Déclaration de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021, au Sénat le 17 novembre 2021.

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Circonstance : Adoption au Sénat d'un projet de loi modifié

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2021 (projet n° 147, rapport n° 153).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce second projet de loi de finances rectificative pour 2021, le Gouvernement tient d'abord ses engagements en faveur du soutien à l'économie et aux publics les plus touchés par la crise.

Ce texte témoigne non seulement de sa volonté de procéder à une nette amélioration de l'état de nos finances publiques, par rapport aux prévisions du printemps, mais aussi d'une maîtrise des dépenses ordinaires.

De plus, il n'y aura pas d'arrêt brutal des actions entreprises en faveur du rebond de l'économie. Ce projet de loi de finances rectificative illustre donc le bon équilibre de notre politique économique.

La première idée que je tiens à souligner est la réussite collective du Parlement et du Gouvernement face à la crise épidémique que nous traversons. Je crois que nous pouvons nous retourner avec fierté sur les deux années qui viennent de s'écouler. La réussite de l'action que nous avons menée de concert a en effet permis de trouver rapidement les solutions les plus appropriées pour soutenir notre économie et protéger nos concitoyens. J'utilise à dessein les termes " nous " et " de concert ", car, lors de l'examen de chacun des projets de loi de finances rectificative consacrés aux mesures d'urgence et de réponse à la crise, le Parlement – tant l'Assemblée nationale que le Sénat – a toujours soutenu les propositions du Gouvernement et a contribué à les enrichir.

D'abord, grâce à ces lois de finances rectificatives successives, nous avons commencé par soutenir les entreprises comme les ménages. Nous avons conçu ensemble plusieurs outils pour absorber les conséquences de la crise sanitaire. Je pense aux prêts garantis par l'État, prolongés jusqu'au 30 juin 2022, comme l'a annoncé le Président de la République. Près de 700 000 entreprises en ont bénéficié, pour un montant total engagé – donc garanti – de 141 milliards d'euros.

Le fonds de solidarité est venu en aide à deux millions d'entreprises. Sans les 37 milliards d'euros mobilisés, certaines d'entre elles auraient peut-être été contraintes de mettre un terme à leur activité.

L'équivalent de 3,6 milliards d'euros d'échéances fiscales a été reporté, permettant aux entreprises de reprendre leur souffle et de préserver leur trésorerie.

Par ce soutien massif aux entreprises, le Gouvernement a voulu maintenir l'activité et l'emploi, et préserver les compétences, dans un effort inédit de lutte contre le chômage de long terme. Précisément, ce sont 42 milliards d'euros, dont 32 milliards d'euros sur l'initiative de l'État, qui ont été massivement déployés pour prendre en charge les coûts du travail pour les entreprises, par l'intermédiaire du dispositif d'activité partielle en faveur de près de 9 millions de salariés.

Au regard du chemin que nous avons parcouru, nous pouvons être collectivement fiers des résultats de notre action menée de concert : l'économie a été protégée avec succès et nous savons que, dans ces circonstances, il vaut mieux protéger que réparer.

Dorénavant, la situation a évolué et nous sortons pas à pas de la crise, même si nous savons bien que l'épidémie n'est pas éteinte et que l'incertitude continue de planer en matière sanitaire. En revanche, nous savons qu'en matière économique et sociale nous sortons de cette période de crise.

En conscience, nous avons fait le choix de la précaution et du réalisme pour sortir progressivement des dispositifs d'urgence. Ainsi, dès l'été 2021, les dispositifs du fonds de solidarité, d'exonération de cotisations sociales et d'activité partielle ont été recentrés vers les entreprises les plus en difficulté.

L'extinction progressive des mesures de crise s'est traduite par l'arrêt du dispositif de prise en charge des coûts fixes, comme Bruno Le Maire et moi-même l'avons annoncé voilà quelques jours.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j'y reviendrai, nous vous proposons dans ce projet de loi de finances rectificative d'annuler plus de 2 milliards d'euros de crédits d'urgence non consommés au titre de l'année 2021. Je précise que, sur 8 milliards d'euros que représentent ces crédits, 4 milliards d'euros sont utilisés pour des restes à payer, des indemnités liées au fonds de solidarité ou des indemnités d'activité partielle dont l'instruction est en cours en raison du caractère tardif des demandes. En outre, 2 milliards d'euros sont conservés à titre prudentiel et 2 milliards d'euros sont donc proposés à l'annulation.

Une fois l'urgence passée, nous avons engagé le tournant de la relance.

Notre stratégie économique ne s'est en effet pas limitée aux seules mesures d'urgence que je viens de rappeler. La crise sanitaire et les mesures prises en conséquence ont porté un coup rude à la santé de notre économie. Nous avons voulu lui donner un nouveau souffle et lui permettre de rebondir avec le plan de relance, crédité de plus de 100 milliards d'euros sur deux ans.

Un peu plus d'un an après le coup d'envoi de cette politique, je me réjouis de constater, chaque semaine, lors de mes déplacements auprès des élus, des acteurs locaux, des entreprises et des associations, que nos efforts portent leurs fruits sur le terrain économique. Conformément à nos engagements, nous aurons débloqué d'ici à la fin de l'année 70 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros prévus par le plan de relance.

Les résultats sont au rendez-vous, puisque nous avons retrouvé, même dépassé plus vite que prévu le niveau d'activité d'avant-crise, à savoir la production de 2019.

Tous ces efforts pour l'économie ne doivent pas faire oublier notre action en faveur des Français les plus en difficulté, notamment les catégories de population les plus fragiles. Dans le projet de loi de finances rectificative que je vous présente, nous poursuivons cet effort.

Ainsi, nous nous sommes engagés pour préserver le pouvoir d'achat des Français face à l'inflation, grâce à la mise en place de l'indemnité inflation annoncée par le Premier ministre. Par cette mesure exceptionnelle, nous visons un objectif de simplicité et de rapidité de mise en oeuvre, pour répondre le plus efficacement possible à la hausse des prix. C'est une mesure simple et rapide, en un mot, efficace, qui permettra à tous nos concitoyens – salariés, indépendants, retraités, chômeurs, allocataires des minima sociaux ou encore étudiants boursiers – percevant moins de 2 000 euros net mensuels de recevoir une indemnité d'un montant de 100 euros.

Pour garantir de manière effective le maintien du pouvoir d'achat, je précise qu'à cette disposition s'ajoute la revalorisation exceptionnelle du chèque énergie de 100 euros, qui profitera à 5,8 millions de ménages, pour un coût légèrement inférieur à 600 millions d'euros.

D'autres mesures illustrent les efforts que nous voulons accomplir en faveur des personnes les plus en difficulté, que ce soit en raison de la crise ou d'autres événements.

Je pense aux 15 millions d'euros destinés au financement du dispositif Bébé box, qui accompagnera les parents durant les 1 000 jours autour de la naissance de leur enfant. Celui-ci sera destiné prioritairement aux personnes vivant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale.

Je pense à une autre catégorie de nos concitoyens que nous devons accompagner en cette fin d'année 2021 : les agriculteurs. Les crédits du plan Gel, qui soutient les exploitants agricoles face aux aléas du changement climatique, seront augmentés, si vous le souhaitez, de 500 millions d'euros, afin de tenir l'engagement pris par le Premier ministre au mois d'avril dernier de mobiliser un milliard d'euros pour aider les agriculteurs touchés par les conséquences de l'épisode de gel du printemps.

Enfin, pour illustrer cette politique, je citerai l'augmentation du montant des bourses pour tous les échelons depuis la rentrée 2021. De nombreuses prestations de crise ont été financées par l'État à destination des étudiants : je pense aux consultations auprès de psychologues, au tutorat ou à la mise à disposition de protections hygiéniques pour les populations les plus fragiles.

En cohérence avec les textes précédents, mesdames, messieurs les sénateurs, j'appelle votre attention sur les mesures inscrites dans ce projet de loi de finances rectificative au profit des collectivités territoriales.

Ainsi sont prévus 800 millions d'euros d'avances remboursables à Île-de-France Mobilités, après 1,2 milliard d'euros en 2020, et 200 millions d'euros de subventions.

Nous proposons aussi au Parlement le renforcement du fonds pour le recyclage des friches, pour 400 millions d'euros, afin de tenir l'engagement, prévu dans le plan de relance, du doublement de ce plan pour lequel un deuxième appel à projets est en cours.

En outre, nous prévoyons 170 millions d'euros en vue de la poursuite du plan Montagne, ainsi que 400 millions d'euros pour l'abondement de l'appel à projets pour les transports en commun en site propre, promus par les autorités organisatrices de mobilité.

Enfin, nous vous proposons d'abonder le fonds de stabilisation des départements, pour le porter à 200 millions d'euros, comme nous nous y étions engagés, de même que nous assurerons un financement complémentaire de la dotation de masques, afin de couvrir l'ensemble des demandes de remboursement des collectivités.

Ce projet de loi de finances rectificative, ainsi que les différents textes qui l'ont précédé, comporte ainsi de nombreuses mesures pour préserver le pouvoir d'achat des ménages, tout en les ciblant au maximum vers les personnes qui en ont le plus besoin.

La deuxième idée que je souhaite évoquer devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a trait à la fidélité au principe de sérieux budgétaire de ce projet de loi de finances rectificative, comme nous nous y sommes engagés depuis le début de la crise. (MM. Jérôme Bascher et Vincent Delahaye s'exclament.)

En prenant du recul sur les épisodes que nous avons traversés, je souligne d'abord que la stratégie économique du Gouvernement a rendu possible le rebond économique massif de notre économie et, par conséquent, la réduction du poids du déficit et de la dette par rapport à notre PIB.

La politique de l'État a été couronnée de succès, avec une croissance en 2021 relevée à 6,25%. Cette année, la France est ainsi le deuxième pays européen avec la progression de croissance la plus forte. C'est également le pays de l'Union européenne qui devrait avoir le taux de croissance le plus élevé en 2021, comme en 2022. Les chiffres sont aujourd'hui disponibles : l'acquis de croissance au troisième trimestre est le plus élevé parmi tous les pays de la zone euro.

Nos perspectives macroéconomiques se sont donc améliorées, à tel point que nous avons dû proposer à l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée, une révision de l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative intégrant une nouvelle prévision de croissance et des recettes à la hausse. Celles-ci se sont mécaniquement accrues, pour l'exercice 2021 comme pour l'exercice 2022. C'est une bonne nouvelle : nous pourrons ainsi tenir les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre du programme de stabilité.

Ces résultats macroéconomiques ont des répercussions concrètes pour nos concitoyens. J'en veux pour preuve l'amélioration de la situation sur le marché du travail : le taux de chômage s'établit à 7,6% de la population active, ainsi que l'a relevé l'Insee le 29 octobre dernier. C'est le taux le plus bas constaté depuis quatorze ans, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cette embellie macroéconomique s'accompagne de l'amélioration de la situation de nos comptes publics, en réduisant mécaniquement le déficit public et la dette publique. J'y reviendrai lorsque je vous indiquerai les nouveaux chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs.

L'année 2021 a été une année particulière, marquée par le plan de relance et les mesures d'urgence, mais elle a aussi été une année de normalisation budgétaire et de maîtrise des dépenses ordinaires de l'État.

J'évoquerai trois marqueurs forts pour mettre en évidence cette volonté.

Le premier marqueur porte sur l'annulation des crédits.

Dans ce projet de loi de finances rectificative, nous annulons comme chaque année les excédents de crédits mobilisés pour financer des besoins apparus au cours de l'année, notamment du fait de la mobilisation de la réserve ministérielle et de la réserve de précaution.

Nos engagements en faveur du redressement des finances publiques se poursuivent encore au-delà, puisque, comme je l'ai indiqué, nous vous proposons d'annuler plus de 2 milliards d'euros de crédits de la mission " Plan d'urgence face à la crise sanitaire ", conformément à notre calendrier de sortie progressive des aides d'urgence.

Par ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative prévoit aussi l'annulation des crédits ouverts lors de la première loi de finances rectificative, adoptée au mois de juillet dernier. Je pense à la dotation relative aux dépenses accidentelles et imprévisibles, pour un montant de 1,5 milliard d'euros ; nous avions alors indiqué que celle-ci serait annulée si elle ne devait pas être mobilisée. C'est ce que nous faisons aujourd'hui devant vous pour témoigner de la fin du " quoi qu'il en coûte ".

Le deuxième marqueur porte sur le niveau d'exécution des dépenses sur les budgets ordinaires. Celui-ci respecte la norme prévue par la loi de finances initiale pour 2021, hors mesures d'urgence et hors mesures liées au plan de relance.

L'exécution des dépenses sera conforme au niveau prévu dans la loi de finances initiale, à l'exception de quelques compensations de pertes de recettes liées à la crise sanitaire. Il s'agit par exemple de la dotation de 2 milliards d'euros que nous vous proposons d'accorder à France compétences.

Le troisième marqueur concerne le niveau des dépenses totales de l'État, qui sera en baisse par rapport aux prévisions de la première loi de finances rectificative. En 2021, leur montant est estimé à 534,6 milliards d'euros, en intégrant la prévision d'exécution des dépenses de la mission « Plan d'urgence contre la crise sanitaire ».

En définitive, je crois que notre action a porté ses fruits. Grâce à l'effet conjoint de la révision à la hausse de la croissance, de l'annulation des surplus des crédits d'urgence et de la maîtrise des dépenses ordinaires, le déficit s'élèvera en 2021 à 8,2%, contre 9,4% lors de l'adoption de la première loi de finances rectificative et 9,1% lors de l'examen de la loi de finances initiale.

Nous respecterons aussi notre objectif d'un déficit limité à 5% en 2022, tel que nous l'avons annoncé lors de l'examen du programme de stabilité.

De même, nous estimions au printemps dernier que notre dette atteindrait 117,8% du PIB en 2021 et 116,3 % en 2022. Finalement, elle s'élèvera plutôt à 115% en 2021 et à 113,5% en 2022.

Certes, ces chiffres sont extrêmement élevés, mais ils se situent à un niveau inférieur à ce que nous craignions. Cela confirme la logique que nous avons exposée lors de l'examen de ces différents textes : c'est avant tout par la croissance que nous parviendrons à redresser nos comptes publics.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2021 que je vous présente aujourd'hui continue à garantir la protection des Français, à favoriser la relance de l'économie et à préparer l'avenir pour que la France reste à la pointe dans ses domaines d'excellence.

Ce texte prévoit la sortie progressive des dispositifs de soutien financier déployés pendant la crise. Il se concentre davantage sur les acteurs qui en ont le plus besoin et privilégie les politiques qui nous paraissent les plus efficaces. Il se prémunit du danger important que ferait courir la cessation brutale des mesures de soutien face à la crise. Nous devons veiller à toujours maintenir et accompagner la croissance, qui sera, je le répète, la clé du redressement des comptes publics, mais aussi celle de la relance et de la sortie de crise.

Je pense que ces choix sont logiques et cohérents. J'attends avec impatience le débat qui nous réunira autour des articles de ce projet de loi de finances rectificative. Nous pourrons ainsi l'améliorer et faire en sorte qu'il poursuive son chemin parlementaire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)


source http://www.senat.fr, le 26 novembre 2021