Déclaration de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur le projet de loi de finances pour 2022 "Enseignement scolaire", à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2021.

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Circonstance : Projet de loi de finances pour 2022 "Enseignement scolaire", à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2021

Texte intégral

M. le président.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Je viens vous présenter le budget de l'enseignement scolaire pour la cinquième année consécutive ; c'est donc l'heure d'un premier bilan.

Je me félicite que la priorité accordée à l'éducation par le Président de la République et par le Premier ministre depuis le début du quinquennat soit une nouvelle fois confortée. La présence à mes côtés de Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, témoigne de notre conscience aiguë du fait qu'aucun territoire ne doit être oublié au sein de la République. Je suis heureux de la création de ce secrétariat d'État qui fait du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports un grand ministère qui considère le temps complet de l'enfant et qui prête une attention particulière aux territoires les plus en difficulté. Vous examinerez ce soir la mission Sport, jeunesse et vie associative avec Roxana Maracineanu et Sarah El Haïry ; je ne peux que me réjouir que ces politiques essentielles aient pu être réunies.

Pour entrer directement dans les chiffres, le budget de la mission Enseignement scolaire qui vous est proposé pour 2022 s'établit à 55,2 milliards d'euros, hors cotisations aux pensions de l'État, soit une augmentation de 3 %, ou 1,6 milliard d'euros supplémentaire. Comme je l'ai dit en commission, ce n'est pas de la littérature, ce sont des mathématiques : vous pouvez prendre les chiffres dans tous les sens, jamais on n'a connu une telle augmentation au cours d'un quinquennat. J'aimerais revenir avec vous sur quelques idées-forces.

Le premier élément du bilan est que, pour la première fois, le budget de l'éducation nationale aura augmenté de plus de 13 % en cinq ans. En 2017, le budget était de 48,8 milliards d'euros ; en 2022, il sera, si vous l'approuvez, de 55,2 milliards, ce qui représente une hausse de 6,4 milliards. Néanmoins, je le dis une nouvelle fois, il ne suffit pas d'augmenter le budget de l'éducation nationale ; il faut également des priorités, et nous en avons. Vous pouvez prendre le sujet par tous les bouts : si l'on y consacre moins d'argent, on augmente moins le pouvoir d'achat des enseignants.

Cela m'amène à mon second engagement, la revalorisation financière du métier d'enseignant. Même si elle reste à poursuivre, elle a bien été enclenchée au cours du quinquennat, et le Grenelle de l'éducation porte ses premiers fruits. Il ne s'agit pas là de fausses promesses, mais d'un vrai gain concret en faveur de nos agents.

Mme Elsa Faucillon.
À tel point qu'ils sont là dehors, prêts à vous applaudir !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
En 2021, 400 millions d'euros sont venus abonder le budget pour revaloriser les personnels ; en 2022, 700 millions d'euros supplémentaires viendront s'y ajouter. Toutes les catégories de personnel sont concernées, car toutes participent au bon fonctionnement de notre système éducatif. Il est vrai que nous avons prêté une attention particulière aux débuts de carrière, avec une prime d'attractivité versée pour la première fois en mai 2021, qui sera revalorisée et étendue en février 2022. Ainsi, en dix mois, les néo-titulaires auront vu leur rémunération progresser de 157 euros net mensuels. J'annoncerai au mois de novembre une nouvelle marche significative en faveur des directeurs d'école à l'issue des discussions avec les organisations syndicales. En 2022, nous consacrerons également 200 millions d'euros à la protection sociale complémentaire, ce qui correspond à 15 euros supplémentaires par mois pour chaque agent.

Le troisième engagement tenu concerne notre ambition exigeante et constante en faveur de l'école primaire, qui a été notre cap depuis le début du quinquennat. Premièrement, nous avons réalisé l'abaissement de l'âge de scolarité obligatoire à trois ans. L'une d'entre vous demandait tout à l'heure si notre politique pour l'école primaire proposait autre chose que le dédoublement des classes : j'ai le plaisir de lui répondre que oui, les mesures sont très nombreuses. Je vous invite à consulter l'ensemble de notre bilan, car je n'aurais pas le temps d'exposer tout ce qui a été fait.

Mme Elsa Faucillon.
Oh non ! On y passerait deux jours…

Mme Sylvie Tolmont.
Tout va bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Au moment où je vous parle, par exemple, l'évaluation des CP et CE1 en début d'année permet d'obtenir un portrait précis du niveau des élèves et de documenter son évolution. Cela nous a permis de mettre en évidence le rebond en français et en mathématiques que nous avions appelé de nos voeux.

Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+, qui concerne 20 % d'une classe d'âge, soit 300 000 élèves par an, non seulement a été accompli mais sera complété par le dédoublement des classes de grande section à l'école maternelle, lequel est déjà en cours d'application. À la rentrée 2022, pour l'ensemble des écoles de France, quel que soit le territoire – éducation prioritaire ou non –, le plafonnement à vingt-quatre élèves par classe en grande section, CP et CE1 sera généralisé. C'est une mesure dont on parle moins, mais elle est extrêmement importante pour le quotidien de l'école.

De façon plus générale, les emplois du ministère seront sanctuarisés en 2022 pour la troisième année consécutive. Nous avons donc globalement stabilisé les emplois, ce dont je suis fier, dans un contexte de très forte baisse démographique, en réorientant les moyens vers le premier degré. Ce choix est assumé : tous les analystes, y compris internationaux, savaient qu'il existait un déséquilibre français en la matière. Par ailleurs, il est inexact, sur le plan budgétaire, de dire que nous avons déshabillé le second degré pour habiller le premier, même si nous avons, il est vrai, consacré une bonne partie des augmentations budgétaires au premier degré.

Mme Elsa Faucillon.
Et supprimé des dispositifs !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Le quatrième axe de ce bilan, dont le succès a été reconnu par certains députés de l'opposition, ce dont je les remercie, est que nous parachevons le grand service public de l'école inclusive : permettre à l'école d'être pleinement inclusive est une ambition forte du Président de la République, qui a fait de la scolarisation des élèves en situation de handicap une priorité absolue, et je suis fier d'appartenir au Gouvernement qui aura autant investi en la matière.

Concrètement, le nombre d'élèves scolarisés en situation de handicap a dépassé les 400 000 à la rentrée 2021 : c'est 100 000 de plus depuis le début du quinquennat. En 2022, le ministère consacrera plus de 3,5 milliards d'euros à l'école inclusive, ce qui représente 210 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année 2021 et une hausse de plus de 66 % depuis 2017. Il n'est aucun autre budget de l'État pour lequel on puisse dire la même chose, ni sous ce quinquennat ni sous un autre. On pourrait toujours souhaiter davantage. Mais, je le répète, cette hausse de 66 % est inédite, car elle représentait la priorité des priorités.

Ce montant correspond au financement de 4 000 nouveaux recrutements d'AESH en 2022. Au total, 27 000 ETP supplémentaires ont rejoint nos écoles et nos établissements depuis 2017. Par ailleurs, nous avons amélioré les conditions d'exercice des AESH. Au début du quinquennat, il ne s'agissait quasiment que de contrats aidés. Depuis le 1er septembre, non seulement ces personnels sont embauchés en CDD, voire en CDI, mais ils bénéficient d'un dispositif de type statutaire comprenant une grille indiciaire et un avancement automatique. Près de 56 millions d'euros y seront consacrés en 2022. C'est extrêmement concret et cela se reflétera dans le pouvoir d'achat des AESH.

Enfin, je voudrais insister sur la cinquième dimension de ce bilan, à savoir la vocation sociale de ce budget. Le temps me manque pour faire état de toutes les mesures qu'il contient. Il y a, tout d'abord, la hausse des bourses et des fonds sociaux. Il y a également l'ouverture du pass culture aux collégiens et aux lycéens à partir de la classe de quatrième ; cela constitue une révolution, car elle représentera, en dépenses collectives, 25 euros par élève et par classe, ce qui signifie qu'une classe de trente-deux élèves pourra consacrer 800 euros aux sorties scolaires, dont on sait que beaucoup ne se faisaient pas pour des raisons financières. Cela changera le quotidien des établissements du second degré – vous voyez que nous prenons également des mesures en sa faveur. Nous relançons aussi la politique des internats d'excellence, avec plus de 300 structures labellisées grâce au travail de Nathalie Elimas. Il s'agit d'une politique volontariste profondément sociale et participant à la revitalisation des territoires, puisque beaucoup d'entre eux sont situés dans des territoires ruraux ou dans des petites villes que nous voulons aider à rebondir.

Ce budget est à la hauteur de nos objectifs et constant dans ses lignes directrices. On peut le décrire de manière caricaturale, comme l'ont fait au moins deux d'entre vous, mais ce serait absurde,…

Mme Muriel Ressiguier.
Mais bien sûr !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
…car les faits sont là. On ne peut pas parler de casse du service public quand le budget du service public de l'éducation nationale connaît une telle hausse. On ne peut pas parler de perte de repères quand les objectifs sont affichés, quand l'école primaire rebondit, comme l'attestent les évaluations, quand notre pays est celui qui est le mieux parvenu à maintenir ses écoles ouvertes, malgré les objections qui y ont été opposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.) La critique est aisée, mais l'art est difficile.

Mme Elsa Faucillon.
Savoir accepter les critiques ne fait visiblement pas partie de vos talents, monsieur le ministre ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
C'est avec fierté que nous vous présentons ce budget, non seulement parce qu'il est en augmentation réelle, mais parce qu'il correspond aux priorités fixées pour nos enfants et pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

M. le président.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes. Nous nous efforcerons de respecter cette contrainte posée par notre règlement.
La parole est à Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation des emplois les plus précaires du système scolaire : les professeurs contractuels, les AED – assistants d'éducation – et les AESH, qui participent à la formation et à l'accompagnement de nos enfants. Je souhaite les remercier, au nom de la représentation nationale, pour le travail exceptionnel qu'ils accomplissent chaque jour. Ces personnels nous ont signalé des irrégularités dans le versement de leur paie : sur un mois donné, ils ne reçoivent qu'une infime partie des heures travaillées, ne percevant que bien plus tard celles réalisées en milieu ou en fin de mois. Dernièrement, des AED de Dijon dénonçaient le même problème, avec des retards de salaire de près d'une semaine ; en une semaine, ce sont des factures qui s'accumulent, un loyer qui ne peut pas être payé, des courses qui ne peuvent pas être faites : ce n'est pas acceptable. Enfin, la semaine dernière, la grève nationale des AESH nous alertait sur la dégradation de leurs conditions de travail et sur leur souhait d'obtenir le statut de fonctionnaire.

Monsieur le ministre, je vous sais attentif aux conditions de travail de tous les acteurs de l'éducation nationale. Chaque professionnel doit pouvoir travailler dans les meilleures conditions. Rémunérer chacune et chacun en temps et en heure est un gage de qualité et une marque de respect envers ces personnes qui s'investissent chaque jour. Il nous faut être encore plus vigilants à l'égard des personnels précaires du système scolaire. Quelles solutions ont été apportées à ces problèmes et quelles autres pourront être envisagées pour répondre à leurs inquiétudes ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Je vous remercie de soulever la question des assistants d'éducation, sur laquelle je me suis exprimé à plusieurs reprises, car ceux-ci sont essentiels dans le système scolaire, comme vous l'avez indiqué. J'observe d'ailleurs que les établissements du second degré réclament souvent leur recrutement, car ils satisfont un important besoin du quotidien.

J'ai toujours été attentif à l'évolution professionnelle de ces agents. Alors que nous parlons de leur rémunération, notons d'emblée que les postes d'AED sont supposés ne pas être définitifs et ne constituer qu'un moment de la carrière de ceux qui les occupent. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons créé le dispositif de préprofessionnalisation pour ceux d'entre eux qui se destinent à être professeurs, afin de leur faciliter la tâche. C'est l'un des acquis de ce quinquennat : désormais être AED n'est plus un handicap mais, au contraire, un tremplin vers le professorat.

Ce point est très important, car je tiens autant à l'accompagnement personnalisé de ces personnes vers la suite de leur carrière qu'aux questions de rémunération. En effet, comme vous le savez bien, les AED sont souvent des étudiants, ou des personnes qui souhaitent voir leur carrière évoluer. Même si tous les cas de figure se présentent, en général, leur moyenne d'âge est inférieure à 30 ans.

Le présent budget permettra en outre d'améliorer la situation des AED, tout d'abord car nous créons des postes, ce qui est important pour les équipes, mais aussi car nous permettrons à ces agents d'effectuer des heures supplémentaires dès l'année prochaine, ce qui améliorera leur pouvoir d'achat. Même si d'autres mesures pourront être envisagées dans le futur, c'est une première amélioration.

M. le président.
La parole est à Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory.
Monsieur le ministre, en traitant des AED, vous venez de répondre à une partie de ma question. Toutefois, pour ma part, je ne parlais pas de ceux qui choisissent de signer un contrat de préprofessionnalisation pour s'engager dans le professorat, mais de ceux qui ne sont plus de jeunes étudiants et ont été recrutés par les chefs d'établissement pour d'autres compétences, notamment leur maturité et leur implication dans leurs missions.

Ceux-ci vivent de plus en plus mal de ne pouvoir se projeter dans leur travail pour plus de six ans – dans le meilleur des cas –, car ils ne peuvent bénéficier de CDI. Ils se sont mobilisés plusieurs fois pour faire part de leurs attentes ; vous venez, je crois, de leur répondre.

J'en viens à la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale. Vous avez affirmé plusieurs fois que les services compétents ont été musclés, réformés ou consolidés. Toutefois, je peux vous parler des jeunes enseignants sur le terrain qui, après de longues années d'études et de sacrifices, arrivent plein de projets et d'énergie dans leurs établissements – ils ont parfois choisi ceux classés REP+ car ils croient comme nous à la vertu de l'éducation, à la force de la transmission. Quand ils formulent des revendications, ou souhaitent faire remonter des difficultés, ils ne reçoivent que des réponses au ton administratif, voire des injonctions et des réprimandes, loin de la bienveillance dont on nous rabâche qu'elle est l'essence même des relations au sein de cette grande maison. Où sont l'accompagnement et l'écoute attentive, personnalisée, dont ont besoin les enseignants afin de retrouver confiance et de ne pas être tentés, comme c'est trop souvent le cas, d'abandonner un projet dont ils ont tant espéré ?

Même si, je le sais bien, cette question n'appelle pas forcément de réponse chiffrée, j'aimerais bien vous entendre sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Muriel Ressiguier applaudit également.)

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Vous posez une question très importante, d'ordre qualitatif. C'est vrai, je l'ai dit à plusieurs reprises, nous avons engagé une mutation du système de gestion des ressources humaines, en fixant des principes et une feuille de route et en rénovant son organisation.

Les principes ont été clairement affichés dans le Grenelle de l'éducation, à travers les douze engagements que j'ai pris, qui tous vont dans le sens d'une plus grande personnalisation du parcours du professeur. Concrètement, cela doit permettre à tous les personnels de bénéficier d'échanges plus humains, plus personnalisés. Je ne prétends pas que tout a changé du jour au lendemain et je suis certain de l'exactitude des témoignages que vous livrez.

Toutefois, nous travaillons à ces changements au quotidien. Conformément aux engagements du Grenelle de l'éducation, les trente académies de France ont chacune publié une feuille de route en la matière, qui lie l'ensemble des services de direction des ressources humaines, à l'échelle des rectorats et des départements. Tout professeur peut d'ailleurs s'y référer, pour faire valoir ses droits.

Nous sommes en chemin. Comme pour le souci de « ne pas faire de vague » dont nous parlions tout à l'heure, je n'ai jamais prétendu que les problèmes visés disparaîtraient du jour au lendemain, toutefois nous avons fait de grands pas en ce sens.

Bien entendu, pour cela, il faut que l'ensemble de l'institution change progressivement de culture, que les directions de ressources humaines et les rectorats s'amendent et se donnent les moyens de la personnalisation des parcours – nos consignes sont très claires.

Vous trouverez ainsi, à côté des exemples négatifs que vous avez cités, des exemples de professeurs pour qui cette personnalisation a commencé. Il importe désormais de parachever cette mutation ; c'est le sens de la politique menée.

M. le président.
La parole est à Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin.
Monsieur le ministre, depuis le début du quinquennat, vous ne cessez de chanter les louanges de l'apprentissage. De fait, avec la loi prétendant donner la liberté de choisir son avenir professionnel, vous l'avez encore dérégulé et rapproché des exigences des entreprises.

Bref, vous avez choisi cette modalité de formation au détriment du cursus scolaire. Résultat : entre 2017 et 2019, le nombre d'apprentis a augmenté de 2 000, c'est-à-dire de 5,4 %. Pendant la même période, les filières professionnelles ont perdu quelque 10 000 élèves et trente-quatre lycées professionnels ont été fermés. Par ailleurs, des UFA – unités de formation d'apprentis – ont été installés dans les lycées, afin de réunir dans les mêmes classes apprentis et lycéens.

On peine à comprendre votre choix, au vu des résultats. En 2019, le taux d'accès au diplôme du CAP, le certificat d'aptitude professionnelle, était de 58,6 % pour les apprentis, contre 72,9 % pour les élèves suivant la voie scolaire – cela fait quatorze points d'écart. Pour 2021, treize points de différence sont encore prévus.

Pour le taux d'accès au baccalauréat, c'est encore pire : il est de 67,6 % pour ceux qui suivent la voie scolaire professionnelle mais de 41,4 % pour les apprentis ; cela fait 26 points d'écart.

Pourquoi préférez-vous donc l'apprentissage ? On peut avancer une hypothèse : les apprentis constituent une vaste réserve de main-d'oeuvre bon marché pour les entreprises. Un jeune de 16 ans gagne 27 % du SMIC, entièrement à la charge de l'État ; un jeune de 21 à 25 ans, 57 % du SMIC. Vous semblez ainsi faire un gigantesque cadeau aux patrons aux dépens de la formation et de l'avenir professionnel des jeunes. Vous avez prétendu faire de la voie professionnelle une voie d'excellence, mais, au vu de ces résultats, croyez-vous sérieusement que vous en prenez le chemin ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Cette question est elle aussi très importante. Nous avons fait progresser et l'apprentissage et l'enseignement professionnel. Évidemment, je n'oppose pas les deux, mais les envisage ensemble car dans les deux cas, il s'agit d'être au service des élèves.

Rapprocher le lycée professionnel de l'entreprise n'est en rien néfaste, car celui-ci doit préparer les élèves à y travailler – pardon pour ce gros mot. Il importe donc que ces élèves suivent des stages, qu'ils bénéficient de débouchés professionnels, que la carte des formations corresponde aux besoins économiques, notamment à l'échelle de chaque région. C'est d'ailleurs pour cela que des compétences supplémentaires ont été reconnues à celles-ci en matière d'information sur les formations. Et j'observe que, quelle que soit leur couleur politique, elles sont en phase avec ce projet très concret et pragmatique.

Quant aux Français, à commencer par les lycéens professionnels eux-mêmes, ils sont évidemment désireux d'un tel rapprochement avec les entreprises. Votre discours devrait évoluer en la matière, car il est extrêmement éloigné des demandes des élèves, qui veulent simplement bien s'insérer dans la vie active.

Nous avons progressé en matière d'information sur les formations et sur l'orientation, même si cela reste insuffisant. Nous travaillons avec les régions pour que le temps qui leur est consacré augmente – il avait diminué l'an dernier à cause de l'épidémie. Nous en attendons beaucoup.

Par ailleurs, nous avons favorisé le développement de l'apprentissage au sein même de l'enseignement professionnel. Vous m'entendez souvent valoriser celui-ci ; je ne laisserai pas dire qu'il est traité comme le parent pauvre du système, car c'est tout le contraire. Dans ce budget, le lycéen professionnel reste d'ailleurs celui auquel l'État consacre le plus d'argent, précisément car nous croyons en l'avenir de cette formation.

Ainsi, personnellement, je crois très fortement, comme je le répète devant tous les publics, qu'un modèle français est en train de s'affirmer, qui articule enseignement professionnel scolaire et apprentissage, sans les opposer.

M. le président.
La parole est à Mme Zivka Park.

Mme Zivka Park.
Environ 2 milliards d'euros sont prévus dans ce PLF pour financer la priorité qu'est le remplacement des enseignants dans les écoles primaires publiques ; c'est 1,5 milliard, pour les remplacements dans les collèges et les lycées publics. De fait, nous devons assurer la continuité pédagogique et répondre aux attentes des parents pour que tout enseignant absent soit remplacé, surtout dans les territoires les plus en difficulté.

Améliorer l'efficacité du remplacement des enseignants est l'une des réformes prioritaires que le Président de la République s'est engagé à mener dans le cadre du plan pour l'égalité des chances. C'est également l'un des douze engagements que vous avez pris lors du Grenelle de l'éducation, monsieur le ministre. Je ne doute ni des moyens considérables mis sur la table, ni de l'amélioration de nos résultats en la matière au niveau national ; ils sont certains.

Toutefois, des disparités académiques persistent. Malgré nos efforts les services de l'éducation nationale de certains départements, comme le mien, le Val-d'Oise, peinent à attirer des professeurs et font encore face à des problèmes dans la gestion des absences et dans l'organisation des remplacements. Il nous reste donc des efforts à déployer pour couvrir l'ensemble des besoins de remplacement et des actions spécifiques à mener dans certaines zones en tension.

C'est donc du point de vue de l'égalité des chances que je vous interroge : alors que nous disposons déjà d'outils de mesure pour évaluer l'écart entre le taux d'encadrement dans l'éducation prioritaire et hors de celle-ci, peut-on envisager d'en déployer de similaires pour mettre en évidence l'écart des taux d'efficacité des remplacements selon les territoires et appréhender cet enjeu de manière encore plus fine ? À terme, nous pourrions peut-être envisage des primes plus importantes dans les zones où les tensions et les difficultés sont les plus fortes.

Je le redis, beaucoup de moyens ont déjà été déployés ; je salue également les efforts accomplis par la direction académique de mon département. Toutefois, les taux de remplacement restent plus faibles dans des villes comme Gonesse, Goussainville, Fosses ou Luzarches qu'à Paris, Lyon ou Bordeaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.
Je vous remercie pour cette question, qui ouvre elle aussi sur des sujets complexes. La question du remplacement est difficile dans pratiquement tous les pays, car elle renvoie à plusieurs questions structurelles, notamment celle de l'attractivité, parfois au niveau d'un territoire.

Je suis toujours prêt à aller plus loin dans la mesure du phénomène – qui était au coeur de votre question – bien que je dispose déjà de quelques chiffres. Les exemples que vous avez cités le montrent, c'est dans les territoires les plus reculés, les plus difficiles d'accès, ou dans ceux qui sont considérés comme difficiles et sont moins attractifs pour les remplaçants, que le problème se pose le plus fortement.

Vos propos montrent d'ailleurs que la question n'est pas tant celle des moyens budgétaires que nous consacrons au remplacement – cette année encore 80 millions d'euros supplémentaires ont été prévus pour certains d'entre eux –, que celle de la gestion des ressources humaines.

Nous retrouvons d'ailleurs le même problème pour le recrutement des AESH : les candidats manquent, particulièrement maintenant que s'accroissent les tensions sur le marché du travail et qu'il est difficile de trouver des candidats correspondant aux postes.

Vous me répondrez à juste titre que si les salaires étaient plus attractifs, les candidats seraient plus nombreux. Je vous renvoie aux différentes stratégies que nous avons développées avec le Grenelle de l'éducation, ou encore avec la classe préparatoire au professorat des écoles, qui vise à attirer les jeunes vers ce métier.

Même si le temps manque pour aborder tous les aspects de la question du remplacement, je suis d'accord pour aller plus loin dans la mesure du problème. C'est désormais par une série de politiques structurelles que nous le résoudrons, puisque nous avons déjà pris des mesures conjoncturelles, comme la création de postes contractuels en mars dernier, lorsqu'il a fallu faire face aux urgences de la crise.

Ainsi, oui, cela fera partie des points à améliorer en priorité, dans les prochains temps. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 octobre 2021