Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Eric DUPOND-MORETTI.
ERIC DUPOND-MORETTI
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Dans un sondage que France Info publie ce matin, seuls 14% des Français estiment que la sécurité s'est améliorée depuis le début du quinquennat d'Emmanuel MACRON. Ils sont 52% à dire le contraire, que la situation s'est détériorée. Ils ont tort, ils se trompent ?
ERIC DUPOND-MORETTI
48% des Français ne disent pas cela, c'est la première remarque, et puis, deuxièmement, ça n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a ce sentiment d'insécurité…
MARC FAUVELLE
Là, c'est une aggravation ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Une aggravation, je l'entends, ça ne m'interdit pas de travailler. Dans ce sondage d'ailleurs, les Français disent à 91% qu'il faut augmenter les moyens de la justice.
MARC FAUVELLE
Et ceux de la police aussi dans les mêmes proportions…
ERIC DUPOND-MORETTI
Et ceux de la police, eh bien, figurez-vous que c'est ce que nous avons fait. 10.000 policiers de plus. Et en ce qui concerne mon périmètre, je veux m'arrêter deux secondes sur les chiffres, parce que l'heure est venue du bilan finalement…
SALHIA BRAKHLIA
Oui…
ERIC DUPOND-MORETTI
Oui. Et le bilan, comment on le fait ? On le fait grâce à un triptyque, ce que nous avons, ce qu'ont fait les autres, et bien sûr ce qu'il reste à faire. Nous, nous avons embauché près de 700 magistrats, très précisément, 698. Sous François HOLLANDE, 27 magistrats ont été embauchés, sous Nicolas SARKOZY, moins 142. Je devrais dire sous Nicolas SARKOZY et madame PECRESSE. Et les magistrats qui partaient à la retraite n'étaient pas remplacés. Nous avons embauché, je voudrais pouvoir vous dire cela, parce qu'on peut jouer avec les mots, mais pas avec les chiffres, nous avons embauché 850 greffiers, et nous avons embauché dans la pénitentiaire 3.000 agents, 1.500 CPIP.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire, CPIP, pardon ?
ERIC DUPOND-MORETTI
CEPIP, c'est les services pénitentiaires d'insertion et de probation.
MARC FAUVELLE
Et pourtant, Eric DUPOND-MORETTI, on ne va pas faire chiffres contre chiffres, mais vous dites quoi, les Français se trompent quand ils pensent que ça va moins bien ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Pardonnez-moi…
MARC FAUVELLE
Les Français se trompent ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pas du tout, le sentiment d'insécurité existe, l'INSEE dit que depuis 2010, ce sentiment a peu bougé. Moi, je ne suis pas là, Monsieur, pour vous dire autre chose aujourd'hui que ce que nous avons fait. Parce que, on peut s'arrêter dans une espèce de fatalisme et ne rien faire. Donc on bouge, et les chiffrez, pardonnez-moi, c'est extrêmement important, je vous ai dit, le triptyque, vous ne m'avez pas laissé le temps de terminer. Je vous ai donné un certain nombre de chiffres de ce que les autres ont fait, de ce que nous avons fait. Et j'ajoute que nous avons embauché 2.000 personnels supplémentaires, que j'ai appelés les sucres rapides, j'étais très critiqué à l'époque, nous les avons embauchés dans le cadre de la justice de proximité, et je dois vous dire que ces sucres rapides, nous les avons embauchés parce que je n'avais pas le temps d'embaucher des magistrats, il faut 31 mois pour les former. Et j'ajoute, je termine, que les juridictions m'ont demandé de pérenniser ces assistants de justice, des juristes assistants, ces renforts de greffes, grâce auxquels nous avons mis en place la justice de proximité, dont j'aimerais vous parler.
SALHIA BRAKHLIA
On va en parler, mais justement, Eric DUPOND-MORETTI, vous êtes en train, ce matin, de défendre votre bilan, vous avez cité plusieurs chiffres, sauf qu'en fait, depuis plusieurs mois, vous faites face à une grogne des magistrats qui disent que tous vos recrutements, ils sont bien, mais ils sont loin d'être suffisants, parce que par exemple, il faudrait 1.500 magistrats de plus, il faudrait 2.700 greffiers de plus ; vous n'êtes pas arrivé à la hauteur qu'il faut ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Enfin, pardonnez-moi, on peut voir le verre à moitié plein, le voir à moitié vide, je vous ai dit que dans le triptyque que je propose, comme explication, il y a ce que nous avons fait, notre bilan, ce qu'ont fait les autres, et ce qu'il reste à faire, et dans ce qu'il reste à faire, oui, il faut encore embaucher des magistrats, et d'ailleurs, la prochaine promotion de l'Ecole nationale de la magistrature sera la plus importante de l'histoire de cette école. Mais il reste des choses à faire, bien sûr. Les magistrats ont, ces temps derniers, réalisé un travail en concertation avec la chancellerie, ils parlent de 1.500 magistrats du siège…
MARC FAUVELLE
Uniquement pour respecter, pour pouvoir juger sereinement et pour pouvoir respecter les règles sur le temps de travail, mais est-ce que vous savez qu'une plainte a été déposée sur cette question auprès de la commission…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais j'entends bien…
MARC FAUVELLE
Mais vous leur dites quoi aujourd'hui en attendant les futures embauches, celles qui vont arriver demain, Eric DUPOND-MORETTI, vous leur dites : pour respecter la loi, les heures maximum par semaine, laissez certains dossiers de côté, travaillez moins ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Je leur dis, il y a 20 ans, pour ne pas dire 30, d'abandon humain, d'abandon budgétaire, d'abandon politique, deux fois 8% d'augmentation du budget, alors que sous certains…
MARC FAUVELLE
En partie pour les prisons…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais c'est normal…
MARC FAUVELLE
Oui, mais tout n'est pas allé dans les tribunaux…
ERIC DUPOND-MORETTI
18% pour les services judiciaires, ce qui est du jamais vu, et ce qui est historique, pardon, je le défendrai bec et ongles ce bilan, parce que, quand sous madame TAUBIRA par exemple, on a 1% d'augmentation, nous avons fait deux fois 8, la première fois, l'augmentation de 8%, tout le monde disait : ah mais, c'est un fusil à un coup, c'est terminé, une fois, mais pas deux. Nous avons fait deux fois, nous avons fait le plus grand plan d'embauches, mais je dis, il reste des choses à faire. Alors il y a ce travail des magistrats que vous évoquez, il y a les états généraux de la Justice quand même, il ne faut pas les oublier…
MARC FAUVELLE
Dont on attendait les résultats, vous aviez demandé un rapport à Jean-Marc SAUVE…
SALHIA BRAKHLIA
Les conclusions…
ERIC DUPOND-MORETTI
Peu importe…
MARC FAUVELLE
Ah, non, non, attendez, vous attendiez les résultats pour ce mois-ci, vous avez demandé un rapport, et puis, finalement, on a appris que ce serait en avril, après la présidentielle.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais vous savez pourquoi ?
MARC FAUVELLE
Non.
ERIC DUPOND-MORETTI
Parce que c'est un grand succès, certains disaient…
MARC FAUVELLE
Oui, tellement grand qu'on repousse le débat à après…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais bien sûr, certains disaient : c'est un coup de com., alors, d'abord, vous ne faites pas faire un coup de com. à Jean-Marc SAUVE, quand on connaît ce grand monsieur et son indépendance d'esprit, on ne lui pas faire un coup de com.…
MARC FAUVELLE
Je rappelle que c'est lui qui a travaillé notamment sur les affaires de pédophilie dans l'église, qui a été missionné par les évêques pour ça.
ERIC DUPOND-MORETTI
Absolument. Alors, qu'est-ce qui s'est passé, ça a un tel succès, il y a un million de contributions, il y a plus de 12.000 magistrats et greffiers qui ont participé aux états généraux, donc on attend, là aussi, des chiffres, et puis, la chancellerie a mis en place, j'ai mis en place un outil pour savoir précisément combien qu'il fallait de magistrats.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous vous rendez compte que ça arrive à la fin du quinquennat, ça ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pas du tout, Madame…
SALHIA BRAKHLIA
Eh bien, on est à la fin…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pas du tout…
MARC FAUVELLE
Eh bien, si, ça sera même après…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pas du tout. La Cour des comptes dit qu'il faut 4 ans pour mettre cet outil en marche, les Allemands qui l'ont mis disent également qu'il faut 4 ans, et pardon de vous dire, pendant le quinquennat, nous avons embauché 698 magistrats, jamais personne n'a fait ça avant nous, mais vous croyez qu'il suffit de claquer des doigts pour régler tous les problèmes, si c'était aussi simple que ça et aussi simple que vous le dites, je vous donne tout de suite les clefs de la chancellerie et les clefs du budget.
SALHIA BRAKHLIA
Moi, je vous transmets ce que disent les magistrats depuis des mois…
ERIC DUPOND-MORETTI
Oui, mais Madame, Madame, Madame, moi, je défends ce bilan, parce que ce que nous avons fait, personne ne l'a fait, les syndicats de magistrats peuvent dire un certain nombre de choses, ils sont dans leur rôle, c'est bien légitime, et puis, regardez, pardon, mais, la surenchère aujourd'hui, nous sommes en campagne électorale, ça n'a échappé à personne, regardez les chiffres que proposent les candidats à l'élection présidentielle, ils sont même bien au-delà des chiffres que proposent les magistrats eux-mêmes. Donc il faut être sérieux. Tout ça, ça s'analyse, ça se travaille, et il reste des choses à faire, et d'ailleurs je voudrais vous dire qu'il y a eu le Beauvau de la sécurité, le président de la République a fait un certain nombre d'annonces, le ministre de l'Intérieur travaille à une loi de programmation, j'y ai une toute petite part, mais elle est active, il y aura ensuite, bien évidemment, les états généraux de la Justice, et sans doute, là aussi, des mesures seront prises.
SALHIA BRAKHLIA
Sur un second quinquennat…
MARC FAUVELLE
Vous êtes déjà dans le deuxième quinquennat…
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, écoutez, moi, j'espère qu'Emmanuel MACRON va se présenter, et pour ne rien vous cacher…
MARC FAUVELLE
Si c'est le cas, vous rempilez ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Ça n'est pas un scoop, j'espère qu'il va gagner cette élection…
MARC FAUVELLE
Si c'est le cas, et s'il vous le demande, Eric DUPOND-MORETTI, vous rempilez à la Justice, en quelques mots, si vous voulez bien ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, s'il me le demande, ah oui, eh bien, s'il me demande, je lui répondrai à lui, et non à vous.
MARC FAUVELLE
Bon, on verra ça ensuite. Merci beaucoup.
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le Garde des sceaux Eric DUPOND-MORETTI. Il y a un an, vous avez lancé la loi pour une justice de proximité. L'objectif, c'était de cibler la petite délinquance. Est-ce que vous diriez qu'aujourd'hui la justice va plus vite et travaille mieux qu'il y a un an ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Je dirais qu'elle va plus vite, qu'elle travaille mieux, qu'elle est plus proche des Français. D'abord on a réouvert des lieux où la justice n'avait plus cours. Je pense à Cholet, Villeneuve-sur-Lot où je vais dans quelques minutes, dès que je sors d'ici. Giens, Château-Thierry, Louviers, Mauriac. Des tribunaux qui étaient fermés, des lieux où la justice n'était plus rendue, les délégués du procureur se rendent sur place pour rendre une justice de proximité. Alors je vais vous donner quelques chiffres, on va très vite. 115 000 décisions qui ont été rendues hors les murs dans des points justice - nous en avons ouvert 2 000 - ou dans ces lieux qui étaient des lieux sans justice.
SALHIA BRAKHLIA
Pour désengorger les tribunaux.
ERIC DUPOND-MORETTI
Absolument. Des mesures de réparation, 4 500 prononcées pour les majeurs, 10 000 pour les mineurs. C'est quoi ? C'est tu casses, tu répares et tu indemnises. Décision d'interdiction de paraître multipliée par 5. Rodéos urbains, madame, 1 400% d'augmentation des condamnations. 1 400 %. Sur certaines chaînes d'info continue, on voit tous les jours place Bellecour des types qui font du rodéo urbain, rodéo motorisé d'ailleurs…
MARC FAUVELLE
Donc ils sont toujours là en fait.
ERIC DUPOND-MORETTI
Pardonnez-moi, 1 400% d'augmentation. Il y a des choses qui sont visibles et il y a des choses que l'on n'a pas envie de montrer. Voilà. Et puis je vais vous dire autre chose. Nous avons évidemment des décisions aujourd'hui, ça c'est la loi que j'ai portée qui est une loi du mois d'avril 2021, qui permet de demander à l'auteur des infractions de basse intensité de verser directement de l'argent à des associations de victimes.
SALHIA BRAKHLIA
Des réparations plutôt que…
ERIC DUPOND-MORETTI
On n'a pas deux heures et je le regrette.
SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais très rapidement. Des réparations plutôt que des peines de prison, certains peuvent dire que la justice devient encore plus laxiste.
ERIC DUPOND-MORETTI
Non mais madame, ne mélangeons pas tout, je vous en supplie. La délinquance grave a toujours été traitée dans ce pays. La délinquance de basse intensité, les tags : vous voulez mettre quelqu'un en taule pour un tag ? C'est ça votre programme ? Je ne peux pas le croire.
SALHIA BRAKHLIA
Je n'ai pas de programme, je ne suis pas politique.
ERIC DUPOND-MORETTI
350 infractions qui sont les infractions qui pourrissent la vie de nos concitoyens, nous les avons enfin – enfin ! – traitées grâce à des recrutements massifs notamment de délégués du procureur et grâce à ces sucres rapides que l'on a envoyés pour aider les parquets au quotidien.
MARC FAUVELLE
Eric DUPOND-MORETTI, Valérie PECRESSE, la candidate des Républicains, fait une proposition. Elle demande, si elle est élue, qu'on ouvre des centres correctionnels fermés pour les délinquants qui ont déjà été condamnés à des petites peines et donc au port de bracelets électroniques. Elle explique qu'aujourd'hui ces bracelets sont brandis comme une sorte de fierté par les gens lorsqu'ils retournent chez eux et elle dit donc : il faut les enfermer avec ce bracelet. Est-ce que c'est une bonne idée ou pas ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors le bracelet, c'est une disposition qui a été votée en 93 sous Jacques CHIRAC. La gauche était hostile à ça, elle disait : mais au fond, il y a quelque chose d'humiliant. Et puis on s'est habitué au bracelet. Il sert à quoi le bracelet ? Il sert là encore pour les infractions de basse intensité pour ne pas que les gens soient en prison et qu'il y ait une de surcharge carcérale, qui est quelque chose de lourd et de grave, les petites infractions. Ça marche bien le bracelet, c'est efficace. Tout le monde utilise le bracelet et voilà que madame PECRESSE, elle voudrait que des gens qui ont le bracelet destiné à éviter la prison, on les enferme dans des préfabriqués. Elle en donne d'ailleurs la marque, elle dit Algeco. Comme ça il y a Kärcher et Algeco, on fait deux fois la pub. Et il faudrait sortir des agents de la pénitentiaire pour aller garder ces gens qui ont un bracelet : c'est d'une sottise abyssale !
SALHIA BRAKHLIA
Donc la proposition, elle ne vous plaît pas.
ERIC DUPOND-MORETTI
Elle ne plaît pas, elle n'a pas de sens. C'est ou bracelet ou prison. Ça ne peut pas être bracelet dans des Algeco avec des agents de la pénitentiaire.
SALHIA BRAKHLIA
Vous dites qu'elle n'a aucun intérêt. Il y a une autre proposition que fait Valérie PECRESSE : elle souhaite instaurer cette fois-ci des peines territorialisées. C'est-à-dire que pour un même délit, la peine sera plus lourde si le délit est commis dans un quartier difficile. Là que dit le garde des Sceaux ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Le garde des Sceaux, il dit que les délinquants ils vont aller commettre leurs infractions dans les beaux quartiers à Versailles. Le garde des Sceaux il dit que la devise de la République française c'est Liberté, Egalité, Fraternité. On s'arrête sur égalité : vous voulez deux codes, deux codes pénaux ?
MARC FAUVELLE
Il y a déjà des endroits où commettre un délit est une circonstance aggravante. C'est le cas des transports par exemple, des gares en tout cas.
ERIC DUPOND-MORETTI
Oui, mais ça s'applique partout en France, monsieur. Ça n'a strictement rien à voir. Ce n'est pas la même territorialisation. C'est quintuple fois inconstitutionnel ce que propose madame PECRESSE, mais peu importe.
MARC FAUVELLE
Et si elle change la Constitution ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais monsieur, écoutez-moi. Est-ce que vous trouvez qu'il est normal qu'un acte -on va prendre un vol par exemple - soit plus puni dans un quartier qui est un quartier difficile que dans un beau quartier ? Franchement ? Et les gens, ils ont un bon sens quand même. Ça n'a…
SALHIA BRAKHLIA
Non mais elle est toujours dans cette logique qu'il faut que la justice soit plus sévère dans les quartiers.
ERIC DUPOND-MORETTI
On est dans une surenchère permanente, voilà. On peut tout dire mais pas n'importe quoi. Voilà ma réponse.
MARC FAUVELLE
Eric DUPOND-MORETTI, je voudrais vous entendre sur un féminicide récent qui a eu lieu le 28 janvier dernier à Paris. Hier la voiture, l'arme et les munitions du policier qui est soupçonné d'avoir commis ce féminicide ont été retrouvés du côté d'Amiens. Il aurait tué sa compagne donc fin janvier dernier à Paris. Il a fallu deux semaines pour qu'un avis de recherche soit lancé pour le retrouver. C'est un juge d'instruction qui a lancé cet avis de recherche. Les associations féministes ne comprennent pas pourquoi ç'a été si long. Qu'est-ce que vous pouvez leur dire ?
ERIC DUPOND-MORETTI
D'abord monsieur, j'ai évidemment de la compassion pour ce drame effroyable. Tous ces féminicides sont des drames absolument effroyables. Pour le reste, vous le savez, je ne peux pas répondre à votre question. Je ne peux pas le faire, je suis garde des Sceaux et je ne peux pas donner mon avis sur une affaire qui est en cours. C'est une règle constitutionnelle très importante.
MARC FAUVELLE
Sur le délai, deux semaines pour l'avis de recherche.
ERIC DUPOND-MORETTI
Non monsieur, je ne peux pas, ça n'est pas possible.
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas automatique ? Quand un homme est en fuite avec une arme…
ERIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, je ne vais pas vous le dire une troisième fois, si ? Est-ce utile, madame, que je dise à votre collègue que je ne peux pas répondre à cette question ?
SALHIA BRAKHLIA
Vous n'avez pas besoin de passer par moi. Vous pouvez lui parler directement.
MARC FAUVELLE
Eric DUPOND-MORETTI, en 2019 cet homme avait déjà été mis en cause pour des violences conjugales…
ERIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, monsieur, vous pouvez la poser autant de fois que vous le voulez…
MARC FAUVELLE
Attendez, je vais vous poser la question. Vous me direz ensuite si vous ne pouvez pas y répondre. Il avait déjà été mis en cause - vous allez voir où je veux en venir, peut-être - pour des violences conjugales contre sa compagne de l'époque. Il avait été sanctionné d'un avertissement, c'est la sanction disciplinaire la plus basse de la Fonction publique. Est-ce qu'il faut aujourd'hui recenser les membres des forces de l'ordre impliqués dans des affaires de violences conjugales ? Ne serait-ce que pour que ce ne soit pas ces policiers ou ces gendarmes qui accueillent les plaignantes ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, écoutez-moi. Je vous ai dit que cette affaire était en cours, cela m'interdit tout commentaire.
MARC FAUVELLE
Je parlais en général.
ERIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr. Mais il faut être très attentif quand on recrute des policiers, des magistrats, des journalistes sans doute aussi, le personnel politique, voilà.
MARC FAUVELLE
Là, ce n'est plus assez pour le recrutement. Ils sont déjà là, ils peuvent être impliqués dans des affaires, parfois condamnés. Est-ce qu'il faut les recenser, éviter que ce soient eux qui accueillent les victimes ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Ecoutez-moi monsieur, je vais vous dire quelque chose.
MARC FAUVELLE
Allez-y.
ERIC DUPOND-MORETTI
J'ai mis en place la justice de proximité. Les jugements aux affaires familiales, nous les avons déstockés de 23 %. C'est-à-dire que nos compatriotes vont attendre moins de temps, c'est ça dont je veux vous parler. Ne me parlez pas d'un cas particulier surtout quand je vous ai dit…
MARC FAUVELLE
Je ne vous parle pas d'un cas particulier, je parle d'une généralité.
ERIC DUPOND-MORETTI
Enfin écoutez, monsieur, ça n'est pas une généralité puisque vous le rattachez à ces événements. Bien sûr qu'il faut être très attentif, et bien sûr que quand un certain nombre de choses sont sues, il faut en tirer les conséquences qui s'imposent. Voilà. Vous ne voulez pas que je vous reparle de justice de proximité et du déstockage qui est en cours, et qui est une petite réussite dont le garde des Sceaux qui est en face de vous est assez fier ?
MARC FAUVELLE
Vous aurez l'occasion de le dire également.
ERIC DUPOND-MORETTI
Une autre fois.
MARC FAUVELLE
Non, là ! Vous venez de le dire et on a entendu votre bilan il y a quelques minutes sur la justice de proximité. On va poursuivre, si vous voulez bien Eric DUPOND-MORETTI, cet entretien dans une minute exactement, le temps du fil info à 8 heures 50 avec Diane FERCHIT.
SALHIA BRAKHLIA
Eric DUPOND-MORETTI, le président de l'Assemblée nationale, Richard FERRAND propose que Véronique MALBEC fasse son entrée au Conseil constitutionnel, particularité, c'est aujourd'hui votre directrice de cabinet, Véronique MALBEC, avant de travailler avec vous, elle était procureur général de Rennes, c'est-à-dire qu'elle était responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite, en 2017, l'affaire des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard FERRAND était mis en cause ; il n'y a rien de gênant dans tout ça ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Non, il n'y a absolument rien de gênant dans tout ça, d'abord, vous avez ceux qui pensent que ce poste au Conseil constitutionnel leur revenait de droit et qui ont activé leurs petits réseaux pour dire du mal de Véronique MALBEC et de Richard FERRAND. Richard FERRAND ne doit rien à Véronique MALBEC, elle était procureur général à Rennes, vous l'avez rappelé, et article 36 du code de procédure pénale interdit au procureur général, Madame, de donner des ordres de classement sans suite à un procureur, en l'occurrence le procureur de Brest.
MARC FAUVELLE
Elle n'a jamais donné son avis dans cette affaire ? Elle n'a jamais suivi cette affaire ?
ERIC DUPOND-MORETTI
C'est extraordinaire, j'ai l'impression ce matin que je parle une autre langue, l'article 36 du code de procédure pénale interdit au procureur général de donner des ordres, d'accord, c'est clair, et la mauvaise foi ne se présume jamais, c'est une règle, d'or pardon de vous le dire, c'est injurieux pour le procureur parce qu'on dit…
SALHIA BRAKHLIA
De classer l'affaire ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, oui, parce qu'on dit, au fond, il aurait reçu des ordres, il aurait – conditionnel – mais calomnies, calomnies et calomnies, il en reste quelque chose, c'est injurieux pour Véronique MALBEC c'est injurieux pour Richard FERRAND, et je vous rappelle que Richard FERRAND, le non-lieu, il est prononcé à Douai, à Douai, et madame MALBEC, je vais vous dire, pourquoi, à mon avis, Richard FERRAND l'a désignée, parce que c'est une grande magistrate, parce que c'est une grande professionnelle, parce qu'elle est à mes côtés quand je suis auditionné devant la commission des lois et que tout le monde souligne son travail, parce que les directeurs de cabinet des différents ministres disent à quel point elle est bosseuse, à quel point elle connaît son métier, à quel point elle est intègre, et l'équipe autour de, 15 conseillers…
SALHIA BRAKHLIA
Donc quand l'opposition…
ERIC DUPOND-MORETTI
Je vais vous dire quelque chose, tout le monde aime Véronique MALBEC, parce que c'est quelqu'un de très bien, la salir de cette façon, c'est ignominieux.
SALHIA BRAKHLIA
Quand l'opposition dit, au mieux, c'est maladroit, au pire c'est un conflit d'intérêt évident, elle se trompe ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais il faut "piapiater", il faut jaser, il faut démolir, tout est permis durant cette campagne, mais salir l'honneur de Véronique MALBEC, ça me touche bien davantage que les attaques dont j'ai pu être l'objet ces derniers mois, parce, que je vais vous dire quelque chose, Madame, pardonnez-moi cette familiarité, c'est absolument dégueulasse !
MARC FAUVELLE
Vous dites, c'est une grande magistrate, c'est une grande professionnelle, on n'a pas à l'attaquer. Une autre nomination au Conseil constitutionnel, c'est celle de Jacqueline GOURAULT, qui est une très proche de François BAYROU et qui dans sa formation était professeur d'histoire-géo. Est-ce que c'est aussi une grande professionnelle de la justice, est-ce qu'elle va pouvoir trancher les textes les plus importants de la République, c'est-à-dire la Constitution ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, moi, je connais de grands journalistes qui n'avaient pas le baccalauréat, je peux vous les citer si vous le voulez…
MARC FAUVELLE
Oui moi, je serais incapable de…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais je vais vous dire, on peut évoluer dans la vie, elle était professeur d'histoire-géographie, elle est devenue une très grande ministre, et en réalité, ça ne va jamais…
MARC FAUVELLE
Et elle sera une très bonne juge constitutionnelle…
ERIC DUPOND-MORETTI
Je vous rappelle d'ailleurs, pardon, que Richard FERRAND avait désigné monsieur Alain JUPPE, et là aussi, il y avait eu un certain nombre de critiques…
SALHIA BRAKHLIA
Mais enfin, Eric DUPOND-MORETTI, vous voyez bien qu'au Conseil constitutionnel actuellement, tous les membres sont, soit, diplômés de droit, soit anciens Premiers ministres. Donc là, le profil de Jacqueline GOURAULT ne vous étonne pas pour le Conseil constitutionnel ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais un ancien Premier ministre n'est pas forcément un diplômé de droit, pardonnez-moi, Madame…
SALHIA BRAKHLIA
Mais il a géré la France…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, et alors, elle n'a rien géré, Jacqueline GOURAULT, il vous a échappé qu'elle était ministre ? Qu'elle connaît parfaitement les territoires…
SALHIA BRAKHLIA
Ministre de la Cohésion et des territoires…
ERIC DUPOND-MORETTI
Que tous les ministres, et je fais partie de ceux-là, admirent la qualité de son travail, mais on a besoin dans cette société de démolir, et je vais vous dire quelque chose, dans un article qui sort aujourd'hui, dans Le Point, on explique que les violences, elles ont pour partie comme origine le fait qu'en permanence, on démolisse les politiques, dans quelques années…
SALHIA BRAKHLIA
C'est la faute aux médias donc ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Dans quelques années, Madame, chacun regarde et balaye devant sa porte, dans quelques années, plus personne, à ce rythme, ne voudra faire de la politique.
MARC FAUVELLE
Eric DUPOND-MORETTI, une proposition de loi est examinée en ce moment au Parlement pour permettre à toute personne de demander une fois dans sa vie de changer de nom, c'est-à-dire prendre ou ajouter le nom de sa mère par exemple, quand on porte le nom de famille de son père, pourquoi vous défendez cette loi, quel est son objectif ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Parce que c'est une loi proche de nos compatriotes, vous savez, beaucoup d'entre nous nous sommes fiers du nom que nous portons, mais parfois, c'est une souffrance.
MARC FAUVELLE
Dans les cas d'affaires d'incestes par exemple ou de violences familiales…
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, je pense aux témoignages que j'ai reçus, j'en ai reçu des centaines et des centaines, d'une femme qui me dit : moi, je ne porte pas le nom de mon père, je le supporte, il m'a violée, et je ne voudrais pas que ce nom-là soit gravé sur ma tombe le jour où je mourrai, c'est une dame de 70 ans. Je pense aussi à la femme qui élève seule son enfant, l'enfant ne porte pas son nom, et elle est obligée, chaque fois qu'elle fait une démarche, elle veut l'inscrire au judo, à la musique, à l'école, de sortir le livret de famille, eh bien, je souhaiterais qu'on puisse adjoindre le nom de sa maman, vous voyez, au nom du papa, pour que ça facilite au fond la vie de ces femmes…
MARC FAUVELLE
Est-ce qu'un enfant ou un mineur pourra changer de nom après un divorce par exemple ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Non, changer de nom…
MARC FAUVELLE
A partir de quel âge on pourra le faire ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, mineur, on est dans de la… non pas dans de la substitution, c'est en train d'être discuté entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et ça se fera avec l'accord des parents, c'est très, très important.
MARC FAUVELLE
Oui, parce que ça pourrait rajouter de l'huile sur le feu dans certains divorces par exemple, où les enfants seraient tiraillés entre les deux camps…
ERIC DUPOND-MORETTI
Et majeur, parce qu'il faut bien sûr distinguer mineur, majeur, on pourra une fois dans sa vie changer de nom, on peut le faire aujourd'hui, mais au prix d'infinies complexités, il faut saisir la chancellerie, donner des tonnes de documents, et puis, parler de son intimité, moi, je trouve que c'est une loi de liberté, parce que vous n'avez pas à raconter à l'administration que vous avez été violée par votre père, si c'est le cas…
SALHIA BRAKHLIA
Là, ça pourra se faire en mairie, c'est ça ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Exactement, une loi de liberté, une loi d'égalité, bien sûr, c'est extrêmement important, une loi de simplification.
SALHIA BRAKHLIA
Et il n'y aura pas besoin de le justifier en mairie ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien non. Il y aura un délai de rétractation, c'est envisagé, je pense en particulier aux très, très jeunes, il faut leur laisser le temps, il y aura quelque chose de solennel sur le Cerfa, ce sera un Cerfa, vous savez, document, mais quelque chose de très solennel, pour bien rappeler que c'est un engagement que le changement de nom, je pense aussi aux femmes qui m'ont écrit qui m'ont dit : moi, je porte un nom prestigieux, il va s'éteindre, je ne pourrai pas le transmettre à mes enfants, eh bien, là, je trouve qu'on fait vraiment de la politique, parce que c'est une loi qui est faite pour les gens, voyez, c'est ça le sens de l'action politique, et moi, je suis fier de porter ce texte, qui est un texte qui émane d'un parlementaire, le député VIGNAL, et plein d'hommes, plein de femmes regardent ce texte en l'appelant de leurs voeux. Et je pense que, très prochainement, ce texte sera en vigueur.
MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Eric DUPOND-MORETTI, on va vous laisser filer donc du côté de Villeneuve-sur- Lot, où vous irez défendre le bilan…
ERIC DUPOND-MORETTI
Où je parlerai de justice de proximité plus longuement encore…
MARC FAUVELLE
Mais pas forcément…
ERIC DUPOND-MORETTI
Avec un très beau bilan sur le déstockage.
SALHIA BRAKHLIA
On a bien entendu.
MARC FAUVELLE
On a bien entendu. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2022