Texte intégral
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Femmes et retraite ».
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : nous entendrons d’abord les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Une députée du groupe LFI-NUPES
Même pas le ministre ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels
Vous portez au débat une question fondamentale : la retraite des femmes. Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, regrette de ne pas pouvoir y participer, parce qu’il est retenu au Sénat.
Les concertations ont été très utiles dans ce domaine ; elles nous ont permis de rester attentifs aux effets sur les femmes de chacune des dispositions de la réforme. De plus, la retraite des femmes est au cœur de l’examen parlementaire, depuis son commencement.
Certains d’entre vous s’en souviennent, il y a un mois exactement, le ministre est intervenu devant la représentation nationale pour répondre aux questions de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette audition a permis d’enrichir le texte, puisque le Gouvernement a soutenu et repris des amendements issus des échanges. Ils n’ont pu être débattus, à cause du blocage des discussions, que vous avez été nombreux à regretter.
L’amendement déposé par Mme Véronique Riotton vise à atteindre l’égalité des pensions entre les hommes et les femmes d’ici à 2050. D’autres avancées très précises concernent les droits à la retraite des parents confrontés à la perte d’un jeune enfant. Mme Karine Lebon a mis en lumière que dans la fonction publique, la majoration de 10 % pour famille nombreuse est retirée lorsque l’on perd un enfant avant ses 9 ans. Cette réalité doit changer. M. Paul Christophe a déposé un amendement visant à supprimer la diminution du nombre de trimestres supplémentaires en cas de décès de l’enfant avant ses 4 ans. D’autres amendements tendent à réviser plus largement les droits familiaux, tels celui de M. Thibaut Bazin et ceux visant à corriger une inégalité qui empêche les personnes exerçant une profession libérale de bénéficier d’une majoration de leur pension.
Nos débats en première lecture n’ont malheureusement pas permis d’examiner ces dispositions. Avec Olivier Dussopt, je formule le vœu que la suite de la navette parlementaire permette de les graver dans le marbre de la loi.
Le thème de la retraite des femmes restera présent dans les discussions parlementaires. Il donne lieu à des interrogations légitimes, mais aussi à de mauvais procès et à des informations trompeuses. Tout cela suscite en retour de l’incompréhension parmi nos concitoyens, surtout nos concitoyennes. Nous voulons dissiper les doutes.
La réforme que nous défendons prend en considération les parcours des femmes. D’abord, celles-ci partiront à la retraite plus tôt que les hommes, et continueront de percevoir leur retraite plus longtemps que les hommes. Actuellement, les femmes partent en moyenne plus tard que les hommes. Cette inégalité est bien entendu la conséquence d’une inégalité dans la vie active et non d’un aspect spécifique du système de retraite. Les départs sont retardés à cause d’interruptions de carrière plus nombreuses et plus longues en moyenne.
Les évolutions du marché du travail ont permis de mieux concilier la maternité et la vie professionnelle. D’autre part, nous renforçons l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ainsi, les femmes peuvent moins interrompre leur carrière.
Elles partiront progressivement plus tôt que les hommes, y compris après la réforme. Une fois celle-ci entièrement entrée en vigueur, c’est-à-dire pour les Français nés en 1972, l’âge moyen de départ sera de 64 ans et 4 mois pour les femmes, contre 64 ans et 6 mois pour les hommes.
Mme Mathilde Panot
Vous parlez d’un progrès !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Ces mêmes dispositifs permettent aux femmes de partir progressivement plut tôt que les hommes. Sous l’effet de la réforme, elles devront décaler leur départ à la retraite de neuf mois en moyenne, contre cinq mois pour les hommes. Ce décalage ne découle pas d’une disposition spécifique aux femmes, il résulte du fait qu’en moyenne, les femmes atteignent plus facilement le taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite – ou dès cet âge.
Pour éviter un décalage plus important et répartir l’effort entre les femmes et les hommes, nous avons voulu à la fois repousser l’âge légal et allonger la durée d’assurance, plutôt que de porter l’effort sur le seul âge légal en le reportant à 65 ans. C’est l’un des points qui a été particulièrement discuté pendant la concertation, lorsque les différents scénarios ont été présentés aux partenaires sociaux.
Mme Mathilde Panot
Quelle concertation ? Tous les syndicats sont contre !
Vous vous concertez avec votre nombril ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
L’enjeu prioritaire est moins de permettre un départ plus précoce à la retraite que de garantir l’amélioration des pensions des mères qui ont dû interrompre leur activité et dont la progression salariale a été, en conséquence, ralentie par la suite. Nous examinerons avec attention les propositions qui seraient formulées dans la suite des débats, en particulier au Sénat où débute demain l’examen du texte en séance. La présente discussion, ainsi qu’une discussion plus large sur les droits familiaux, ouvrira la voie à une réforme d’autant plus juste pour les femmes qu’elle remédiera à la principale inégalité entre les femmes et les hommes en matière de retraite : le plus faible niveau de leurs pensions.
Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des pensions.
Mme Nathalie Oziol
Pourtant les femmes manifestent aussi ! Elles seront dans la rue le 7 mars !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
C’est peut-être le point qui a le plus souffert d’informations erronées depuis que la réforme est débattue.
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui mentez !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Le constat est pourtant simple : près de 30 % des femmes de la génération née en 1962 verront leur pension augmenter grâce à la réforme, contre un peu plus de 15 % des hommes. Le gain moyen sera supérieur de 50 % à celui des hommes.
Mme Mathilde Panot
Arrêtez de mentir !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
De la même manière, plus d’un million de femmes déjà retraitées verront leurs pensions augmenter d’environ 6 % par an en moyenne ; là encore, c’est davantage que les hommes. Si la réforme a des effets asymétriques, c’est en faveur des femmes.
Mme Andrée Taurinya
Vous l’expliquerez aux manifestantes !
Mme Mathilde Panot
C’est incroyable de mentir autant !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Ce n’est pas dû à une disposition spécifique aux femmes : étant plus nombreuses à cotiser avec des niveaux de revenus modestes et des temps partiels, elles bénéficient de la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme. Au total, en prenant en compte toutes les pensions pour la génération née en 1972, la pension moyenne des femmes augmentera de 2,2 % – deux fois plus que celle des hommes.
Mme Mathilde Panot
Avec deux ans de moins, c’est sûr !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Cela contribuera à réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes et renforcera encore le mouvement impulsé par la réduction progressive de l’écart salarial. Cet écart est supérieur à 30 % pour la génération née en 1961, qui part à la retraite cette année. Il diminuera de dix points pour la génération née en 1971 et continuera à décroître pour s’établir progressivement en deçà de 20 % pour les générations pour lesquelles la réforme jouera à plein.
Mme Mathilde Panot
Vous trouvez ça satisfaisant ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Ce n’est pas seulement dû à la réforme, mais elle y contribue. Ainsi, si elle prévoit d’augmenter les pensions pour l’ensemble des assurés et pour toutes les générations concernées – avec un gain croissant au fur et à mesure des générations –, ce sont les femmes qui en bénéficient le plus et le mieux. Nous pouvons tous nous en réjouir.
Mme Mathilde Panot
Personne ne vous croit !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
La réforme accordera également aux femmes de nouveaux droits, attendus depuis longtemps. Elle répare une injustice existant de longue date en actant la prise en compte des congés parentaux et des trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ces trimestres seront retenus pour l’éligibilité aux dispositifs de carrières longues et de retraite minimale ; ils entreront désormais intégralement, et non plus partiellement, dans le calcul du minimum de pension. Ces congés constituent une grande partie des interruptions de carrière des femmes, à l’origine des écarts de pension. La réforme améliorera donc concrètement la prise en compte des carrières hachées des femmes et fera en sorte que le choix de la maternité ne soit pas synonyme d’un renoncement à la retraite.
Enfin, les femmes qui ont connu de longues interruptions de carrière n’auront pas à travailler plus longtemps.
Mme Nathalie Oziol
Cette réforme ne fait rêver que vous !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Les femmes sont plus nombreuses à voir leurs carrières interrompues, de manière plus ou moins choisie, et à devoir travailler au-delà de l’âge légal pour avoir une pension suffisante. Pour 20 % des femmes, le départ à la retraite intervient à l’âge du départ à taux plein.
Pour faire en sorte que ces interruptions soient moins pénalisantes, l’âge du départ à taux plein sera maintenu à 67 ans. La durée maximale entre l’âge légal et l’âge du départ à taux plein sera réduite d’autant que le premier est repoussé ; d’un maximum de cinq ans, elle passe à un maximum de trois ans.
Mme Émilie Bonnivard
Génial, quel progrès !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Pour mémoire, la réforme de 2010 avait choisi de repousser l’âge du départ à taux plein en même temps que l’âge légal ; nous décidons de ne pas procéder ainsi, mais de faire mieux.
L’égalité femmes-hommes est une priorité du Gouvernement, notamment du ministère du travail.
Mme Élise Leboucher
Ça ne se voit pas !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Cette réforme n’y fait pas exception :…
Mme Mathilde Panot
Elle est antiféministe !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
…elle fait progresser la situation de nombreuses femmes à la retraite, améliore les retraites de celles qui ont des carrières hachées parce qu’elles les ont interrompues, de celles qui les ont commencées plus tôt et de celles qui ont de faibles revenus. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Mathilde Panot
C’est honteux de dire ça devant la représentation nationale !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Bien entendu, des inégalités subsistent ; la réforme ne peut à elle seule corriger intégralement celles du marché du travail. La priorité consiste donc à continuer à se battre pour l’égalité professionnelle femmes-hommes, en matière de salaires comme de carrières. Nous poursuivrons l’approche déterminée engagée sous le précédent quinquennat par le Président de la République,…
Mme Andrée Taurinya
Vous allez voir le 7 mars, on va bloquer le pays !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
…avec notamment l’index de l’égalité professionnelle et les mesures encourageant l’accélération de l’égalité économique et professionnelle.
L’égalité femmes-hommes dans l’émancipation économique démarre dès l’orientation et se joue tout au long de la carrière, pour se retrouver évidemment au moment de la retraite. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES)
Le 26 février, Olivier Dussopt déclarait sur BFM TV qu’ « avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n’est pas très juste ». J’admire son sens de l’euphémisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
En effet, il n’est pas très juste que les femmes partent plus tard que les hommes à la retraite en raison des carrières hachées et du système injuste de décote. Il n’est pas non plus très juste que les femmes perçoivent des pensions inférieures de 40 % à celles des hommes – 28 % si on inclut les pensions de réversion –, que le taux de pauvreté des femmes retraitées atteigne 10,4 % ou que les femmes seules représentent 50 % des allocataires du minimum vieillesse.
Vous le voyez dans les sondages et à travers les mobilisations : les Françaises et les Français rejettent clairement cette réforme. Vous pouvez encore sortir par le haut et retirer ce projet funeste. (Mêmes mouvements.) Mais nous devons aller encore plus loin : il est anormal que les femmes touchent des pensions de misère et soient plongées dans la précarité à la retraite.
Pour les femmes, le système de protection sociale se base encore trop souvent sur les droits dérivés liés au conjoint, au lieu de protéger leurs droits propres. Compter uniquement sur les pensions de réversion pour garantir des retraites dignes, c’est antiféministe. (Mêmes mouvements.) Il est urgent de sortir de ce système patriarcal et de faire évoluer la protection sociale, alors que les femmes participent pleinement au monde du travail.
Que devons-nous faire ? Tout d’abord renforcer les droits propres et éliminer les dispositifs qui discriminent les carrières hachées, comme la décote. Mais il faut traiter le problème à la racine : les inégalités salariales sont à la base des écarts de pension. Il est urgent d’adopter une politique de l’emploi pour contrer la précarisation des femmes, particulièrement affectées par les contrats à temps partiel ; de revaloriser les métiers majoritairement occupés par des femmes ; de prendre des mesures pour favoriser l’accès à l’emploi. La France se classe vingt-cinquième sur trente-huit dans l’OCDE pour ce qui est du taux d’emploi des femmes. Si le taux d’activité des femmes et des hommes était égal, 1,1 million de femmes supplémentaires travailleraient et cotiseraient. L’égalité salariale entre femmes et hommes rapporterait au moins 5,5 milliards d’euros de cotisations, ce qui permettrait de revaloriser les pensions. (Mêmes mouvements.)
Voilà nos propositions ; les solutions sont devant vous. Que comptez-vous faire pour sortir les retraites du patriarcat ? Dans l’attente d’une réponse satisfaisante, nous resterons mobilisées, dès mardi prochain et le 8 mars lors de la grève féministe. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Vous m’interrogez sur la philosophie générale de cette réforme. Je tiens à rappeler que dans le système actuel, les femmes attendent plus souvent l’âge maximal de départ à la retraite pour ne pas subir de décote. Pour protéger les femmes, cet âge restera fixé à 67 ans, car elles perçoivent le plus souvent les plus petites pensions.
M. Charles de Courson
Un vrai progrès !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Cette réforme agit sur l’écart de pension entre les femmes et les hommes, qui s’établit autour de 30 %. Nous visons sa réduction à 20 % à l’horizon 2030, grâce à une meilleure prise en considération des congés parentaux et des congés de proche aidant, et grâce au travail mené sur le minimum de pension, qui bénéficiera plus largement aux femmes – 60 % d’entre elles sont concernées.
Au-delà de l’augmentation des pensions, de 6 % en moyenne pour les femmes – un peu moins pour les hommes –, nous avons pris un ensemble de mesures pour résoudre ce problème à la source, et ce dès 2018, avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel…
Mme Mathilde Panot
Je vous rappelle que 92 % des entreprises ne sont pas sanctionnées !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
…dont le titre III, relatif à l’index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, présente certaines exigences et vise à réduire les inégalités de rémunération et de carrière.
Mme Mathilde Panot
Il ne sert à rien, votre index !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle permet également d’aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes dans leur parcours de carrière et dans leurs responsabilités – c’est aussi un enjeu.
Mme Mathilde Panot
Et les AESH ?
Mme la présidente
La parole est à M. William Martinet.
M. William Martinet (LFI-NUPES)
Vous refusez de prendre en compte la pénibilité des métiers féminisés dans votre réforme des retraites, avec pour conséquence l’aggravation des inégalités.
M. Yannick Neuder
On n’a pas eu le débat !
Mme Émilie Bonnivard
À cause de vous !
M. William Martinet
La situation des femmes sur le marché du travail se dégrade. Entre 2001 et 2015, le nombre d’accidents du travail avec arrêt a diminué de 28 % pour les hommes, mais a augmenté dans la même proportion pour les femmes.
M. Pierre Cordier
Si vous n’aviez pas déposé 17 000 amendements, on aurait pu en discuter ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Émilie Bonnivard
C’est pénible d’être interrompu sans cesse, hein ? Très pénible !
M. William Martinet
Ces chiffres sont évidemment problématiques et sont le fruit de l’histoire du monde du travail : la prévention des risques professionnels s’est d’abord construite dans les branches professionnelles du bâtiment, de la chimie et de la métallurgie, qui sont masculines.
Mais l’histoire n’excuse pas tout. Nous sommes en 2023, il serait temps de prendre conscience que la moitié des travailleurs sont des travailleuses et qu’elles aussi ont droit à une prévention des risques professionnels et à une reconnaissance de la pénibilité. Malheureusement, cette prise de conscience n’a pas eu lieu dans les rangs macronistes.
Prenons l’exemple très concret du compte professionnel de prévention de M. Emmanuel Macron, instauré en 2017. Sur ses six critères, un seul concerne majoritairement les femmes : les gestes répétitifs. Je vais vous détailler le processus par lequel ces critères peuvent exclure les femmes. Le critère relatif au port de charges lourdes, par exemple, est calculé en fonction de poids unitaires et non de poids cumulés. Par conséquent, une hôtesse de caisse – métier presque exclusivement féminin –, qui porte 1 tonne de charge par jour, n’y est pas éligible, ce qui est absolument aberrant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Une députée du groupe LFI-NUPES
Exactement !
M. William Martinet
J’ajoute la pénibilité psychologique, qui concerne beaucoup de métiers du lien ; de nombreuses femmes sont ainsi confrontées à la détresse sociale.
Madame la ministre déléguée, qu’avez-vous fait pour corriger la faiblesse de la prise en considération de la pénibilité des métiers féminisés ? Rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez fait pire, parce que la meilleure des préventions serait de pouvoir partir à la retraite avant que le travail ait cassé le corps et l’esprit. Lorsque vous reculez l’âge du départ à la retraite, vous aggravez la situation. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Je regrette que les débats sur ce sujet n’aient pu se tenir dans le cadre de la discussion sur la réforme des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) …
Mme Élise Leboucher
À cause de votre utilisation de l’article 47-1 !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
…qui a été bloquée par votre groupe.
M. Pierre Cordier
Ça vous a bien arrangé, au Gouvernement ! Nous, on peut le dire !
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Exactement !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
C’est fort dommage, parce que beaucoup de députés auraient souhaité y participer.
Les députés de la majorité ont œuvré en matière de santé au travail avec la loi de 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, que vous n’avez peut-être pas encore eu le temps de découvrir.
Mme Mathilde Panot
Vous n’êtes pas obligée d’être méprisante avec la représentation nationale ! Baissez donc le ton !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
J’en étais la co-autrice et je vous confirme qu’elle visait à améliorer la prévention en santé au travail pour tous, travailleuses comme travailleurs.
Vous m’interrogez sur le projet de retraite défendu par le Gouvernement, qui renforce la prise en considération par tous les leviers disponibles de l’usure professionnelle. Le débat de lundi dernier, organisé à l’initiative du groupe Écologiste-NUPES et consacré à la pénibilité, a permis de rappeler plusieurs éléments.
D’abord, sont améliorés les droits acquis au titre du compte professionnel de prévention, dont bénéficient bien entendu les femmes, qui représentent un quart des personnes exposées, soit environ 160 000 personnes.
M. William Martinet
C’est là qu’est le problème !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Le nombre de points pouvant être acquis sera donc déplafonné et la valeur des points pouvant être utilisés pour suivre des formations ou pour travailler à temps partiel sera augmentée de 30 %. Cette mesure concernera particulièrement aux femmes – vous n’êtes pas sans le savoir.
Ensuite, notre mobilisation est inédite puisque nous créerons un fonds d’investissement, doté de 1 milliard d’euros sur le quinquennat, dédié à la prévention de l’usure professionnelle, liée aux conditions d’exercice de certains métiers – port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques – auxquelles sont soumises les personnes, en particulier les femmes. Très concrètement, une aide-soignante, par exemple, se verra allouer des droits supplémentaires pour suivre une formation professionnelle et bénéficier d’une adaptation de son poste de travail.
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Nathalie Oziol
On a hâte ! LR, donneurs de leçons !
Mme Émilie Bonnivard (LR)
Depuis 2017 et dans la droite ligne de François Hollande, Emmanuel Macron a poursuivi la destruction de la politique familiale française, en baissant le plafond de la prestation d’accueil du jeune enfant – ce qui ne facilite pas le travail des femmes –, en ne restaurant pas l’universalité des allocations familiales et en continuant de rogner sur le quotient familial. Les familles, plus particulièrement les femmes qui travaillent et qui veulent avoir des enfants, ont été pénalisées par ces choix.
Cette année, la France a atteint le triste record de son taux de natalité le plus bas. Il ne faut pas s’en étonner, il est la conséquence de ces choix. Nous n’accompagnons pas les femmes afin de leur permettre de mener, dans le même temps, une vie familiale, une vie de mère et une vie professionnelle épanouies. L’avenir de notre pays, sa puissance et notre système de solidarité et de retraite sont également en jeu.
Malheureusement, la réforme des retraites prend le relais de ces mesures : elle supprimerait la pleine reconnaissance de la maternité dans notre système de retraite. Ma question est simple : comment corrigerez-vous les effets négatifs du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 sur les femmes qui ont eu des enfants ? Il est impératif que d’une manière ou d’une autre, en améliorant leurs pensions, ou en agissant sur l’âge de départ ou l’âge auquel les femmes percevront une retraite à taux plein, cette réforme prenne mieux en considération la grossesse et l’éducation des enfants.
Quid de la proposition des Républicains d’octroyer une surcote de 5 % aux mères de famille qui auraient effectué une carrière complète et atteint l’âge légal de départ à la retraite, ou un départ à la retraite anticipé à 63 ans ? Pour les femmes qui ont eu des carrières hachées, qui ont arrêté de travailler pour élever leurs enfants, qui sont surreprésentées parmi les Français devant travailler jusqu’à 67 ans et qui perçoivent les pensions les plus faibles car elles ont souvent travaillé à temps partiel, quid d’un abaissement de l’âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans ou d’une surcote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Philippe Gosselin
Excellentes questions !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Vous m’avez interrogée sur plusieurs cas de figure. S’agissant des carrières complètes, les personnes se voient accorder des trimestres supplémentaires, au titre de la majoration de durée d’assurance, qui deviennent obsolètes du fait de l’absence d’interruption de carrière. Au contraire, les personnes dont les carrières ont été longuement interrompues doivent travailler jusqu’à 67 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le premier point a fait l’objet d’un amendement, voté par la commission des affaires sociales du Sénat. Il vise à accorder le bénéfice d’une surcote aux femmes ayant atteint la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal, soit 63 ans, et ayant bénéficié de majorations pour enfants. La Première ministre s’est dite favorable à cette disposition, qui complète les avancées en faveur des futurs retraités.
S’agissant du second point relatif à l’abaissement à 65 ans de l’âge de départ à taux plein, cette disposition n’est pas financièrement viable puisqu’elle engendrerait un surcoût estimé à plus de 10 milliards d’euros par an. Néanmoins, le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoit des mesures visant à accompagner la carrière des personnes souhaitant bénéficier d’une retraite à taux plein, notamment en créant une assurance vieillesse des aidants ou en facilitant les rachats de trimestres pour études supérieures et pour les stages.
M. Yannick Neuder et M. Philippe Gosselin
Ça coûte trop cher !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Du reste, il convient de noter que le report de l’âge légal à 64 ans implique l’abaissement de la décote maximale de 25 % à 15 %. Ainsi, les femmes qui souhaitent partir le plus tôt possible malgré des carrières très incomplètes, partiront toujours avec une décote, mais elle sera moins élevée.
M. Philippe Gosselin
Il faut encore améliorer tout ça !
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier (Dem)
Ma question concerne précisément la génération des femmes agricultrices et commerçantes, actuellement à la retraite, qui perçoivent souvent de faibles pensions, bien inférieures au minimum vieillesse. De fait, de nombreuses Françaises, avant que des statuts plus stables et protecteurs n’aient été instaurés, ont travaillé sans toujours cotiser, le plus souvent au sein d’entreprises que dirigeaient leur père puis leur mari. Depuis le certificat d’études jusqu’à leur fin de carrière, elles ont exercé en qualité d’aide familiale, avant d’obtenir le statut de conjointe collaboratrice, reprenant parfois en leur nom l’entreprise en tant que cheffe d’exploitation agricole ou gérante. Elles ont bien souvent validé leurs trimestres, sans pour autant toujours cotiser, mais sont évidemment très concernées par la question des petites pensions et de la pauvreté, à l’heure où sonne la retraite.
Dès lors, que changera pour elles la réforme en cours ? Seront-elles concernées par la revalorisation du minimum contributif ? Parmi ces femmes, combien verront leur pension revalorisée ? On sait bien que l’objectif d’une pension minimale à 1 200 euros pour les femmes qui ont exercé une carrière complète, travaillé à temps plein et perçu le Smic…
M. William Martinet
1 200 euros brut !
Mme Géraldine Bannier
…est particulièrement compliqué à atteindre. Elles étaient souvent mal rémunérées, au-dessous du Smic, et ne pouvaient pas toujours cotiser. Or nos prédécesseurs ont bien trop longtemps occulté cette question.
Le dispositif ne concernera, pour ainsi dire, que les futurs retraités. Mais ces femmes pourront-elles bénéficier de l’augmentation du socle de base du minimum contributif de 25 euros et de sa majoration de 75 euros, allouée aux personnes qui auront cotisé 120 trimestres ? J’ai cru comprendre que les agricultrices percevant une pension à taux plein, sans forcément avoir atteint la durée d’assurance requise, pourraient bénéficier de cette revalorisation. En ira-t-il de même pour les commerçantes ? Étant donné que les réponses à ces questions sont très attendues dans nos territoires, pouvez-vous éclairer la représentation nationale ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Les femmes conjointes collaboratrices, qu’elles soient anciennes agricultrices ou indépendantes, perçoivent en effet des pensions particulièrement peu élevées, du fait d’un faible niveau de cotisations.
Rappelons d’abord les avancées votées sous le précédent quinquennat, notamment dans le cadre de la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, dite loi Chassaigne 2, adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Elle prévoit le versement d’une pension minimale aux non-salariés agricoles, qui a été revalorisée et dont bénéficient notamment les conjointes collaboratrices et les aides familiaux. On dénombre 200 000 bénéficiaires, dont 60 % de femmes, avec un gain moyen de 70 euros par mois, pouvant dépasser 100 euros par mois pour 30 % des bénéficiaires.
La deuxième disposition de cette loi que je souhaite saluer est l’encadrement du statut du conjoint collaborateur pour les agriculteurs et les artisans, dont la durée d’affiliation est limitée à cinq ans, afin d’éviter d’enfermer les personnes dans un statut générant peu de droits.
S’agissant des mesures de revalorisation des petites pensions, prévues dans le PLFRSS pour 2023, la pension minimale augmentera autant pour les personnes affiliées au régime général que pour celles affiliées au régime agricole. Il en ira donc de même pour les commerçants et les artisans. Dans les deux cas, les trimestres des conjoints collaborateurs sont considérés comme des trimestres cotisés. La hausse sera donc bien calculée sur la base de 100 euros supplémentaires par mois, en fonction des durées et des profils de carrière.
Sur la question des anciens agriculteurs, il s’agit d’un dispositif spécifique prévu par la loi du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite loi Chassaigne 1, s’appliquant aux anciens exploitants qui ont parfois été conjoints collaborateurs. La loi prévoyait que seuls ceux qui pouvaient justifier d’une pension à taux plein avaient droit à la garantie spécifique égale à 85 % du Smic net. Nous supprimons cette disposition pour ouvrir le dispositif à ceux qui bénéficient d’une retraite à taux plein pour d’autres raisons, par exemple l’invalidité ou l’âge de départ. Cela permettra à 45 000 personnes de voir leur pension augmenter d’environ 80 euros en moyenne par mois.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Petit.
M. Bertrand Petit (SOC)
Dans huit jours très précisément, mercredi 8 mars, nous célébrerons la Journée internationale des droits des femmes. Parmi ces droits, il y a le droit à un salaire égal. Or en matière salariale, comme en matière de retraite, force est de constater que les femmes sont les éternelles laissées-pour-compte.
Les chiffres le rappellent : leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 22 % à ceux des hommes ; leurs pensions sont inférieures de 40 % à celles versées aux hommes ; 70 % des bénéficiaires de la pension minimale sont des femmes ; parmi le million de retraités pauvres, 76 % sont des femmes. Neuf réformes des retraites en cinquante ans n’auront pas suffi à réduire ces inégalités ; au mieux, elles les auront freinées.
Votre réforme n’y changera rien, bien au contraire, puisque 60 % de son coût sera supporté par les femmes. L’allongement de la durée de cotisation pénalise les personnes qui ont des carrières courtes ou hachées et qui ne parviennent pas à atteindre la durée de cotisation. Ce sont en majorité des femmes. Dans le calcul de la retraite des personnes ayant accompli des carrières courtes, deux éléments sont plus discriminants : le calcul sur les vingt-cinq meilleures années et la décote. C’est une double discrimination pour les personnes ayant effectué des carrières incomplètes, et les femmes sont les plus touchées.
Tous les spécialistes s’accordent à dire que pour réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes, il faut s’attaquer à tout ce qui vient avant et pendant l’activité professionnelle : réduire voire supprimer les inégalités salariales, s’attaquer à la question des pénalités que subissent les femmes quand elles sont mères.
À ce titre, j’ai lu avec intérêt les déclarations de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion dans un article du journal Le Monde où il indiquait vouloir permettre aux mères de famille de choisir entre des trimestres pour maternité et une majoration de leur pension à la carte. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos intentions précises à ce sujet et en quoi ces dispositions seraient réellement de nature à rétablir les femmes dans leurs droits, et surtout à mettre un terme à ces inégalités ? Par ailleurs, pouvez-vous m’indiquer si de telles mesures s’appliqueront indistinctement aux femmes travaillant dans le secteur privé comme à celles exerçant dans le secteur public ? (Mme Andrée Taurinya applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Vous m’avez interrogée sur la possibilité de choisir entre les trimestres de maternité et des majorations de pension. Votre question souligne le fait que les droits familiaux actuels ne sont pas exercés de la même manière par tous ; on estime que près d’un tiers des femmes qui partent à la retraite bénéficie d’une majoration de leur pension. Ce phénomène se renforcera dans les années à venir, notamment car les femmes sont davantage présentes sur le marché du travail.
Le droit d’option entre majoration de la pension dès le premier enfant et diminution de la durée d’assurance est une piste de réflexion plutôt nouvelle, qui viendra renforcer les options en vigueur. Par exemple, la majoration accordée au titre de l’éducation des enfants peut être partagée entre les deux parents. Elle pourra faire partie des nouvelles pistes étudiées dans le cadre du rapport du COR en cours d’élaboration sur les droits familiaux et conjugaux, afin d’évaluer les effets financiers et redistributifs de cette mesure et la lisibilité du système de retraite. Ce rapport sera remis au Parlement, afin de poursuivre les avancées dans ce domaine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
Dans la droite ligne de mon intervention sur la nécessité de traiter la question des inégalités de retraite par la racine, je vous propose de l’envisager sous l’angle de l’impérieuse obligation de corriger les inégalités salariales.
En début d’après-midi, j’ai reçu une classe de ma circonscription du Chablais. Une jeune fille de 15 ans m’a demandé si c’était bien les députés qui votaient les lois. Elle a poursuivi en me demandant pourquoi, dans ce cas, les femmes étaient-elles moins rémunérées que les hommes. Que répondre à cette jeune fille qui ne peut comprendre cette situation complètement injuste ?
Je vous propose donc un axe de réflexion. Mis en place en 2019 par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dit index Pénicaud, permet de mesurer les inégalités salariales au sein des entreprises d’au moins cinquante salariés. Il vise à supprimer ces écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Il s’articule autour de cinq critères : les écarts de rémunération, les écarts entre les augmentations annuelles, les écarts de taux de promotions, les augmentations au retour de congé maternité, la part des femmes dans les plus hautes rémunérations de l’entreprise. Toutes ces données doivent être publiées par les entreprises.
La création de cet index a certes permis une avancée en matière d’égalité professionnelle. Néanmoins, les femmes restent bien moins rémunérées que les hommes – ce fait a été rappelé à plusieurs reprises. Ne serait-il pas pertinent de durcir les contraintes et les pénalités financières de cet index, afin qu’on puisse un jour résoudre cette question de l’inégalité salariale ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Voilà une conviction que nous partageons. Il est difficile, en effet, d’expliquer aux jeunes générations ces inégalités salariales, qui sont absolument inacceptables. La loi, en la matière, n’est pas si facile à faire appliquer, mais nous devons nous y employer avec détermination. J’ajoute que cet état de fait explique largement les inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes en matière de retraite. S’en prendre aux écarts de salaires, c’est donc attaquer le problème à la racine.
Certes, les droits familiaux et conjugaux permettent de réduire ces écarts, mais nous devons agir dès l’orientation des jeunes, notamment des jeunes filles, en les encourageant à se former aux métiers d’avenir et aux métiers les mieux rémunérés. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine, d’une part, en luttant, dès la découverte des métiers, au collège, contre les stéréotypes de genre et, d’autre part, en développant des dispositifs tels que le mentorat – M. Le Vigoureux, ici présent, connaît bien le sujet – pour inciter les jeunes filles à se montrer ambitieuses et à embrasser des carrières prometteuses, notamment en matière de rémunération.
L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est désormais une réalité – la plupart des entreprises le publient – et commence à produire ses effets. Ainsi, différentes études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) montrent que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes en équivalent temps plein a été ramené de 16,8 % à 16,1 % entre 2017 et 2019, puis de 16,1 % à 14,8 % entre 2019 et 2020.
On constate donc une accélération de la réduction des inégalités salariales, mais elle doit être encore plus rapide pour que nous parvenions à supprimer l’écart entre les rémunérations, donc entre les pensions. Tel est notre objectif commun, et nous sommes tous, je crois, déterminés à l’atteindre.
Mme Mathilde Panot
Ne faut-il pas sanctionner davantage ? Cette question ne vous intéresse donc pas ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES)
Lors de l’examen du projet de loi de réforme des retraites, le Gouvernement nous a habitués aux fausses promesses ; nous les avons dévoilées ici même, dans l’hémicycle. La première d’entre elles, c’est la pension minimale à 1 200 euros que, nous l’avons bien compris, tant de femmes ne toucheront pas, car elles ont été contraintes de travailler à temps partiel. Ensuite, contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre déléguée, les femmes ne seront pas les premières bénéficiaires de la réforme des retraites : elles seront, au contraire, les premières à être pénalisées.
Vous avez évoqué le débat qui s’est tenu lundi sur la pénibilité, débat auquel a participé une représentante des aides à domicile, Mme Anne Lauseig. Elle a rappelé que le compte pénibilité ne concerne pas les auxiliaires de vie : la pénibilité liée au port de charges lourdes, aux cadences, aux postures, n’est pas prise en compte. Or – et c’était son message –, elles sont trop épuisées, nerveusement, moralement et physiquement, pour travailler jusqu’à 64 ans.
Au-delà, les chiffres sont contre vous. Michaël Zemmour, dont on a souvent évoqué les travaux, a étudié les personnes sur lesquelles porteront les économies permises par la réforme – car celle-ci n’est rien d’autre qu’une mesure d’économie : il s’agit de faire travailler et cotiser les gens plus longtemps pour permettre à l’État de dépenser moins d’argent public.
Or, il ressort très clairement de son étude que c’est sur les femmes que pèseront 60 % des économies immédiates réalisées grâce au report de l’âge légal de départ à la retraite. Il cite l’exemple de la génération des personnes nées en 1972 : alors que les femmes de cette génération percevront des pensions inférieures en moyenne de 30 % à celles des hommes, elles travailleront neuf mois de plus – contre cinq mois de plus pour les hommes. Près de 12 000 euros seront ainsi économisés sur le dos de chaque femme née en 1972.
Pouvez-vous confirmer ces chiffres et enfin reconnaître que les économies permises par la réforme seront faites sur le dos des femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Votre question est simple ; ma réponse le sera tout autant. Si l’on inclut les mesures d’accompagnement prévues dans le texte initial du Gouvernement, notamment la revalorisation des petites retraites, le bilan financier de la réforme montre qu’à l’horizon 2030, la répartition du rendement entre les femmes et les hommes est parfaitement équilibrée : 50-50.
Mme Cyrielle Chatelain
Ma question portait sur les économies immédiates, celles qui seront réalisées d’ici à 2030 !
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Dans la continuité des travaux menés par le président de mon groupe, André Chassaigne, et près d’un an après l’adoption définitive de sa proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles à hauteur de 85 % du Smic pour une carrière complète de chef d’exploitation, nous avons défendu une proposition de loi visant à reconnaître à sa juste valeur le travail des conjoints collaborateurs et aides familiaux.
En effet, au quatrième trimestre de 2020, la pension mensuelle moyenne s’élevait à 574 euros pour les conjoints ayant validé au moins 150 trimestres et à 716 euros pour les membres de la famille ayant validé au moins 150 trimestres. Mais le montant de la pension de ces travailleurs peut être encore plus faible, en particulier s’ils n’ont pas validé un nombre suffisant de trimestres. C’est pourquoi cette seconde loi Chassaigne prévoit une revalorisation mensuelle de 100 euros en moyenne à partir du 1er janvier 2022 de la pension des quelque 210 000 retraités concernés, dont 67 % sont des femmes.
Si cette nouvelle loi, fruit d’une mobilisation collective et continue des retraités agricoles, représente une avancée, beaucoup reste à faire pour garantir à tous ces retraités une retraite digne. Aussi ma question est-elle simple. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour revaloriser les pensions de ces femmes conjointes collaboratrices, dont les carrières sont souvent hachées, et réduire les inégalités qui subsistent avec les retraités du régime général ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Sous la précédente législature, une proposition de loi visant à revaloriser les pensions des conjoints collaborateurs agricoles a été effectivement adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Plus de 200 000 anciens conjoints collaborateurs ou aides familiaux – le plus souvent des femmes – ont pu ainsi bénéficier d’une revalorisation sans précédent de leur pension. Il convenait toutefois de prendre des mesures pour améliorer le montant des futures pensions de retraite et réduire l’écart qui les sépare de celles des salariés.
Ainsi, depuis l’adoption de la loi Chassaigne, le bénéfice du statut de conjoint collaborateur est limité à cinq ans maximum. Au terme de ce délai, il faudra choisir un statut plus valorisant et, surtout, créateur de droits : celui d’associé ou de salarié. Par ailleurs, la hausse des minima de pension – qui peut atteindre 100 euros par mois pour les futurs retraités ayant une carrière complète – s’appliquera également aux minima de pension des non-salariés agricoles, donc aux conjoints collaborateurs, qui partiront à la retraite à compter du 1er septembre 2023.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson (LIOT)
Dans le projet de loi de réforme des retraites, on ne trouve rien sur les pensions de réversion. Or, les règles auxquelles elles sont soumises varient selon le régime concerné – il en existe 42 ! Dans le régime général, elles sont subordonnées à une condition d’âge – 55 ans – et soumises à un plafonnement en cas de cumul avec des droits propres ; dans les régimes spéciaux, ces conditions n’existent pas. De manière générale, plus les régimes sont favorables, plus les conditions d’octroi des pensions de réversion sont libérales ; plus ils sont défavorables, plus ces conditions sont dures.
Ma question est donc simple. Le Gouvernement est-il ouvert au rétablissement du principe d’égalité en matière de pensions de réversion, quel que soit le régime ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Votre question revêt, au-delà des aspects financiers, une dimension sociétale qui est au cœur de nos réflexions, car il y va, au fond, de la vision que l’on a de la pension de réversion et même du mariage. Les évolutions qui peuvent être envisagées dans ce domaine méritent de faire l’objet de débats approfondis et d’études d’impact afin de mesurer leurs effets redistributifs.
Prenons le cas de l’ouverture de la réversion aux couples pacsés. Actuellement, si les conjoints survivants sont plusieurs, la pension de réversion est partagée entre eux. Faut-il prévoir un partage de la pension entre la veuve du défunt et l’ancienne conjointe avec laquelle il a été pacsé dans le passé ?
Ce sont des questions complexes, qui doivent faire l’objet d’une réflexion sociétale approfondie. C’est tout l’objet du futur rapport du COR sur la refonte des droits conjugaux et familiaux.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux.
M. Fabrice Le Vigoureux (RE)
Hier matin, on pouvait lire, dans le courrier des lectrices et des lecteurs de Ouest-France , le témoignage d’une certaine Christelle, qui fait écho aux préoccupations exprimées par beaucoup des femmes que, tous, nous avons reçues dans nos circonscriptions.
« Je suis née en 1968, j’ai quatre trimestres cotisés avant l’âge de 20 ans (donc pas de carrières longues) puis je compte quatre trimestres par an jusqu’à 64 ans et une majoration de 24 trimestres pour mes trois enfants… Résultat : 204 trimestres à 64 ans ! Je perds donc le bénéfice des trimestres de maternité et d’éducation qui passent à la trappe…[…] »
Comme Christelle, beaucoup de femmes attachées à la sauvegarde du régime de retraite par répartition m’ont dit comprendre les évolutions démographiques et savoir qu’il y a de moins en moins d’actifs pour financer de plus en plus de retraités. Beaucoup comprennent que si nous voulons préserver le niveau des pensions sans alourdir des prélèvements déjà très élevés sur les actifs ou sur ceux qui les emploient, nous devons collectivement accepter de travailler un peu plus longtemps.
Mais ces femmes m’ont dit aussi qu’elles ont eu des enfants et, à ce titre, des majorations de trimestres qui compensent une carrière freinée, des possibilités de progression professionnelle moins nombreuses, des salaires qui n’ont pas suivi pas la même courbe que celle suivie par les salaires de leurs collègues masculins ou de celles de leurs collègues qui n’ont pas connu les joies mais aussi les exigences et les renoncements que suppose l’accueil d’un enfant dans son foyer.
Cette question des trimestres « en trop », qui ne sont pas pris en compte et sont au cœur des articles 7 et 8 de la réforme des retraites, nous souhaitions en débattre dans cette assemblée. J’avais, à cette fin, déposé un amendement avec quarante-trois de mes collègues de la majorité. Las ! nous en avons été empêchés par l’obstruction pitoyable de quelques députés LFI et leurs milliers d’amendements identiques. Je me réjouis néanmoins que ce sujet s’annonce au cœur des débats du Sénat et que le ministre Dussopt se soit montré très ouvert à des avancées en la matière.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous confirmer que des contreparties, sous la forme d’une majoration de pension ou d’un départ anticipé, sont à l’étude pour toutes ces femmes qui, parce qu’elles ont travaillé toute leur vie tout en éduquant leurs enfants, ont cotisé, au moment de leur départ à la retraite, pendant un nombre de trimestres beaucoup plus important que celui qui est requis ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Le témoignage que vous citez met en exergue un phénomène assez courant, celui d’une majoration de la durée d’assurance en sus d’une carrière déjà complète. En raison de la plus grande participation des femmes au marché du travail, les majorations de durée d’assurance, créées dans les années 1970 pour compenser des trous dans la carrière et faciliter un départ à taux plein, viennent de plus en plus s’ajouter à des carrières déjà complètes. On estime actuellement à 30 % la part des femmes qui se trouvent dans cette situation, et ce phénomène est appelé à se développer.
J’ai bien entendu à l’esprit la démarche collective que vous avez entreprise pour prendre en compte cette réalité et participer à la réflexion générale sur les droits familiaux et conjugaux. Deux options peuvent être proposées à cet égard : celle d’un départ anticipé du fait de la maternité – c’était l’objet de l’amendement que vous avez évoqué – ou celle d’une augmentation des pensions des femmes concernées. Le Gouvernement privilégie la seconde option pour parvenir à l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes et favoriser le pouvoir d’achat.
Je sais que vous-même et vos collègues de la majorité êtes très attentifs à la question, essentielle et légitime, de la retraite des femmes, et je me réjouis que le Sénat vous accompagne dans votre démarche en reprenant votre proposition de surcote. C’est à présent au débat parlementaire de s’emparer du sujet pour aller vers plus de justice sociale.
Mme la présidente
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad (RE)
Les débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites n’auront pas permis, en raison d’une obstruction permanente, d’examiner l’ensemble des situations et des mesures proposées – je pense en particulier à la situation des femmes. Nous faisons tous le constat d’inégalités entre les hommes et les femmes, constat étayé par les chiffres et de multiples rapports et, au-delà, par les situations humaines dont nous avons connaissance dans l’exercice de nos mandats.
Des avancées sont proposées dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Vous le savez, si ces avancées sont autant de graines semées, il faut poursuivre la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, inégalités qui, constatées tout au long de la vie, se traduisent pour les femmes par une vraie injustice au moment de leur départ à la retraite.
Je sais le souci permanent du Gouvernement et de la majorité, car c’est également le mien, de gommer les injustices et les inégalités professionnelles mais, vous le reconnaissez tout à fait, cela ne va pas assez vite.
N’ayant pas pu, comme nombre de collègues, défendre une série d’amendements à ce sujet, je souhaite que vous confirmiez, madame la ministre déléguée, l’engagement du Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour en terminer avec ces inégalités salariales, ainsi que les dispositions annoncées sur les carrières interrompues et sur la pénibilité.
Je tiens en outre à évoquer les pensions de réversion, facteur d’inégalité selon les régimes, qu’il s’agisse des conditions d’âge, de ressources, de durée de mariage, de non-remariage… sans parler des méthodes de calcul au nombre, si je ne m’abuse, de treize. Il y a trois ans, au moment de présenter le système universel de retraite, on avait évoqué l’idée de remplacer ces règles par une augmentation du montant de la pension, qui passerait de 54 % de la pension du défunt à 70 % des revenus du couple. Cette mesure permettrait de garantir de meilleurs revenus à la personne survivante qui est le plus souvent une femme.
Pouvez-vous nous préciser la manière dont vous entendez procéder, nous confirmer que nous allons traiter prochainement de cette question, enfin nous dire si le dispositif des pensions de réversion sera étendu aux couples pacsés ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Vous proposez d’une part de revoir les pensions de réversion pour garantir le maintien du niveau de vie de la personne survivante à 70 % des deux pensions du couple, alors que la personne survivante perçoit actuellement une fraction de la pension du défunt, et, d’autre part, d’étendre les pensions de réversion aux couples pacsés.
Ces deux questions ont été particulièrement abordées par les partenaires sociaux au cours du second cycle de concertation consacré à l’équité et à la justice sociale. Un consensus s’est dégagé puisque, au-delà du seul aspect financier, il s’agit d’une question de société. La place qu’on donne à la pension de réversion et la place accordée au mariage doivent en effet être pensées collectivement. Les évolutions en la matière méritent des discussions approfondies, en particulier sur les effets redistributifs attendus, et elles devront avoir lieu dans le cadre du rapport sur la refonte des droits familiaux. Nous y reviendrons donc prochainement.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN)
Le projet de réforme des retraites, depuis l’étude d’impact jusqu’à nos débats en séance, conduit à un constat très clair : cette réforme est injuste et brutale. Les femmes seront en effet davantage défavorisées par le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Elles devront travailler en moyenne quatre mois de plus que les hommes, quatre mois qui s’ajoutent aux dix actuels, alors même que, d’après le rapport du COR, et abstraction faite de la réforme, l’amélioration des carrières féminines et la meilleure prise en compte de la maternité doivent permettre, à l’horizon 2050, l’amélioration du niveau des pensions perçues par les femmes et son rapprochement de celui des retraites des hommes. Or cette dynamique positive sera brisée car celles qui pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis à l’occasion de la naissance de leurs enfants devront désormais attendre l’âge légal, soit deux ans de plus pour partir.
J’ai interrogé le ministre Dussopt le 1er février au sein de la délégation aux droits des femmes mais il s’est dérobé. Et pourtant je me réjouis que, depuis mon interpellation, le Gouvernement ait amendé sa position sur la question et envisagé de prendre des mesures pour remédier à cette injustice. En effet, le ministre Dussopt a lui-même admis ce dimanche qu’il fallait agir contre 1’effet de « neutralisation » des trimestres validés au titre de la maternité qui seraient, selon lui, « perdus » du fait du relèvement de l’âge de départ à la retraite.
La Première ministre elle-même a déclaré être favorable à une mesure de bonification des trimestres validés par les mères de famille. Le Sénat a adopté un amendement visant à ce que les mères de famille totalisant quarante-trois annuités de cotisations du fait d’une majoration de durée d’assurance par enfant, bénéficient d’une surcote à partir de 63 ans. Dans l’hypothèse où vous persisteriez à maintenir cette réforme des retraites injuste, pouvez-vous vous engager à soutenir cet amendement ou une proposition parlementaire allant dans le même sens ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Au fond, vous m’interrogez sur le mécanisme qui permet à certaines femmes de partir à la retraite avant l’âge prévu, mécanisme qui correspond de moins en moins à des carrières de plus en plus complètes – ce qui est heureux. L’amendement adopté par la commission sénatoriale des affaires sociales est en discussion afin que nous puissions voter des dispositions de ce type en séance. Je tiens néanmoins à réaffirmer que même après l’adoption de la réforme, les femmes partiront en moyenne plus tôt que les hommes à la retraite. Il est important de le rappeler.
La réforme prévoit des mesures pour faciliter les départs après une carrière longue, notamment en prenant en compte les trimestres de congés parentaux dans la durée exigée des carrières longues. Elle prévoit également que l’âge du taux plein, notamment pour les femmes dont la carrière a été hachée, restera 67 ans, réduisant ainsi l’écart actuel de cinq ans à trois ans.
Autant de mesures qui se complètent les unes les autres pour répondre à la question de la maternité mais aussi à celle de l’allongement de la durée de la vie et à celle de la chute de la démographie. Grâce à tous ces dispositifs, encore une fois, le système des retraites sera en équilibre en 2030. Enfin, je tiens à le répéter, le rendement net de la réforme est dû aux hommes et aux femmes à parts égales.
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Grangier.
Mme Géraldine Grangier (RN)
« Inégalités », c’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand je pense à la situation des femmes au travail : inégalités pendant leurs années travaillées, inégalités une fois à la retraite. Le constat est amer tant ces inégalités persistent pour celles qui cumulent salaires inférieurs et carrières plus courtes et souvent hachées. En chiffres, la différence du montant des pensions de retraite est édifiante : elle est de 40 % en faveur des hommes. On sait que les salaires des femmes sont, quant à eux, inférieurs de 22 % à ceux des hommes.
De plus, la prise en compte de la pénibilité au travail, citée dans le projet de loi, occulte les métiers majoritairement féminins. Certes, personne ne contestera que les métiers du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) sont particulièrement pénibles mais est-ce une raison pour ne pas prendre en considération, par exemple, les aides-soignantes qui doivent soulever leurs patients ?
Tous les observateurs s’accordent pour considérer que la réforme pénalise les femmes. Certains vont plus loin en la qualifiant de sexiste. Même si la durée de carrière est en nette augmentation, nous savons tous qu’elle reste plus courte chez les femmes. Ceci s’explique notamment par l’arrivée des enfants. Nombreuses sont celles qui se retrouvent pénalisées, non pas à cause leur enfant, mais, malheureusement, par leur direction. Certaines font dès lors le choix de se consacrer à l’éducation de leurs enfants et se mettent pour un certain temps en retrait de la vie professionnelle.
Croyez-vous que les entreprises garderont ces femmes en poste jusqu’à 67 ans ? Croyez-vous vraiment qu’après une coupure dans leur carrière, ces mêmes femmes pourront reprendre un poste équivalent pour un salaire équivalent ? Croyez-vous sincèrement que ces femmes seront suffisamment en forme pour travailler jusqu’à l’aube de leurs 70 ans ?
Par ailleurs, les femmes sont nettement majoritaires parmi les aidants – elles en représentent 57 %. Avec l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement de la population, le nombre d’aidants va s’accroître. Il faut répondre à cet enjeu de société. Vous avez annoncé la création d’une assurance vieillesse pour les aidants afin que les trimestres consacrés à aider une personne soient validés. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Je tiens à affirmer que la réforme ne pénalise pas les femmes…
Mme Estelle Youssouffa et M. Charles de Courson
Ce n’est pas vrai !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
…mais au contraire protégera celles dont la carrière aura été hachée, celles qui ont commencé à travailler tôt et celles qui ont des revenus faibles. Jusqu’à présent, les femmes partaient à la retraite en moyenne plus tard que les hommes – notamment du fait d’interruptions de carrière. Or les choses changent pour les nouvelles générations de retraitées : désormais, les femmes partiront légèrement plus tôt que les hommes. De plus en plus souvent, les femmes peuvent concilier maternité et poursuite de leur activité professionnelle, ce qui est heureux. Un tiers des trimestres « enfant » ne sont pas utilisés parce que, précisément, les femmes ont pu continuer leur activité – c’est, j’y insiste, une bonne nouvelle.
En ce qui concerne les aidants, l’article 12 du projet de loi – article que nous n’avons pas pu examiner – prévoit trois grandes dispositions. Il s’agira ainsi : d’abord de rassembler des droits dont la dispersion explique qu’ils sont souvent mal connus et qu’on n’y recoure pas, ensuite d’accorder des droits, notamment aux aidants des parents bénéficiant du complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), enfin de supprimer la condition de cohabitation avec l’aidant, ou la condition du lien familial. Nous faciliterons ainsi le recours aux aidants et permettrons que, désormais, 100 000 personnes soient couvertes contre 70 000 aujourd’hui.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard (NI)
Le nombre de retraités en France augmente de 150 000 à 200 000 par an alors que celui des actifs demeure relativement stable. Dans les années 1960, on l’a dit, le régime général des salariés comptait plus de quatre cotisants pour un retraité, ratio qui est passé à 1,7 et qui va continuer à baisser. C’est donc en particulier sur ce ratio et sur la natalité que nous devons agir pour assurer la viabilité du système de retraite par répartition.
Il est dès lors impératif de partir du principe que les mères de famille contribuent peut-être plus que tous les autres à pérenniser nos retraites. Lors de la naissance d’un enfant, on accorde huit trimestres dans le secteur privé, quatre au titre de la maternité ou de l’adoption et quatre au titre de l’éducation de l’enfant, trimestres qui, depuis 2010, peuvent être répartis entre les deux parents. J’ajoute une petite précision qui a son importance : ces trimestres comptent pour la durée de cotisation mais pas pour l’âge de départ à la retraite.
Avec votre réforme, le décalage de l’âge légal de départ efface donc le bénéfice des trimestres validés pour la maternité. Les femmes qui, grâce à ces trimestres, pouvaient partir de façon anticipée avec une carrière complète – on les estime à plus de 100 000 par an – vont désormais devoir attendre l’âge de 64 ans. Parce que vous mélangez nombre d’annuités et âge de départ, parce qu’il faudra travailler jusqu’à 64 ans et avoir travaillé quarante-trois annuités pour ne pas subir de décote, les femmes qui ont mis entre parenthèses leur carrière pour avoir des enfants ou pour les élever subissent donc, du fait de votre réforme, une double injustice : non seulement leurs retraites sont souvent moindres, du fait de carrières hachées et de salaires toujours inférieurs à ceux des hommes, mais ces retraites seront très souvent soumises à une décote.
Je regrette que nous n’ayons pas pu avoir ce débat dans l’hémicycle mais pouvez-vous, madame la ministre déléguée, nous éclairer sur les mesures que le Gouvernement prendra, d’une part pour que le bénéfice des trimestres accordés aux femmes pour leur maternité ne soit pas effacé et d’autre part pour qu’elles ne subissent pas cette décote qui les pénaliserait encore un peu plus. (M. Charles de Courson et Mme Estelle Youssouffa applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
En ce qui concerne les trimestres de maternité, il s’agit probablement d’une question liée à la surcote, nous en avons déjà discuté. Pour ce qui est la décote des retraites des femmes, les éléments de réponse que j’ai à vous apporter sont en fin de compte les mêmes que ceux que j’ai pu donner à Mme Bonnivard : baisser l’âge d’annulation de la décote n’est pas réaliste d’un point de vue financier, mais le Gouvernement lutte contre cette décote en accordant des trimestres supplémentaires assimilés pour l’assurance vieillesse des aidants, et en reportant l’âge légal de départ à la retraite qui implique une décote maximale de 15 % plutôt que 25 % pour celles qui souhaitent partir dès que possible malgré des carrières très incomplètes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Fanta Berete.
Mme Fanta Berete (RE)
Le ministre Olivier Dussopt a indiqué sur BFM TV, le week-end dernier, être d’accord pour enrichir le texte sur les retraites. Il a notamment fait part de sa volonté de reprendre des amendements lui paraissant pertinents mais qui n’ont pas pu être examinés en commission ou en séance. Il a illustré son propos en évoquant un amendement d’un de nos collègues communistes, visant à corriger la cruelle suppression de la majoration de pension pour les parents de trois enfants lors du décès de l’un d’eux. Nous ne pouvons qu’aller dans son sens.
Je souhaite néanmoins revenir sur cette majoration pour le troisième enfant. Le code de la sécurité sociale prévoit un montant de 10 % pour la mère et de 10 % pour le père. Savez-vous que sur les 8,8 milliards d’euros que coûte cette disposition, 5,1 milliards d’euros bénéficient à ces messieurs contre 3,3 milliards d’euros à ces dames ? Ce sont en moyenne 140 euros de pension en plus par mois pour les hommes et seulement 70 euros pour les femmes.
C’est injuste ! Oui, injuste, car ce sont les femmes qui enfantent, car ce sont leurs carrières qui sont pénalisées par les grossesses, car ce sont elles qui touchent les pensions les plus faibles. Je rappelle à cet égard que la pension moyenne des femmes est inférieure de 40 % à celle des hommes.
Ainsi, le mode de calcul de la majoration pour troisième enfant reproduit et accentue les inégalités femmes-hommes accumulées tout au long de la carrière, ce qui est une aberration.
J’avais déposé sur cette question un amendement au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que le groupe Renaissance avait soutenu, mais qui n’a pu être examiné en séance. Il visait à porter le montant de la majoration à 15 % pour les mères et à le réduire à 5 % pour les pères. De cette manière, nous inverserions la situation et ce seraient 4 millions de femmes qui verraient leur pension majorée en moyenne de 800 euros par an. De plus, selon mes estimations, cette nouvelle ventilation permettrait même d’économiser 200 millions d’euros par an.
Si nous ne sommes pas capables de réparer ce type d’injustice systémique et hautement symbolique, comment pourrons-nous nous atteler au reste ?
Que pensez-vous donc de cette proposition ? M. Dussopt serait-il prêt à la défendre par voie d’amendement lors de l’examen du texte au Sénat ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
Vous souhaitez modifier la répartition de la majoration accordée aux parents d’une famille de trois enfants ou plus pour qu’elle ne soit plus partagée à parts égales, mais au bénéfice des mères.
Il est vrai que cette majoration de 10 % pour famille nombreuse profite en moyenne davantage aux hommes qu’aux femmes, étant donné que les pensions des hommes sont plus élevées. Ce constat avait été fait lors de l’élaboration du projet de loi instituant un système universel de retraite, lequel prévoyait l’instauration d’une majoration dès le premier enfant, fléchée vers les femmes. Au fond, votre réflexion s’inscrit dans cette logique.
Nous souhaitons que cette possibilité soit étudiée dans le cadre du futur rapport relatif aux droits familiaux et conjugaux, car elle pose de nombreuses questions plus globales.
Premièrement, y a-t-il un consensus pour opérer une telle redistribution au bénéfice des pensions des femmes et au détriment de celles des hommes ? Si oui, cette évolution devrait-elle concerner les familles déjà existantes ou seulement les enfants à naître ? Ensuite, quel mécanisme de partage des droits entre les femmes et les hommes choisir et que prévoir lors des séparations ? En outre, faudrait-il prévoir, à l’instar du projet d’établissement d’un système universel de retraite, une majoration dès le premier enfant ? Le cas échéant, comment financer une telle mesure ?
Ainsi votre proposition pose-t-elle un très grand nombre de questions, et il reviendra donc à la mission dédiée aux droits familiaux de les étudier et d’apporter des éléments de réponse.
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 3 mars 2023