Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à CNews le 26 novembre 2021, sur la crise sociale en Guadeloupe, la vaccination contre le coronavirus, la durée du travail dans la fonction publique et la tension migratoire avec le Royaume-Uni.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Nous recevons aujourd'hui Amélie de MONTCHALIN, bonjour Madame la Ministre, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Je voudrais d'abord, avant d'évoquer le vaccin, l'épidémie, les 35 heures dans la fonction publique, parler de ce qui se passe évidemment dans les DOM-TOM. En Martinique, les violences se sont poursuivies cette nuit malgré le couvre-feu ; des individus violents filtrent les passages sur les routes, réclament parfois de l'argent, il y a des pillages malgré l'envoi du Raid et du GIGN. C'est quoi la prochaine étape et est-ce que ces territoires sont à ce jour hors de contrôle ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors évidemment, d'abord, il faut qu'on soit extrêmement clair, condamner très fermement ces actes de violence qui sont d'abord intolérables, qui prennent en otage la population et qui créent une grande confusion sur une situation par ailleurs sanitaire où nous faisons beaucoup d'efforts pour convaincre notamment les soignants mais aussi la population à se vacciner et cet effort de conviction progresse. Après, sur l'ordre public, vraiment le gouvernement le dit par tous les moyens : nous ne pouvons pas tolérer qu'il y ait de telles violences, l'ordre public est essentiel d'abord à être rétabli mais surtout il ne peut pas y avoir de dialogue politique et ensuite, de dialogue beaucoup plus large avec la population, si d'abord l'ordre public n'est pas rétabli.

ROMAIN DESARBRES
Le GIGN a été envoyé ; le Raid a été envoyé. Il faut envoyer l'armée ?

AMELIE DE MONTCHALIN
On n'est pas en train de se demander si on en envoie plus de monde. Il faut que ces hommes et ces femmes puissent faire leur travail, faire que l'ordre soit rétabli, c'est le préalable à ce que tout dialogue politique plus large s'établisse. Mais en parallèle, je tiens vraiment à le dire : 90% des soignants aujourd'hui en Guadeloupe et en Martinique sont vaccinés ; nous avons 50% de la population qui est éligible qui est elle aussi vaccinée. Donc on doit poursuivre. Je vous rappelle que c'est des territoires qui ont souffert d'un très lourd tribut aussi à la pandémie il y a quelques trimestres, quelques mois ; nous envoyions, vous vous souvenez, à l'époque, des soignants qui venaient de différents territoires de l'Hexagone vers ces territoires pour être justement soutenus. Et donc nous devons nous rappeler que ce qui est en jeu, c'est de protéger des vies humaines contre un virus, pas de laisser des délinquants, des bandes ultra-minoritaires prendre en otage la population.

ROMAIN DESARBRES
Mais pour l'instant, les forces de l'ordre n'arrivent pas à rétablir l'ordre justement partout. C'est pour ça que le préfet a décidé d'instaurer un couvre-feu. Alors je le répète : est-ce qu'il ne faut pas envoyer l'armée pour rouvrir les routes ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je fais une immense confiance, d'abord aux hommes et aux femmes engagés sur le terrain pour rétablir l'ordre. Ensuite, vous savez que la situation est pilotée de très près par le ministre de l'Intérieur, par le ministre des outre-mer, par le Premier ministre, par le Président de la République. Et donc évidemment, toutes les décisions nécessaires pour l'ordre public seront prises ; quand vous me parlez de l'armée, je ne sais pas si c'est envisageable, envisagé mais vous savez ce qui est en tout cas clair : l'ordre public est un préalable à tout dialogue, à tout élargissement de la discussion ; l'enjeu là, à nouveau : protéger des vies contre un virus.

ROMAIN DESARBRES
Vous dites que c'est pour piloter de très près par le ministre des DOM-TOM ; c'est plutôt piloté de très loin parce qu'il n'y est pas allé.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, là aussi, ne faisons pas de fausses polémiques : on ne peut pas avoir de dialogue politique si l'ordre n'est pas rétabli. C'est ça, aujourd'hui, la priorité, l'urgence et ce sur quoi l'ensemble des forces mobilisées - et à nouveau je les salue, je suis leur ministre - les agents publics s'engagent sur le front parfois des violences, mais aussi sur le front de la pandémie. Ils sont aux côtés des Français pour les protéger. Je crois que c'est vraiment ça, qu'ils soient en Guadeloupe, en Martinique ou partout sur notre territoire.

ROMAIN DESARBRES
Alors afin de désamorcer la situation, calmer les tensions, le gouvernement envisagerait de proposer des solutions individuelles à chaque personnel soignant et pompier qui ne veut pas se faire vacciner ; est-ce que ce n'est pas le début de la reculade, de créer une instance de dialogue et en clair revenir sur cette obligation vaccinale pour les soignants et les pompiers en Guadeloupe ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'est pas question de ça. Aujourd'hui, sur tout le territoire, à chaque fois que des personnes prennent des décisions qui ne sont pas celui du respect au départ de l'obligation vaccinale ou de l'application du pass, dans toute la fonction publique, nous avons un dialogue individuel pour comprendre les raisons, pour accompagner, pour expliquer, pour convaincre et donc il me semble tout à fait à la fois nécessaire mais aussi tout à fait normal qu'individuellement, les personnes qui ont des doutes, soient accompagnées et que la situation au fond ne perdure pas…

ROMAIN DESARBRES
Mais vous nous dites ce matin que l'obligation vaccinale restera en vigueur dans les DOM-TOM.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais évidemment, mais ce que je vous dis, c'est qu'on ne traite pas de sujets qui sont aussi intimes, qui peuvent créer des peurs qu'il faut qu'on entende, avec des discours généraux ; on le traite personne par personne avec un accompagnement et des explications dans un face-à-face, avec ceux et celles qui ont comme métier de nous soigner et qu'il faut donc protéger.

ROMAIN DESARBRES
En métropole, comment ça se passe ? Quel est le taux de vaccination dans la fonction publique ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Le taux de vaccination dans la fonction publique a été d'ailleurs supérieur en progression à celui de la population générale parce qu'il y a une grande exemplarité des agents que je veux à nouveau saluer. Vous savez qu'à l'hôpital, on avait peut-être des centaines sur le million d'agents publics mobilisés dans les hôpitaux, qui n'ont pas souhaité se faire vacciner ; nous avons aujourd'hui des situations qui sont, je crois, bien connues, bien suivies, apaisées. Aujourd'hui, l'enjeu… moi en tant que ministre de la Fonction publique, j'aimerais passer un appel à ces hommes et ces femmes qui ont un rôle majeur parce qu'ils ont un rôle d'exemplarité : nous sommes dans une reprise épidémique que nous voyons parce que c'est l'hiver, parce que nous vivons plus enfermés, parce que nos pays voisins ont des reprises fortes, parce que la campagne de rappel se poursuit mais n'est pas terminé, parce qu'aussi on doit le dire, le vaccin a pu nous inciter les uns et les autres à relâcher les gestes barrière et je ne jette la pierre à personne, à aucun Français, mais en tant qu'agent public, on a aujourd'hui une doctrine que je vais réaffirmer encore aujourd'hui sur le terrain en allant dans une cité administrative, c'est très clair : ce n'est pas le masque ou le vaccin, c'est le masque et le vaccin. Ensuite, c'est une grande vigilance sur les lieux de travail par des choses très simples et qui sont déterminantes : aérer les pièces parce que comme c'est l'hiver, on a un peu moins le réflexe, mettre des capteurs de CO2 pour, dans les locaux professionnels, avoir l'indication que c'est le moment d'aérer.

ROMAIN DESARBRES
Alors là, j'entends déjà les fonctionnaires dire : mais attendez, on ne les a pas, les capteurs de CO2 ! Ils sont sur le terrain ou pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que nous disons, c'est que nous allons mettre des moyens pour, là où c'est nécessaire, notamment les pièces où il y a forcément plus de monde, avoir le signal de dire c'est le moment d'aérer ; des choses aussi sur la manière dont on se salut pour garder des distances et des gestes protecteurs, s'assurer que les pièces notamment d'accueil au public ne sont pas bondées. Ça, c'est des gestes de vigilance. C'est très pratique mais ça fait la différence. Ensuite c'est le télétravail ; nous avons depuis le 13 juillet, un accord unanime - et nous sommes le seul employeur du pays à avoir dès le 13 juillet eu un accord sur le télétravail - qui est très simple : c'est volontaire, c'est 3 jours maximum par semaine et donc là, nous sommes en train de rappeler aux employeurs qu'il faut le faciliter. Et puis enfin sur le vaccin, nous avions pris des mesures là aussi très concrètes pour que les agents publics puissent aller se faire vacciner, le temps nécessaire, les temps de congés ou les temps de pause pour aller soi-même, ses proches ou si on a des effets secondaires, ne sont pas pénalisés financièrement ; il n'y a pas de jour de carence ; ces mesures, on les a conservées ; je les rappelle pour que chacun prenne bien conscience que c'est important de faire ce rappel quand on est un adulte parce que ça protège soi-même et c'est un des bons outils pour lutter contre la pandémie.

ROMAIN DESARBRES
Dans la fonction publique, on peut aller se faire vacciner sur son temps de travail.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est également une règle qui a été largement déployée aussi par d'autres employeurs y compris privés, c'est de dire : on facilite au maximum la vaccination ; si vous vous absentez pour vous faire vacciner ou pour faire vacciner vos proches, une personne âgée, vos enfants, eh bien vous avez la possibilité de ne pas être sanctionné financièrement ; on a fait ça tout le printemps, tout l'été, c'était très important, très utile et donc on continue évidemment pour cette 3ème dose.

ROMAIN DESARBRES
Beaucoup d'actualités, Madame la Ministre ce matin : où en est-on à Paris sur les 35 heures ? La loi, on va le rappeler… Il y a une loi qui va, à partir du 1er janvier 2022, à travailler 35 heures, ce qui n'est pas fou, ça existe depuis de nombreuses années dans le secteur privé et dans certains services publics également. Ça coince dans certaines mairies, notamment dans la capitale. Pourquoi est-ce qu'Anne HIDALGO ne fait pas appliquer cette loi ? Et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors déjà rappeler bien pourquoi c'est un combat politique ; c'est une loi que nous avons fait voter en 2019 pour dire une chose très simple : dans notre pays, tout le monde travaille au moins 35 heures. Et là où ce n'était pas le cas, nous avons laissé 2 ans et demi au dialogue social pour que les maires puissent, avec leur personnel, organiser les choses, y compris aussi pour les métiers pénibles, quand on travaille la nuit, quand on porte des charges lourdes, on est adapté. Mais pourquoi on fait cette réforme ? Aussi parce que la réforme de la fonction publique que nous menons, doit être une réforme qui crée l'efficacité dans la fonction publique, qui crée aussi de repenser les organisations et moi je crois à l'égalité, l'égalité entre les personnes qui travaillent dans le secteur privé et les agents lui et puis l'égalité entre les agents publics entre eux.

ROMAIN DESARBRES
Ça, je pense que tout le monde est d'accord. Pourquoi est-ce que ça coince dans certaines villes notamment dans la capitale ?

AMELIE DE MONTCHALIN
A Paris, je veux dire franchement les choses : ça coince parce que madame HIDALGO a décidé politiquement de dire qu'elle préférerait que l'ensemble des Français notamment travaillent 32 heures, c'est un postulat politique, postulat que je combats ; moi je pense que la valeur travail est importante, je pense que c'est important d'ailleurs que le travail paye. Et donc elle est dans une démarche où elle a décidé de jouer la montre. Et donc nous avons constaté que le règlement qu'elle a proposé… le préfet a saisi le tribunal administratif qui a condamné la mairie de Paris…

ROMAIN DESARBRES
Parce qu'on est le 26 novembre, je ne vous l'apprends pas et ça doit s'appliquer dans un mois et une semaine !

AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc le tribunal a condamné… la maire de Paris a fait appel et donc nous attendons une décision de jugement. Mais ce que ça montre, c'est que vous avez une candidate à la présidentielle qui, alors qu'en République, nous demandons à tous les Français et je pense que c'est la base de la République, d'appliquer la loi… eh bien vous ne pouvez pas, à mes yeux, être un élu et de manière « impune » considérer que vous pouvez vous asseoir sur une décision de justice, vous asseoir sur le droit. Je sais une chose en République : vous avez toujours le droit de changer la loi mais tant qu'elle n'a pas changé, vous devez l'appliquer et j'observe que beaucoup de soutiens de madame HIDALGO, la maire de Nantes, le maire de Montpellier et beaucoup d'autres qui sont ses amis socialistes, peut-être parce qu'ils croient à l'égalité, eux ont mené le dialogue social d'ailleurs avec courage parce que c'est changer les habitudes mais ils appliqueront bien les 35 heures au 1er janvier 2022. Et je peux vous dire qu'en tant que membre d'un gouvernement qui fait respecter l'Etat de droit, les préfets pour les communes qui ne montrent aucune bonne volonté et qui manifestement ont décidé d'aller à rebours de ce qu'est la loi, iront au tribunal administratif partout en France.

ROMAIN DESARBRES
Notre discussion, je pense, fait s'étouffer des artisans qui travaillent 70 heures par semaine… et on est en train de se battre pour faire travailler 35 heures des gens !

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, il faut aussi rassurer ceux qui nous écoutent : 80%-90% des mairies sont en train de se préparer à le faire. Mais je suis très vigilante parce qu'il y a annoncer qu'on va le faire, vraiment prendre les dispositions nécessaires et puis il y a au 1er janvier, constater - et je peux vous dire que notre main ne tremblera pas, c'est aussi un élément de confiance entre les Français et les agents publics et entre les agents publics entre eux… Vous savez qu'à la mairie de Paris, il y a 50.000 agents - c'est plus que dans toutes les préfectures et sous-préfectures de France où je peux vous dire qu'on travaille bien au moins 35 heures.

ROMAIN DESARBRES
Vous allez créer un nouveau corps de l'Etat qui va regrouper les plus hauts fonctionnaires – diplomates, préfets, inspecteurs généraux - en quelques mots, quel est l'intérêt ?

AMELIE DE MONTCHALIN
On a pris l'engagement de tenir une promesse du Président qui est de refonder radicalement la culture administrative de notre Etat. C'était une décision aussi face à l'époque que nous vivons, la lucidité de regarder aussi notre culture administrative, qu'est-ce qu'on devait changer. A été prise la décision de supprimer l'ENA. A été prise la décision de réformer profondément la manière dont les carrières sont gérées. Ça veut dire quoi pour les Français ? Ça veut dire que quand on veut transformer la France, il faut transformer l'Etat et quand on transforme l'Etat, il faut qu'on puisse recruter, former différemment. Former différemment, ça veut dire que la norme, le droit, les finances publiques, c'est important mais ce n'est pas suffisant ; il faut que toutes les carrières commencent sur le terrain ; il faut que les enjeux d'écologie, de laïcité, les enjeux du XXIème siècle… ce qui fera que notre pays avancera, progressera… Après, il y a une fake new que je veux combattre : évidemment que quand on fait cette réforme, on va garder des diplomates de métier, on va garder des préfets mais c'est une chose de dire qu'on garde des métiers, c'en est une autre de considérer par exemple sur la diplomatie qui est un enjeu majeur, comment l'influence française se poursuit dans le monde, on a besoin de nouvelles compétences, de nouvelles expertises parce que les sujets diplomatiques sont parfois de plus en plus techniques, mais j'ai aussi besoin et où on a besoin avec Jean-Yves LE DRIAN, que les diplomates chevronnés du Quai d'Orsay, aillent aussi dans des ministères - je pense au ministère de l'Agriculture par exemple - où les enjeux y sont aussi diplomatiques, européens et internationaux. Et donc faire que les compétences circulent, soient dans les endroits où on a besoin d'elles, c'est une réforme de progrès et c'est au service des Français pour que notre pays soit un pays où ce qui compte, ce n'est pas contrôler, de juger, d'inspecter, de faire respecter la norme ; ce qui compte, c'est qu'il y ait des résultats sur le terrain, qu'on soit dans une culture administrative beaucoup plus opérationnelle et c'est cette réforme que nous faisons. Et je tiens à dire quelque chose : ça faisait 30 ans qu'on en parlait ; 30 ans que tous les présidents de la République précédemment à Emmanuel MACRON avaient dit qu'ils allaient faire cette réforme, qu'elle était nécessaire. Eh bien c'est aujourd'hui que nous la faisons, c'est aujourd'hui pour qu'au XXIe siècle, l'Etat soit au service de la France et que la France puisse elle-même se transformer.

ROMAIN DESARBRES
A propos de diplomatie, Boris JOHNSON propose à la France de reprendre tous les migrants illégaux qui traversent la Manche ; il l'a écrit sur Twitter ; il l'a écrit également dans une lettre au président de la République cette nuit. Le message n'a pas l'air d'être apprécié à Paris. Votre collègue de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, a décidé de ne plus inviter sa collègue ministre de l'Intérieur britannique, dimanche à une réunion sur les migrants. Bon. On oublie le contexte diplomatique mais est-ce que l'idée de Boris JOHNSON peut être intéressante ? Visiblement, ce n'est pas le point de vue de Paris mais Boris JOHNSON nous dit : écoutez, vous laissez passer des migrants, ils arrivent sur notre territoire, reprenez-les. Ce serait un message envoyé aux migrants pour qu'ils ne viennent plus ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord je pense qu'il faut qu'on ait conscience de la gravité du moment : des hommes et des femmes sont morts dans la Manche il y a quelques jours dans le drame effroyable. Le président de la République l'a dit : la Manche ne peut pas devenir un cimetière. Et donc on a sur ce sujet un enjeu à la fois de responsabilité et d'efficacité. La France, sur ce sujet, mène depuis des mois une action extrêmement difficile de protéger les hommes et les femmes des dangers de la mer ; c'est 20.000 personnes qu'on a empêchées de monter sur des bateaux où ils risquaient leur vie ; c'est 8.000 personnes repêchées en mer mais c'est surtout un combat acharné contre les passeurs, contre les marchands de mort, contre ceux qui organisent un trafic humain. Il faut bien voir de quoi on parle…

ROMAIN DESARBRES
Quand on les arrête, d'autres arrivent ; la police française fait un travail mais vous le savez, d'autres réseaux se constituent.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr mais ces réseaux sont européens ; c'est d'ailleurs pour ça que le président de la République a demandé qu'on en parle et qu'on trouve surtout des moyens au européen, notamment avec Frontex, pour aller s'assurer que les réseaux au sein de l'Europe soient démantelés. C'est un sujet également évidemment diplomatique ; il faut qu'avec le Royaume-Uni, dans un contexte de Brexit, on soit bien clair sur comment on partage à la fois les rôles, les responsabilités, les moyens ; les Britanniques ont été appelés à soutenir aussi financièrement y compris les efforts que nous faisons de notre côté…

ROMAIN DESARBRES
Ils ont payé 20 millions sur les 60 millions…

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un enjeu que nous ne pouvons pas instrumentaliser ; des vies sont en jeu ; nous devons à la fois avoir beaucoup de fermeté, beaucoup d'humanité et beaucoup de responsabilité.

ROMAIN DESARBRES
Boris JOHNSON la propose, cette fermeté ; il dit : on envoie le message que même si on a réussi à traverser, on revient en France.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous dites aux gens : montez sur un bateau à vos risques et périls et puis si quand vous arrivez de l'autre côté, on ne vous arrête pas, vous êtes quand même obligé de rentrer… C'est mettre en danger la vie des gens. Donc on a besoin de sérieux. On a besoin aussi dans un contexte de Brexit de se dire les choses, à la fois avec fermeté mais responsabilité et ne pas surenchérir, ne pas instrumentaliser ce sujet ; c'est un sujet très compliqué, mais comme il y a des hommes et des femmes en jeu, notre position en France, c'est de dialoguer quand la porte est ouverte mais ne pas nous lancer dans des surenchères qui n'aboutissent à rien. Ça me fait penser à des débats qu'on entend aujourd'hui en France, du côté notamment des LR, avec beaucoup de démagogie, beaucoup d'incantations comme s'il y avait des idées magique - je pense aux propositions « on arrête toute l'immigration » ou un Xavier BERTRAND qui n'a pas le courage de dire au Président ce qu'il pense, qui va voir les journalistes et dit « ce que je veux, c'est supprimer le salafisme, supprimer la guerre, supprimer l'immigration illégale » ! - ce genre d'arguments, d'abord ça n'élève pas le débat, c'est totalement coupé des réalités et puis surtout ce n'est pas réaliste. Notre responsabilité d'hommes et femmes politiques, ce n'est pas de nous lancer dans de la démagogie, dans l'incantation, qu'elle soit de ce côté-ci ou en l'occurrence dans les propositions qui se pas des propositions applicables de Boris JOHNSON. C'est de prendre nos responsabilités, de dire la vérité aux Français, de parler de ce qu'on fait ; notre action n'est pas formidable sur ce sujet ; évidemment qu'il y a des drames mais être extrêmement clair sur la responsabilité, la réalité des choses et donc la réalité, c'est de là qu'on doit partir, pas les incantations, pas la démagogie, pas la surenchère.

ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN d'être venue ce matin sur le plateau de la matinale, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Très bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2021