Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci d’être avec nous dans les 4 V. Un mot d’abord de cette professeure d’espagnol assassinée en plein cours hier à Saint-Jean-de-Luz. L’élève qui l’a poignardée dit avoir, aurait dit en tout cas aux enquêteurs, avoir entendu des voix et certains pointent déjà effectivement l’insuffisance peut-être de la prise en charge de la santé mentale des jeunes. C’est un vrai sujet la santé mentale des jeunes.
FRANÇOIS BRAUN
Oui, bien sûr. Déjà une pensée bien entendu pour la famille de cette enseignante et puis pour tous les enseignants parce que ce qui s’est passé est terrible, terrible. Il faut laisser cette enquête avancer pour savoir exactement quelles en sont les causes et les raisons, et je pense que ce n’est pas le temps de mélanger un petit peu les problèmes. Mais pour revenir à votre question, oui, la santé mentale d’une façon générale est une préoccupation. Une préoccupation pas d’aujourd'hui, c'est une préoccupation déjà depuis plusieurs mois. Les suites de la crise sanitaire, nous l’avons vu, ont eu un impact et en particulier sur la santé mentale des jeunes.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
J’en parle justement avec ce baromètre Santé publique France qui a été publié cette semaine : le nombre de 18-24 ans qui ont vécu un épisode dépressif a presque doublé en dix ans. Le Covid clairement n’a pas arrangé ça, il n’y a pas que le Covid.
FRANÇOIS BRAUN
Non, il n’y a pas que le Covid. Nous avons une société qui a évolué, les repères ont évolué y compris pour les jeunes et c’est d’ailleurs toute la difficulté de l’analyse de cette situation. C'est de de trouver les vraies ressources initiales qui ont entraîné cette situation. Bien sûr le Covid a eu peut-être - peut-être et on n’en est pas du tout certain - un effet un peu accélérateur, mais la santé mentale d'une façon générale, les addictions d'une façon générale sont des sujets de préoccupation importants aujourd'hui, mais pas qu'en. France.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors le Covid, je vous en parle effectivement parce que dans un projet d'avis qui a été publié en début de semaine dont on a peut-être assez peu entendu parler, la Haute autorité de santé envisage clairement la fin de la vaccination obligatoire anti-Covid chez les soignants. On attend maintenant l'avis définitif. Est-ce qu'on se dirige clairement peut-être dans les semaines, dans les mois qui viennent vers la fin de cette obligation vaccinale pour les soignants ?
FRANÇOIS BRAUN
En tout cas, on se dirige vers une clarification de la situation. J'ai saisi la Haute autorité de santé cet été sur cette question de l'obligation vaccinale, pas que pour le Covid et pas que pour les soignants d'ailleurs. Le sujet est beaucoup plus vaste, l'obligation vaccinale pour tout le monde.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Tous les vaccins obligatoires.
FRANÇOIS BRAUN
Pour tous les vaccins obligatoires. Donc je vais attendre l'avis définitif, vous avez eu raison, ce n'est pas un avis là : c’est une consultation publique par rapport à quelques axes qu'a posés la Haute autorité de santé. J'attends son avis, j'attends également l'avis du Conseil consultatif national d'éthique, en particulier par rapport aux soignants parce qu'il y a aussi une question éthique, ce n'est pas qu'une question médicale, infectiologique pure. Et puis comme je l'ai dit, je prendrai une décision sur ces obligations vaccinales pour les soignants, et d'une façon générale pour la population, dès que j'aurai ces deux avis.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et quand du coup ? Quand est-ce qu'on pourrait éventuellement envisager une levée de cette obligation vaccinale ?
FRANÇOIS BRAUN
Ces avis je les aurai, les deux, au mois d'avril.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc avant l'été.
FRANÇOIS BRAUN
Avant l'été, bien sûr avant l'été.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Est-ce que ça veut dire aussi que suite à ça, si on enlève l'obligation vaccinale, il faudra réintégrer les soignants non vaccinés, qui sont suspendus pour certains depuis un an et demi ? Est-ce que c’est lié ?
FRANÇOIS BRAUN
Chaque chose en son temps. Il est évident que la question se reposera. Je serai amené là aussi sur ce point à prendre une décision, à proposer une décision au gouvernement d'ailleurs par rapport à ce sujet des quelques soignants non vaccinés.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors est-ce que trois ans après le début de l'épidémie de Covid, est-ce qu'on peut commencer à dire que l'épidémie est derrière nous quand on voit les derniers chiffres ?
FRANÇOIS BRAUN
Les derniers chiffres sont effectivement rassurants. On a un fond d'infection qui est extrêmement bas, qui ressemble de plus en plus à des épisodes d'infection de grippe par exemple. Mais je le dis depuis le début, restons prudents. Il ne faut pas non plus être trop inquiets par rapport à ces résurgences possibles de l'épidémie mais restons prudents. On a vu ce qui s'est passé en Chine il y a quelques semaines, donc voilà. Nous entrons dans une phase de normalisation, d'ailleurs les textes législatifs sont revenus à une phase de normalisation, nous ne sommes plus en urgence sanitaire. Mais bien entendu, je continue à suivre de très près cette évolution comme l'évolution de la grippe par ailleurs.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
François BRAUN, les médecins vont-ils être entendus ? Leurs syndicats retrouvent de nouveau tout à l'heure les représentants de l'Assurance maladie pour d'ultimes négociations. Enjeu : la hausse des tarifs de la consultation. La CNAM, la Caisse nationale de l'Assurance maladie, a proposé une hausse d'à peine 1,50 euro de la consultation de base qui passerait donc de 25 à 26,50 euros. « C'est une provocation » disent les syndicats qui espèrent 30 voire 50 euros. Sans renter dans les détails, est-ce qu'on se dirige quand même vers une hausse significative de la consultation ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors vous dites très bien, l'enjeu c'est une hausse de la consultation, non : l'enjeu, c'est de mieux répondre aux besoins de santé des Français, en tout cas c'est mon enjeu dans cette négociation. Je suis certes le ministre de la Santé et de la Prévention donc des soignants, mais aussi et abord des Français, donc tout l'enjeu est là. Bien sûr, nous allons vers une augmentation de la consultation de base pour tenir compte de l'inflation. Vous savez, ces négociations c'est tous les 5 ans, donc bien sûr on tient compte de cela. Mais après, ce que j'ai demandé au directeur de l'Assurance maladie, c'est de mettre une part d'augmentation de la consultation, en tout cas d'augmentation de la rémunération, répondant à un engagement collectif sur un territoire des médecins à mieux répondre aux besoins de santé de la population de ce territoire.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Aller dans certains déserts médicaux, répondre à des gardes par exemple le week-end, donc il y aura des contraintes de toute façon. C’est un donnant-donnant.
FRANÇOIS BRAUN
C'est un donnant donnant. Il y a des engagements réciproques. Le gouvernement a fait beaucoup d'efforts depuis le début de cette négociation, nous avons beaucoup avancé dans ces critères justement d'engagement en les adoucissant, il faut être clair.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc plus d’obligation par exemple de s'installer dans des zones de déserts médicaux ?
FRANÇOIS BRAUN
Je me suis toujours prononcé contre cette coercition et cette obligation, elle n'est pas dans la discussion avec l'Assurance maladie, mais je demande aussi aux médecins de faire un pas vers nous. Nous avons fait plusieurs pas vers les médecins, maintenant il faut que chacun avance. Vous parliez tout à l'heure de 1,50 euro d'augmentation de la consultation, j'entends des mots comme « indécent » : il faut peut-être remettre les choses aussi à leur place. 1,50 euro de plus pour la consultation, globalement pour un médecin c'est 7 000 euros de plus par an, un beau 13ème mois. Donc là aussi, remettons les choses à leur place.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Il y a des médecins généralistes, je prends par exemple les kinés, la consultation d'une demi-heure est à 16,13 euros brut. Quand on regarde ça, on se dit qu'effectivement il faudra revaloriser ces tarifs. Est-ce qu'on va le faire ?
FRANÇOIS BRAUN
L’exemple des kinés est un très bon exemple : ils ont quitté la table des négociations. Nous avions des négociations, le gouvernement avait mis plus de 500 millions d'euros sur la table pour justement améliorer cette consultation. Les kinés ont refusé de signer, en tout cas la majorité, donc les négociations sont arrêtées pour l’instant.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc il n’y aura pas d'augmentation ?
FRANÇOIS BRAUN
Le cadre des négociations fait que quand on ne veut pas signer, c'est l'Etat, donc le ministère de la Santé et in fine le ministre de la Santé et de la Prévention, qui décide.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On manque clairement de nouveaux médecins François BRAUN, c’est une évidence, vous l'avez déjà dit. On en manque un peu partout. En réduisant les déserts médicaux, c'est l'objectif. Comment souhaitez-vous effectivement attirer de nouveaux médecins, à venir s'installer, à se lancer dans des études de médecine ? Est-ce qu'on doit effectivement pour ça laisser vraiment cette liberté totale aux médecins libéraux donc de s'installer effectivement sur le territoire ? Ça c'est une des conditions pour continuer de les attirer ?
FRANÇOIS BRAUN
Remettre en cause cette liberté d'installation, en fait obliger les médecins à s'installer dans certains territoires, va avoir un effet contre-productif. Ce n’est pas évident tout de suite comme ça, mais ça va faire que moins de médecins se dirigeront vers l'exercice de médecine générale, et moins de médecins se dirigeront vers cet exercice justement libéral et préféreront être salariés dans une grande ville, donc je crois que ce n'est pas le bon effet. Par contre nous avons d'autres leviers, d'autres outils. Faciliter l'installation, c'est tout ce que j'avais porté dans la loi de financement de la Sécurité sociale ; faciliter les études également, que pendant ces études ces médecins soient plus en contact avec ces territoires où nous manquons de médecins, soient mieux accueillis. Bref, plein de leviers que nous mettons en place pour favoriser ces installations dans ces territoires.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Allez, rapidement sur ce chiffre : 4,1 % des rendez-vous médicaux qui ne sont pas honorés selon Doctolib qui publie ces chiffres ce matin dans Le Parisien, plus de 6 % pour les dentistes. Comment on lutte contre ces lapins que posent les patients comme ça aux médecins ? En clair, est-ce qu'il faut des contraintes financières ?
FRANÇOIS BRAUN
Les résultats Doctolib sont très intéressants parce qu’on n'arrête pas d'entendre que ce sont les plateformes qui sont responsables de ces lapins entre guillemets. C'est exactement l'inverse. Les plateformes nous montrent qu'ils diminuent par 2 le nombre de rendez-vous non honorés, donc déjà tournons-nous vers un peu cette analyse. Nous sommes à 3,5 % pour les médecins généralistes, ça ne semble pas beaucoup mais c'est quand même trop. Il est évident qu’il faut…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Surtout quand on manque de médecins.
FRANÇOIS BRAUN
Oui. Alors je pense que les gens ne font pas exprès de rater ces rendez-vous, d'ailleurs Doctolib nous montre bien : ce sont souvent des oublis de dernière minute, donc nous avons à agir un petit peu là-dessus, à responsabiliser les Français. Et moi vous savez, ma politique reste quand même de responsabiliser des Français, que ce soit dans le cadre de la prévention ou dans le cadre de ces rendez-vous non honorés.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On incite, on responsabilise mais pas de contraintes financières.
FRANÇOIS BRAUN
En tout cas, on améliore la connaissance de ce qui se passe. Actuellement on ne sait pas quels sont les profils exacts de ces patients : est-ce que ce sont des oublis, est-ce qu’il y a des patients plus chroniques ou pas. Donc vous savez, en tant qu’ancien médecin, je préfère d'abord avoir un bon diagnostic avant d'appliquer un traitement. Donc nous continuons à travailler sur le diagnostic et dès qu'il sera affiné, on proposera un traitement beaucoup plus adapté.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Là aussi à quel horizon ? Parce que le Sénat a déjà voté par exemple ce principe.
FRANÇOIS BRAUN
L’horizon va être très rapide. Vous voyez les des résultats qu’a présentés Doctolib, les autres plateformes ont les mêmes résultats. Nous travaillons avec ces plateformes pour affiner justement et préciser un petit peu les choses. Nous avons la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, nous allons commencer à travailler là au tout début de l'été dessus. Nous aurons des propositions à ce moment-là.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Rendez-vous donc à l'horizon de l'été pour le ministre de la Santé François BRAUN. Merci d'avoir été l'invité des 4V ce matin, bonne journée.
FRANÇOIS BRAUN
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 27 février 2023