Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Charlotte CAUBEL, bonjour et bienvenue.
CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
On est ravi d’avoir plus de temps parce qu’il y a beaucoup de sujets d’actualité dans votre domaine cette semaine. On ne parle que retraite dans les médias, mais en fait il s’est passé des choses à l’Assemblée nationale. Alors, on va faire le tour de ces textes qui sont passés, parfois en première lecture, parfois ils sont plus à l’état d’ébauche. Une députée, Caroline JANVIER, a déposé une proposition de loi, qui a été adoptée, pour sensibiliser au bon usage des écrans, alors j’avoue que ça m’a laissé un peu circonspect, une loi qui veut sensibiliser, moi j’attends d’une loi qu’elle soit coercitive.
CHARLOTTE CAUBEL
Vous n’avez pas tort, mais je pense qu’on est aujourd’hui à un stade de prise de conscience nécessaire de tout le monde sur l’impact des écrans sur nos plus jeunes enfants, qui justifiait de passer effectivement par le Parlement pour bien rappeler un certain nombre de choses. Le rapport du Haut conseil… enfin à l’autorité scientifique, nous dit bien que les moins de 6 ans aujourd’hui sont vraiment fortement impactés par tous les écrans, là on est vraiment sur l’usage excessif, la durée devant l’écran. Un enfant de 2 ans aujourd’hui 2 heures devant un écran.
CHRISTOPHE BARBIER
Quels écrans, c’est la télévision qui sert de nounou, ou c’est aussi le téléphone ?
CHARLOTTE CAUBEL
Non, par exemple on m’a dit que maintenant on mettait le téléphone au-dessus des berceaux comme mobile, vous voyez, vous accrochez votre téléphone et ça fait…
CHRISTOPHE BARBIER
Comme jadis les petits jouets qui tournaient.
CHARLOTTE CAUBEL
Les petits jouets, voilà, donc c’est une problématique, parce que d’abord c’est une image, mais surtout il n’y a pas d’interaction entre les parents et les enfants, donc on a de nombreux troubles qui sont consécutifs, troubles d’acquisition du langage, troubles de la vue, troubles de l’attention, troubles du sommeil, c’est vraiment un enjeu de santé publique et je pense que Caroline JANVIER et le Parlement avaient envie de se saisir de ce sujet parce que derrière tout ça c’est l’équilibre, le développement de nos enfants qui est en jeu.
CHRISTOPHE BARBIER
La suite de ce texte c’est des études, c’est surveiller une génération ?
CHARLOTTE CAUBEL
Ah non, non, il y a d’abord des messages très clairs qui vont être sur l’ensemble des appareils, un peu comme on a le Nutri-Score, la femme enceinte…
CHRISTOPHE BARBIER
Ou « à consommer avec modération » pour les alcools.
CHARLOTTE CAUBEL
Voilà, on aura en dessous de 6 ans « attention, il faut impérativement un suage raisonné et accompagné de ces appareils », et puis avec effectivement la formation de l’ensemble des professionnels, parce que les écrans sont aussi utilisés dans les crèches, dans les écoles, donc là pareil, des messages assez clairs, et puis évidemment de l’accompagnement scientifique aussi pour bien mesurer l’impact, donc une loi qui cherche à sensibiliser et responsabiliser les parents, mais aussi l’ensemble des professionnels de l’enfance.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les enfants sont devant les écrans parce que les parents aussi sont devant leurs écrans, ils sont en télétravail, ils sont sur leurs réseaux sociaux, c’est ça le problème.
CHARLOTTE CAUBEL
Vous avez parfaitement raison, le téléphone, plus globalement l’écran, a pris une place très particulière aujourd’hui dans les familles, vous êtes certainement allé au restaurant où vous voyez des familles entières sur leurs téléphones attendre le plat, là où peut-être quelques années auparavant il y aurait eu des échanges, plus ou moins sympathiques, mais en tout cas des échanges. Oui, le téléphone est un objet qui intermédie beaucoup de choses, et il faut que tout le monde en prenne conscience parce que ça change les relations sociales, les relations familiales, les relations affectives, et ça a un impact sur notre santé, et l’équilibre de nos enfants, incontestable.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous avez dit les écrans peuvent devenir la chance, mais aussi le mal du siècle, que voulez-vous dire ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, en fait on a quatre enjeux importants, on a le temps d’écrans, comme je viens d’en parler, et physiquement le fait que nos enfants mangent aussi, on a un problème d’obésité, parce qu’on est devant les écrans et on ne va plus faire de sport dehors, on a un problème de relations parce qu’on est devant les écrans et on ne parle plus à son voisin, à sa maman, à ses, voilà, on a un problème évidemment de contenus illégaux qui sont sur ces réseaux, et je parle là des infractions, donc on pourra parler évidemment des…
CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler bien sûr.
CHARLOTTE CAUBEL
Pédopornographiques, mais on a aussi le harcèlement scolaire, on a aussi évidemment toutes ces infractions, le « grooming », le fait d’aller effectivement escroquer, y compris les enfants, qui sont les premières victimes, on a tous les enfants, l’accès à des contenus légaux, mais qui ne sont pas conformes à leur âge, c’est l’accès au porno, et c’est aussi l’accès aux contenus violents, là où la télé filtre un tout petit peu, sur les réseaux on a une vraie difficulté sur ça, et le quatrième point qui est important pour moi, et qui a fait l’objet d’un texte, c’est la protection de l’image et des données des enfants, sur nos réseaux les données de nos enfants se baladent, les images se baladent, donc quatre enjeux très forts qui sont au coeur du combat que nous portons avec Jean-Noël BARROT.
CHRISTOPHE BARBIER
Cet enjeu de la protection, c’est lundi dernier que les députés ont adopté, à l’unanimité, une proposition de loi pour mieux protéger le droit à l’image des enfants, c’est-à-dire les parents mettent des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, ils ne se rendent pas compte qu’ils les exposent.
CHARLOTTE CAUBEL
J’allais dire on a deux catégories de parents, ou trois pour ceux qui sont un peu plus prudents, on a des parents qui sont fiers de leurs enfants…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça c’est Myriam, qui n’est pas là ce matin, mais alors elle, elle est dans cette catégorie.
CHARLOTTE CAUBEL
Qui sont fiers de leurs enfants, mais je vais vous donner effectivement un chiffre, à 13 ans à peu près 1500 images d’un enfant se baladent sur Internet, donc 1500 images, pas une, pas deux, 1500. Autre chiffre, quand on fait des enquêtes en matière de pédocriminalité, notamment sur les gens qui vont sur les réseaux regarder les photos pédocriminelles, la moitié des photos sont des photos manipulées, d’enfants, qui sont transformées en photos pornographiques.
CHRISTOPHE BARBIER
On prend la photo d’un enfant qui a été mis en ligne par ses parents, et on la trafique.
CHARLOTTE CAUBEL
On la manipule. Je vous donne un exemple qui va vous parler. Un enfant sur une plage qui mange une glace peut devenir un enfant qui fait un acte sexuel.
CHRISTOPHE BARBIER
Une fellation.
CHARLOTTE CAUBEL
Voilà, exactement, donc ça c’est la moitié des photos qu’on retrouve fans les enquêtes en matière de pédocriminalité, donc il faut que les parents aient conscience que mettre une photo sur un réseau, même à réseau fermé, c'est porter potentiellement atteinte à l'image de leurs enfants, et c'est aussi potentiellement une usurpation d'identité, des adultes se font passer pour des enfants en utilisant les photos de nos enfants, donc vraiment attention à ça.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ça sera efficace cette loi, est-ce que vous pouvez être sûre qu’elle sera efficace ?
CHARLOTTE CAUBEL
Pardonnez-moi ; la deuxième chose c’est aussi les parents qui utilisent l’image de leurs enfants, pour être influenceurs, ou pour parfois aussi de gagner de l'argent, et c'est tout le très beau livre de Delphine de VIGAN sur effectivement, « Les enfants rois », qui traduit cette appétence et cette dérive.
CHRISTOPHE BARBIER
Là on peut punir ces parents-là.
CHARLOTTE CAUBEL
Alors là on a cherché à responsabiliser les parents et à dire attention, dans l'exercice de votre autorité parentale, cette question du numérique aujourd'hui est présente, elle n'existait pas au moment des textes initiaux du code civil, mais maintenant il faut faire évoluer le code civil, parce que votre autorité parentale c'est une responsabilité et vous êtes responsable de l'existence numérique de vos enfants. Donc, qu’est-ce qui est proposé ? c'est la possibilité pour le juge aux affaires familiales de modifier l'autorité parentale si un parent n'exerce pas bien cette responsabilité.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu’un enfant devenu majeur pourra se retourner contre ses parents en disant « il y avait cette loi, vous avez mis des photos de moi à 4, 5 ans, en ligne, et je vous demande des comptes » ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors on n’est pas… oui, on peut toujours se retourner, faire une action quand on a un préjudice, là ça ne se joue pas sur ça, l'idée c'est de dire dans le coeur de votre autorité parentale le numérique doit prendre sa place, donc on peut vous retirer l'autorité parentale. Juste sur ce volet de la gestion de l'image, vous savez, aujourd'hui quand on est parent, quand nos enfants vont en colo, vont à l'école, etc., on autorise à ce que les organisateurs prennent des photos, quand moi je mets une photo de ma gamine, un… évidemment par définition j’autorise, mais ma gamine je ne lui demande pas son avis, et voilà, et quand les amies de ma fille mettent des photos, on ne me demande pas mon avis, quand ma famille met des photos on ne me demande pas mon avis, donc c’est un peu ça, attention, il y a une responsabilité dans le fait de publier des photos, chacun doit la prendre, et les parents pourront se voir retirer une partie de leur autorité parentale s'ils abusent de ce type de publications.
CHRISTOPHE BARBIER
Un autre texte voté me laisse particulièrement sceptique, l'obligation pour les réseaux sociaux, TikTok, Snapchat, Instagram et autres, de vérifier l’âge de leurs utilisateurs, ainsi que l'accord parental pour les moins de 15 ans, comment ça va marcher ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d’abord rappelons-nous, sans être trop juridiques, que quand on va sur un réseau il y a une forme de contrat, il y a un contrat entre un utilisateur et un éditeur, un contrat, dans notre pays, quand on est mineur, les parents doivent être présents, c'est la logique de cette loi qui dit en dessous de 15 ans la majorité numérique, comme d'ailleurs les textes que nous avons pris pour adapter le fameux règlement européen de protection des données, on met à 15 ans, au-dessus de 15 ans un enfant peut être autonome dans sa vie numérique, en dessous de 15 ans les parents doivent être présents, c'est ce qui a été choisi par l'Assemblée. Oui, il y a une obligation, maintenant il faut responsabiliser aussi les éditeurs et les opérateurs du numérique, un enfant qui vient sur leur réseau ils doivent, c’est le choix qu'a fait le Parlement, ils doivent vérifier que les parents sont d'accord. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire trouver le moyen facilement de s'assurer de l'accord des parents. Ça vous ait déjà peut-être déjà arrivé de signer des contrats par le numérique, aujourd'hui mon assurance, moi je le fais par un mécanisme de vérification. Moi les moyens, quelque part pardonnez-moi, ce n’est pas mon sujet, l’obligation c’est…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est à eux de trouver.
CHARLOTTE CAUBEL
C’est à eux de trouver.
CHRISTOPHE BARBIER
Ça va être lourd, ça va baisser la fréquentation des réseaux, ça va être une contrainte pour eux.
CHARLOTTE CAUBEL
Peut-être, peut-être, mais bon ! vous voyez, je veux dire les constructeurs automobiles se sont adaptés à nos règles de sécurité routière, eh bien pour moi les éditeurs du numérique doivent s'adapter à nos règles qui protègent nos enfants. On n’est pas là pour porter atteinte à leur existence, moi je le dis, on n'est pas là pour supprimer, interdire les réseaux sociaux aux enfants, ça serait aujourd'hui revenir en arrière, et aussi on a dit ça peut être le bien et le mal du siècle, les réseaux c'est aussi une manière de se socialiser, c'est aussi une manière de découvrir des choses, mais il faut les réguler parce que, comme dans la vraie vie, les enfants il faut protéger leurs droits et leur sécurité.
CHRISTOPHE BARBIER
Soyons clairs, c’est TikTok qui est dans le collimateur.
CHARLOTTE CAUBEL
Non, c’est tout le monde, parce que, aussi, dans un certain nombre de réseaux on sait qu’on a des images qui aussi peuvent être problématiques, et des lieux de socialisation, alors évidemment nos enfants sont beaucoup moins Facebook, nous on était Facebook, la génération est déjà passée, TikTok est au coeur des pratiques numériques des enfants, mais ce n’est pas particulièrement TikTok qui est visé, c’est une politique, générale, qui dit il y a différents leviers pour protéger nos enfants, éduquer, sensibiliser les enfants, accompagner les parents dans leur parentalité, et les responsabiliser, responsabiliser les opérateurs du numérique, aussi, parce que c'est un peu facile de dire « ce n’est pas à nous de vérifier », si, c’est à vous de vérifier l'âge des enfants qui viennent sur vos sites, et à vous de vérifier que les parents sont d'accord, comme dans la vraie vie, la maîtresse elle vérifie que les parents sont d'accord pour un certain nombre de choses.
CHRISTOPHE BARBIER
Plusieurs drames récents liés au harcèlement ou au cyberharcèlement, on dit « scolaire », c’est plutôt en milieu scolaire ou parascolaire, parce que l'école évidemment n'y est pour rien, tout cela a ému profondément la population, que peuton faire ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, on fait beaucoup parce que c'est évidemment des drames sont fréquents et sur lequel il faut évidemment lutter d'arrache-pied tous ensemble. Ça passe par plusieurs choses. A nouveau, la régulation et la responsabilisation du numérique, qui n'est pas nécessairement la cause du harcèlement, parce que « la guerre des boutons » ça a toujours existé, mais qui en fait décuple l’effet du harcèlement à l’école.
CHRISTOPHE BARBIER
Crée des effets de masse où des millions de gens peuvent vous tomber dessus.
CHARLOTTE CAUBEL
Crée des effets de masse ; vous le savez, il y a le côté anonymat, mais il y a aussi le côté je mets un message, où tout le collège est au courant, vous savez qu'aussi c'est plus simple parfois de dire des choses derrière un écran, ce que vous ne sauriez pas capable de dire en face, voilà, donc effectivement le numérique décuple l’effet du harcèlement et donc il faut être particulièrement attentif au numérique. Ça veut dire quoi ? ça veut dire mettre en place la, de nouveau, sensibilisation-formation des élèves, il y a tout un plan, le Passeport Internet, de la même manière qu'on avait un processus pour vérifier les acquis des enfants sur le code de la route et la sécurité routière, on fait pareil maintenant sur Internet, c'est le Passeport Internet et c'est les compétences Pix, c'est l'Education nationale qui généralise ça complètement sur le collège. Et puis on a aussi évidemment des outils, comme le 30 18, qui est un numéro où les enfants, les jeunes peuvent appeler, les parents aussi, quand…
CHRISTOPHE BARBIER
Les parents, quand ils voient quelque chose.
CHARLOTTE CAUBEL
Evidemment, bien évidemment, mais quand ils ont des enfants, et ça les parents doivent être aussi vigilants sur des changements de comportement des enfants, donc sensibiliser les parents, former les parents, on a beaucoup d'ateliers à la parentalité numérique sur tous ces enjeux, et l'Education nationale a mis en place tout un plan qui s'appelle » le plan pARHe, elle a désigné des ambassadeurs, parce que les enfants sont bien plus doués que nous, pour être à la fois vigilants et pour être eux-mêmes formateurs, donc dans chaque établissement il y a des ambassadeurs qui sont là pour repérer, vous savez le jeune qui va se mettre de côté, qui ne sera plus dans le groupe, qui vont aller les chercher, tenter d'expliquer, et puis qui sont aussi des lieux, enfin des personnes, qui peuvent recevoir les confidences, des harcelés, mais aussi des harceleurs, parce que parfois les harceleurs se trouvent dans des espèces de groupes et n’arrivent pas à en sortir.
CHRISTOPHE BARBIER
Ils sont mêmes prisonniers parfois de ça.
CHARLOTTE CAUBEL
Exactement.
CHRISTOPHE BARBIER
Les harceleurs, il faut les changer d'établissement scolaire, même petits ?
CHARLOTTE CAUBEL
En fait c’est tout l'enjeu, c'est qu’on sait que, les familles nous disent c'est souvent le harcelé qui est contraint de partir, la réalité elle est la suivante, c’est que le harceleur, on a besoin d'objectiver le harcèlement, il y a une forme d'enquête, qu'elle soit au sein de l'école, ou qu'elle soit pénale, et donc ça prend un certain temps, et souvent il ne reconnaît pas spontanément le fait d'être harceleur, et le changement d'établissement est une forme de changement disciplinaire, donc il y a une forme de procédure qui prend du temps, et souvent la famille du harcelé se dit…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est juste pour mettre à l’abri, c’est une fuite.
CHARLOTTE CAUBEL
C’est plus rapide, c’est plus protecteur, et puis, si vous voulez, il peut y avoir un harceleur, mais tout l’établissement qui a constaté le harcèlement, donc pour « refaire l’image », « blanchir une image », « refaire une virginité », c’est souvent plus simple pour le harcelé d'aller se mettre à l'abri dans un autre établissement, mais c'est un vrai problème, et le ministère de l’Education nationale est très engagé pour évidemment que ce ne soit pas la double peine pour cet enfant, qu’il soit à la fois harcelé et en même temps contraint de changer d'établissement avec des contraintes de déplacement, etc., un vrai sujet très important, très très sensible, effectivement.
CHRISTOPHE BARBIER
Bastien VIVES, auteur de BD, est l'objet d'une enquête préliminaire pour diffusion d'images pédopornographiques, une exposition au Festival d'Angoulême a été annulée, ça a défrayé la chronique, au-delà de ce cas évidemment que la justice suit, est-ce qu'on n’est pas dans une période où on porte atteinte à la liberté d'expression, à la liberté artistique, avec une sorte d'ordre moral ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, sur ce sujet-là moi je suis très claire. Le code pénal est lui aussi très clair, ça tombe bien, c’est le code pénal qui sanctionne le fait de mettre des enfants en images, en situation pornographique. Personnellement, mais c'est surtout évidemment l'autorité judiciaire qui aura à qualifier ces faits, je considère, à première vue, que les images de cette bande dessinée constituent une image pédocriminelle, pédopornographique, parce qu'on voit une jeune fille, enfin pas une jeune fille, une petite fille de 8 ans, faire une fellation à son beau-père, c'est une image, pour moi, de pédopornographie.
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais c’est un dessin, ce n’est pas une photo, les artistes…
CHARLOTTE CAUBEL
Le code pénal ne dit pas ça…
CHRISTOPHE BARBIER
Il dit représentation, oui.
CHARLOTTE CAUBEL
Il dit représentation.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les artistes peignent aussi la réalité parce que, hélas, ces situations, tragiquement elles existent dans la vie.
CHARLOTTE CAUBEL
On est entièrement d'accord, et c'est la façon dont l'oeuvre est présentée, il y a aussi aujourd'hui à un débat sur une exposition qui a lieu au Palais de Tokyo, mais qui parle des drames et des horreurs de la guerre, et qui représente cette scène, qui présente cette scène, comme une horreur de la guerre, là le message est clair, il existe…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est le contexte qui doit être pris en compte.
CHARLOTTE CAUBEL
C’est le contexte qui doit être pris en compte.
CHRISTOPHE BARBIER
Et l’intention.
CHARLOTTE CAUBEL
L’intention. La bande dessinée de Monsieur VIVES, et l’état d’esprit de Monsieur VIVES tel qu’il l’a présenté à un temps T, il a un peu reculé derrière, et tant mieux, parce qu’il a reconnu qu'il avait fortement impacté les très nombreuses victimes d'inceste dans notre pays. Pardonnez-moi, mais je tiens à le dire, vous entrez dans une classe aujourd'hui, vous avez probablement deux enfants qui sont victimes d’inceste, c’est ça les chiffres aujourd'hui. Alors certains parlent de culture du viol et de culture de l'inceste, je ne vais pas nécessairement jusque-là, mais la culture elle a une vraie obligation, nous aider à faire prendre conscience de la réalité des violences sexuelles au sein des familles, là moi je les attends, et par ailleurs je les attends pour respecter le code pénal, on verra ce que dira la justice, je n'ai pas évidemment à préempter la décision de la justice, mais pour moi il y a un vrai débat sur les images et les dessins de Monsieur VIVES.
CHRISTOPHE BARBIER
Le débat sur les retraites a fait surgir un autre débat, la relance de la natalité en France, quelles sont vos solutions ?
CHARLOTTE CAUBEL
La natalité, un vaste sujet. Alors, on a bien sûr traditionnellement des leviers dits de politiques publiques, la politique dite nataliste, la politique familiale, voilà…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, une part fiscale entière dès le premier enfant ça serait une bonne idée.
CHARLOTTE CAUBEL
Exactement. Alors, il apparaît quand même que tous les mécanismes financiers sont loin d'être suffisants pour avoir effectivement une politique nataliste. Moi je voudrais d'abord, pardonnez-moi, avant de rentrer dans ce type de détails techniques…
CHRISTOPHE BARBIER
Il nous reste une minute.
CHARLOTTE CAUBEL
Ah, une minute… vous dire que derrière le sujet de la courbe démographique il y a plus que la politique de natalité, il y a une politique familiale ambitieuse, c'est le cas du service national de la petite enfance pour aider les parents dans leur parentalité, mais aussi dans leur travail, une politique d'accompagnement de la parentalité, mais il y a aussi une politique autour de l'enfance et de la jeunesse. Aujourd'hui on a des jeunes qui ne veulent pas avoir d'enfant, et ça ça m'interroge, et je ferai bientôt des propositions le président de la République et à la Première ministre pour donner à notre jeunesse envie d'avoir des enfants pour renforcer la beauté de l'image des enfants et de la jeunesse, on a ça, à mon avis aujourd'hui, au coeur de nos problématiques, l'environnement, la guerre, l'angoisse de l'avenir, fait qu'aujourd'hui c'est peut-être plus ça qui a un impact sur notre courbe démographique, que la part fiscale ou les allocations familiales.
CHRISTOPHE BARBIER
Cette jeunesse, cette enfance, elles vont mal en France ?
CHARLOTTE CAUBEL
On a vraiment des signaux assez angoissants, pour vous en donner quelques-uns, les chiffres en matière de tentatives de suicide et de troubles alimentaires, qu'on avait sur les 16-18 ans, sont passés sur les 13-16 ans, de nouveau avec plusieurs facteurs, probablement la crise sanitaire, le confinement, l'air du temps, l'air du temps, l'écologie, la guerre, mais aussi le numérique qui n'y est pas pour rien.
CHRISTOPHE BARBIER
Charlotte CAUBEL merci beaucoup pour cette longue interview.
CHARLOTTE CAUBEL
Merci à vous.
CHRISTOPHE BARBIER
Et bonne journée.
CHARLOTTE CAUBEL
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 mars 2023