Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'Union européenne face à la crise énergétique, à Luxembourg le 3 octobre 2022.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Arrivée à la réunion de l'Eurogroupe

Texte intégral

M. Bruno Le Maire : "Je crois que c'est indispensable que nous fassions les choses ensemble en Europe face à la crise énergétique. Je pense surtout que, plus globalement, nous avons besoin d'une stratégie économique globale entre pays membres de la zone euro, entre pays européens face à la crise énergétique. Nous devons être plus volontaires, nous devons être plus unis et nous devons être plus rapides dans nos réponses. Plus volontaires veut dire d'abord plus volontaire sur la sobriété énergétique. La hausse des prix des énergies fossiles est une hausse structurelle. Il n'y aura aucun retour en arrière. Les prix resteront élevés sur les énergies fossiles de manière structurelle. C'est vrai pour le gaz, on l'a encore vu récemment. C'est vrai aussi pour le pétrole et les dernières indications qui ont été données par l'OPEP sont des indications préoccupantes sur le prix du pétrole. Donc ne pensons pas une seconde qu'il y aura un retour en arrière sur le prix des énergies. Il n'y en aura pas. Nous devons donc être plus volontaires sur la sobriété énergétique, c'est d'ailleurs ce qui a été décidé par l'ensemble des 27 États membres. Nous devons ensuite en matière de stratégie économique être plus unis.

Je vais proposer aujourd'hui à la réunion de l'Eurogroupe comme à la réunion de l'ECOFIN, les principes d'action. Trois principes d'action pour avoir une stratégie économique coordonnée face à la crise énergétique :

- Le premier principe d'action est le ciblage des aides. Je pense qu'il est essentiel que les aides que nous apportons, les aides financières, soient des aides ciblées sur les entreprises qui en ont le plus besoin. Ce sont les entreprises qui sont exposées à la concurrence et les entreprises qui consomment beaucoup d'énergie. C'est indispensable si nous voulons garantir des conditions de concurrence équitables entre les États membres de la zone euro. Et je voudrais insister là-dessus, il est essentiel que nous préservions les conditions de concurrence équitables entre les États membres de la zone euro et entre les États européens de manière plus globale.

- Le deuxième principe d'action que je propose pour cette stratégie économique est un principe de solidarité. Nous devons, comme nous avons su le faire pendant le COVID, face à la crise énergétique, faire preuve de solidarité entre États européens. Je propose que nous utilisions les crédits de Repower EU, qui vont être votés je l'espère prochainement, - 200 milliards d'euros de prêts, 20 milliards d'euros de subventions-, pour faire preuve de solidarité vis-à-vis des États européens qui auraient des difficultés devant cette crise énergétique.

- Enfin, troisième principe d'action, celui de la concertation étroite entre tous les États membres, en particulier les États membres de la zone euro. Sinon qu'est-ce que nous risquons ? S'il n'y a pas de concertation, s'il n'y a pas de solidarité, s'il n'y a pas de soutien ciblé aux entreprises, s'il n'y a pas le respect des conditions de concurrence équitables, nous risquons la fragmentation de la zone euro. Donc il est indispensable que nous respections ces conditions de concurrence équitable, que nous fassions preuve de solidarité et que, dans le fond, nous soyons aussi efficaces face à la crise énergétique que nous l'avons été face à la crise du COVID.

- Enfin, le dernier principe est celui de la rapidité. Je pense qu'il faut que nous soyons plus rapides dans nos décisions. Cela fait un an qu'avec le Président de la République nous réclamons le découplage du prix du gaz et du prix de l'électricité. Il est temps de décider. Il y a eu des progrès, il y a eu des avancées, il y a eu des ouvertures.

Mais au-delà des progrès, des avancées, des ouvertures, il faut désormais un découplage rapide entre le prix du gaz et le prix de l'électricité de façon à ce que l'on ait un prix de l'électricité qui soit plus raisonnable pour nos entreprises, plus raisonnable pour nos industriels, plus raisonnable pour nos économies. Et de ce point de vue là, en termes de rapidité de décision, je voudrais saluer les ouvertures qui ont été faites par la Commissaire européenne Margrethe Vestager qui a annoncé que nous pourrions disposer d'un nouveau cadre européen sur les aides d'État, non pas au 1er janvier 2023 mais en octobre, donc dans quelques jours. C'était une des grandes réclamations de la France depuis plusieurs semaines, donc c'est une avancée dans la bonne direction.

Q - Vous parlez de la fragmentation, craignez-vous que le plan allemand augmente cette fragmentation dans l'Eurozone ?

M. Bruno Le Maire : Non, je crois que chaque État annonce ses mesures de soutien. La France a annoncé des mesures de soutien aux ménages comme aux entreprises. D'autres États membres ont annoncé également des mesures de soutien. Mais je pense que, désormais, nous avons besoin d'une stratégie économique globale, nous ne pouvons plus nous contenter de réunions épisodiques une fois tous les mois. Nous devons définir ensemble une stratégie de réponse économique globale face à une crise énergétique qui va durer parce que l'augmentation des prix des énergies fossiles est structurelle, parce que ce qui se passe sur le gaz, ce qui se passe sur le pétrole ne va pas disparaître du jour au lendemain, parce que ce qui est en jeu, c'est la compétitivité de nos entreprises, la compétitivité de nos industries et qu'il y a un principe dans le marché unique européen, c'est l'équité de concurrence. On ne peut pas s'éloigner de ce principe d'équité sur la concurrence. Donc cela suppose qu'au-delà des décisions individuelles légitimes qui sont prises par les États membres, nous définissions cette stratégie économique globale dont je redonne les principes : de la concertation permanente, de la solidarité et du ciblage sur les aides.

Q - Pensez-vous qu'avec la décision allemande, une telle stratégie est possible ?

M. Bruno Le Maire : Je pense que chaque État membre respecte ses principes, j'aurai l'occasion d'échanger avec Christian Lindner dans quelques instants, j'aurai l'occasion de proposer cette stratégie économique globale face à la crise énergétique dans quelques instants mais je voulais vous en réserver la primeur en vous disant que nous ne pouvons plus dans les semaines et les mois qui viennent avancer entre États européens sans une stratégie qui doit faire l'objet d'un accord unanime des 27 États membres. De la solidarité - utilisons RePower EU -, de la concertation permanente et du ciblage des aides. S'il y a d'autres propositions pour compléter cette stratégie économique, tant mieux, mais je veux prendre comme modèle - étant maintenant un ancien ministre des Finances - ce qui s'est passé sur la crise du COVID. Pendant la crise du COVID, nous ne nous sommes pas contentés d'apporter une réponse ici où là. À un moment donné de la crise du COVID, nous avons défini ensemble une stratégie économique européenne avec notamment l'émission de dettes en commun. Je propose que, face à la crise énergétique qui va durer, qui est un sujet de préoccupation pour chacun de nos concitoyens européens qui a du mal à boucler ses fins de mois, qui est un sujet de préoccupation majeur pour toutes nos entreprises, pour toutes nos industries qui commencent à baisser la production, qui pour certaines risquent de fermer, qui pour certaines envisagent de délocaliser, on ne peut pas se contenter de mesures prises ici où là, un jour ou un autre. Nous avons besoin d'une stratégie de long terme adoptée par tout le monde, mise en place rapidement et qui permet à l'Europe de faire front face à la flambée des prix de l'énergie. On ne peut pas se passer de stratégie. On l'a fait dans le COVID : je propose que nous le fassions au niveau des ministres des Finances et des ministres de l'Économie face à la flambée des prix de l'énergie.

Q - This morning there was a very embarrassing U-turn for the UK under huge massive pressure. I wonder : is there a lesson perhaps over what not to do in the future going into the winter ?

M. Bruno Le Maire : I prefer to focus on the European strategy. I think it's really of key importance now to define an economic strategy to face the inflation on energy prices and on prices. I think the more this strategy is coordinated and united, the better it is for all of us. I think that, with the United Kingdom, we see that when you make one single economic mistake, then you have the backlash from the markets. And the backlash can be very strong. That's why I'm advocating today for a coordinated economic approach, an economic strategy to face the inflation which could gather all the 27 member states. You know that today you have some decisions that can be taken by one member state or another member state. That's fine because we all have to find solutions to face the consequences of high energy prices and high commodity prices. But now, it's time to define a common strong economic strategy, to face the consequences of inflation on both the households and the private companies".


Source https://ue.delegfrance.org, le 5 octobre 2022