m'arrêter, ont une seule et même vocation : rétablir un ordre sécuritaire en redonnant force de droit et autorité à nos forces de sécurité. Ce projet de loi contribuera à leur redonner confiance, pour leur permettre de regagner celle des citoyens.

M. Antoine Savignat. Hier, lorsque nous examinions les dispositions relatives à la justice, nous avions l'impression de suivre une session de rattrapage. Cet après-midi, s'agissant des dispositions portant sur la sécurité intérieure, je parlerais plutôt d'anticipation, puisque les annonces faites hier par le Président de la République nous laissent à penser qu'un nouveau projet de loi sur le thème de la sécurité sera déposé prochainement. Si les dispositions figurant dans le texte que nous examinons aujourd'hui nous paraissent opportunes et même indispensables, je n'en regrette pas moins la mauvaise gestion du calendrier parlementaire, qui ne devrait pas se télescoper avec un calendrier politique : nous aurions dû aborder tout cela en même temps.

Je le disais hier, les dispositions de ce projet de loi nous paraissent indispensables. Le placement des gardés à vue sous vidéosurveillance, l'utilisation par certains services de l'État de caméras aéroportées ou de drones, la protection de nos forces de l'ordre, le renforcement de l'efficacité de leur action, la mise en place de la réserve opérationnelle de la police nationale et la simplification de la procédure pénale sont des mesures que nous appelons de nos voeux depuis longtemps : je ne viendrai donc pas vous dire aujourd'hui qu'il ne faut pas les adopter. Il en va de même des dispositions visant à améliorer l'identification des personnes mises en cause, qui faciliteront évidemment le travail des forces de l'ordre.

Je suis très déçu que mon amendement visant à sanctionner l'usage et le trafic du Rivotril – un sujet auquel notre rapporteur Jean-François Eliaou est particulièrement sensible – n'ait pas pu être adopté hier. Tous les fonctionnaires de police et tous les parquets vous diront à quel point les jeunes shootés au Rivotril représentent un véritable fléau, qu'ils rencontrent tous les jours sur l'ensemble du territoire national. Cela crée des situations difficiles à gérer, qui mettent en difficulté les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. À mon sens, mon amendement n'était pas un cavalier législatif. Je l'avais déposé dans le cadre de la partie relative à la justice, puisqu'il portait sur les sanctions pénales applicables, mais il visait aussi à protéger et à améliorer les conditions d'intervention de nos forces de l'ordre.

Nous voterons évidemment en faveur de ces dispositions, dont certaines ont déjà subi, dans une autre rédaction, la censure du Conseil constitutionnel bien qu'elles soient souhaitées par nos concitoyens. Ce sera l'occasion de rappeler qu'il n'y a pas de juge entre les citoyens et leurs représentants, et que seul le Parlement fait la loi.

Mme Blandine Brocard. Garantir la sécurité de nos forces de l'ordre et de nos concitoyens dans le respect des libertés de chacun : tel est l'enjeu de ce projet de loi.

Certains verront sans doute dans les dispositions de l'article 5 relatives au refus d'obtempérer de nouvelles mesures de répression. Or il s'agit bien de mesures visant à protéger les forces de l'ordre. Vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée, les refus d'obtempérer créent des situations dangereuses pour les policiers, pour les gendarmes et même pour toute la population, d'autant que ces comportements sont le plus souvent motivés par une conduite sans permis, en état d'ivresse ou sous l'empire de stupéfiants. La dangerosité augmente encore lorsqu'il est décidé d'engager une course-poursuite – j'ai pu le constater moi-même lors d'immersions régulières avec les forces de l'ordre. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les dix-sept minutes, en moyenne, sur le territoire national. J'espère que nous pourrons faire cesser ce délit en le réprimant au même niveau que les infractions routières les plus graves. Quand on n'a rien à se reprocher, on n'a aucune raison de ne pas se plier à un contrôle routier ! Et lorsque la conséquence du refus sera au moins égale à celle de l'infraction que l'on sait avoir commise, on évitera peut-être d'aggraver son cas. Il reste tout de même à réfléchir à la façon de lutter contre les refus d'obtempérer commis avec des véhicules volés ou sans plaque, pour lesquels l'effet dissuasif de ces mesures sera limité.

La création d'une réserve opérationnelle de la police nationale, prévue à l'article 6, permettra pour partie d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de doubler en dix ans la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique. Cette présence est malheureusement nécessaire pour assurer la sécurité de nos concitoyens dans une société où, de fait, les violences ne cessent d'augmenter. Elle permet aussi de renforcer la relation de confiance entre notre population et ses policiers.

S'agissant des articles 7 à 9, je ne reviendrai pas sur les dispositions relatives à la captation d'images – nous aurons l'occasion d'en explorer toutes les facettes lors de nos débats, comme nous l'avons d'ailleurs déjà fait il y a quelques mois. Le texte contient de nombreux garde-fous afin de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel et aux points de vigilance que certains de mes collègues démocrates avaient soulevés. Cependant, dans une société où des images sont enregistrées et diffusées en permanence, parfois même tronquées, dénaturées ou manipulées, n'est-il pas exagéré de tant restreindre, au nom des libertés, les possibilités de captation et de recherche de preuves pour nos forces de sécurité ?

À l'article 10, nous examinerons des dispositions relatives à la détention d'armes et au traitement des données du FINIADA. Une mesure pragmatique vise à permettre la connexion du casier judiciaire au FINIADA, lui-même connecté au répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes. Nous en avons besoin.

Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera donc en faveur des dispositions de ce projet de loi, qui permet d'affiner et de compléter un certain nombre de mesures précédemment prises afin d'assurer la sécurité de nos concitoyens, tout en restant très vigilants à la protection de nos libertés, auxquelles nous sommes tous tout autant attachés.

Mme Lamia El Aaraje. À l'origine, ce texte était présenté comme une réaction à l'affaire Halimi, qui nous a tous choqués. Nous avions alors été quelques-uns à déplorer que ce syndrome « un fait divers, une loi » ne nous donne pas forcément la hauteur de vue nécessaire à notre travail de législateur. Finalement, ce projet de loi comprend un certain nombre de dispositions relatives à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Je regrette un peu qu'il aborde tant de sujets touchant à la sécurité intérieure, certes importants – nous sommes tous d'accord sur ce point –, mais qui ne nous aident pas à comprendre le fil conducteur du texte ni ses véritables intentions.

Je vous ai écoutée très attentivement, madame la ministre déléguée, et je partage certaines de vos ambitions. Nous devons non seulement renforcer la sécurité des citoyens et des membres des forces de l'ordre, mais également retisser le lien entre les premiers et les seconds, qui se dégrade malheureusement. Face à la défiance et afin de rétablir la relation de confiance que nous appelons tous de nos voeux, nous devons oeuvrer pour l'inclusion de tous dans la République et renforcer le sentiment de sécurité qui nous permet de vivre ensemble.

Je ne souscris pas à certaines de vos propositions. Je déplore notamment l'absence de visibilité quant à l'accroissement des moyens des forces de l'ordre réclamé par plusieurs organisations syndicales. Une hausse des effectifs est également attendue dans l'ensemble de nos territoires. Elle ne doit pas se traduire par la seule augmentation du nombre de réservistes, qui crée une police à deux vitesses – ce n'est pas notre vision de l'égalité. Je regrette en outre que nous ne percevions pas de répartition homogène de ces moyens supplémentaires à l'échelle du territoire national ; nous avons le sentiment qu'ils seront octroyés au gré des déplacements du Président de la République, alors que nous approchons de l'élection présidentielle.

Or le sujet est suffisamment sérieux pour mériter une visibilité plus globale, de même que les questions de formation et de transparence afin de rapprocher les forces de l'ordre et les citoyens : tel était d'ailleurs le sens du Beauvau de la sécurité. Là encore, je regrette que le calendrier des annonces qui a été dévoilé hier relève plutôt de l'amorce d'une campagne présidentielle puisque le texte ne devrait être déposé qu'au début de 2022, alors que la situation que nous connaissons mérite d'ores et déjà un consensus pour travailler à améliorer la sécurité intérieure.

Nous serons très attentifs au déroulement de nos débats. Je suis en particulier un peu inquiète de votre lecture de la décision du Conseil constitutionnel à propos de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, notamment sur les mesures censurées concernant les drones.

Mme Alexandra Louis. Le 1er septembre, à Marseille, Emmanuel Macron promettait d'accélérer l'arrivée de policiers supplémentaires et d'investir 150 millions d'euros dans les locaux et 8,5 millions d'euros dans le matériel afin de renforcer la sécurité de notre cité phocéenne. Je rappelle que le budget de la sécurité a d'ores et déjà augmenté de plus de 1 milliard d'euros.

Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité présidentielle ont fait de la sécurité l'une de leurs priorités. Nous avons ainsi voté la loi renforçant la sécurité intérieure et l'action contre le terrorisme et, le 30 juillet 2021, la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, qui pérennise ces mesures : l'amende forfaitaire pour le délit d'usage de stupéfiants, l'occupation illicite des halls d'immeubles. Dans le cadre de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, nous avons adopté des dispositions afin de mieux articuler l'action de l'ensemble des acteurs de la sécurité.

Malheureusement, les forces de sécurité intérieure continuent d'être attaquées. Missions difficiles, horaires de travail, manque de repos, vie de famille chamboulée… Le quotidien des policiers n'est pas toujours facile. Ceux-ci acceptent rarement de parler de leur travail, pourtant, ils sont fiers d'exercer ce métier qui est aussi une passion.

Ce projet vise ainsi à renforcer les dispositifs qui participent, au quotidien, à la restauration de cette autorité. Le groupe Agir ensemble les soutient et défendra quelques amendements afin de renforcer certaines garanties.

Je salue donc les dispositions ambitieuses de ce texte : elles permettront de renforcer la répression des actes dont sont victimes les forces de l'ordre et de faciliter l'action de ces dernières. Notre groupe approuve donc l'aggravation des quantums de peines encourues en cas de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, lequel peut sérieusement mettre en cause la sécurité de nos policiers et de nos gendarmes. Nous approuvons en particulier la confiscation obligatoire du véhicule en cas de récidive.

Outre les divers articles que le Gouvernement nous soumet après avoir revu sa copie à la suite de la censure des sages de la rue Montpensier, deux dispositifs ont été ajoutés : le renforcement du rôle du Fichier national interdisant l'acquisition et la détention d'armes grâce, notamment, à l'interconnexion de celui-ci avec le casier judiciaire, et l'élargissement de son périmètre.

Nous voterons évidemment en faveur du renforcement du cadre juridique protégeant nos forces de sécurité. La transformation de la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle et l'élargissement des possibilités de captation d'images constituent autant d'avancées concrètes.

Avec ce texte, nous contribuons à la création d'un climat de confiance et de sécurité entre la population et les forces de l'ordre.

Avec ce texte, nous contribuons à la protection de nos concitoyens et de leur vie privée en créant un cadre juridique adapté à la captation d'images tout en rendant notre justice plus efficace.

Avec ce texte, nous améliorons le cadre de travail des acteurs du système judiciaire dans une démarche de coproduction de sécurité.

Répondre à ces défis permettra de créer les conditions d'une société plus sûre mais, aussi, plus apaisée. Ce projet de loi apporte des solutions claires aux problèmes que nous rencontrons. Le groupe Agir ensemble le votera donc.

Lors de la conférence inversée qui a eu lieu à l'occasion du deuxième anniversaire du Grenelle des violences conjugales, vous avez annoncé la création d'un fichier des auteurs de violences conjugales connecté à celui des détenteurs d'armes et consultable par les forces de l'ordre. Comment ces fichiers s'articuleront-ils afin de faciliter la protection des victimes, étant entendu que la plupart des féminicides fait suite à l'utilisation d'armes à feu ?

M. Ugo Bernalicis. Nous ne comptons plus les textes relatifs à la sécurité intérieure depuis le début de la législature. En l'occurrence, cette thématique est associée à celle de la responsabilité pénale et nous avons de surcroît appris hier qu'un texte serait déposé en février. Ce matin, nous avons aussi appris qu'il ne serait sans doute pas discuté et qu'il s'agit donc de le « mettre dans la tuyauterie » pour la prochaine législature.

Compte tenu des résultats que vous obtenez, je ne sais pas si la sécurité est l'une de vos priorités mais je suis en revanche certain de votre agitation politique permanente, laquelle s'explique manifestement par les psychoses dont vous souffrez.

Vous êtes incapables d'apporter des solutions concrètes à des problèmes bien réels mais je suis d'accord sur deux points : même si vous agissez sous la contrainte européenne, il était temps de mettre à jour la réglementation sur la détention d'armes – sans doute un grand plan serait-il d'ailleurs nécessaire pour lutter contre les trafic d'armes sur notre territoire, en mobilisant les douanes et nos forces de sécurité ; nous sommes également favorables au principe d'une réserve opérationnelle de la police – nous avons d'ailleurs souvent salué la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Il est temps, en effet, que des citoyens passent du temps auprès des policiers professionnels afin de favoriser un contrôle réciproque et un rapprochement utile, mais tout cela doit se dérouler dans un cadre précis, avec une formation préalable, etc.

Pour le reste, pensez-vous que vous réglerez les problèmes en alourdissant des peines si tant est, je l'espère, que tel soit votre objectif ? Nous avons discuté hier de la peine autonome créée pour punir les violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité, dont les policiers et les gendarmes. S'agissant des refus d'obtempérer, vous vous heurtez au même écueil : pensez-vous que ceux qui se baladent avec des voitures volées ou qui sont recherchés par la justice, demain, obtempèreront ? Non ! Pire : implicitement, compte tenu de l'alourdissement des peines, vous invitez les policiers à se montrer plus zélés et l'on retombe ainsi sur les problèmes bien connus de la dangerosité des courses poursuites, etc. Au final, le résultat ne sera pas à la hauteur des attentes. Une fois de plus, vous êtes dans la surenchère pénale.

S'agissant des drones et de la surveillance de masse, vous êtes de mauvais joueurs puisque vous voulez rejouer contre le Conseil constitutionnel après avoir perdu la première manche. La liste des cas de figure dans lesquels il serait possible d'utiliser les drones est tellement longue et les nouvelles garanties sont tellement faibles ! Vous rejetez certes la reconnaissance faciale mais s'il n'y avait que cela… De plus, le problème est le même : en matière de terrorisme, vous pouvez envoyer des drones où vous voulez, quand vous voulez, sans le faire savoir au public mais, sous couvert d'un tel objectif, vous pouvez filmer tout le monde, tout le temps, partout, en temps réel, les images étant transmises dans les centres de commandement.

Notre position sera donc la même que pour le texte relatif à la sécurité globale.

Mme Marie-George Buffet. Nous discutons de la sixième loi sur les questions de sécurité depuis le début de ce quinquennat et j'ai l'impression que, une nouvelle fois, la loi reste imprécise, comme le confirment les remarques du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel quant aux difficultés d'application d'un certain nombre d'articles.

De plus, cette loi vise à " remettre en circulation " des articles qui avaient été retoqués par le Conseil constitutionnel. À ce propos, je viens d'entendre qu'il n'y aurait pas de juge entre les citoyens et les élus, or, le Conseil constitutionnel est précisément là pour rappeler le sens de notre Constitution et veiller à ce que la loi le respecte. Son rôle est donc important et ses avis doivent être écoutés : il constitue un élément clé de notre vie démocratique.

Le Conseil d'État s'est inquiété de la difficulté d'interprétation de l'article 1er – voté hier – lorsqu'il s'agit de rendre la justice. Le devenir opérationnel de la réserve ne remplacera pas quant à lui l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre. Nous devons apporter un certain nombre de garanties sur le champ des opérations dont elle sera chargée mais, aussi, sur la formation de ses membres et sur leur itinéraire afin que nous soyons certains d'avoir affaire à des femmes et à des hommes responsables.

Sur l'utilisation des caméras et des drones, le Conseil constitutionnel a considéré que la conciliation des objectifs à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et du droit au respect à la vie privée et des libertés individuelles n'était pas assurée. Je m'étonne donc de l'insistance du Gouvernement à vouloir passer outre ses avis.

Enfin, un certain nombre de mesures vise les mineurs et, me semble-t-il, les jeunes mineurs non accompagnés – je pense à celles concernant le relevé d'empreintes ou à la possibilité de maintenir un mineur dans le cadre d'une justice qui n'est pas compétente à son égard. Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne réponse à ce grave problème qu'est leur accompagnement et leur intégration.

J'insiste : l'accumulation d'articles de loi, puisqu'une loi sur la sécurité est annoncée en 2022, n'implique pas nécessairement une législation de qualité et efficace. Un certain nombre de ces articles doit être retravaillé et nous défendrons des amendements pour que la loi assure vraiment la sécurité des citoyens et des citoyennes mais, aussi, celle des hommes et des femmes qui composent les forces de l'ordre.

Mme Emmanuelle Ménard. Après le volet sur la responsabilité pénale, nous abordons celui de la sécurité intérieure.

Je vous proposerai différents amendements relatifs tout d'abord au refus d'obtempérer. Vous l'avez rappelé : un refus d'obtempérer toute les dix-sept minutes en France, c'est un véritable fléau. Je proposerai donc de renforcer encore les sanctions encourues pour les auteurs de ces infractions.

Je défendrai ensuite des amendements pour permettre une lutte plus efficace contre les rodéos urbains, qui exaspèrent nos concitoyens et qui sont encore hélas trop peu circonscrits.

Par ailleurs, je reviendrai sur les conditions d'utilisation de la vidéo durant les gardes à vue. Contrairement à ce que prévoit le projet de loi, il me semble que, dans un but de protection maximale de nos forces de l'ordre, la captation d'images et la vidéo-surveillance en cellule doivent être automatiques dans les commissariats qui en ont les moyens. Je proposerai également de prolonger la durée de conservation de ces enregistrements. Comme avec les caméras embarquées, tout ce qui peut concourir à une meilleure protection de nos forces de l'ordre et à les prémunir contre de fausses accusations me semble utile et nécessaire.

Enfin, je proposerai d'étendre l'utilisation des drones par les polices municipales car les caméras de vidéo-protection sont le plus souvent installées par les municipalités. La captation d'images par drones poursuit la même logique. Le ministre de l'intérieur a lui-même déclaré dans un entretien qu'en France " tout le monde a le droit d'utiliser des drones, sauf la police »"

Toutes ces propositions ont un seul objectif : permettre à nos forces de l'ordre de répondre à leurs missions plus efficacement. Les déclarations du chef de l'État à la suite du Beauvau de la sécurité ont le même but et vous pourrez donc donner suite à la plupart de mes propositions.

M. Fabien Matras. Les dispositions de ce texte me semblent aller dans le bon sens.

Nous connaissons tous votre engagement en faveur du droit des femmes, madame la ministre déléguée, lequel est une grande cause du quinquennat : jamais un Gouvernement n'a autant oeuvré en la matière. Vous avez dit que les dispositions sur le Fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) contribueraient à la poursuite de l'objectif que vous avez fixé avec le ministre de l'intérieur visant à faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité. Pourriez-vous développer ce point ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je vais m'efforcer de répondre aux questions qui ont été posées mais sachez que, comme Gérald Darmanin, je reste à votre disposition, au-delà de cette enceinte, pour vous apporter plus de précisions.

L'engagement du Président de la République et du ministre de l'intérieur visant à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle répond à différents enjeux. Il ne s'agit évidemment pas de remplacer des recrutements mais de travailler au renforcement des liens entre la police et la population, dans le même esprit que le plan ministériel d'égalité des chances permettant à 10 000 jeunes de découvrir les métiers du ministère de l'intérieur. Je me réfère également aux actions de certaines associations, notamment, Raid Aventure, où des jeunes peuvent rencontrer des policières et des policiers.

Je précise aussi que 6 575 réservistes sont à ce jour sous contrat, que ce travail de transformation les concernera au premier chef et que les échanges se poursuivent.

Je suis d'accord avec vous s'agissant de l'utilisation de la vidéo, notamment des enregistrements, ce que permet cette loi tout en encadrant une telle possibilité. Les exemples qui ont été donnés me semblent très pertinents et c'est eux qui nous ont amenés, avec le ministre de l'intérieur, à proposer ces mesures.

Nous avons évidemment travaillé dans un objectif de constitutionnalité. Il n'est pas question de passer en force ou de présenter de nouveau le même texte mais, en lien avec les parlementaires que vous êtes, de parvenir à un projet ambitieux répondant à nos objectifs fondés sur les attentes des forces de sécurité et de nos concitoyens. Le Président de la République le dit depuis 2017 : en matière de sécurité, l'efficacité est notre maître-mot.

M. Bernalicis nous a reproché un trop grand nombre de lois sur la sécurité tout en déplorant la préparation d'une possible loi pour " l'après ". Il me semble que cela relève de l'injonction contradictoire. Nous visons tout simplement l'efficacité et nous voulons répondre à un certain nombre de problèmes en faisant évoluer la loi. Les annonces fortes du Président de la République, hier, en conclusion du Beauvau de la sécurité, ainsi que le travail du ministre de l'intérieur s'inscrivent dans cette perspective.

La question des mineurs non accompagnés est sensible et difficile. Il me semble qu'elle a été abordée assez longuement hier soir avec le Garde des sceaux.

Avec le ministre de l'intérieur et le Garde des sceaux, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons commandé une mission d'inspection afin de déterminer les failles qui ont entraîné le drame de Mérignac et d'envisager les améliorations possibles. Depuis 2017 et, singulièrement, le Grenelle des violences conjugales de 2019, nous travaillons en ce sens. La semaine dernière, nous avons organisé une conférence inversée au ministère de l'intérieur afin que les hauts dirigeants de la police et de la gendarmerie écoutent les victimes de violences conjugales. Nous avons à cette occasion évoqué la question fondamentale du FINIADA. L'article 10 du projet de loi prévoit ainsi de renforcer son efficacité afin de mieux prévenir les passages à l'acte criminels. Cette disposition sera particulièrement utile pour resserrer les mailles du filet et lutter contre les féminicides, dont le premier mode opératoire sont les armes à feu.

Un premier travail a été engagé avec la grille d'évaluation du danger créée dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. L'ensemble des forces de l'ordre en dispose désormais et permet à ces dernières de demander aux femmes qui viennent déposer plainte si l'homme violent possède ou non une arme. Dès le pré-sentenciel, à la suite de la circulaire du ministre de l'intérieur, que j'ai cosignée, les forces de l'ordre ont désormais l'obligation de saisir l'arme.

Ce fichier permettra d'élargir le périmètre des infractions aux atteintes aux mineurs et à la famille. Notre objectif est ainsi d'accélérer la célérité et la fluidité du contrôle des détenteurs d'armes en permettant une interconnexion avec le casier judiciaire national. Après la promulgation de la loi, l'ensemble des décisions judiciaires pourra être inscrit au FINIADA : contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique, toute autre décision prononcée par l'autorité judiciaire. Nous proposons que les données des personnes dont le bulletin n° 2 au casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour une de ces infractions, notamment liées aux violences conjugales ou intrafamiliales, soient inscrites automatiquement au FINIADA. Cette interconnexion devra bien sûr faire l'objet d'aménagements techniques, auxquels nous travaillons avec Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, dont je salue l'engagement pour faire avancer ce dossier.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 21 octobre 2021