Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Olivier VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Je vais d'abord vous poser la question que tout le monde se pose en ce moment, ce n'est d'ailleurs pas la première fois depuis deux ans, contaminations, hospitalisations, décès, on voit que tous les indicateurs de l'épidémie sont en baisse, est-ce que le Covid, dans son ensemble, est derrière nous ?
OLIVIER VERAN
Alors, il n'est pas derrière nous, par contre ça s'améliore nettement, partout, dans toutes les régions françaises, dans la plupart des territoires ultramarins et, comme nous l'avions annoncé, au rythme que nous avions annoncé, que les scientifiques nous avaient prédit, donc c'est une nouvelle rassurante. Il y a encore beaucoup de malades à l'hôpital, il y a encore beaucoup de malades en réanimation, il y a encore beaucoup trop de morts au quotidien, par contre la dynamique de circulation du virus s'affaiblit, elle s'affaiblit très fort, le virus, il y a trois fois moins de virus, en moyenne, qu'il y a deux grosses semaines, et si on continue sur cette dynamique-là, eh bien on pourra sortir totalement de la vague d'ici à quelques semaines, ce qui veut dire d'ailleurs que la stratégie que nous avions annoncée aux Français, que le Premier ministre Jean CASTEX avait annoncé, avec cet allégement progressif, par paliers de jours, est une bonne stratégie qui fonctionne, et qu'à l'inverse, permettez-moi de le souligner, un certain nombre de pays en Europe ont fait un autre choix, on me l'a souvent cité en exemple ces dernières semaines, je prends l'exemple du Danemark par exemple, qui avait tout supprimé d'un coup… un taux d'incidence à 7000, et ils ont une mortalité qui est très nettement supérieure à la nôtre, et donc ils sont en difficulté. Ça veut dire que notre stratégie d'allégement progressif, proportionné à la charge virale, était la bonne.
MARC FAUVELLE
Si effectivement cette cinquième vague est derrière nous définitivement, comme vous le dites, dans quelques semaines, on sera tranquille combien de temps ?
OLIVIER VERAN
Ce que nous disent les scientifiques, au niveau planétaire, pas qu'au niveau national, c'est qu'il est probable que le virus fasse encore parler de lui à l'avenir, le plus tard sera l'hiver prochain, on ne peut pas exclure qu'il y ait une vague, une forme de vague estivale, comme nous l'avions connu l'année dernière ou l'année précédente, mais on est un peu plus rassuré, parce que le variant Omicron c'est un variant qui est très contagieux, qui est moins dangereux, et donc on sait que même s'il y avait une vague on a quand même atteint un niveau d'immunité très fort collectivement, elle ne fera pas les dégâts des vagues précédentes, à moins qu'il y ait un nouveau variant issu…
SALHIA BRAKHLIA
Le variant BA.2 par exemple, qui est déjà sur notre territoire ?
OLIVIER VERAN
Non, le BA.2 c'est la couleur, l'odeur, le goût d'Omicron, il est en réduction aussi dans notre pays, il est en augmentation en pourcentage de contaminations, mais en réduction, en nombre de contaminations, parce que la dynamique épidémique est très baissière. Non, ce n'est pas ça, s'il y avait un nouveau variant issu de Delta, d'Alpha, de tous les vilains variants qu'on a pu connaître depuis 2 ans, on ne peut pas exclure d'avoir une vague un peu plus dangereuse, mais l'évolution naturelle serait qu'on entendra encore parler du Covid, ce n'est pas terminé, ce n'est pas derrière nous, en revanche on devrait vivre avec plus de tranquillité, au moins au cours des prochains mois.
SALHIA BRAKHLIA
Vous disiez, il y a quelques instants, que l'allégement des mesures, les décisions que vous preniez, allaient dans le bon sens, à partir d'aujourd'hui les discothèques peuvent rouvrir, on peut à nouveau manger des pop-corn au cinéma, assister à un concert en dansant, mais le port du masque, lui, ne sera plus exigé à l'intérieur qu'à partir du 28 février, là où le pass vaccinal est encore exigé, quand pourra-t-on définitivement ranger ce masque ?
OLIVIER VERAN
Si on suit, et on suivra vraisemblablement notre stratégie d'allégement proportionné à la gravité de la situation sanitaire et épidémique, un allégement qui est progressif, qui est adapté à ce que nous voyons, et qu'on reste sur une logique de paliers de 15 jours, pourquoi ? parce qu'on voit que ça nous sécurise d'avoir 15 jours de recul, on sait quel est l'impact de l'allègement sur l'évolution épidémique, et si ça se passe bien, eh bien ça nous évite d'avoir des « stop and go », comme on en voit en Europe, de faire des retours en arrière, si on suit cette dynamique, 15 jours après le 28 février, vous l'avez dit, qui est une étape importante, ça nous amène à la mi-mars, on pourrait commencer à se poser sérieusement la question du port du masque en intérieur, chez les adultes et chez les enfants, mais également…
MARC FAUVELLE
Dans les transports, au travail ?
OLIVIER VERAN
Probablement, et la question du pass vaccinal, peut-être pas dans tous les milieux, peut-être qu'on gardera à ce moment-là le pass vaccinal dans les endroits à fort risque de contamination, on vient de rouvrir les discothèques, on sait que c'est à risque, on ne va peut-être pas mettre en péril la réouverture des discothèques au bout de seulement un mois, donc je ne dis pas qu'on allégera tout, on gardera peut-être encore une queue de comète de mesures, jusqu'à fin mars-début avril, ce qui a été dit par Alain FISCHER, rappelé par le porte-parole Gabriel ATTAL, mais probablement qu'à la mi-mars, si les conditions sont réunies, on pourra commencer vraiment à… on pourra alléger à nouveau. Les conditions réunies, ça veut dire quoi ? que l'hôpital est en état de fonctionnement normal, on n'est plus obligé de déprogrammer des soins, ça veut dire que la charge sanitaire en réanimation elle n'excède pas 1000, 1500 malades, ce que nous disent les modélisations aujourd'hui, et ça veut dire que la circulation du virus elle se poursuit, mais elle est très faible dans notre pays, ce que nous disent aussi les modélisations aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que nous avons, pardon de le rappeler, une couverture vaccinale absolument optimale, on est l'un des pays les mieux vaccinés au monde, et c'est cette protection collective qui nous permet d'avancer avec prudence, en donnant de la visibilité aux Français, sans faire flamber le virus…
SALHIA BRAKHLIA
La visibilité c'est, à la mi-mars, sans doute plus de masques dans les entreprises, ou dans les transports en commun ?
MARC FAUVELLE
C'est bien ça ?
OLIVIER VERAN
Et probablement, vous imaginez bien que si on demande aux adultes, on n'oblige plus les adultes à porter le masque en intérieur, ce sera difficile de demander aux enfants de continuer de le porter.
SALHIA BRAKHLIA
Donc plus de masques en classe ?
MARC FAUVELLE
Peut-être dès le mois de mars la fin du masque à l'intérieur pour les petits ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis que le raisonnement qui est le nôtre aujourd'hui, sur la base de l'évolution de l'épidémie…
MARC FAUVELLE
Ce sera le mois de la libération mars, si tout va bien en tout cas.
OLIVIER VERAN
Eh bien écoutez, si le virus circule beaucoup moins et que les hôpitaux sont, encore une fois, en état de fonctionner, rien ne nous empêchera de le faire.
SALHIA BRAKHLIA
Et alors, pass vaccinal, fini le pass vaccinal, fini le masque, mais pas en même temps, c'est-à-dire que si à la mi-mars on met fin au masque à l'intérieur, pour le pass vaccinal ce sera 15 jours plus tard, si on suit votre logique ?
OLIVIER VERAN
Non, on pourrait également commencer à alléger le pass vaccinal plus tôt, mais conserver le pass vaccinal dans les endroits qui sont très à risque.
SALHIA BRAKHLIA
Comme les boîtes de nuit ?
OLIVIER VERAN
Comme par exemple les discothèques, et là ça serait jusqu'à fin mars-début avril
MARC FAUVELLE
Ça veut dire qu'à part le pass vaccinal il est possible que dans un mois, environ, il n'y ait plus aucune restriction en France ?
OLIVIER VERAN
Oui, mais à l'instar de ce que nous avons connu dans notre pays à plusieurs reprises, on revient à un état quasi normal, dès lors qu'on a passé la vague, dès lors que les hôpitaux ont tenu, dès lors que les hôpitaux sont en capacité de refonctionner normalement, mars présente aussi l'avantage d'être la sortie de la période hivernale, avec son cortège de grippes, de gastros, qui conduisent beaucoup de gens à l'hôpital, c'est aussi la fin du gros de la saison de ski, donc la fin des traumatismes qui prennent aussi des lits en réanimation, tout cela doit nous permettre véritablement d'envisager l'avenir de manière plus sereine. Je le redis, tout cela est conditionné, est proportionné, à la situation épidémique et sanitaire telle qu'observée à la mi-mars.
SALHIA BRAKHLIA
Vous entendez déjà Olivier VERAN, ce que va dire l'opposition, vous faites sauter toutes les restrictions avant l'élection présidentielle, à 10 ou 15 jours de la présidentielle.
OLIVIER VERAN
Mais Salhia BRAKHLIA, si je vous disais qu'alors que le virus ne circule presque plus, à l'heure où les réanimations seraient quasiment vides et les hôpitaux fonctionneraient normalement, on maintenait malgré tout le pass, le masque partout, vous me diriez mais est-ce que ce n'est pas pour les présidentielles que vous voulez maintenir de la tension sanitaire, pour que les gens votent pour le président actuel ? De toute façon on sera toujours attaqués là-dessus, ce n'est pas le sujet, moi je vous donne un raisonnement qui est le même raisonnement que celui que nous suivons, avec efficacité, depuis plusieurs mois, des paliers de 15 jours, des mesures qui sont proportionnées et adaptées à la situation sanitaire et épidémique, et on se donne toujours le recul nécessaire pour vérifier l'impact des décisions que nous avons prises.
MARC FAUVELLE
Toujours avec Olivier VERAN. On parlait du Danemark il y a quelques instants, Danemark où l'épidémie repart ces derniers jours, et pourtant le pays a fait savoir qu'il allait très probablement arrêter la campagne de vaccination d'ici à la fin du mois. Est-ce que la même chose est envisagée en France ?
OLIVIER VERAN
En France nous ne sommes pas dans la situation danoise parce que nous avons quasiment vacciné toute la population, y compris en rappel. Vous savez, il reste quelques millions de Français qui sont attendus dans les centres de vaccination, chez les médecins et chez les pharmaciens pour être parfaitement protégés. On a une couverture qui est optimale et ensuite d'ailleurs, nous-mêmes nous poserons la question de désarmer progressivement les centres de vaccination comme nous l'avions fait l'été dernier.
MARC FAUVELLE
Raison de plus si la couverture est optimale pour arrêter la campagne, non ?
OLIVIER VERAN
Oui, mais elle n'est pas encore terminée. Il y a encore des gens qui ne sont pas protégés, qui n'ont pas eu le rappel. On voit l'impact de cette protection vaccinale sur la population alors qu'on a eu 500 000 contaminations par jour par un variant Omicron. Nos hôpitaux ont tenu. Nous aurions eu beaucoup de décès et beaucoup moins de décès que nous aurions à déplorer si nous n'avions pas cette couverture vaccinale.
MARC FAUVELLE
Ce qui nous empêche d'être effectivement les champions mondiaux de la vaccination, Olivier VERAN, ce sont les chiffres de la vaccination chez les enfants. Chez les 5-11 ans contrairement à la quasi-totalité de nos voisins, on n'y arrive pas. On est à 5 % de vaccinés, 95 % d'enfants non vaccinés. Est-ce que là-dessus vous reconnaissez que c'est un échec très net ?
OLIVIER VERAN
Alors je ne parlerais pas, pardonnez-moi de le dire, d'échec. En revanche je prends mon bâton de pèlerin. Les pédiatres, les médecins généralistes avec moi, avec nous, avec le professeur FISCHER, la communauté scientifique pour dire et redire aux parents que vacciner son enfant c'est ne pas prendre le risque qu'il fasse partie de ces enfants, de ces centaines d'enfants qui sont hospitalisés pour une forme grave de Covid. Avec le vaccin, leur enfant ne risque rien ; qu'avec le Covid, il risque de faire une forme grave. Et on a atteint jusqu'à 500 patients sur une semaine, hospitalisés, 500 patients enfants - pardon – hospitalisés, qui n'avaient rien à faire l'hôpital et qui n'y seraient pas s'ils avaient été vaccinés. Merci de souligner qu'il y a des pays en Europe qui vaccinent très fortement les enfants. Je le redis, elle est gratuite, l'accord d'un parent suffit.
MARC FAUVELLE
C'est parce qu'on a beaucoup changé la règle en France, un parent puis deux parents, puis un parent, non ?
OLIVIER VERAN
Non, pardonnez-moi ce n'est pas ça. Non, non. Je crois qu'il y a une forme de fausse rassurance vis-à-vis des enfants, pour les enfants vis-à-vis du Covid.
MARC FAUVELLE
Peut-être parce que Jean-Michel BLANQUER a expliqué pendant des mois qu'il n'y avait aucun risque à l'école. Que les enfants ne risquaient rien.
OLIVIER VERAN
Non. Je veux bien vous vouliez pointer la responsabilité politique…
MARC FAUVELLE
Non. Qu'est-ce qui fait la différence entre nous et tous les autres ?
OLIVIER VERAN
On est par essence responsable de tout. Le rapport à la vaccination est différent dans notre pays que dans certaines nations qui ont connu des épidémies beaucoup plus fortes et qui ont une culture de la vaccination infantile différente. Regardez : la France est le pays qui a été obligé de passer par la loi pour rendre la vaccination contre la rougeole systématique, là où la plupart des pays qui nous entourent n'ont pas besoin parce que les parents se ruent sur le vaccin anti-rougeole parce qu'ils connaissent les dégâts de la rougeole. Donc il y a ce fait historique. On continue vraiment de pousser les feux de la vaccination. Je le dis, il y a des enfants qui sont hospitalisés pour des formes graves de Covid. Ça arrive. Des enfants qui peuvent faire des cas de Covid long, ça arrive et c'est évitable, voilà. Et le deuxième point, pardon et après j'arrête : je le redis à chaque fois, les femmes enceintes. 30 % des femmes enceintes dans notre pays ne sont pas vaccinées. Si une femme est enceinte et qu'elle n'est pas vaccinée, le risque d'accouchement prématuré est multiplié par 20. Voilà, multiplié par 20. Je ne comprends pas ce qui peut pousser à ne pas se faire vacciner quand on entend ce chiffre-là.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, à partir du 28 février également, un seul test suffira pour les cas contacts. Un test PCR antigénique ou un autotest. Est-ce qu'on pourrait bientôt ne plus en faire du tout des tests ?
OLIVIER VERAN
Notre système de contact tracing, de tests, etc., il va évoluer naturellement. Il va évoluer avec le profil de l'épidémie. Ce qui est certain c'est que 1/ On ne va jamais se désarmer. On continuera par exemple de faire du séquençage génétique pour voir s'il y a des nouveaux variants qui apparaissent. Deuxième principe : on n'empêchera jamais les gens de vérifier s'ils n'ont pas le Covid s'ils pensent qu'ils l'ont.
MARC FAUVELLE
Gratuitement pour les vacciner ?
OLIVIER VERAN
Dès lors que ce sera une orientation peut être médicale. Nous verrons comment cela évoluera dans le temps. Troisièmement, on privilégiera toujours les personnes les plus fragiles ou les personnes dans les milieux à risque ou les cas de contamination groupée. Et on va garder surtout toute la culture accumulée depuis deux ans de cette gestion de crise de savoir-faire que nous avons acquis, qui est précieux, pour faire face à toute éventualité…
SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce qu'à un moment vous allez dire…
MARC FAUVELLE
Mais qu'est-ce qui change ?
OLIVIER VERAN
Déjà ce qui change, c'est le nombre de tests qui baisse. ? On était monté à 12 millions, on va passer en dessous des 5 millions de tests par semaine. On va descendre ensuite à 2 millions, un million.
MARC FAUVELLE
Mais est-ce que par exemple, on pourrait réserver les tests aux personnes fragiles - ça vous l'avez dit - mais uniquement aux personnes symptomatique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ?
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas d'actualité aujourd'hui mais si nous avons des mois de recul sans nouvelle vague de Covid, ce que je vais vous dire c'est qu'au moment de progressivement relâcher l'arsenal dont nous disposons aujourd'hui, on le fera avec intelligence en privilégiant toujours la sécurité, la continuité, la surveillance pour les Français.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, est-ce que vous conseillerez, vous, les EHPAD ORPEA à vos parents ou aux parents d'un de vos proches ?
OLIVIER VERAN
Moi je suis comme tous les Français, si un de mes proches âgés pouvait rester à la maison et vieillir à la maison, je ferais tout en oeuvre pour qu'il puisse vieillir à la maison.
SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas tout le temps le cas.
OLIVIER VERAN
Je vous dis que c'est d'abord le souhait de tous les Français. Je commence par ça parce que c'est la politique que nous menons, et c'est la politique que nous portons et que je porte, et que je porte avec Brigitte BOURGUIGNON qui est Ministre déléguée auprès de moi chargée de l'Autonomie et que nous portons depuis deux ans au sein de ce gouvernement. Faire en sorte que les gens puissent vieillir chez eux, c'est pour ça que nous avons créé le congé proche aidant. C'est pour ça que nous multiplions les aides. C'est pour ça que nous équipons les domiciles avec des dispositifs de téléalarme etc., pour que les gens puissent rester plus longtemps chez eux. Et puis la situation peut se présenter où c'est impossible de rester chez toi parce que l'autonomie n'existe plus, parce que c'est trop compliqué et parce que ce n'est plus assez sécurisé. Et dans ce cas-là, je chercherais à titre personnel à mettre mon proche dans un EHPAD dont je sais qu'il fonctionne à taille humaine avec des capacités de soins, de bien-traitance, d'organisation tournée vers le bien-être.
SALHIA BRAKHLIA
Un EHPAD privé ou un EHPAD public ?
OLIVIER VERAN
Je vais vous dire, pardon…
SALHIA BRAKHLIA
Mais quand vous voyez ce qui se passe aujourd'hui ?
OLIVIER VERAN
Je l'ai déjà dit, pardon pour ceux qui l'ont déjà entendu : j'ai commencé comme aide-soignant, j'ai bossé en EHPAD. J'ai bossé dans des EHPAD publics et dans des EHPAD privés.
MARC FAUVELLE
Chez ORPEA, vous avez travaillé ?
OLIVIER VERAN
Non, ça n'existait pas comme groupe encore ?
MARC FAUVELLE
Chez KORIAN, concurrent ?
OLIVIER VERAN
Honnêtement, ça remonte à une vingtaine d'années. Partout on était deux la nuit pour cent personnes, dans le public et dans le privé, donc ne me posez pas cette question. Dans le cas d'ORPEA, il y a une enquête de l'Inspection générale des finances, parce que manifestement il y aurait des problèmes financiers et avec peut-être même des questions délictuelles - c'est à l'enquête de le montrer puis la justice qui a été saisie. Et puis j'ai saisi également l'Inspection générale des affaires sociales pour diligenter une enquête sur les modes de fonctionnement du groupe. Moi je ne veux pas que des soignants qui travaillent dans un EHPAD se voient rationnés en matériel essentiel pour l'hygiène et le bien-être des personnes dont ils prennent soin. Parce que les soignants dans les EHPAD, je peux vous dire qu'en termes de vocation ils l'ont accrochée au cou. Ils font des journées et des nuits dans des conditions qui sont difficiles. Ils ont un amour profond pour les personnes âgées dont ils prennent soin et ils veulent avoir des bonnes conditions de travail. C'est pour ça que je vous le dis, moi : depuis que je suis ministre, nous avons augmenté quand même de 10 % déjà le nombre de personnes qui s'occupent des personnes âgées.
SALHIA BRAKHLIA
À gauche, certains proposent de nationaliser les EHPAD privés. Vous dites quoi, vous ?
OLIVIER VERAN
À gauche certains mais, vous savez, vous avez aussi à gauche des gens qui ont permis le développement des EHPAD privés, considérant que c'était un système qui fonctionnait sur ses deux jambes. La question pour moi n'est pas le statut de l'EHPAD encore une fois. Pour moi, la question c'est l'organisation de l'EHPAD, le contrôle. Par exemple en termes de contrôle, il y a quelque chose qu'on demande aujourd'hui aux hôpitaux qu'on ne demande pas aux EHPAD, ce qu'on appelle la certification. Ça paraît un gros mot pour vos auditeurs mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on envoie des auto-questionnaires aux équipes de l'établissement et on leur demande d'évaluer leur capacité à remplir telle ou telle mission et dans quelles conditions. Et ensuite on envoie une équipe sur place et on regarde avec eux et on leur dit : ça c'est bon, ça ce n'est pas bon, on reviendra pour regarder quelles méthodes correctives vous avez apportées.
SALHIA BRAKHLIA
Donc il faut plus contrôler les EHPAD privés.
OLIVIER VERAN
Pas que privés encore une fois. Je cherche à sortir de ce débat entre le privé et le public parce que je considère que l'enjeu de la bien-traitance, il ne vient pas de personnels soignants qui seraient déviants, ce n'est pas le cas. Qu'ils soient dans le public ou dans le privé vous avez les mêmes, vous avez des gens qui ont la même vocation et la même charge de travail. Par contre ils ont tous la même demande : avoir la capacité d'offrir des soins et du confort aux résidents dans les EHPAD.
MARC FAUVELLE
Olivier VERAN, 2 millions de femmes souffrent en France d'endométriose. Ce sont des fortes douleurs pendant les règles, c'est une maladie qui est également la première cause d'infertilité dans notre pays. Est-ce qu'il faut la classer comme une affection longue durée pour l'ensemble des femmes qui en souffrent aujourd'hui, ce qui permettrait une prise en charge entièrement gratuite ?
OLIVIER VERAN
Vous savez que le président de la République a pris le sujet de l'endométriose à bras le corps.
MARC FAUVELLE
C'est pour ça que je vous pose la question.
OLIVIER VERAN
C'est un million et demi peut-être de femmes qui en souffrent dans notre pays, souffrance silencieuse, 7 ans de retard au diagnostic et ce que nous voulons c'est qu'une jeune fille puisse être diagnostiquée très tôt et qu'elle puisse être suivie dans de bonnes conditions avec des centres ressources, des centres référence, les bons examens diagnostic, le bon traitement et le suivi du risque d'infertilité. C'est la première cause d'infertilité. Je le dis parce que ce n'est pas forcément clair pour les auditeurs et je profite de la tribune que vous me donnez pour rappeler ces essentiels, et nous allons mettre le paquet là-dessus.
MARC FAUVELLE
Affection longue durée pour toutes ?
OLIVIER VERAN
Après ensuite la prise en charge. Aujourd'hui il y a plusieurs milliers de femmes qui souffrent d'endométriose et ce qui sont en affection longue durée. Pourquoi ? Parce que le coût des soins qu'elles reçoivent est supérieur à ce qu'elles sont capables de payer ou même, tout simplement, il doit être pris par la solidarité nationale. Donc il existe déjà un dispositif d'affection longue durée qu'on appelle l'ALD 31.
MARC FAUVELLE
Mais quelques milliers seulement.
OLIVIER VERAN
Quelques milliers donc ce n'est pas assez. Donc ce que j'ai annoncé dans le comité de stratégie aux associations de patientes qui se mobilisent, aux professionnels, c'est que nous allons élargir très fortement ces critères pour que plus une seule patiente souffrant d'endométriose avec une endométriose active, des symptômes qui nécessitent des soins et qui engendrent des coûts ne soit privée d'une affection longue durée. Ce qui ne veut pas dire que toutes les patientes dès qu'elles sont diagnostiquées pour une endométriose doivent être considérées comme longue maladie. D'ailleurs ce n'est pas forcément la demande de toutes les associations. Vous pouvez avoir une forme d'endométriose heureusement légère, ou par moment qui soit très active et à des moments, pendant plusieurs années, qui vous laisse tranquille. Donc il faut encore une fois adapter à la carte pour chaque patiente, et c'est ce traitement, cet abord individuel des choses et spécialisé des choses que nous voulons et que le président de la République m'a demandé de porter.
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre de la Santé Olivier VERAN. Un livre enquête qui sort demain estime que le gouvernement a dépensé entre 1,5 milliard et 3 milliards d'euros par an en cabinets de conseil privés, pour votre ministère uniquement 47 commandes ont été passées à ces cabinets en 1,5 an, est-ce que vous reconnaissez ce chiffre ?
OLIVIER VERAN
On a passé un certain nombre de commandes à des cabinets de conseil, alors ce n'est certainement pas cette somme-là, pour le la crise Covid je crois que c'est 25 millions d'euros, sur 30 milliards de dépenses, qui sont consacrés à du cabinet de conseil, non seulement je le reconnais, mais je le revendique sans aucun problème, c'est ce que font tous les pays au monde, quand vous traversez une crise, comme celle que nous avons, quand vous devez monter en urgence 1700 centres de vaccination, mobiliser 60.000 personnels soignants, jour et nuit, et week-end, monter toute une stratégie logistique depuis deux entrepôts nationaux vers 100 hôpitaux pivots, puis vers…
MARC FAUVELLE
Mais par exemple, on avait besoin d'un cabinet en avril 2020 pour recenser le nombre de masques disponibles, on n'était pas capable de le savoir ?
OLIVIER VERAN
Mais attendez, on peut se replonger deux secondes en mars et en avril 2020 ?
MARC FAUVELLE
Oui, c'était compliqué à ce moment-là.
OLIVIER VERAN
Vous saviez où ils étaient, vous, les masques, vous saviez, comme ça, qu'il y avait 40.000 masques ?
SALHIA BRAKHLIA
Nous on n'est pas au ministère de la Santé.
MARC FAUVELLE
Il n'y a personne, au ministère, qui avait la liste ?
OLIVIER VERAN
Mais attendez, il y avait 40.000 masques, par exemple, à la Cour des comptes, je crois, parce que les consignes depuis quelques années c'était stockez vous-même les masques dans les différents organismes, dans les différents territoires, dans les collectivités, dans les entreprises, stockez vous-même les masques, donc au moment de faire un inventaire de tous les masques qui existent, oui, on fait appel à des gens qui sont experts de ces questions-là.
SALHIA BRAKHLIA
Non, ce qui est étrange c'est de faire appel à un cabinet privé pour discuter entre administrations.
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas pour discuter entre administrations.
SALHIA BRAKHLIA
Vous convenez que c'est différent ?
OLIVIER VERAN
Non, je vais vous dire ce qu'il y a derrière. Ce qu'il y a derrière c'est que le privé ce serait sale dans notre pays, c'est-à-dire que quand vous avez des gens qui sont talentueux, quand vous avez des ingénieurs, des logisticiens, des manutentionnaires, parce qu'ils sont sous statut privé et qu'ils ne sont pas sous statut public c'est sale, et c'est les mêmes gens…
SALHIA BRAKHLIA
Non, ce n'est pas ça Olivier VERAN, c'est que ça coûte de l'argent aux contribuables.
OLIVIER VERAN
Moi je sais, j'étais en commission d'enquête nationale sur cette question, et ce sont les mêmes personnes qui considèrent, parfois, qu'il y a trop de fonctionnaires et que la dépense publique est excessive, et ce sont les mêmes personnes qui vous diront que vous n'avez pas été assez efficace au moment de prendre des décisions ou de savoir ce que vous avez et où. Donc, moi ce que j'ai recherché, pendant cette crise sanitaire, c'est l'efficacité, on nous a reproché d'en manquer, je vous rappelle le début de la campagne vaccinale, donc de nous être entourés de tous les talents qui venaient du privé, comme du public, dans le public des gens qui venaient de la gendarmerie, ou des militaires, ça ne choque personne si on fait venir un logisticien de l'armée pour nous épauler, mais ça choquerait si on fait venir un logisticien du secteur privé pour nous épauler, je considère que c'est un…
SALHIA BRAKHLIA
Parce que ça coûte plus cher en fait.
OLIVIER VERAN
C'est normal d'évaluer, et d'ailleurs je participe aux évaluations, mais franchement j'ai du mal à comprendre le sens politique de ce débat, sauf à dire, encore une fois, au secteur privé qu'il n'a pas vocation à participer aux grandes crises, à la gestion des grandes crises que peut connaître notre pays, ce n'est pas le cas, et d'ailleurs les entreprises ont produit des masques, les entreprises ont produit du gel hydro-alcoolique, les entreprises ont fait de la recherche pour développer des médicaments, on a besoin du secteur privé.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, vous dites que là tout est normal, sauf que vous avez quand même reçu une circulaire du Premier ministre il y a quelques jours vous demandant d'avoir moins recours à ces cabinets privés, c'est qu'il y a eu de l'abus à un moment, non ?
OLIVIER VERAN
Moi je n'ai pas reçu de circulaire demandant spécifiquement au ministère, dans le cadre de la gestion de crise, de faire moins appel aux cabinets privés. On a encore des contrats en cours…
SALHIA BRAKHLIA
Il l'a visiblement envoyée à tous les ministères.
OLIVIER VERAN
Sur la stratégie vaccinale, on a encore une équipe qui nous épaule, qui épaule ce qu'on appelle la Task force vaccinale, qui sont capables de produire des données, c'est intéressant. Encore une fois, notre pays était en guerre, ça a été les mots du président, ils étaient vrais, quand vous devez équiper un TGV en 48 heures pour faire de ce TGV normal un TGV qui va transporter 30 malades, en coma, intubés, ventilés, du Grand Est vers le Sud-est de la France, vous avez 48 heures pour le faire, vous êtes quand même content de trouver des gens qui ont la compétence pour le faire, ils sont dans le secteur privé, ils ne sont pas dans les administrations, ils ne sont pas dans les bureaux de mon ministère, donc voilà, je vous ai répondu. C'est normal être évalué encore une fois, ce n'est pas le sujet, mais à chaque fois c'est haro sur tout, dans notre pays on ne peut pas reconnaître parfois qu'il y a des choses qui ont réussi et qu'il y a une mobilisation – je ne parle pas de réussite politique - je parle de formidable mobilisation de tout le monde dans notre pays, au service d'une cause, sauver des vies.
MARC FAUVELLE
Olivier VERAN, Emmanuel MACRON va se déclarer candidat dans les jours qui viennent, plus personne évidemment n'a de doute sur le fait qu'il le soit, quel est votre principal adversaire, aujourd'hui quelle est la personnalité que vous redoutez le plus d'affronter ?
OLIVIER VERAN
Moi je ne redoute pas d'affronter qui que ce soit, je souhaite que le président soit notre candidat pour les élections présidentielles à venir, je souhaite que chacun de nos concurrents puisse clarifier ses lignes, parce qu'aujourd'hui c'est inaudible…
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire ?
OLIVIER VERAN
Qu'on puisse offrir aux Français un débat politique de qualité.
MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qui est inaudible aujourd'hui ?
OLIVIER VERAN
La gauche en est à chercher le numéro de téléphone des uns et des autres pour organiser des réunions, pour savoir est-ce que tout le monde y va ou est-ce qu'on essaye de se regrouper, on est quand même à moins de 2 mois des élections présidentielles, et à droite on pensait qu'on aurait plusieurs nuances de droite, de la droite républicaine vers l'extrême-droite, moi je considère que depuis dimanche et le discours de Valérie PECRESSE, qui parle de grand remplacement, comme si c'était tout à fait normal…
MARC FAUVELLE
Non, qui dit « avec moi il n'y aura pas de grand remplacement. »
SALHIA BRAKHLIA
Elle dit qu'elle le combat.
MARC FAUVELLE
Elle l'a même précisé hier soir sur France 2.
OLIVIER VERAN
Attendez, excusez-moi, le discours de Valérie PECRESSE il a été écrit.
MARC FAUVELLE
Oui.
OLIVIER VERAN
Il a été relu.
MARC FAUVELLE
Oui.
OLIVIER VERAN
Il a été encore relu.
MARC FAUVELLE
Sans doute.
OLIVIER VERAN
Il a été encore et encore relu, et il a été, on va dire, récité, donc, ce discours-là, on ne peut pas avoir des sens cachés aux mots qui ne soient pas calculés, Valérie PECRESSE a brandi un bâton de dynamite, et ensuite elle nous explique « ne vous inquiétez pas, je n'avais pas le détonateur dans la poche. » Donc, manipuler le concept du grand remplacement devant des milliers de militants et devant la France qui vous regarde à la télé, excusez-moi, ça veut dire qu'il y a plusieurs nuances de droite, plusieurs nuances de droite-extrême, donc que chacun clarifie sa ligne. Je dis ça, parce que je me mets à la place d'un héritier de CHIRAC, de De GAULLE, ou même de SARKOZY, qui écoute ça, il y a 5 ans, un candidat d'extrême-droite, il y a 5 ans, parlait de grand remplacement, on disait « il va loin », aujourd'hui vous avez la candidate des Républicains qui vous dit ça, et après elle va vous expliquer « ah mais ce n'est pas ce que j'ai voulu dire », donc voilà, chacun clarifie ses lignes, nous on va avoir un programme, continuer de réformer le pays, continuer de porter le modèle, qui est le nôtre, au pouvoir depuis 5 ans, il y a énormément de choses que nous avons faites, il y a encore énormément de choses que nous voulons faire, les Français choisiront, mais il faut de la clarté dans ce débat.
MARC FAUVELLE
Je voudrais qu'on précise ce que vous avez dit tout à l'heure, il y a un quart d'heure environ, parce que j'ai un tout petit doute sur le calendrier que vous nous avez annoncé ce matin au micro de France Info. 28 février prochain, dans une quinzaine de jours, on enlève le masque partout où il y a un pass vaccinal, par exemple dans les cinémas ou les restaurants, au mois de mars il se passe quoi très précisément ?
OLIVIER VERAN
A la mi-mars, si les hôpitaux sont en état normal de fonctionnement, et si la circulation du virus est très faible, nous pourrons enlever les masques, pour les adultes et pour les enfants, dans tout ou partie des lieux fermés, y compris sans pass, et nous pourrons commencer à alléger fortement le dispositif du pass vaccinal, peut-être pas tout en bloc, peut-être qu'on gardera des mesures pour la fin mars-début avril, mais un palier de 15 jours, un palier de 2 semaines, comme nous le faisons depuis plusieurs mois.
MARC FAUVELLE
Donc, si tout va bien, fin du masque à l'école à la mi-mars, fin du masque dans les entreprises à la mi-mars ? Fin du masque dans les transports à la mi-mars ?
OLIVIER VERAN
Fin du masque progressive dans les lieux fermés à la mi-masque, à la mi-mars…
MARC FAUVELLE
A la mi-masque.
OLIVIER VERAN
Lapsus pour terminer.
MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Olivier VERAN.
SALHIA BRAKHLIA
Et bonne journée.
OLIVIER VERAN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 février 2022