Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFM TV le 27 mars 2023, sur les violences entre manifestants et force de l'ordre lors de la manifestation contre les méga bassines à Sainte Soline et l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de réforme des retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, nombreuses questions ce matin à vous poser. Vous êtes porte-parole du gouvernement et on se retrouve à la croisée de nombreuses crises, crise politique, crise démocratique, crise sociale, et désormais crise violente, des blessés par dizaines du côté de manifestants, de forces de l'ordre, et au moment où on se parle un manifestant qui est entre la vie et la mort. Ça va se terminer comment cette histoire ?

OLIVIER VERAN
D'abord il ne faut pas confondre ce qui s'est passé à Sainte-Soline ce week-end et la réforme des retraites, les gens qui sont allés à Sainte-Soline ce week-end, je rappelle que Sainte-Soline c'est la construction de bassines, donc des grands trous dans le sol, pour y stocker des surplus d'eau pendant l'hiver, pour éviter la sécheresse pour les agriculteurs pendant l'été. Vous aviez là un milieu très disparate, avec à la fois des militants écologistes, des gens qui sont venus manifester pour une cause à laquelle ils croient, mais aussi des gens qui venaient de toute l'Europe, des centaines de personnes qui venaient aussi de l'étranger, qui étaient là dans un but de manifestation extrêmement violente, donc ça ne s'intègre pas, ce n'est pas intégré dans la contexte de la réforme des retraites, par contre c'était extrêmement violent, c'était attendu, c'est pourquoi la manifestation, d'ailleurs, avait été interdite, parce qu'on craignait, on redoutait, et on savait, on anticipait, qu'il y aurait-là des violences.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on s'est retrouvé quand même avec une situation, c'est-à-dire que là vous nous donnez le contexte comme si, au fond…

OLIVIER VERAN
C'est important de le rappeler pour ne pas tout mélanger.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, on va essayer de distinguer les deux, tout cela évidemment je veux bien qu'on le distingue, mais le moment, le moment de scènes de violence dans les rues à la suite des manifestations et à la suite de l'usage du 49.3, et les scènes de violence qui ont eu lieu en effet hier à Sainte-Soline, forcément on a quand même envie de les reprocher, on a envie de comprendre ce qui se passe en France. Mais si on s'arrête sur Sainte-Soline, puisque vous disiez attention, ce n'est pas la même chose, il y a quand même un manifestant qui est entre la vie et la mort aujourd'hui, est-ce que vous dites au fond, dans un sens les manifestants eux-mêmes ont suscité, ont cherché, ont voulu la violence ?

OLIVIER VERAN
D'abord, quand il y a quelqu'un qui est entre la vie et la mort on commence par avoir une pensée pour lui, ses proches et sa famille, et c'est évidemment mes premières pensées et j'espère vraiment que les choses iront pour le mieux pour lui, ainsi que pour toutes les autres personnes qui ont pu être blessées. De manière générale, je le dis aussi, je condamne, moi, toutes formes de violence, d'où qu'elles viennent, d'où qu'elles viennent, y compris lorsqu'il y a une disproportion dans certaines situations. On a pu voir des images ce week-end, lors de manifestations, qui ont pu créer, certes les conditions de tension qu'on a connues, mais à chaque fois qu'il y a quelqu'un qui est victime de violence, il faut qu'il y ait une enquête…

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites disproportion, Olivier VERAN, est-ce que je dois entendre, quand vous dites disproportion, qu'il y a peut-être une question de l'usage proportionné, ou disproportionné, de la force ?

OLIVIER VERAN
Non, je fais plutôt allusion à certaines vidéos qui ont tourné, pour lesquelles l'Inspection générale a été saisie, on voit des mots durs qui ont été lancés à destination d'un SDF ou de manifestants, c'est normal qu'il y ait des enquêtes à chaque fois. Maintenant, Apolline de MALHERBE, vous me demandez de faire le lien entre les deux…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, je ne vous demande pas de faire le lien…

OLIVIER VERAN
Non, non, mais ce n'est pas ça, je vais vous répondre, je vais en faire un…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un lien temporel, au minimum.

OLIVIER VERAN
Je vais en faire un, c'est que, ce n'est même pas que temporel, c'est que depuis 20 ans, dans notre pays, on assiste à une montée progressive de la réponse violente lorsqu'il y a des choses qui ne vont pas, et ce n'est pas que dans notre pays, on y assiste aussi à l'étranger, et ça peut prendre parfois des formes extrêmes, comme on l'avait vu par exemple aux Etats-Unis. Et j'ai commencé par vous dire moi je condamne toutes formes de violence, je la conteste, elle n'est jamais justifiable, ce n'est pas il y a eu de la violence, oui mais, jamais de oui mais en l'occurrence. Qu'est-ce que je constate, Apolline de MALHERBE ? c'est qu'il y avait à Sainte-Soline, alors qu'on savait que ce serait dangereux, on savait que ce serait violent, qu'on avait là-bas précipité 4000 gendarmes pour assurer la sécurité, la protection des manifestants, il y avait des élus…

APOLLINE DE MALHERBE
Quatre mille gendarmes face à 6000 manifestants d'après la préfecture.

OLIVIER VERAN
…6000, pardonnez-moi, il y avait des gentils manifestants, mais enfin il y avait aussi des personnes qui avaient prévu de manifester avec des haches et des bidons d'essence, vous aviez des gens qui avaient pris des trains et des avions, de toute l'Europe, pour se retrouver là pour en découdre, et vous aviez, et là c'est inacceptable, des élus, notamment et essentiellement d'extrême gauche, portant l'écharpe, et expliquant que…

APOLLINE DE MALHERBE
Europe Ecologie-Les Verts pour vous… c'est principalement eux qui étaient sur place avec la ceinture…

OLIVIER VERAN
Je vous dis qu'il est irresponsable, lorsque vous avez une manifestation qui est interdite, parce qu'on le dit, il y aura des personnes violentes qui ne viennent pas pour la cause écologique, qui n'en n'ont rien à faire, mais qui viennent là-bas pour taper et attaquer nos institutions, qu'il y ait des représentants de l'institution sur place qui expliquent que le problème c'est les policiers. Vous savez Jean-Luc MELENCHON, ses tweets de ce week-end, je vais vous dire au fond…

APOLLINE DE MALHERBE
« Il ne se serait rien passé de violent si DARMANIN n'avait pas déployé 3000 policiers et gendarmes pour « protéger » un trou dans la terre et un tuyau ; une marche dans les champs s'est donc transformée en un exercice de répression policière aveugle ultraviolente », voilà les propos de Jean-Luc MELENCHON.

OLIVIER VERAN
Jean-Luc MELENCHON il est insoumis devant les violences policières, mais il est soumis devant toutes les autres formes de violence, et vous savez pourquoi ? parce que Jean-Luc MELENCHON et ses amis ce sont les rentiers de la colère, les rentiers de la misère des petites gens, et ils sont les actionnaires de ces formes de violence, il faut le contester, je le dis il y a d'un côté ceux qui sont prêts à saper nos institutions pour les causes qu'ils servent, et ceux qui les défendent, et ceux qui le défendent sont de notre côté.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a problème en tout cas de chacun qui se renvoie la balle et j'aimerais bien qu'on essaye de comprendre comment on en est arrivé là, mais puisque vous évoquez Saint -Soline, il y a la question de l'usage de la force. La Ligue des droits de l'homme avait envoyé à Sainte-Soline 22 observateurs et elle fait ce constat, elle dit nous avons constaté un usage immodéré ou indiscriminé de la force sur l'ensemble des personnes présentes sur les lieux, avec un objectif clair, empêcher l'accès à la bassine, quel qu'en soit le coût humain.

OLIVIER VERAN
Pardon. Vous avez des policiers et des gendarmes, là-bas, sur place, vous avez vu les images de ces camions qui sont à l'arrêt sur le bord de la route…

APOLLINE DE MALHERBE
Et qui sont pris pour cible, les images on les a montrées.

OLIVIER VERAN
Pas pris pour cible, Apolline de MALHERBE, incendiés, incendiés, vous iriez manifester en famille dans un endroit où il y a des gens qui ont, encore une fois, des boules de pétanque, prêts à les jeter, qui ont des casques par dizaines, qui ont des barres de fer, vous savez tout ce qu'on a récupéré comme matériel là-bas, donc à la base ils sont là pour assurer la protection…

APOLLINE DE MALHERBE
Et le manifestant, est-ce que vous avez pris des nouvelles du manifestant, est-ce que…

OLIVIER VERAN
Ils sont là pour assurer la protection des gens eux-mêmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous savez comment il s'est retrouvé blessé ?

OLIVIER VERAN
Non, il y aura une enquête là-dessus, je n'ai pas, honnêtement, pas d'information, ce que je souhaite c'est évidemment qu'il s'en sorte, on n'a pas envie qu'il y ait de victimes humaines, il y a déjà eu trop de victimes parce qu'à chaque fois que vous avez des blessés ce sont des victimes, il y en a des deux côtés, mais je vous dis juste prenons garde à ne pas tout mélanger. On a le plus grand respect pour les gens qui manifestent dans la rue, on a le plus grand respect pour les gens qui expriment des colères et des angoisses, on les entend, on veut y répondre dans le cadre républicain, dans le respect de nos institutions, on veut trouver le chemin pour un accord, de sortir par le haut de cette crise sociale que nous connaissons, mais rien, encore une fois, ne doit justifier qu'on puisse nous-mêmes internaliser l'idée que finalement ils en sont arrivés à être violents parce qu'ils n'avaient pas le choix. D'abord, il y a de l'instrumentalisation derrière, avec des gens qui sont venus, et qui veulent de toute façon saper l'autorité de l'Etat, et ça ne date pas d'aujourd'hui, ça ne date pas de la réforme des retraites, c'était déjà le cas depuis plusieurs années et on le constate partout en Europe.

APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir sur la question des manifestations, pour le coup des retraites, puisque là on était sur Sainte-Soline, mais puisque vous le dites à l'instant, vous dites, nous voulons apaiser, il y a deux questions qui se posent ce matin, comment en est-on arrivé là, et comment en sortir ? si on se pose la question de comment est-ce qu'on en est arrivé là, il y a en tout cas un moment où ça a basculé et cet élément déclencheur c'est la réforme des retraites et le 49.3. Elisabeth BORNE, dans un entretien à l'Agence France Presse hier a dit je cite « ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires », est-ce qu'il faut entendre « je m'engage à ne plus utiliser le 49.3 » ?

OLIVIER VERAN
Je suis porte-parole du gouvernement, donc je suis porte-parole aussi de la Première ministre, mais je me garde d'interpréter les mots à sa place. Ce que je veux vous dire, Apolline de MALHERBE, ce qu'il faut comprendre, la Constitution autorise un gouvernement, lorsqu'il est potentiellement mis en minorité, à recourir à un outil constitutionnel qui s'appelle le 49.3, qui fait qu'au lieu de voter sur le texte, on votait pour garder la confiance, ou au contraire virer le gouvernement en place, ce qui est un vote extrêmement puissant, vous l'avez connu, vous avez fait une antenne spéciale sur la question, les parlementaires, majoritairement contre nous, ont décidé majoritairement qu'on devait rester, bon, ils auraient pu décider autre chose.

APOLLINE DE MALHERBE
A neuf voix près en effet votre gouvernement a été sauvé.

OLIVIER VERAN
Le texte 49.3, la Constitution a été modifiée, par Nicolas SARKOZY, qui autorise à l'utiliser sur tous les textes budgétaires, et une fois par session parlementaire, sur d'autres textes d'autre nature, nous avons utilisé le 49.3 sur le budget, d'ailleurs la Première ministre ne l'exclut pas puisque le budget c'est le moment où on se compte, c'est moment où les députés de la majorité votent et les députés des oppositions ne le votent pas. Ce que nous voulons…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait Olivier VERAN, il y a une chose que je ne comprends pas du tout, c'est que là vous êtes en train de me faire un cours constitutionnel, mais en fait on n'en n'est plus là !

OLIVIER VERAN
C'est pour rappeler, pardonnez-moi, un basique, qui est de dire que…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais les gens ont très bien compris désormais comment ça fonctionnait le 49.3.

OLIVIER VERAN
Que le 49.3 n'est pas une arme gouvernementale qui serait tombée du chapeau, c'est quelque chose qui a 60 ans.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, moi ce que je veux comprendre c'est est-ce qu'il y a quelque chose de nouveau, dans la déclaration d'Elisabeth BORNE hier, si je comprends bien, à votre explication de texte, il n'y a rien de nouveau.

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas qu'il y a rien de nouveau, c'est que…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais quand elle dit ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires, c'est exactement ce qu'elle a dit jusqu'à présent, donc il n'y a rien de nouveau, rien n'a été changé par rapport à ce qui s'est passé.

OLIVIER VERAN
On rappelle une détermination qui est totale, qui est de travailler texte par texte et article par article.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous nous disiez la même chose le matin même du 49.3 !

OLIVIER VERAN
Je vous dis Apolline de MALHERBE, je vais vous répondre, le président de la République nous a demandé, d'ailleurs on aura une réunion à l'Elysée tout à l'heure, où la Première ministre présentera un agenda, avec la rencontre des groupes politiques, puis des syndicats, pour qu'on construise un agenda qui nous garantisse de pouvoir bâtir, texte par texte, des majorités avec la droite, et/ou avec la gauche, de manière à ce que nous n'ayons même pas à nous poser la question du 49.3. Ce que nous voulons faire c'est, et d'ailleurs nous l'avons fait, vous l'avez rappelé vous-même, merci de l'avoir fait, depuis maintenant un peu plus de neuf mois, nous avons fait adopter plus de 20 textes sans 49.3 en construisant des majorités. Ce que la Première ministre dit c'est que sur ce texte des retraites on a tout fait pour l'éviter, vraiment on voulait l'éviter, et on aurait voulu passer avec un vote, on a toujours souhaité, nous, qu'il y ait un vote sur l'article 7 à l'Assemblée nationale, l'obstruction l'en a empêché, et à la fin des fins, eh bien ceux qui nous avaient dit « on votera » ont dit « on n'est pas sûr finalement de voter. » Ce qu'on veut maintenant c'est vraiment, pour apaiser, de pouvoir construire une majorité, texte par texte, et ne plus se poser la question du 49.3.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne dites pas ce matin « nous n'utiliserons plus de 49.3 » ?

OLIVIER VERAN
Elle-même elle n'exclut pas, elle n'exclut pas d'utiliser le 49.3 sur les textes budgétaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors moi j'ai fait un exercice mental Olivier VERAN, quand j'ai vu les déclarations de d'Elisabeth BORNE hier soir, j'ai fermé les yeux et je me suis dit attendez, on va essayer d'imaginer qu'on est il y a deux semaines, qu'on est avant l'utilisation du 49.3, et à ce moment-là je trouvais que ces propos, « tenter de mettre de l'apaisement avec les syndicats », » renouer le dialogue avec les syndicats », « tout faire pour ne pas recourir au 49.3 », eh bien c'était raccord, mais est-ce que vous ne vous êtes pas juste trompé de timing, c'est-à-dire redire ça aujourd'hui c'est complètement décalé !

OLIVIER VERAN
Non, ce n'est pas décalé, c'est dire que depuis que nous avons été élus, depuis que les Français nous ont accordé une majorité relative, et pas absolue, on fait avec un Parlement absolument inédit dans la Ve, et un Parlement dans lequel nous n'avons pas la majorité, et les Français nous ont demandé de construire des majorités. D'abord on rappelle qu'on a toujours réussi à le faire, sauf sur le budget et sur le texte des retraites, et on le regrette, on aurait voulu le faire. Et ce qu'on dit aux Français c'est que, oui on a entendu leur volonté qu'on puisse travailler avec les uns, avec les autres, et qu'on construise des coalitions, et qu'on s'engage à le faire, et qu'on s'engage à le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ceux avec qui vous voulez travailler c'est notamment les syndicats, or, Laurent BERGER il vous avait prévenus - je reprends encore le fil de ma réflexion - il y a 15 jours, nous étions avant l'utilisation du 49.3, il était ici même à ce micro et voilà ce qu'il disait : « la détermination qui s'exprime dans la rue est en train de se transformer en colère. Adopter via le 49.3 cette procédure hâtive, une réforme à la fois très impactante pour la vie de dizaines de millions de gens, injuste de notre point de vue, et mal bricolée, ce serait une forme de vice démocratique, que la fin de l'histoire soit un 49.3 ça me paraît non seulement incroyable, mais dangereux. » Que ne l'avez-vous pas écouté ?

OLIVIER VERAN
Mais on écoute Laurent BERGER, croyez-moi, on dialogue avec Laurent BERGER, on lui tend la main, et il a d'ailleurs une hauteur de vue et une posture très digne dans la période, il condamne, lui, les violences sans mettre de « mais », et il se garde bien de faire de la politique politicienne à partir de la violence.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais alors pourquoi est-ce qu'Emmanuel MACRON décide de le cibler dans son intervention la semaine dernière ?

OLIVIER VERAN
Attendez, moi j'ai entendu le président de la République, vous l'avez entendu puisque vous l'avez diffusé, à Bruxelles, dire à Laurent BERGER « je tends la main pour rencontrer l'intersyndicale pour que nous puissions travailler. »

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez aussi entendu son intervention au journal télévisé de 13h.

OLIVIER VERAN
Je vous garantis…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais je veux dire vous préférez garder le moment où il est sympa, mais il y a aussi des moments où il a décidé d'être un peu moins sympa avec Laurent BERGER quand même, et de le citer nommément, et de dire qu'il était en minorité, presque de l'humilier. Laurent BERGER ici même a dit qu'il l'avait vécu comme une gifle.

OLIVIER VERAN
C'est une question que vous posez ?

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, vous sélectionnez la parole du président.

OLIVIER VERAN
Vous me demandez si le président de la République a humilié Laurent BERGER ou vous l'affirmez, parce que je n'ai pas entendu la question ?

APOLLINE DE MALHERBE
Non, je vous pose la question.

OLIVIER VERAN
Non, eh bien non, il n'a pas du tout…

APOLLINE DE MALHERBE
Il l'a ressenti comme ça lui !

OLIVIER VERAN
Attendez, il n'a pas du tout humilié qui que ce soit, il ouvre la porte à un dialogue avec les syndicats, il propose de recevoir l'intersyndicale, il a proposé à la CFDT, sur la base d'ailleurs de revendications, anciennes et justes, de la CFDT, de travailler sur les fins de carrière, de travailler sur la pénibilité, de travailler sur les petits salaires en dessous du SMIC, ce qu'il dit le président de la République…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc de parler de tout sauf des retraites.

OLIVIER VERAN
Non, mais ce que dit le président de la République c'est, nous avons un désaccord sur l'âge de départ, nous avons un désaccord sur la manière d'équilibrer le système des retraites, nous avons un désaccord, mais la CFDT ne nie pas d'ailleurs qu'il faut équilibrer le système des retraites, et ça les honore, d'accord ? il dit là-dessus on ne se mettra pas d'accord, on a compris sur les 64 ans, nous on a pris nos responsabilités, et d'ailleurs on a demandé au Parlement de nous dire si on était légitime pour prendre cette responsabilité. Maintenant on attend la validation par le Conseil constitutionnel, elle interviendra, nous l'espérons, en tout cas dans les prochaines semaines on aura la réponse. Ok, on ne va pas geler le pays autour de cette question et de ce désaccord, ça ne doit pas nous empêcher de parler de tout ce qui importe dans la vie des Français, dans leur quotidien et dans la vie des salariés, et là-dessus…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais à cela les syndicats répondent…

OLIVIER VERAN
Là-dessus je vais vous dire ma conviction, c'est qu'on va y arriver, parce que nous l'avons fait, avec les syndicats et le patronat, le mois dernier, quand on leur a demandé de trouver ensemble un accord pour mieux répartir les richesses et la valeur dans l'entreprise, ils ont signé un accord, on s'est engagé à respecter cet accord et à le mettre dans la loi. Donc, à côté de l'objet 64 ans, qui est aujourd'hui une ligne rouge, et on ne comprend, d'accord…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais qui est quand même un gros objet, c'est-à-dire c'est qu'on appelle un éléphant dans la pièce.

OLIVIER VERAN
Mais personne ne dit le contraire, mais excusez-moi…

APOLLINE DE MALHERBE
Laurent BERGER ce matin dit…

OLIVIER VERAN
Pour la vie des Français il n'y a pas que ça.

APOLLINE DE MALHERBE
« Si le président dit les 64 ans ne s'appliqueront pas, alors on sera d'accord pour rediscuter. »

OLIVIER VERAN
Oui, et nous nous disons lorsque le Conseil constitutionnel aura validé on se retrouvera pour discuter.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez qu'il va valider, parce que je ne sais pas si vous avez lu dans le journal « Le Monde » les propos du constitutionnaliste très reconnu, Dominique ROUSSEAU, qui dit, je le cite : « il semble difficile que le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi de la réforme des retraites tant les motifs d'inconstitutionnalité, pour des raisons de forme, sont sérieux. Personne ne peut contester », dit-il, « que les débats ont été précipités à l'aide d'outils comme l'article 47.1, détourné de son usage habituel. »

OLIVIER VERAN
Mais c'est formidable, mais je ne vais pas faire de commentaires, de commentaires, on va juste laisser les juges constitutionnels, c'est leur rôle de le faire, ils ont cette fonction, ils sont indépendants, on va les laisser faire ce travail-là.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur avez demandé d'aller vite ?

OLIVIER VERAN
Non, on leur a demandé, la Première ministre les a saisis, pour être sûr qu'ils soient saisis, ce qui est un acte symbolique fort, qui montre qu'on a envie de cette validation par le Conseil constitutionnel. Mais je vais vous donner ma conviction Apolline de MALHERBE, c'est que, on va se retrouver autour d'une table, donc dans quelques jours, dans quelques semaines au plus tard, on va se retrouver autour de la table, avec les syndicats…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils vous ont dit qu'ils viendraient ?

OLIVIER VERAN
Mais, ils aiment leur pays, ils aiment les salariés, ils les défendent, il y a beaucoup de combats qu'ils mènent, à côté des 64 ans, et nous sommes en responsabilité pour décider, mais on ne veut pas décider seul, on veut le faire avec eux, on veut parler de ça. Dans la rue, Apolline de MALHERBE, jeudi, et sans doute encore demain, vous aviez des gens qui contestaient les 64 ans, mais vous aviez aussi des gens qui contestaient d'autres problèmes liés au travail. Ces salariés de la première et de la deuxième ligne pendant le Covid, dont la vie n'a pas changé, et qui ont vu les cadres, eux, partir en télétravail, ils ont envie qu'on s'occupe d'eux. Entendez dans les messages, moi j'entends… j'écoutais, je discutais avec un cuisinier, il me disait « le problème ce n'est pas tellement l'âge, c'est qu'au bout d'un certain nombre d'années on est toute façon usé et fatigué, il faut qu'on fasse autre chose », il faut les accompagner. J'écoutais une AESH qui disait « comment vous voulez que je vive dignement avec mes revenus d'aujourd'hui ? », il faut pouvoir l'écouter et travailler sur ces bas salaires. Donc, il y a énormément de préoccupations du quotidien des Français qui se retrouvent aujourd'hui dans un magma lié à la question des 64 ans, qui est un vrai sujet, et que je ne néglige pas, que je ne nie pas, et qu'on assume, mais toutes ces questions-là il faut les aborder. Et puis vous avez les jeunes, qui ont rejoint le cortège jeudi, eux, avec un ressentiment démocratique, avec le sentiment que les choses ne se passeraient pas normalement du fait de l'usage du 49.3.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous leur dites à eux, qui sont venus massivement et qui en effet sont un point de bascule dans les mobilisations ?

OLIVIER VERAN
D'abord c'est pour ça que j'essayais tout à l'heure de réexpliquer quand même que le 49.3 est un outil que nous avons pas sorti du chapeau, mais qui est constitutionnel, et qui avait permis, qui avait été anticipé par les pères fondateurs de la Constitution, ensuite tout en disant que ce n'est pas un outil qu'on a plaisir à utiliser, qu'on a envie d'utiliser, et les mots de la Première ministre sont très forts en la matière, et ensuite dire que ce désir démocratique, ce désir de pouvoir être utile, de pouvoir se faire entendre, non seulement on l'entend, mais on veut l'accompagner, et qu'on veut développer des nouveaux outils. On l'a fait, on le fait actuellement avec les CNR dans les territoires, sur l'école, sur la santé, pour dire aux Français dites-nous comment vous voulez vous organiser. La Première ministre a aussi parlé de donner plus d'autonomie aux territoires, il faut davantage qu'on expérimente…

APOLLINE DE MALHERBE
Elle parle d'une nouvelle méthode de gouvernance.

OLIVIER VERAN
Mais tout ne doit pas venir de Paris, il y a plein de trucs, moi je vais vous dire, il y a plein d'idées qu'on ne mettra pas dans le droit commun, dans la loi tout de suite, mais qu'on pourrait expérimenter dans des territoires, à l'échelle des métropoles par exemple, pour voir si ça marche ou si ça ne marche pas, il faut donner de l'air, il faut aérer davantage. Et puis consulter les gens, c'est ce qu'on fait aussi, à la demande du président de la République, dans le cadre de la Convention sur la fin de vie par exemple. Moi je l'ai dit dans « Le JDD », je pense qu'il y a d'autres sujets, d'autres thématiques, qui sont hautement polémiques, hautement politiques, mais pour lesquels, plutôt que de légiférer nous, il faut qu'on s'appuie davantage sur ce que nous disent les Français, donc il faut qu'on coconstruise avec eux aussi en amont.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais alors là, je suis un peu surprise quand même Olivier VERAN, parce que sur ce point-là, vous dites il faut qu'on écoute ce que nous disent les Français, en l'occurrence c'est 150 Français qui ont été tirés au sort, quand vous avez 2 millions de Français dans les rues vous ne les écoutez pas.

OLIVIER VERAN
Pardonnez-moi, la guerre de représentativité, ou la guerre de légitimité, je ne m'y inscris pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais vous êtes d'accord quand même, c'est 150 personnes tirées au sort, là il y a 2 millions de personnes qui descendent volontairement dans la rue, semaine après semaine, depuis deux mois.

OLIVIER VERAN
Mais, c'est une petite France 150 personnes Apolline de MALHERBE, des gens qui sont tirés au sort.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais 2 millions ce n'est pas une petite France ?

OLIVIER VERAN
Mais, on ne va pas compter les gens qui manifestent et ceux, a contrario, qui ne manifestent pas, ça ne veut rien dire, pardonnez-moi…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont la même légitimité ? il y en a un même à qui vous avez donné plus de légitimité.

OLIVIER VERAN
Il y a un outil démocratique qui est expérimenté en France actuellement, qui a 20 ans d'existence dans certains pays, il y en a d'autres…mais la Convention citoyenne est un de ces outils, qui a toujours montré qu'il rendait fidèlement compte de l'opinion et qui permettait d'avancer en mettant les gens, Apolline de MALHERBE, en responsabilité…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais alors j'ai envie de vous dire, Olivier VERAN, pourquoi vous ne tirez pas 150 Français au sort pour leur demande ce qu'ils pensent des retraites, est-ce que vous pensez qu'ils seront… si on tire 150 personnes au sort, représentatifs des Français ?

OLIVIER VERAN
On pourrait le faire sur la question, par exemple, générale du travail, pourquoi pas, ça ne me pose pas de difficulté, ce n'est pas à moi d'en décider, mais sur les thématiques liées au télétravail, les thématiques liées au numérique, des thématiques du quotidien, sur les grands sujets de société…

APOLLINE DE MALHERBE
Et sur les retraites ?

OLIVIER VERAN
Mais, Apolline de MALHERBE, la loi sur les retraites elle est derrière nous, on attend la validation par le Conseil constitutionnel, c'était quelque chose qui avait été annoncé pendant la campagne, même si les gens n'ont pas voté pour nous pour cela, on est d'accord…

APOLLINE DE MALHERBE
Elle est derrière nous la réforme des retraites ?

OLIVIER VERAN
On attend la validation par le Conseil constitutionnel. Vous savez, nous on peut nous reprocher plein de trucs, mais pas de ne pas respecter nos institutions, on respecte le cadre, ce que le président appelle le chemin démocratique, voilà. Parfois il est plus chaotique que d'habitude parce qu'on n'a pas de majorité au Parlement et parce qu'il y a les députés de certaines oppositions qui changent d'avis au dernier moment et qui font un jeu politique pas très intéressant pour l'avenir du pays, ça ne veut pas dire qu'on est d'accord avec les gens, ça ne veut pas dire qu'on se met d'accord les uns, les autres, ça veut dire qu'on respecte les institutions, là où certains essayent de les attaquer, parfois à coups de boules de pétanque, parfois à coups de tweets rageurs, ou parfois à coups de happening dans l'hémicycle avec un continuum entre la violence exprimée à l'Assemblée nationale et celle qu'on peut retrouver dans la rue.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous mettez une responsabilité très directe sur l'extrême gauche, comme vous disiez tout à l'heure, vous avez même dit que les manifestants, les élus qui étaient auprès des manifestants à Sainte-Soline c'étaient des manifestants d'extrême gauche, il y avait notamment la patronne d'Europe Ecologie-Les Verts…

OLIVIER VERAN
Je n'ai pas dit qu'ils l'étaient tous, j'ai dit qu'on en trouvait, je ne dis pas qu'ils le sont tous.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous estimez qu'il y a une responsabilité très directe, claire, un signe quasi quasiment égal entre les uns et les autres.

OLIVIER VERAN
Alors, je ne mets pas un signe égal, mais je mets une grande une grande flèche entre la stratégie des amis de Monsieur MELENCHON, qui consiste à pointer du doigt une violence policière, et à ne jamais parler de la violence qui a pu engendrer des réactions policières et qui vise à saper l'autorité de nos institutions, ça je le fais. En revanche, je le redis, je regrette, je déplore que des élus de la République, portant écharpe tricolore, se retrouvent dans une manifestation interdite par la République parce qu'il y a là à la présence de centaines de personnes qui viennent de l'étranger pour casser du policier, je le redis, ce n'est pas responsable.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, porte-parole du gouvernement, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mars 2023