Interview de M. Jean-Noël Barrot, ministre chargé de la transition numérique et des télécommunications, à France Info le 20 février 2023, concernant l’intelligence artificielle, la French Tech, les arnaques aux SMS, le Cyber-score et la majorité numérique sur les réseaux sociaux et la désinformation.

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Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Jean-Noël BARROT.

JEAN-NOËL BARROT
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
C’est la dernière sensation du monde numérique, les progrès de l’intelligence artificielle, à tel point que l’ONU s’en est alarmée ce week-end, " la dignité humaine et les droits humains sont gravement menacés par ces progrès " écrit l’Organisation des Nations unies, est-ce que vous partagez ce constat ?

JEAN-NOËL BARROT
ChatGPT, puisque c’est ce dont vous parliez, c’est un outil fascinant, mais à ce stade ce n’est qu’un perroquet approximatif, qui restitue parfois un peu maladroitement les sommes astronomiques d’informations qu’il a compilées sur Internet. Demandez-lui qui a gagné la dernière Coupe de monde de football, et vous ne serez pas déçu parce qu’il vous répondra la France, alors c’est une consolation pour nous…

LORRAIN SENECHAL
On a gagné l’avant-dernière.

JEAN-NOËL BARROT
Ce n’est tout simplement pas la vérité, mais le mérite de ChatGPT c’est effectivement de mettre en lumière la place grandissante qu’occupe l’intelligence artificielle, dans nos vies quotidiennes, avec ses promesses et ses risques. Ses promesses d’abord, il faut bien le dire, pour l’accélération du progrès scientifique et médical, parce que grâce à sa capacité à analyser des sommes très importantes d’informations, l’intelligence artificielle sauve des vies, sans l’intelligence artificielle nous n’aurions pas pu découvrir le vaccin contre le Covid aussi rapidement, et nous pouvons, grâce à l’intelligence artificielle, détecter beaucoup plus précocement les cancers et donc les soigner, voyez donc l’impact positif que ça peut avoir dans nos vies. Bien évidemment il y a des risques, des risques de discrimination, de manipulation, de déshumanisation…

NEÏLA LATROUS
Comment ça de discrimination ?

JEAN-NOËL BARROT
Des questions éthiques et démocratiques qu’il faut…

LORRAIN SENECHAL
C’est-à-dire ChatGPT est raciste ?

JEAN-NOËL BARROT
Il y a des risques, associés à l’intelligence artificielle, qui restituent, comme je le disais, des informations qu’elle a collectées sur Internet, mais qui n’a pas faculté de jugement, ni d’appréciation, et c’est la raison pour laquelle il nous faut agir.

NEÏLA LATROUS
Et donc vous dites comme l’ONU, oui il y a une menace, il y a la partie opportunités, mais il faut qu’on fasse aussi attention à cette partie sur les droits humains, sur la dignité humaine, parce que, comme vous le dites, il y a de la discrimination ?

JEAN-NOËL BARROT
Ce que nous voulons faire c’est deux choses. La première c’est que nous voulons maîtriser ces technologies plutôt que de les subir, parce que nous ne devons pas passer à côté de cette vague d’innovation, et c’est pourquoi…

NEÏLA LATROUS
D’ailleurs je précise juste que ChatGPT c’est ce robot conversationnel, pour ceux qui n’auraient pas suivi, sur Internet, où effectivement on pose des questions, il y a des réponses, qui parfois, vous le disiez, tombent à côté.

JEAN-NOËL BARROT
Absolument. Nous voulons maîtriser cette technologie plutôt que de la subir, et c’est la raison pour laquelle nous investissons massivement, avec le plan France 2030, annoncé par le président de la République il y a un an et demi, pour former de plus en plus d’experts en intelligence artificielle en France, pour soutenir des projets liés à ces nouvelles technologies, pour en avoir la maîtrise. Et puis la deuxième chose c’est que nous devons poser un certain nombre de bornes, et c’est la raison pour laquelle la France a porté, au niveau européen, un règlement qui fixe la responsabilité des concepteurs de systèmes d’intelligence artificielle. Prenez par exemple un concepteur de système qui a vocation à aider les ressources humaines à faire un premier tri des CV, ou un système d’intelligence artificielle qui va aider le banquier à décider à qui il octroie un crédit, eh bien ces concepteurs devront préalablement tester leur système, en faire état aux autorités, et signaler tout incident lié, par exemple, à de la discrimination, c’est-à-dire à un choix abusif en direction des hommes ou des femmes, ou sur tel autre critère.

NEÏLA LATROUS
Et ça c’est un règlement qui rentre en application quand, qui est prêt ?

JEAN-NOËL BARROT
C’est un règlement qui a franchi la première étape des discussions européennes, l'étape du Conseil, qui est désormais entre les mains du Parlement, et nous espérons qu'il puisse être adopté cette année pour entrer en vigueur dans les mois qui suivront.

NEÏLA LATROUS
Ce n’est pas trop tard dans les mois qui suivront, ça va très vite, on voit que l’IA avance à pas de géant ?

JEAN-NOËL BARROT
Ce qui est important en tout cas, et c'est l'esprit dans lequel nous avons porté ce règlement, c'est à la fois de fixer un certain nombre de bornes, mais aussi de faire en sorte que l'Europe soit un terrain dans lequel on peut innover en intelligence artificielle pour éviter que dans 10 ans nous soyons dépendants d'intelligence artificielle conçue aux Etats-Unis ou en Chine.

LORRAIN SENECHAL
Justement, puisque vous parlez d'innovation, comment faire pour ne pas non plus brider l'innovation, parce que cette question de la protection des données elle peut avoir un impact négatif sur le développement justement des nouvelles intelligences artificielles, il faut des données pour qu'elles soient efficaces ?

JEAN-NOËL BARROT
Alors, sans rentrer trop dans le jargon réglementaire, ce que nous avons proposé au niveau européen c'est que, en même temps que nous fixons des responsabilités, des règles, des interdits et des obligations, nous ouvrons ce qu'on appelle des bacs à sable réglementaires, c'est-à-dire des espaces dans lesquels les jeunes entreprises peuvent innover, tester des nouveaux systèmes, sous l'oeil attentif, mais bienveillant, du régulateur, pour ne pas étouffer justement la capacité de l'Europe à innover.

NEÏLA LATROUS
Donc, pour bien comprendre, l'idée c'est de fixer des règles qui s'appliqueraient notamment aux géants aujourd'hui américains ou chinois, vous nous dites le règlement européen il s'appliquera, on est d'accord, à toute intelligence artificielle utilisée sur le sol européen.

JEAN-NOËL BARROT
Absolument.

NEÏLA LATROUS
Quelle soit étrangère…

JEAN-NOËL BARROT
Absolument.

NEÏLA LATROUS
Et de laisser, pour les entreprises de taille plus modeste, des libertés d'innovation.

JEAN-NOËL BARROT
Absolument.

LORRAIN SENECHAL
Et ces libertés d'innovation, vous parliez de bacs à sable, ça veut dire que c'est fait derrière le rideau, avant qu'elles deviennent publiques, ou alors ce qu’elles pourront… ?

JEAN-NOËL BARROT
Précisément, c’est un terrain d'expérimentation avant que les solutions puissent être généralisées.

NEÏLA LATROUS
Est-ce que ça a du sens aujourd'hui, Jean-Noël BARROT, quand on voit une grande école, par exemple comme Sciences Po, interdire l'utilisation de ce robot conversationnel de ChatGPT, est-ce que ça va dans le sens de l'Histoire ?

JEAN-NOËL BARROT
Je l’ai dit tout à l'heure, il ne faut pas que nous passions à côté de cette nouvelle vague, il faut replacer l'intelligence artificielle à sa place, l'intelligence artificielle ne remplacera pas l'intelligence humaine, elle l'assistera, et donc l'urgence c'est évidemment de former les générations à venir, mais en vérité les générations actuelles, à ces nouveaux outils, et les annonces du ministre de l'Education nationale il y a deux semaines sur l'introduction du code au collège vont dans ce sens, le sens d'une appropriation, des Français…

LORRAIN SENECHAL
Le code, ce n’est pas le code de la route, c’est apprendre à coder…

JEAN-NOËL BARROT
Apprendre à coder, ou en tout cas apprendre comment fonctionnent ces intelligences artificielles, qui n'ont rien de magique, je l’ai dit tout à l'heure en qualifiant ChatGPT de perroquet, il s'agit simplement de technologies qui permettent de synthétiser des sommes astronomiques d'informations, ce qui nous permet de gagner du temps, il ne faut pas voir ça comme une menace, avec les réserves que j'ai évoquées, mais il faut voir ça comme la capacité à nous assister dans un certain nombre de tâches complexes.

LORRAIN SENECHAL
Et Sciences Po Paris par exemple, qui a interdit au ChatGPT à ses étudiants, est-ce que c'est quelque chose qu'il fallait faire, qui est nécessaire parce qu'il faut le temps justement de l'appréhender ?

JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu’il va falloir faire rentrer progressivement ces outils dans nos méthodes d'apprentissage, ajuster très certainement certaines modalités d'examen pour éviter que la triche ne soit trop facile, mais je crois que l'important c'est vraiment que nous nous approprions ces outils, que nous en tirions le meilleur profit.

LORRAIN SENECHAL
Il n’y a pas de filtre pour déceler l'utilisation ou pas de ChatGPT ?

JEAN-NOËL BARROT
Il en existe, je pense que OpenAI, la société qui a publié ChatGPT, aurait mieux fait d'attendre d'avoir ces filtres avant de publier le logiciel, elle vient d'en publier un, ils ne sont pas tout à fait parfaits, mais vous savez, l'enseignement supérieur c'est toujours à ajuster pour essayer d'identifier la triche, ou pour faire en sorte qu'il ne puisse pas y en avoir, et j'ai toute confiance que nous y parviendrons.

LORRAIN SENECHAL
Et vous encouragez donc les professeurs, les enseignants, à se saisir de ce type de filtres ?

JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr, avec toutes les réserves… alors, de ce type de filtres, mais aussi de ce type d'outil, en ayant bien conscience…

LORRAIN SENECHAL
De saisir de ChatGPT…

JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr.

LORRAIN SENECHAL
Il ne fait pas l’interdire, il ne faut pas s'empêcher son utilisation dans nos lycées, dans nos universités ?

JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu’il faut l'utiliser comme un démonstrateur de ce que peut faire l’IA, l'intelligence artificielle, et de ce qu'elle ne peut pas faire, tout simplement.

NEÏLA LATROUS
Toujours avec Jean-Noël BARROT, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Emmanuel MACRON reçoit ce soir les acteurs de la French Tech, c’est quoi la French Tech ?

JEAN-NOËL BARROT
La French Tech c'est la communauté des jeunes entreprises de croissance et d'innovation en France. Il y a quelques années le président de la République a voulu créer un classement, le French Tech 120, le Next40, qui met en valeur les jeunes entreprises d'innovation les plus prometteuses dans notre pays, et ce soir nous en révélons la liste. Le constat c'est que…

LORRAIN SENECHAL
C’est quoi ce classement, juste en deux mots.

JEAN-NOËL BARROT
C’est le classement des jeunes entreprises d'innovation les plus prometteuses, celles qui connaissent la plus forte croissance ; et le constat que nous faisons c'est que depuis quelques années ces entreprises se sont considérablement développées et que, sous le quinquennat d'Emmanuel MACRON, la France est devenue l'écosystème d'innovation en Europe le plus attractif et le plus dynamique, c’est une fierté…

LORRAIN SENECHAL
Juste pour citer quelques noms, de la French Tech justement, c'est DOCTOLIB, c'est BLABLACAR, c'est LYDIA, par exemple.

JEAN-NOËL BARROT
Absolument, ce sont ces fournisseurs d'applications, que nous utilisons désormais au quotidien, 3 Français sur 5 utilisent les solutions développées par la French Tech. Ce succès, c'est un succès français, et c'est un succès pour tous les Français, c'est un succès français parce que grâce à ces entreprises la France renoue avec sa nature profonde de grandes nations d'innovation et d'entrepreneuriat, mais c'est un succès pour tous les Français parce que ces entreprises ont créé en quelques années des dizaines, des centaines de milliers d'emplois dans tous les territoires de France, des territoires qu'elles contribuent parfois à revitaliser, à régénérer, à réindustrialiser.

NEÏLA LATROUS
Et est-ce que la France est encore dans la course ? du coup ce que je comprends ce que vous dites qu'elle n'est pas simplement dans la course sur l’innovation numérique, c'est qu'elle est presque aux avant-postes.

JEAN-NOËL BARROT
En Europe elle a pris le leadership, et ces entreprises c'est du concret, on le disait, 500.000 emplois pour les start-ups en France, 3 Français sur 5 qui utilisent ces applications, et des solutions qui sont conçues pour relever les grands défis.

NEÏLA LATROUS
Est-ce qu’elles sont aussi, en quelque sorte victimes de la crise, on sait qu'un certain nombre d'entreprises évoquent en ce moment un tarissement des financements, c'est encore plus vrai pour les start-ups ?

JEAN-NOËL BARROT
Il y a une période d'incertitude que nous sommes en train de traverser, c'est la raison pour laquelle, avec Bruno LE MAIRE, nous avons engagé des discussions avec les assureurs qui investissent au capital des entreprises pour qu'ils maintiennent leurs engagements et que la situation actuelle n'interrompe pas la croissance de nos entreprises.

NEÏLA LATROUS
Et en même temps, de ce que je comprends de ce que vous essayez de faire avec les start-ups, l'idée c'est plus tant de mettre en avant celles qui lèvent beaucoup d'argent mais plutôt celles qui justement créent de l'emploi, qui réindustrialisent, qui investissent sur le territoire français.

JEAN-NOËL BARROT
Ce que nous voyons cette année c'est qu'on voit de plus en plus apparaître dans ce classement, que j'évoquais tout à l'heure, des entreprises qui sont issues de découvertes scientifiques dans le laboratoire universitaire…

NEÏLA LATROUS
Le critère c'est n’est plus les millions d'euros qu’on levait avant…

JEAN-NOËL BARROT
Oui, des entreprises qui ont une vocation industrielle, des entreprises qui ont des solutions pour le défi climatique, et je veux le dire ici, nous ne réussirons pas à relever le défi climatique sans la mobilité décarbonée comme BLABLACAR, sans l'agriculture bas carbone, comme des entreprises comme INNOVAFEED ou YNSECT, et sans la transition écologique de toutes les entreprises, comme les solutions que propose ECOVADIS qui est l'une des entreprises lauréates ce soir.

LORRAIN SENECHAL
Juste, vous parliez d’emploi, est-ce que ces entreprises elles ont les reins assez solides pour résister à l'année de turbulences, là, qui vient de commencer, en termes de croissance ?

JEAN-NOËL BARROT
Ce que nous allons dévoiler ce soir c'est que ces entreprises ont vu leur nombre d'emplois croître pendant l'année 2022, l'écosystème d’innovation…

LORRAIN SENECHAL
Oui, mais le problème c’est 2023 qui arrive.

JEAN-NOËL BARROT
L’écosystème d'innovation, en France, a mieux résisté que les autres écosystèmes européens, et américains, c'est le signe d'une maturité atteinte par ces entreprises d’innovation et c’est une grande satisfaction.

NEÏLA LATROUS
Est-ce qu’elles sont elles aussi confrontées au manque de main-d'oeuvre ?

JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr, et c'est la raison pour laquelle nous voulons, avec le président de la République, former 400.000 experts du numérique en plus à l'horizon 2030…

NEÏLA LATROUS
400.000 ?

JEAN-NOËL BARROT
400.000, pour faire en sorte que la France tienne son rang et que ces entreprises puissent recruter dans les meilleures conditions.

LORRAIN SENECHAL
Jean-Noël BARROT, ministre délégué en charge du Numérique et de la Télécommunication, les arnaques aux SMS se multiplient depuis quelques mois, elles sont de plus en plus élaborées, des milliers de personnes ont reçu par exemple ces dernières semaines, ces derniers jours, un faux texto de l’Assurance maladie qui affirmait que leur carte Vitale n'était pas à jour, l'objectif étant évidemment de les amener sur un site pour aspirer leurs données personnelles, les données bancaires notamment, est-ce que les voleurs ont toujours une longueur d'avance finalement sur le gendarme, en la matière ?

JEAN-NOËL BARROT
Vous avez raison de dire que nous assistons à une très forte progression de l'insécurité numérique. Qui n'a pas reçu de faux SMS sur le compte formation, sur Ameli, sur la Sécurité sociale, sur les vignettes Crit’Air, c'est tout simplement insupportable. Alors face à ça…

NEÏLA LATROUS
Est-ce qu’il faut se méfier, déjà, par principe de ces SMS-là ?

JEAN-NOËL BARROT
Face à ça il faut adopter un certain nombre de gestes barrière en ligne, être vigilant, mais face à ça il est aussi de la responsabilité du gouvernement, de la puissance publique, d'agir, c'est la raison pour laquelle il y a 5 ans nous avons créé un site unique de référence pour les victimes d'arnaques aux faux SMS et les cyber-arnaques plus généralement, ce site c'est cybermalveillance.gouv.fr et j'invite celles et ceux qui ont été victimes de ce type d'arnaque à se tourner vers ce site…

LORRAIN SENECHAL
Ça c’est pour les victimes, mais c’est trop tard finalement quand on a été victime.

JEAN-NOËL BARROT
Vous avez raison, et c’est la raison pour laquelle il faut prévenir ces attaques, et conformément à l'engagement du président de la République, pendant la campagne, je travaille actuellement au développement d'un filtre anti-arnaque, un filtre anti-arnaque qui préviendra préventivement l'internaute, ou l'usager, lorsqu'il s'apprête à se diriger vers un site qui a été identifié comme un site arnaque, ce sera un rempart contre ces arnaques aux faux SMS, comprenez bien qu'il faut faire cesser cette angoisse qui saisit nos concitoyens dans l’espace numérique, de faire de l'espace numérique un espace de confiance, et avec ce filtre anti-arnaque nous voulons garantir à tous les Français la cybersécurité au quotidien.

LORRAIN SENECHAL
Donc c’est-à-dire, je reçois un SMS sur mon téléphone qui me dit « attention, vous devez 500 euros à l'Assurance maladie », avec un lien, si je clique sur le lien malencontreusement, là il y a une fenêtre qui va me dire " attention vous arrivez dans un site frauduleux " ?

JEAN-NOËL BARROT
Exactement.

LORRAIN SENECHAL
Et donc je n’irai pas sur le site…

JEAN-NOËL BARROT
Absolument, enfin…

LORRAIN SENECHAL
Ça m’arrêtera juste avant.

JEAN-NOËL BARROT
Vous aurez la liberté d’y aller, mais vous aurez reçu un avertissement vous indiquant qu'il s'agit d'un site ayant été identifié comme un site arnaque.

LORRAIN SENECHAL
Et à partir de quand il sera mis en place ce filtre ?

JEAN-NOËL BARROT
Nous travaillons à ce qu’à l'horizon de la Coupe du monde de rugby une première version soit disponible, une version expérimentale, pour qu'elle soit enrichie et que elle puisse être généralisée à l'horizon des Jeux olympiques 2024.

LORRAIN SENECHAL
Septembre 2023, pourquoi, parce que vous craignez plus d'arnaques à cause de la Coupe du monde de rugby ?

JEAN-NOËL BARROT
Tout simplement parce que c'est un sujet complexe qui prend du temps et qu'il nous faut faire sérieusement. Ensuite, vous avez raison de le rappeler, pendant les événements internationaux, comme la Coupe du monde de rugby, comme les Jeux olympiques, on voit typiquement les arnaques se multiplier, et qu'il nous faut donc être prêts, alors le filtre anti-arnaques n'est pas la seule réponse, mais c'est une réponse pour la cybersécurité du quotidien.

NEÏLA LATROUS
Oui, parce qu’il y a ce filtre que vous évoquez, mais il y a aussi un Cyber-score sur lequel vous planchez, de quoi s'agit-il exactement, on connaît le Nutri-score, mais alors le Cyber-score ?

JEAN-NOËL BARROT
Le Cyber-score c'est une idée parlementaire qui a bien des éléments comparables au Nutri-score, il s'agit pour les sites Internet qui sont les plus consultés par les Français, d'avoir un indicateur, qui va du vert au rouge, et qui précise à l'internaute si les données personnelles, ou si les données de paiement qu’il va déposer sur ce site, sont bien sécurisées, c'est une manière de valoriser les sites qui sécurisent les données de leurs internautes et puis d'inciter ceux qui ne le sont pas à se mettre à la page.

LORRAIN SENECHAL
Et on le trouve où ce Cyber-score ?

JEAN-NOËL BARROT
Ce Cyber-score il est lui aussi en cours de développement, notre objectif c'est qu'à la fin de l'année 2023 il puisse apparaître sur les sites Internet les plus consultés pour les Français.

LORRAIN SENECHAL
Donc directement, si on va sur le site de sa banque par exemple, on verra apparaître en vert " là, pas de problème, vos données elles sont protégées ", c’est ce que ça voudra dire.

JEAN-NOËL BARROT
Absolument, comme le Nutri-score dans les rayons des supermarchés.

NEÏLA LATROUS
Jean-Noël BARROT, il y a une proposition de loi examinée bientôt à l'Assemblée nationale, pour créer une majorité numérique sur les réseaux sociaux. Comment ça va fonctionner ?

JEAN-NOËL BARROT
Nos enfants sont victimes en ligne d'atteinte brutale à leur intimité et à leur développement affectif. Un seul exemple : 2 millions d'enfants sont exposés chaque mois aux contenus pornographiques sur Internet.

NEÏLA LATROUS
Quand on dit " enfants ", c'est moins de 15 ans, moins de 13 ans ?

JEAN-NOËL BARROT
C'est moins de 18 ans. 2 millions d'enfants, de mineurs, sont exposés au contenu pornographiques. C'est un scandale qui me révolte et qui m’écoeure, comme père de deux enfants, comme citoyen et comme responsable politique. Mais ça ne s'arrête pas là, parce qu'en réalité la plupart des sites qui sont réservés aux adultes ou qui ont des limites d'âge, fixées par la loi ou fixées par les conditions générales d'utilisation de ces sites, ne sont pas respectées. Eh bien nous, ce que nous voulons faire…

LORRAIN SENECHAL
Oui, parce que j'allais dire, la majorité numérique, elle existe déjà.

JEAN-NOËL BARROT
… c’est de mettre fin à ça, et de faire enfin respecter la loi sur Internet. Parce qu'il n'est pas acceptable que subsiste sur Internet des zones de non-droit, surtout quand il s'agit de nos enfants.

NEÏLA LATROUS
Et donc, comment on fait une majorité numérique sur les réseaux ?

JEAN-NOËL BARROT
La proposition de loi qui est en cours de discussion à l'Assemblée nationale, elle veut pousser les grands réseaux sociaux à faire respecter les limites d'âge à l'inscription, et en particulier une condition à l'inscription sur le réseau social, qui est le recueil du consentement parental. Et donc, une fois que cette loi aura été adoptée, les sites, les éditeurs de réseaux sociaux…

NEÏLA LATROUS
Avec une carte d’identité qui devra par exemple être attestée de l'âge de la personne qui essaie de créer un compte ? Puisqu’aujourd'hui, en théorie, un enfant ne crée pas que de compte tout seul, mais il peut mentir sur son âge.

JEAN-NOËL BARROT
Alors, la première chose que nous avons faite, c'est que nous avons décidé de généraliser le contrôle parental par défaut, sur tous les appareils vendus en France…

LORRAIN SENECHAL
Sur les smartphones.

JEAN-NOËL BARROT
… du smartphone à la console de jeux vidéo, et en passant par la tablette. Concrètement, lorsque, à partir de l'année prochaine vous achèterez un appareil de ce type en France, le contrôle parental sera installé par défaut. Il restreindra l'accès aux sites pour adultes, aux sites pornographiques, il fera respecter les limites d'âge fixées pour les réseaux sociaux, cette 13 ans, très souvent, pour un certain nombre de ces réseaux sociaux, et puis il permettra aux parents de contrôler le temps passé sur l'écran.

LORRAIN SENECHAL
Mais on sait très bien que les adolescents de 15 ans sont bien plus forts que nous en informatique, ils vont très facilement détourner ce type de procédure.

JEAN-NOËL BARROT
C'est vrai Lorrain SENECHAL, mais ça n'est pas une raison pour ne pas agir. Vous savez, chaque jour que nous gagnons, chaque enfant que nous préservons de certains de contenus contre lesquels nous voulons les… desquels nous voulons les protéger, c'est un jour utile.

LORRAIN SENECHAL
Mais comment on fait concrètement ensuite si l’adolescent veut aller sur ces sites pornographiques, et il se rend sur le site, et à ce jour c'est très facile, il suffit de dire : oui j'ai 18 ans, alors que c’est faux, mais personne ne vérifie finalement.

JEAN-NOËL BARROT
C'est pourquoi…

LORRAIN SENECHAL
Est-ce que ça changera ?

JEAN-NOËL BARROT
C'est pourquoi il y a 3 ans nous avons durci la loi, pour imposer aux sites pornos, de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs.

LORRAIN SENECHAL
Et ils le font ?

JEAN-NOËL BARROT
Ils ne le font pas, alors même qu'il existe aujourd'hui des solutions pour le faire. Ils n'ont aucune excuse pour ne pas le faire.

LORRAIN SENECHAL
Et alors quoi, vous les condamnez, vous les poursuivez en justice ?

JEAN-NOËL BARROT
Aujourd'hui, leur dossier est sur le bureau du juge, qui décidera prochainement de les bloquer et de les déréférencer, s'il le juge pertinent. Ceci étant dit, nous continuons à travailler, parce que notre objectif c'est que ces solutions puissent être effectives, et je l'ai dit, des solutions existent aujourd'hui, elles ne sont pas 100 % anonymes. Or, notre objectif…

LORRAIN SENECHAL
Mais par exemple, faire prendre en photo une carte d'identité ou un passeport, ça existe pour d'autres sites, en l'occurrence, dans d'autres procédés.

JEAN-NOËL BARROT
Ça existe et c'est une protection Lyon de première approche, mais ce que nous voulons, nous, c'est une protection intégrale des mineurs, mais sans fichage et sans piratage.

LORRAIN SENECHAL
Donc ce n’est pas la solution que vous allez privilégier.

JEAN-NOËL BARROT
Donc c'est la raison pour laquelle la CNIL a proposé un schéma, un système, dit de double anonymat, qui permet de respecter ces conditions. Des entreprises s’en sont saisies, un certain nombre d'entre elles m'ont d'ailleurs contacté à ce sujet…

LORRAIN SENECHAL
C’est-à-dire que ce ne sont pas elles qui recueilleraient directement l’identité.

JEAN-NOËL BARROT
Ce ne sont pas les sites pornos qui recueilleront directement l’identité…

LORRAIN SENECHAL
Il y aura une forme de tiers.

JEAN-NOËL BARROT
Il y aura une forme de tiers et ces entreprises intéressées vont, pour certaines d’entre elles, commencer à expérimenter ces solutions au mois de mars. Donc, si je résume, il existe des solutions de vérification d'âge aujourd'hui, les sites n'ont donc aucune excuse pour ne pas vérifier l'âge de nos enfants à l'entrée sur les sites pornographiques, ces solutions ne sont pas encore parfaites, la CNIL a posé un cadre, des entreprises s'en saisissent, et dans quelques mois une solution de préservation de l'anonymat sera prête.

NEÏLA LATROUS
Et je précise que la CNIL c'est la Commission nationale informatique et libertés. Jean-Noël BARROT, les journalistes d'un consortium, dont fait partie Radio France, ont enquêté pendant six mois sur les pratiques de sociétés spécialisées dans la manipulation de l'information, deux d'entre elles, implantées en Israël et pilotées par d'anciens membres des services secrets et de l'armée, ont géré des milliers de profils sur les réseaux sociaux, pour manipuler des opinions, influencer des élections, pour manipuler aussi des journalistes peu scrupuleux, qui au détriment de leurs médias ont relayé une propagande étatique, est-ce que vous aviez connaissance de ces faits avant l'enquête révélée, entre autres, par Radio France ?

JEAN-NOËL BARROT
Je veux saluer le travail remarquable de la cellule d'enquête de Radio France qui a permis de débusquer ces mercenaires de l'information qui propagent des fausses nouvelles à des fins commerciales et politiques, et je veux aussi dire que c'est bien la liberté de la presse, son pluralisme et son indépendance qui ont permis, ici, de mettre la lumière sur une pratique de désinformation.

LORRAIN SENECHAL
Donc vous ignoriez.

JEAN-NOËL BARROT
La désinformation c’est l’une des menaces les plus lourdes qui pèsent sur nos démocraties, c'est la raison pour laquelle nous agissons, le président de la République a voulu créer en 2021 un nouveau service, de l'Etat, consacré à la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères, il s'agit de VIGINUM, et VIGINUM est déjà au travail puisque pendant les élections présidentielles, et législatives, en France, il a identifié, ce service, et il a fait échec à cinq tentatives d'ingérence étrangère par la désinformation sur les réseaux sociaux pendant…

NEÏLA LATROUS
Les élections 2022.

JEAN-NOËL BARROT
Pendant les élections 2022.

LORRAIN SENECHAL
Jean-Noël BARROT, la loi interdit de fabriquer des faux papiers d'identité, pourquoi ne pas interdire de créer des faux profils en ligne et éviter ainsi ce type d’opérations de l'étranger ?

JEAN-NOËL BARROT
Nous avons pris une loi, parce qu'il nous semblait important de renforcer notre arsenal juridique, en 2018, la loi contre la manipulation de l'information, qui crée une procédure judiciaire express pour ordonner le retrait des contenus ou éventuellement la suppression des comptes en période électorale et qui crée un droit de coopération pour les plateformes, donc le travail est en cours pour améliorer la détection, le partage d'informations, et la remédiation, c'est-à-dire la correction de ce type de situation.

LORRAIN SENECHAL
Jean-Noël BARROT merci beaucoup, ministre délégué en charge de la Transition numérique et des Télécommunications, invité ce matin de 8.30 France-Info, bonne journée à vous.

JEAN-NOËL BARROT
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 février 2023