Texte intégral
BERNARD POIRETTE
C’est l’heure de notre invitée politique, maintenant. Et cette invitée, en duplex de Nantes, avec nous, ce matin sur LCI, est Sarah EL HAIRY, qui est la secrétaire d'État en charge de la Jeunesse et du Service national universel. Madame, bonjour.
SARAH EL HAÏRY
Bonjour.
BERNARD POIRETTE
Alors, je sais que vous êtes en congés, mais je sais aussi que vous suivez l’actualité, forcément, et vous suivez notamment j’imagine le drame qui a touché la ville de Colmar et cette petite communauté afghane, suite à ce qui s’est passé il y a quelques jours : un jeune homme, donc, qui faisait du rodéo avec sa moto, il a été interpellé parce qu’il faisait du bruit, il a été interpellé par ce jeune Afghan, il revient avec une arme de poing et il tire, il le tue et il est en fuite. Vous, qui êtes secrétaire d'État à la Jeunesse, ça vous a inspiré quoi ? Vous avez pensé quoi, quand vous avez appris ça ?
SARAH EL HAÏRY
Vous savez, dans notre pays, il y a des lois, et les lois sont faites pour être respectées. On a lutté contre les rodéos urbains, parce que ça crée effectivement beaucoup de nuisances pour les riverains, et ça a été un combat à l’Assemblée nationale sous l’ancien quinquennat ; là c’est un acte de violence, au-delà. Moi, j’espère que la mesure et les contraintes seront fermes, qu’il y aura des conséquences immédiates, parce que jamais, jamais, aucune violence ne doit être justifiée, ni tolérée.
BERNARD POIRETTE
Alors, madame EL HAÏRY, en l'occurrence là il y a une part de rodéo urbain effectivement, parce que le gars était là avec sa moto, mais il n’a pas été coursé par la police, c'était un peu particulier comme contexte. Est-ce qu'il vous semble que la loi actuelle pour lutter contre ces fameux rodéos, qui ne sont pratiqués que par des jeunes des cités en quelque sorte, qui date de 2018, est suffisante ou est-ce qu'il faut la réaménager, pour permettre notamment aux policiers d'intervenir directement sur ces jeunes qui prennent la fuite devant eux, et qu'ils n'ont pas le droit d'interpeler ?
SARAH EL HAÏRY
Vous savez, la priorité des priorités c'est d'appliquer cette loi, telle qu’elle est, et si elle doit être améliorée, renforcée, eh bien le temps arrivera, mais ça ne part jamais d'un fait divers, ça ne part jamais d'une situation particulière. Moi ce que je sais, c'est qu’aujourd'hui nos forces de l'ordre luttent sans relâche contre les nuisances, contre les rodéos, contre la délinquance quelle que soit notre territoire. Et plus que jamais, moi, j’ai envie de saluer leur travail et laisser évidemment le temps aux parlementaires d'évaluer une loi qui a été votée il n'y a pas si longtemps, et voir s'il y a des améliorations à faire, mais toujours faire attention de ne pas partir d'un fait particulier, pour une généralité. Aujourd'hui, les rodéos urbains sont des vrais fléaux dans nos villes, il y en a à Nantes, il y en a malheureusement à Colmar, il y en a dans beaucoup de villes françaises, plus que jamais la saisie des biens, l'interpellation des jeunes qui font des rodéos et leur condamnation, est la mesure nécessaire pour beaucoup de fermeté. Ensuite, bien sûr beaucoup d'éducation et de prévention, la responsabilité des parents dans cette éducation, bien sûr, toujours, parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des engins motorisés qui sont utilisés, et au-delà de ça, plus que jamais de la sécurité routière, parce qu'on sait que ça provoque des accidents et ça met en danger des vies.
BERNARD POIRETTE
Éric DECOUTY à une question pour vous, madame.
ÉRIC DECOUTY
Oui, madame EL HAÏRY, on vous entend "ne pas réagir, sur-réagir à un fait divers", vous avez dit, donc vous considérez que les déclarations de Gérald DARMANIN il y a quelques jours, de modifier la loi justement, à chaud, après une succession d'épisodes en région parisienne, était une mauvaise idée et qu’aujourd'hui ça n'est pas le sujet, Gérald DARMANIN s'est trompé selon vous ?
SARAH EL HAÏRY
Absolument pas. Absolument pas. Le ministre de l'Intérieur est compétent sur la tranquillité publique, sur l'ordre public, sur la sécurité, et encore une fois il est le premier en charge de cette sécurité du quotidien, et donc il évalue cette loi, avec les parlementaires, et s'il faut la modifier, il faudra la modifier. Mais encore une fois, je ne crois pas que ce soit utile, en tout cas aujourd'hui moi je suis en charge de cette jeunesse, en charge de l'engagement, en charge des chemins d'émancipation, et je suis une parlementaire, et parce que j'étais députée, alors je sais à quel point ce travail d'évolution de la loi se fait avec le ministre concerné et les parlementaires.
BERNARD POIRETTE
Madame EL HAÏRY, vous êtes en charge notamment du Service national universel, qui intéresse en priorité les jeunes de 15 à 17 ans. Alors, on sait pourquoi et dans quel état d'esprit ce Service national a été mis en place, mais par exemple dans la situation actuelle de l'armée française, qui manque de personnel, qui manque peut-être de vocation et d'attrait, est-ce qu'il vous semble que ce SNU, appelons-le comme ça, peut être un élément aspirant et inspirant pour les jeunes ?
SARAH EL HAÏRY
Le Service national universel, c'est d'abord une aventure citoyenne. Le Service universel n'est pas le service militaire, il a vocation à créer de l'engagement, de la mixité, un temps aussi de compréhension entre nos jeunesses. Revenons à l'essence même. Nos jeunes ne se croisent plus. Entre 15 et 17 ans, un jeune de Colmar, un jeune de Nantes, un jeune d'Aurillac, un jeune de Guéret, n'a plus finalement de temps en commun. Eh bien pour créer ces temps, et pour qu'ils puissent apprendre, apprendre les gestes qui sauvent, apprendre à réagir devant des incendies, apprendre à réagir devant des intempéries, mais aussi finalement vivre la République au quotidien, c'est-à-dire se rend compte à quel point eh bien ils ont des points communs, le Service national universel est fait pour ça d'abord. C'est pour ça qu'il est encadré par l'Éducation nationale, le monde associatif, et des corps en uniforme, des réservistes ou des retraités de nos armées, pour finalement garder l'excellence des trois, l'excellence de nos armées, l'excellence de l'Éducation nationale et l'excellence du monde associatif et de l'engagement bénévole. C'est pour ces jeunes que nous investissons, pour qu'ils aient finalement les moyens de s'épanouir, de trouver leur place dans notre société, de devenir des bénévoles, de faire des services civiques, pour avoir suffisamment d'énergie, découvrir l'Europe et vivre leur citoyenneté européenne. Notre jeunesse, elle a besoin d'abord d'un champ des possibles, de plus d'égalité des chances, tout ça en créant du commun, c'est pour ça qu'il y a le Service national universel, c'est pour ça que ça ne coûte rien aux parents, qu'il n'y ait pas d'inégalité d'accès par la situation sociale, voilà le projet qu'est celui du Service national universel, créer encore plus finalement de commun, de collectif et de patriotisme.
BERNARD POIRETTE
Je vous entends bien madame EL HAÏRY, mais pourtant ce n'est pas forcément facile tous les jours avec les jeunes, vous-même par exemple, il y a quelques années, vous avez été confrontée à un problème, vous avez eu une prise de parole publique avec des jeunes, ensuite vous avez suggéré que soit chantée La Marseillaise, ils ne voulaient pas la chanter La Marseillaise, ça ne s'est pas bien passé entre eux et vous. Ce ne sont pas ces jeunes-là qui vont au Service national universel, ce sont d'autres jeunes à ce moment-là ?
SARAH EL HAÏRY
Le projet du Service national universel… Non, le projet du Service national universel, il est d'être par essence universel, c'est-à-dire des jeunes qui viennent de situations diverses. On ne leur demande pas s'ils sont en décrochage ou s'ils ont une mention à leur Brevet, on ne leur demande pas s'ils viennent des beaux quartiers ou des quartiers les plus en difficulté, on leur demande de venir vivre une aventure citoyenne, d'abord et avant tout. Et c'est pour ça que si ces jeunes qui ne souhaitaient pas, à un moment, chanter cette Marseillaise, absolument essentielle, parce que c'est un commun, se retrouvent avec d'autres jeunes et que tous les matins, ils lèvent notre drapeau, qu'ils chantent notre Marseillaise, et que l'après-midi ils font du sport, qu'ils découvrent nos institutions, et qu'ils créent ce souvenir commun, ce creuset républicain, alors que j'ai la certitude que, entre eux, eh bien ils bâtiront une société plus forte. Notre jeunesse elle n'est pas uniquement notre avenir, elle est notre présent. Et entre 15 et 17 ans eh bien, il y a des fondamentaux qui sont acquis, et je crois que se dire, vivre un séjour de cohésion, et ensuite rendre aussi en allant découvrir le monde associatif, en s'engageant à la SPA, en rejoignant les Cadets de la gendarmerie, en rejoignant les réserves qu'elles soient des armées ou de l'Éducation nationale, eh bien on prend sa place. Il n'y a pas plus beau moment qu'un moment où on retrouve de la fierté dans le regard de ses parents ou dans le regard de ses encadrants. Et là c'est un équilibre entre finalement un nouveau droit, un droit pour tous, pour toute notre jeunesse, et évidemment eh bien cette responsabilité, ce devoir de s'engager et de trouver l'engagement qui nous épanouit le plus, quels que soient les défis qui sont les nôtres aujourd'hui, la solitude, l'environnement, la crise climatique ou encore simplement eh bien cette nécessité de créer de la cohésion sociale.
ÉRIC DECOUTY
Oui, madame EL HAÏRY, on entend bien votre discours sur l’engagement… créer un creuset européen, au cœur de l’été il y a eu une proposition qui pourrait participer à créer ce creuset européen, notamment pour les jeunes, celle d’accorder le droit de vote aux étrangers aux élections municipales…
BERNARD POIRETTE
Tous les étrangers, tous.
ÉRIC DECOUTY
À tous les étrangers, est-ce que vous trouvez que c’est de nature, alors ça a été discuté, un peu controversé, est-ce que vous pensez que cette idée-là pourrait être de nature à justement participer à un élément d’intégration, notamment des plus jeunes ?
SARAH EL HAÏRY
Écoutez, aujourd'hui il y a cette proposition de loi qui a été déposée par Sacha HOULIE, qui est un de mes collègues à l’Assemblée nationale et président de la commission des lois, il se trouve que, moi à titre très personnel, je n’y suis pas favorable pour une raison toute simple. Mes parents ont été naturalisés, et pour participer à la vie citoyenne de notre pays ils ont fait le choix de rentrer dans notre communauté nationale. Maintenant, est-ce que faire vivre le Service National Universel, faire vivre des temps de cohésion comme le Service civique, eh bien, sont ouverts aux jeunesses qui sont sur notre territoire ? Bien sûr, ça a vocation à créer cette unité, quelle que soit en réalité la nationalité de la personne sur notre territoire. Maintenant l’expression démocratique du vote, même si aujourd'hui elle est ouverte aux citoyens européens pour les élections municipales moi je pense, mais à titre personnel, et le débat arrivera à la rentrée au sein de la majorité, qu’il y a quelque chose de fort que de demander à rentrer dans notre communauté nationale et de faire une demande de naturalisation.
BERNARD POIRETTE
D’accord, donc vous en tout cas, madame EL HAÏRY, si vous aviez à voter pour ou contre, vous voteriez contre avec ces arguments-là, c’est clairement entendu ?
SARAH EL HAÏRY
Le débat s’ouvrira certainement et j’ai partagé un avis, en tout cas une conviction très personnelle.
BERNARD POIRETTE
Vous-même je crois savoir que vous êtes membre de la réserve citoyenne de gendarmerie, c’est bien ça ?
SARAH EL HAÏRY
Tout à fait, je crois que chacun a quelque chose à apporter.
BERNARD POIRETTE
Et très pratiquement qu’est-ce que vous avez fait - dans le cadre de cette réserve vous êtes même colonel je crois, dans cette réserve citoyenne de gendarmerie – pratiquement vous êtes susceptible d’être rappelée pour venir filer un coup de main ou quoi ?
SARAH EL HAÏRY
Il se trouve qu’actuellement je suis membre du Gouvernement, mais quand je ne l’étais pas, quand on fait partie de la réserve bien sûr qu’on s’engage, on apporte une compétence, une expertise, du temps. Et vous savez, dans notre pays le plus important c’est de trouver finalement là où on est le plus utile, là où on a un pouvoir d’agir. Que l’on soit volontaire sapeur-pompier, et on a vu à quel point ils sont absolument essentiels aujourd'hui dans la lutte contre les incendies, que l’on rejoigne les cadets de la gendarmerie en étant un peu plus jeune, en permettant des actions de sensibilisation, d’ailleurs sur les incendies par exemple, puisque c’est notre actualité, ou lutter contre la solitude quand il y a de la canicule, quand on rejoint une réserve, celle de la police, ou encore, je pense à la réserve de l'Éducation nationale, eh bien on met à disposition de notre nation, de notre grand pays, une expertise, un savoir-faire, comme on sait le mettre à disposition d’une association quand on est bénévole et bénévole engagé. D’ailleurs je lance un appel aujourd’hui à tous ceux qui ont envie de participer au fait de recréer nos forêts, rebâtir notre patrimoine, voire le restaurer, malheureusement du fait des dégâts que nous avons subi avec ces feux géants, rejoignez jeveuxaider.gouv.fr, c’est une réserve, c’est une réserve citoyenne, où il y a des missions qui sont proposées par des associations, mais aussi par des collectivités, parce que nous avons besoin de cette résilience française, nous avons besoin de cette force française qui nous permettra de rénover, de parfois redonner à voir, à notre patrimoine naturel, mais aussi à notre patrimoine culturel et historique, mais aussi simplement redonner du lien et recréer du lien, malheureusement il y a des dégâts, et plus que jamais nous avons besoin de ce lien fort, alors rejoignez cette réserve, il y a un certain nombre de missions, et je pense que c’est aussi ça faire émerger son pouvoir d’agir.
BERNARD POIRETTE
Il nous reste une toute petite minute madame EL HAÏRY et une question d'Éric DECOUTY.
ÉRIC DECOUTY
Oui, une question qui sort peut-être un peu de votre champ de compétences, mais c’est la jeunesse. Il y a un certain nombre d’informations qui sont publiées aujourd'hui, c’est la rentrée universitaire dans quelques semaines, et que les étudiants sont en grande difficulté parce que le coût est extrêmement important aujourd'hui…
BERNARD POIRETTE
Oui, très important.
ÉRIC DECOUTY
Ils sont dans de grandes difficultés, donc que faire pour ces jeunes, ces étudiants ?
SARAH EL HAÏRY
Il y a d’abord effectivement une urgence, celle d’accompagner cette rentrée pour les étudiants, un, le gel évidemment des coûts d’inscription, le retour du repas à 1 euro qu’on n’a jamais arrêté depuis le Covid pour tous les étudiants boursiers, c’est le repas à 1 euro au sein des CROUS, il y a une aide exceptionnelle qui est versée, celle de 100 euros à tous les étudiants boursiers, plus ceux qui ont des APL, les jeunes qui ont des APL, mais d’abord et avant tout baisser le coût de la Sécurité sociale, puisque nous avons supprimé sa cotisation, et enfin j’ai envie de vous dire la mobilisation de toutes les forces en présence, la loi pouvoir d’achat qui a été votée à l’Assemblée nationale et au Sénat permettra évidemment du pouvoir d’achat pour tous. Depuis hier, il se trouve qu’il y a une aide exceptionnelle pour également pouvoir acheter un vélo, un vélo qu’il soit classique ou électrique, elle est d’à peu près. De 150 euros jusqu’à 2000 euros pour les vélos qui ont des cargos ou des remorques, plus que jamais on sait que cette inflation touche d’abord les hydrocarbures et le carburant, aux étudiants qui ont des déplacements qui peuvent être faits en vélo, en complément de ce que font déjà les universités, n’hésitez pas aussi à faire évoluer vos moyens de locomotion quand malheureusement il n’y a pas de transports en commun entre le logement et le site universitaire, mais nous sommes aux côtés de nos étudiants avec Sylvie RETAILLEAU, eh bien cette rentrée elle sera complète, il y a un certain nombre d’accompagnements, sociaux d’abord, mais aussi jamais hésiter à pousser la porte du CROUS parce qu’il y a des aides spécifiques.
BERNARD POIRETTE
Merci beaucoup Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service National Universel, sur LCI et en direct de Nantes où, si j’ai bien compris, vous passez vos vacances Madame EL HAÏRY et je vous les souhaite excellentes pour les quelques jours qui restent en tout cas.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 août 2022