Déclaration de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur le thème "L'école inclusive, une réalité ?", à l'Assemblée nationale le 3 avril 2023.

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  • Pap Ndiaye - Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Circonstance : Débat sur le thème "L’école inclusive, une réalité ?", à l'Assemblée nationale le 3 avril 2023

Texte intégral

Mme la présidente
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème « L’école inclusive, une réalité ? », demandé par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES. À la requête de ce dernier, le débat se tient salle Lamartine, afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées.
La conférence des présidents a décidé de l’organiser en deux parties : nous commencerons par une table ronde d’une heure en présence des personnalités invitées, puis, après avoir entendu une intervention liminaire du Gouvernement, nous procéderons à une séquence de questions-réponses, également durant une heure. La durée des questions comme des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
Pour la première phase du débat, je souhaite la bienvenue à Mme Aurélia Sarrasin, secrétaire nationale du Snes-FSU, à Mme Mireille Battut, membre du collectif Parents du 94, et à M. Éric Delemar, Défenseur des enfants, adjoint au Défenseur des droits chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant. Nous écouterons chacun d’entre eux pendant cinq minutes environ.

(…)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Je tiens en premier lieu à remercier le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES pour l’organisation de ce débat, dont le sujet concerne le quotidien et l’avenir de centaines de milliers d’élèves, de familles et de professionnels de l’éducation nationale et du secteur médico-social. L’intitulé que vous avez choisi m’incite d’emblée à répondre clairement : oui, l’école inclusive est une réalité.

En effet, le système scolaire accueille plus de 430 000 élèves en situation de handicap. La croissance annuelle de ce nombre dépasse 6 % et elle est désormais plus forte dans le second degré que dans le premier degré, ce qui dénote la progression des élèves en question, preuve qu’ils tirent profit de leur scolarisation. L’école inclusive constitue également une réalité pour les équipes pédagogiques, puisque quasiment tous les enseignants ont accueilli un jour dans leur classe un enfant en situation de handicap – ils y sont d’ailleurs préparés lors de leur formation initiale. Elle constitue enfin une réalité du point de vue des ressources engagées par l’État, puisque mon ministère a dédié à l’école inclusive près de 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement dans le cadre du budget pour 2023, soit 1,7 milliard de plus qu’en 2017, ce qui représente une augmentation supérieure à 80 %.

L’accueil des élèves en situation de handicap repose sur une aide humaine ayant également connu une croissance considérable, puisque le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap a augmenté de 50 % depuis 2017 et s’élève aujourd’hui à plus de 130 000. Il y a désormais un AESH pour huit enseignants, de sorte qu’il s’agit désormais du deuxième métier le plus représenté au sein de l’éducation nationale.

Nous avons également multiplié les dispositifs d’inclusion. Ainsi, les classes Ulis sont au nombre de 10 300 et seront présentes dans chaque collège d’ici à la fin du quinquennat. De plus, nous avons collaboré avec Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, au développement de dispositifs permettant l’inclusion d’élèves qui souffrent d’un handicap nécessitant un accompagnement médico-social soutenu. Je pense par exemple aux unités d’enseignement externalisées destinées aux enfants atteints de troubles autistiques ou encore aux enfants polyhandicapés.

Toutes ces mesures constituent une transformation profonde de l’école et un progrès majeur pour des centaines de milliers d’enfants et pour leurs familles. Il s’agit d’un grand pas vers la construction d’une société pleinement inclusive. Ignorer cette réalité reviendrait à se montrer aveugle à l’engagement des équipes sur le terrain et des différents responsables politiques qui œuvrent depuis longtemps à la construire.

Le système est-il pour autant parfaitement abouti ? Tenons-nous pleinement notre promesse d’égalité ? De toute évidence, ce n’est pas encore le cas. Notre système d’école inclusive connaît des limites qu’il importe d’identifier et de dépasser. Sans évoquer d’emblée chacune des nombreuses difficultés auxquelles il fait face, car je sais que vous aurez l’occasion de m’interroger à ce sujet – je serai alors heureux de vous répondre –, je tiens à mentionner deux d’entre elles, qui me semblent particulièrement structurantes.

La première limite de l’école inclusive sous sa forme actuelle réside dans le choix collectif de privilégier la compensation par rapport à l’accessibilité. En d’autres termes, ce choix s’est traduit par le caractère quasi unique, voire presque automatique, de la réponse à apporter aux élèves en situation de handicap, à savoir l’aide humaine dans la classe, le recours aux AESH. Je crois pourtant qu’il ne s’agit pas toujours de la meilleure solution pour faire progresser les élèves, améliorer leur autonomie et garantir leur accès au savoir ; d’ailleurs, nous ne pourrons pas accroître sans fin le nombre d’AESH en réponse aux notifications des MDPH.

Cette réponse systématique, qui est insatisfaisante sur le fond, pose également des difficultés concrètes de recrutement et de valorisation du métier d’AESH, ô combien essentiel. Si nous avons pris des mesures pour améliorer la situation des AESH, nous devons trouver les moyens de proposer un temps complet à ceux qui le souhaitent. Cette approche unique pose enfin des problèmes dans certaines classes où l’enseignant est entouré de plusieurs AESH. L’aide humaine est indispensable pour assister certains élèves et pour accompagner l’augmentation de leur nombre dans le second degré, cela est incontestable ; néanmoins, il convient de mobiliser également d’autres solutions.

La seconde difficulté réside dans la capacité de l’école, en l’état, à accueillir davantage d’enfants souffrant d’un handicap nécessitant des soins plus poussés, des ressources éducatives plus étendues et des approches pédagogiques plus différenciées. Malgré l’appui du secteur médico-social, qui leur apporte des soins et un accompagnement éducatif, force est de reconnaître que de nombreux enseignants se sentent en difficulté lorsqu’il s’agit d’accueillir et de faire progresser ces élèves. Il importe de trouver des réponses à ces alertes et à ces préoccupations légitimes, qui témoignent de l’engagement des équipes éducatives. Si nous ne résolvons pas ces problèmes, ils mettront en péril l’évolution de l’inclusion scolaire.

Dès lors, il nous faut faire advenir ce que nous appelons l’acte II de l’école inclusive, qui permettra d’approfondir le mouvement engagé en la matière et de mieux répondre aux enjeux d’inclusion. Il convient d’apporter une réponse plus adéquate aux attentes des familles et des professionnels, en prenant toujours pour boussole l’intérêt des élèves. Ce travail s’inscrit dans une réflexion plus générale, pilotée par Geneviève Darrieussecq, qui aboutira à la Conférence nationale du handicap (CNH) prévue pour la fin du mois d’avril.

Sans préjuger de ses conclusions, je voudrais vous exposer sur quoi elle se fonde : d’abord sur la mobilisation des acteurs de l’école inclusive. Nous avons notamment instauré un groupe de travail composé de parlementaires, que je remercie au passage, d’associations, de représentants des parents d’élèves, de représentants des collectivités territoriales, de membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), de directeurs de MDPH, des administrations de l’État concernées et d’inspecteurs de l’éducation nationale. Ce groupe a émis une douzaine de propositions, comme la constitution d’équipes ressources dans chaque école ou chaque établissement, ou la conception d’écoles et d’établissements qui incluent des équipes médico-sociales dans leurs murs ou à proximité.

En parallèle, nous discutons avec les organisations qui, elles aussi, nous font part de leurs constats et de leurs propositions. Nous expertisons ces propositions qui alimenteront les mesures que nous prendrons.

En outre, cette réflexion s’appuie sur quelques principes et orientations qui convergent avec les analyses du groupe de travail que je viens d’évoquer. Il faut d’abord réaffirmer que tous les enfants, quels qu’ils soient, ont un droit et une obligation d’instruction. Il est de notre devoir d’assurer l’effectivité de ce droit. Pour cela, l’école devra être la clef d’entrée de l’accueil et de l’accompagnement des familles et des élèves pour assurer leur bonne scolarisation. C’est dans cet esprit, par exemple, que j’ai décidé qu’à partir de la rentrée 2023, tous les enfants, y compris ceux qui sont dans des établissements médico-sociaux, se verront attribuer un identifiant national élève qui les rattachera à l’éducation nationale et à une école.

Ensuite, l’école inclusive doit mobiliser de manière permanente l’ensemble des moyens d’accessibilité et de compensation, pour devenir à terme accessible par défaut. Le point de départ est donc bien l’adaptation pédagogique et l’accessibilité de l’école. L’accompagnement humain interviendra toujours mais il doit retrouver sa juste place.

Enfin, pour atteindre ces objectifs et pour que les familles puissent mieux s’orienter et être accompagnées, l’échelon territorial de proximité doit être renforcé. L’établissement scolaire doit devenir progressivement le lieu où tous les acteurs de la communauté éducative, les élèves comme les enseignants, disposent du soutien nécessaire. Tout cela suppose, comme le suggère le groupe de travail, de renforcer la présence du secteur médico-social dans les écoles et les établissements, de faire des efforts importants de formation et de partage de cultures professionnelles et de réaffirmer la responsabilité de l’éducation nationale dans la détermination des solutions qui conviennent à chaque élève.

Je voudrais insister sur deux points. Premièrement, ma conviction est qu’aller vers une école plus inclusive est une obligation politique qui repose sur notre pacte social républicain. C’est une obligation juridique, étant donné les engagements internationaux de la France, et c’est surtout une obligation à l’égard des élèves concernés et de leurs familles.

Deuxièmement, cet approfondissement de l’inclusion à l’école pour les élèves en situation de handicap bénéficiera à tous les élèves, en réalité, à commencer par ceux qui, sans qu’ils soient reconnus en situation de handicap, ont des besoins d’apprentissage particuliers pour telle ou telle raison. Cette évolution est parfaitement cohérente avec les autres objectifs que je défends, notamment la réussite des élèves et l’amélioration de la mixité sociale et scolaire.

J’ai commencé mon intervention en soulignant l’intérêt de ce débat. Nos échanges et les points de vue que vous exprimerez, auxquels je prêterai la plus grande attention, permettront, j’en suis certain, de nourrir et d’enrichir les mesures concrètes que nous prendrons sur ce sujet.

Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique. J’insiste sur ce point car il y a beaucoup de questions.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Je tiens à remercier les trois intervenants qui ont accepté de participer à ce débat – je n’ai pas eu l’occasion de le faire précédemment. Cet échange nous a rappelé combien l’école inclusive reste à construire et à quel point les souffrances sont grandes pour les enfants en situation de handicap, leurs parents, les accompagnants et les enseignants.

L’une des priorités pour remédier à la situation actuelle est de créer un véritable statut des AESH et des perspectives réelles d’évolution de carrière. Trop d’enfants sont déscolarisés car nous manquons de professionnels pour les accompagner. Et pour cause, les conditions d’exercice sont bien trop précaires pour être attractives : trois années en CDD avant un éventuel contrat en CDI, un renouvellement limité à six ans, un salaire inférieur au seuil de pauvreté du fait des temps partiels souvent imposés. Il faut mettre fin à cette maltraitance des AESH.

La création d’un corps de fonctionnaires accompagné d’un renforcement des formations et un traitement pour un service à temps complet sont parmi les priorités. Nous considérons que ces mesures représentent non pas un coût mais un bénéfice incontestable pour l’ensemble de notre société.

Monsieur le ministre, je souhaite également vous interroger sur le rôle de l’école dans la sensibilisation au handicap. Comme vous le savez, le handicap est la première cause de discrimination en France. En 2019, une enquête réalisée par l’association Les Papillons conclut que 35 % des élèves en situation de handicap ont subi des faits de harcèlement scolaire contre 14 % pour les enfants valides. Nous pensons que l’école doit être le premier lieu de sensibilisation au handicap mais ces données démontrent que les actions menées sont insuffisantes.

Comment répondre aux revendications des accompagnants, des parents et des enseignants en instaurant un vrai statut des AESH ? Quelles initiatives comptez-vous instaurer pour lutter contre le harcèlement scolaire qui touche particulièrement les enfants handicapés ? Comment renforcer la sensibilisation au handicap dans les écoles ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Votre question comprend deux volets. Au sujet des AESH, je remarque d’abord les avancées récentes. Il est désormais possible de signer un contrat en CDI au bout de trois ans, comme vous l’avez rappelé – c’était d’ailleurs une initiative parlementaire. En outre, la rémunération augmentera de 10 % à compter du 1er septembre 2023. Les primes d’éducation prioritaire sont acquises à partir du 1er janvier 2023 – il y a un petit retard de versement, mais je suis cette affaire de près. Enfin, la question du temps complet se pose en effet, car beaucoup d’AESH ne sont pas employés 35 heures mais 24 heures par semaine.

J’ai envoyé une circulaire le 4 janvier 2023 pour ouvrir la possibilité aux AESH de cumuler leur temps de travail scolaire et leur temps de travail périscolaire, les deux salaires étant versés sur la même fiche de paie, ce qui répond à une demande parfaitement légitime de leur part. Nous avons instauré un système de rétropaiement des collectivités au ministère de l’éducation nationale, puisque la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 nous oblige à faire une distinction claire entre le temps scolaire et le temps périscolaire.

Quant à la création d’un corps, nous n’y sommes pas favorables pour des raisons pratiques qui sont liées au fait qu’un concours annuel nous empêcherait de répondre aux demandes d’AESH qui s’étalent tout au long de l’année en fonction des notifications des MDPH. Des questions se posent également pour les AESH issus de pays hors de l’Union européenne ou qui n’ont pas le baccalauréat. Je suis favorable à une CDIsation solide, avec des progressions de carrière et des rémunérations correctes.

Madame la présidente, puisque je ne dispose que de deux minutes, je m’arrête là, et je reviendrai sur la question du harcèlement ultérieurement.

Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Bassire.

Mme Nathalie Bassire (LIOT)
De nombreux témoignages sur les réseaux et sur le terrain nous renseignent sur l’état de l’école inclusive en France. À l’instant, nous avons entendu la secrétaire générale du Snes-FSU, un membre du collectif Parents du 94, elle-même mère d’un enfant en situation de handicap, et le Défenseur des enfants.

Combien de parents dénoncent le manque cruel d’AESH ou le fait que les heures de prise en charge de leur enfant soient revues à la baisse malgré des préconisations de la MDPH ? Combien sont-ils à se sentir seuls face à des institutions qui sont bien trop souvent muettes ? Par manque d’AESH, par manque de places dans des instituts médico-sociaux, par manque de formation des enseignants, certains de nos enfants sont déscolarisés ou placés en hôpital de jour pour un accompagnement par défaut. Le dispositif Pial a été instauré en 2017. Pouvons-nous évaluer son efficacité ? Pourrait-on envisager le rattachement des AESH du Pial à la direction de l’établissement dont ils dépendent, pour optimiser leurs interventions ?

Le droit à la scolarisation de tout enfant en situation de handicap, ce droit à l’école réaffirmé par la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 qui reconnaît la responsabilité de l’éducation nationale, mérite la plus grande attention de l’État.

Pour soutenir la scolarisation de tous les enfants qui attendent d’intégrer une autre structure, peut-on imaginer un soutien de l’État à des initiatives privées qui regroupent des professionnels du champ médico-social, dont des éducateurs spécialisés libéraux qui interviennent déjà directement dans les écoles ou à domicile ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Nous sommes parfaitement conscients des difficultés pour recruter et pour répondre aux notifications des MDPH. J’ai noté précédemment les efforts que nous avons consentis : nous créerons à la rentrée prochaine 4 000 postes d’AESH supplémentaires après en avoir créé 4 000 à la rentrée 2022, mais nous devons faire face à des notifications que nous recevons très régulièrement, tout au long de l’année – dans certains départements davantage que dans d’autres.

Cette situation nous pousse à penser l’acte II de l’école inclusive. Nous constatons en effet que nous ne pouvons pas répondre aux besoins de nos élèves seulement par des créations sans fin – si je puis dire – d’AESH, alors même que nous n’arrivons pas à rattraper – si je puis m’exprimer ainsi – le nombre de notifications et donc à fournir une réponse structurelle aux besoins déterminés d’un point de vue médical par les MDPH.

Nous avons mené une discussion étroite avec les MDPH pour établir la réponse pédagogique que doit apporter l’école, par différence avec l’évaluation médicale qu’établit la MDPH. Nous tenons en effet à l’évaluation pédagogique des besoins des enfants.

Le Pial est en effet une création récente. Nous constatons des irrégularités et des variations importantes dans la situation des Pial et le plan que nous proposerons pour cet acte II de l’école inclusive vise aussi à s’appuyer sur des Pial renouvelés pour garantir une meilleure efficacité dans la gestion des AESH et de leur carrière professionnelle.

Je répondrai, si vous me le permettez, à votre dernière question ultérieurement, si l’occasion m’en est offerte.

Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Hamelet.

Mme Marine Hamelet (RN)
Monsieur le ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur le cas des enfants et des adolescents à très haut potentiel intellectuel (THPI), que l’on appelle familièrement des surdoués, et que la psychologue clinicienne Jeanne Siaud-Facchin a récemment appelé les « zèbres » dans L’Enfant surdoué . Ces « zèbres » représentent environ 2 % de la population, soit un peu plus de 250 000 enfants scolarisés en France. Parmi eux, 45 % connaissent le redoublement scolaire et 20 % n’atteignent pas le bac. Schématiquement, ce sont des enfants avec un quotient intellectuel supérieur à 130.

Outre une puissance intellectuelle élevée, ces enfants développent une forme particulière d’intelligence et une manière de raisonner différente. Sur le plan affectif, ils développent très souvent une hypersensibilité qui peut conduire à une vulnérabilité émotionnelle et psychologique, qui se traduit malheureusement dans certains cas par une mise à l’écart et une mise à distance par rapport au groupe. Désormais, les enseignants identifient assez rapidement la nécessité d’un dépistage. Une fois le diagnostic posé, on attend beaucoup de ces enfants surdoués. On pense que leur haut potentiel va en faire naturellement des élèves brillants dans l’environnement scolaire.

Malheureusement, faute d’un nombre suffisant d’unités d’enseignement adaptées, la réalité est différente. Si l’article L. 321-4 du code de l’éducation dispose bien que « des aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves à haut potentiel ou manifestant des aptitudes particulières afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités […] », cette intention ne se traduit pas toujours concrètement. Nous devons donc aller plus loin et développer des écoles dites intégratives, qui regroupent les enfants surdoués au sein d’une même classe, parmi d’autres enfants, et qui ont un véritable projet pédagogique courant de la maternelle à la terminale.

En France, les écoles publiques adaptées aux élèves à haut potentiel sont rarissimes : c’est le cas, depuis la dernière rentrée scolaire, du lycée public Émile-Dubois, dans le 14e arrondissement de Paris, qui dispose d’une « classe passerelle » en seconde, afin de permettre aux élèves HPI d’aborder plus sereinement le lycée. Mais la majorité des structures d’enseignement adaptées ne sont pas gratuites et y inscrire leurs enfants représente une charge pour les familles. Monsieur le ministre, envisagez-vous, à long terme, de développer davantage d’écoles adaptées, en particulier des écoles dites intégratives, qui présentent les meilleurs résultats en matière d’inclusion pour les enfants HPI ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
La question des enfants à haut potentiel intellectuel a émergé de manière relativement récente dans le paysage scolaire. À ce stade, je ne peux donc vous apporter qu’une réponse prudente. Il existe effectivement des unités d’enseignement adaptées aux enfants HPI qui proposent des aménagements appropriés. Vous les estimez trop peu nombreuses, mais nous devons avant tout évaluer la situation, car la qualification HPI et l’évaluation permettant de la reconnaître font aujourd’hui l’objet de débats.

Néanmoins, je suis très réservé s’agissant du développement d’établissements qui leur seraient exclusivement destinés :…

Mme Marine Hamelet
Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Pap Ndiaye, ministre
…comme je l’ai déjà indiqué, nous devons garantir le principe d’une école accueillant tous les enfants, quitte à prévoir des enseignements adaptés au sein d’établissements ordinaires. Avant de développer davantage d’unités d’enseignement adaptées – c’est effectivement ce vers quoi nous devons tendre, et c’est d’ailleurs prévu –, nous devons évaluer la situation et réfléchir sur le sujet, car pour l’instant, à l’image du nombre d’unités, notre compréhension globale du phénomène est encore peu développée.

Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)
Les remontées du terrain font état d’une multiplication des procédures d’exclusion des enfants présentant des troubles du comportement par les conseils de discipline. Alors qu’ils sont censés suivre une scolarité dite normale, on les sort petit à petit du système scolaire en raison de comportements non adaptés, notamment par le biais des conseils de discipline.

Pourtant, ces enfants devraient être entourés, protégés par les consignes des personnels soignants qui ne sont pas appliquées dans les établissements scolaires faute de moyens. Alors, presque inévitablement, ces enfants que l’institution place dans des situations anxiogènes n’ont d’autre issue que de manifester de la violence à l’encontre des personnels enseignants ou de leurs camarades de classe : l’école les maltraite, interrompt leur parcours scolaire et, finalement, ce sont les parents – le plus souvent, les mères – qui sont contraints de cesser leur carrière pour prendre soin d’eux.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette défaillance de l’éducation nationale qui, de fait, déscolarise des enfants ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Je ne dispose pas de données particulières faisant état d’une éventuelle croissance du nombre d’exclusions d’élèves prononcées par des conseils de discipline, que ce soit en collège ou en lycée : je vais me renseigner.

M. Rodrigo Arenas
Je vous transmettrai mes données.

M. Pap Ndiaye, ministre
Vous faites allusion à une catégorie d’élèves, ceux que l’on qualifie souvent de poly-exclus car ils ont été exclus de plusieurs établissements. Leur parcours scolaire est très complexe, et sa complétion parfois compromise. La réponse à apporter à ces cas est évidemment complexe, et nous avons d’ores et déjà créé des classes relais dans plusieurs établissements. Je répète que je n’ai pas eu connaissance d’une croissance du nombre d’exclusions de ce type d’élèves prononcées par des conseils de discipline : si vous avez des données, n’hésitez pas à me les transmettre, je les regarderai de près.

M. Rodrigo Arenas
Bien sûr !

M. Pap Ndiaye, ministre
Une chose est claire : quel que soit le comportement des élèves – y compris de ceux présentant des troubles du comportement manifestes –, nous ne devons jamais faillir à notre mission : scolariser tous les élèves, quels que soient leur statut juridique ou les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, même si les conditions d’accueil que nous pouvons proposer sont parfois compliquées.

Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot (LR)
Je suis ravi, monsieur le ministre, d’apprendre que vous êtes favorable à la transformation en CDI des contrats des AESH. Je voudrais néanmoins revenir sur leurs conditions d’emploi. Le contrat des AESH prévoit généralement 24 heures de travail par semaine, puisqu’il s’agit de la durée du temps scolaire : cela représente donc seulement 60 % d’un temps plein. Or, au regard de tout le temps de travail que leur mission leur impose en dehors des heures de classe, leur emploi devrait être assimilé à un temps plein, et donc rémunéré comme tel.

Par ailleurs, nous devons mieux former les AESH, notamment en renforçant la formation continue et en prévoyant des formations en dehors des heures consacrées à l’accompagnement des enfants. Proposer des formations communes aux AESH et à d’autres intervenants entourant l’enfant souffrant de handicap permettrait de renforcer la cohésion entre les différents intervenants, de décloisonner les métiers et d’encourager l’interaction et l’échange. C’est en valorisant le quotidien des AESH, collectivement et en responsabilité, que l’inclusion des enfants souffrant d’un handicap deviendra une normalité, même si c’est un terme que je répugne à utiliser. Ensemble, nous devons soutenir un véritable projet de réhabilitation et de reconnaissance des AESH. Quelle est votre position au sujet de la reconnaissance et de l’attractivité de ce métier ?

M. Rodrigo Arenas
Excellent !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Comme je l’ai déjà indiqué, nous devons en effet tendre vers des contrats de 35 heures, et nous formulerons des propositions en ce sens dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. Je vous rappelle que l’intégration des heures effectuées en périscolaire au contrat de travail de l’éducation nationale a d’ores et déjà état facilité, et que les AESH sont actuellement rémunérés sur quarante et une semaines, et non uniquement les trente-six semaines de temps scolaire, ce qui permet de reconnaître environ trois heures de travail supplémentaires hebdomadaires en plus des vingt-quatre heures d’accompagnement des élèves.

Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : il faut mieux former les AESH. En théorie, les AESH suivent 60 heures de formation, qui sont dispensées au fil de l’eau, notamment au cours du premier trimestre suivant la prise de fonction – il ne s’agit pas d’une formation préalable. Mais elles sont inégalement suivies, et nous devons absolument améliorer cette formation : nous y réfléchissons.

Un contrat de travail de 35 heures, une meilleure formation, une meilleure rémunération : autant d’avancées nécessaires pour reconnaître davantage l’important métier d’AESH. Dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, nous proposerons de confier davantage de missions aux Pial, qui n’assurent pour l’instant que des fonctions strictement administratives. Je serai heureux de parler avec vous de ce sujet à la suite de la Conférence et de vous informer de ses conclusions.

Mme la présidente
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC)
La semaine dernière, j’ai reçu, avec d’autres députés, le collectif Une école inclusive pour tous, né dans ma circonscription et composé de parents d’élèves en situation de handicap. Ces derniers nous ont remis un cahier de doléances et leur constat était sans appel : selon eux, le manque criant d’AESH est le nœud du problème de l’inclusion dans l’école publique.

Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous avez suggéré que l’aide humaine n’est pas la seule bonne réponse aux problèmes d’inclusion : nous pensons, bien au contraire, que l’aide humaine est la première des réponses, le maillon indispensable et essentiel de la chaîne de tous les acteurs de l’école inclusive – nous sommes bien d’accord sur ce dernier point. Or les AESH n’apparaîtront pas comme par miracle ! Aujourd’hui, ce n’est pas un métier attractif, et pour cause : mi-temps forcé, rémunération d’à peine 800 euros par mois, contrats précaires, au moins au cours des trois premières années : qui, ici, voudrait travailler dans de telles conditions ? Et, de fait, les candidats ne se bousculent pas.

Ma question est donc simple : quand allez-vous prendre la mesure du problème et améliorer les conditions de travail des AESH ? Signature d’un CDI à temps plein dès l’embauche, augmentation salariale significative, passage à temps complet – une durée qu’elles effectuent déjà, comme M. Minot l’a rappelé, puisqu’au-delà des 26 heures de leur contrat, elles participent à toutes les réunions de l’équipe éducative, dont elles font partie :…

M. Maxime Minot
C’est exactement ça !

Mme Marine Hamelet
Tout à fait !

Mme Fatiha Keloua Hachi
…elles devraient donc être payées comme pour un temps plein, sans pour cela avoir besoin d’y ajouter les heures effectuées en périscolaire –,…

M. Rodrigo Arenas
Exactement !

M. Maxime Minot
C’était le sens de mon intervention.

Mme Fatiha Keloua Hachi
… formation de niveau bac, du type bac pro petite enfance : autant de pistes d’amélioration des conditions d’emploi des AESH. En outre, avec seulement 130 000 AESH pour 430 000 élèves en situation de handicap, garantir aux AESH d’effectuer tout leur service au sein d’un seul établissement n’est pas possible, et votre proposition de créer 4 000 nouveaux postes d’AESH par an est absolument insuffisante. Monsieur le ministre, que pensez-vous de ces propositions ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
J’ai déjà insisté sur la progression spectaculaire du nombre d’AESH ces dernières années : cette hausse indéniable en fait le deuxième métier de l’éducation nationale. Comme je l’ai indiqué, le contrat de 24 heures des AESH ne leur garantit pas une rémunération suffisante : il faut donc, je l’ai dit, tendre vers des contrats de 35 heures. À cet égard, nous formulerons des propositions dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, car inclure le temps périscolaire dans le contrat n’est pas la seule solution.

Néanmoins, sur le fond, l’accroissement du nombre d’AESH n’est pas la seule réponse que l’on peut – et doit – apporter aux besoins de l’école inclusive. Il existe toute une gamme de réponses aux besoins particuliers, qui ne nécessitent pas tous forcément la présence d’une AESH : l’éventail des réponses pédagogiques est large. Aujourd’hui, ce sont les MDPH qui notifient à l’école l’affectation d’une AESH, qu’elle soit individuelle ou mutualisée, mais nous souhaitons maîtriser davantage ce sujet afin d’apporter une réponse pédagogique adaptée.

N’oublions pas que, lorsque c’est possible, la finalité de l’accompagnement par une AESH est l’autonomie : il faut penser à la sortie du dispositif, imaginer que les élèves puissent ne plus avoir besoin d’une AESH. Plutôt que de nous en tenir à une réponse quantitative, d’une certaine manière, accréditant la thèse qu’un accroissement illimité du nombre d’AESH satisferait les besoins de l’école inclusive, nous devons réfléchir en termes de parcours et mettre à plat un système qui, reconnaissons-le, est embolisé : c’est l’acte II de l’école inclusive.

Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES)
Monsieur le ministre, vous évoquiez à l’instant même l’objet de ma question. Si l’on ne peut en rester à un point de vue quantitatif, d’après un recensement effectué par le collectif Parents du 94, un tiers des enfants porteurs de handicap ne sont accueillis dans aucune structure dans le Val-de-Marne ! S’il ne s’agit pas de prévoir un ou une AESH pour chaque enfant ayant des besoins particuliers, il faut incontestablement augmenter le nombre de personnels, pour répondre au déni actuel des droits des enfants et des familles concernés.

Or nous ne pouvons que constater que le déploiement des Pial dans les territoires, bien loin d’améliorer la situation, l’a détériorée, en détériorant les conditions de travail, en morcelant les prises en charge et en favorisant le temps partiel qui, finalement, est subi non seulement par les AESH, mais également par les enfants. Si un tel accompagnement à trou correspond à la notification et aux besoins de certains enfants, ce n’est pas le cas pour de nombreux autres, pour lesquels il s’explique par un défaut de moyens. Pourtant, comme vous le rappeliez, le droit à l’instruction est un droit fondamental des enfants.

Le droit à l’instruction implique également que les enseignants soient formés – c’est l’objet de ma deuxième question. Combien d’UEMA et d’Ulis ne sont pas pourvues d’un nombre suffisant d’enseignants ? Dans combien d’IME les services d’enseignants ne correspondent-ils pas aux enfants accueillis ? Le droit à l’instruction doit valoir non seulement dans les écoles, mais également dans les établissements médico-sociaux. La question est donc celle du nombre d’AESH, mais aussi celle du nombre d’enseignants et d’enseignantes formés pour permettre aux enfants concernés d’accéder au savoir et aux connaissances.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
La situation actuelle n’est pas du tout celle d’un « déni des droits », pour reprendre votre expression. Au contraire, notre réponse consiste, entre autres, à augmenter le nombre de personnels, en créant 4 000 postes d’AESH par an ; c’est un effort significatif. Le budget de l’éducation nationale consacré à l’école inclusive a crû de façon très importante ces dernières années et je m’en réjouis, bien entendu. J’indique toutefois qu’une réponse consistant à simplement augmenter le nombre de personnels n’est pas la bonne pour l’école inclusive. Notre pays compte plus de 130 000 AESH pour 430 000 élèves à besoins particuliers ; parmi ceux-ci, beaucoup n’ont pas besoin de l’accompagnement d’une AESH, qu’il soit individuel ou mutualisé.

Oui, nous continuerons à créer des postes d’AESH – 4 000 à la rentrée prochaine, je le répète. Nous les payons mieux ; nous nous assurons qu’ils bénéficient des primes de l’éducation prioritaire et d’un CDI après trois ans d’exercice – je ne suis pas défavorable d’ailleurs à ce qu’ils bénéficient d’un tel contrat plus précocement ; je suis même ouvert sur ce point. Je suis bien conscient qu’il faut faire progresser les conditions de travail des AESH et que le bilan des Pial est contrasté – nous formulerons donc des propositions sur ce point dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.

Quant à votre propos sur la formation des enseignants, je suis d’accord avec vous. Il faut les former. Nous le faisons, puisque, dans le cadre de la formation initiale, 25 heures sont consacrées à l’accueil des enfants en situation de handicap. Nous fournissons en outre un important effort de formation continue pour permettre notamment aux enseignants d’enseigner dans les Ulis – les établissements de notre pays comptent actuellement 10 300 de ces unités, que nous créons régulièrement.

Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES)
En écoutant vos propos, l’idée m’est venue de vous interroger sous un angle un peu particulier de la socialisation et de l’instruction – les deux sont bien sûr concomitantes – de ces élèves : celui de la pratique des sports et des arts. Nous ne devons pas nous limiter à une démarche étroite pour ces matières, dont chacun reconnaîtra qu’elles jouent un rôle majeur, chez les élèves, pour l’ouverture à soi et au monde. Or, dans vos propos sur l’acte II dans ce domaine, je ne vous ai pas entendu faire référence à ce point décisif pour la scolarisation de ces enfants.

À court terme, prévoyez-vous de mobiliser, à cette fin, des ressources humaines, de mettre à disposition et de qualifier du personnel et d’adapter les lieux d’enseignement ? Votre ministère travaille-t-il sur ce point ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Votre question est d’autant plus opportune que nous lançons aujourd’hui la semaine olympique et paralympique. Cette septième édition prend un relief particulier, parce que nous sommes à moins de 500 jours du début des Jeux olympiques et qu’elle a pour thème l’école inclusive.

Ce matin, lors de l’inauguration de la semaine, la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et moi-même avons mis l’accent sur les pratiques de handisport dans les écoles et établissements scolaires. Les sports conçus pour les élèves atteints de cécité ou de surdité, pour ne prendre que ces deux exemples, se sont développés très largement dans les écoles, car ils sont d’un grand intérêt pédagogique, y compris pour les élèves qui n’ont pas de handicap particulier. Nous y avons insisté et continuerons de le faire dans les mois à venir, en particulier pour l’année 2023-2024. Les professeurs d’éducation physique et sportive sont également de mieux en mieux sensibilisés au handisport au cours de leur formation initiale, dans le cadre des masters de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) : ce développement est remarquable.

Quant au rôle des pratiques artistiques pour les élèves visés, j’avoue que je n’avais pas envisagé la question. Elle mérite qu’on s’y arrête. L’éducation artistique et culturelle peut en effet comprendre un volet inclusif, important pour les élèves qui souffrent de troubles de comportement, par exemple, car elle les aide dans leur relation aux autres et les inclut dans la communauté éducative en général. Je me pencherai sur ce point.

Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps (LIOT)
Si l’accueil des élèves handicapés a évolué depuis 2005, comme vous, monsieur le ministre, nous connaissons bien ses limites et les difficultés rencontrées par les élèves, leurs parents, les enseignants et les AESH. La transformation de l’école que vous avez évoquée doit se poursuivre.

Certaines situations doivent être évitées – je reprendrai rapidement les deux exemples que je citais tout à l’heure et que m’ont rapportés les parents concernés dernièrement. Un petit garçon de 3 ans, alors qu’il a reçu une notification pour être accueilli en IEM, ne pourra pas l’être. Les médecins qui le suivent considèrent qu’il peut intégrer une école ordinaire, s’il est accompagné par une AESH ; une école se propose de l’accueillir à ces conditions. Or, puisqu’il ne pourra pas bénéficier d’une AESH, il ne pourra pas entrer à l’école.

Autre exemple, quasiment identique : faute de place disponible en institut médico-professionnel, un élève va entrer en sixième ordinaire ; il ne pourra pas non plus être accompagné par une AESH. Ces élèves se trouvent ainsi dans une situation très particulière, compliquée. Il importe de placer les élèves au centre des réflexions, pour leur apporter la meilleure réponse possible.

Pour les exemples que je viens de citer, les MDPH peuvent apporter, selon les départements, des réponses différentes. Certaines envisagent des doubles notifications ; d’autres non. Le fait que l’éducation inclusive soit partagée entre l’éducation nationale et les MDPH, voire les agences régionales de santé, crée des situations qui ne sont pas faciles. J’en viens à ma question : ne faudrait-il pas une véritable réforme institutionnelle pour accueillir au mieux les enfants handicapés ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Les deux exemples que vous donnez sont révélateurs. Je souligne que la décision de ne pas notifier un accompagnement par une AESH est toujours prise par une MDPH.

Mme Béatrice Descamps
Je n’ai pas dit le contraire !

M. Pap Ndiaye, ministre
Contrairement à ce que vous laissiez entendre, l’éducation nationale ne peut attribuer d’AESH à un enfant qui n’aurait pas fait l’objet d’une notification en ce sens de la MDPH. Vous soulignez également que les réponses diffèrent selon les MDPH. C’est vrai, selon les départements, leur politique de notification varie, parfois en lien avec le contexte social local. Par ailleurs, il arrive que, faute de place dans les IME, des enfants soient transférés dans des écoles ordinaires – en classe Ulis, notamment – et embolisent ainsi le système, comme je l’indiquais.

Le groupe de travail auquel plusieurs de vos collègues ont participé propose que l’école intègre davantage d’enfants, y compris ceux dont les besoins sont les plus importants, et qui auraient jadis été accueillis en IME, à la condition qu’elle soit dotée des ressources appropriées – ce qui va bien au-delà de l’accompagnement par un ou une AESH et implique que des soins puissent être prodigués au sein des établissements scolaires et que des salles de répit soient aménagées pour les élèves en situation d’autisme, par exemple. Cela pose des questions importantes, y compris pour le bâti scolaire, sur lesquelles nous devons discuter avec les collectivités.

Mme la présidente
La parole est à Mme Servane Hugues.

Mme Servane Hugues (RE)
Depuis trois ans, notre majorité travaille à inclure les enfants en situation de handicap au sein de l’école ordinaire. Durant vos différentes interventions, vous avez mis en avant les progrès majeurs fournis concernant les AESH : toutefois leurs contrats restent précaires, notamment parce qu’ils sont le plus souvent à temps partiel. En outre, le manque de reconnaissance dont souffre ce métier le rend peu attractif et explique la pénurie de ces professionnels. Dans quelques semaines aura lieu la Conférence nationale du handicap, dont l’un des axes de travail portera sur l’acte II de l’école inclusive, avec pour objectif de permettre aux AESH de travailler 35 heures par semaine et de leur confier des missions complémentaires. Nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement pour ces progrès annoncés.

Néanmoins, l’école ordinaire n’est pas adaptée à tous les élèves qui vivent avec un handicap. Ces derniers sont 430 000 en milieu ordinaire, mais il ne faut pas oublier que 67 000 enfants en situation de handicap, soit plus de 13 %, sont scolarisés en établissement hospitalier ou médico-social. Quel regard portez-vous, monsieur le ministre, sur ces enfants qui jamais n’accéderont à l’école ordinaire, à cause de leurs fragilités, mais qui possèdent une soif d’apprendre démesurée, parfois même lorsqu’ils sont privés de communication verbale ? Quels moyens allez-vous mobiliser pour améliorer l’accès à l’éducation de tous les enfants, notamment de ceux qui souffrent d’une lourde dépendance ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
En effet, les AESH ont des CDD, qui peuvent devenir des CDI au bout de trois ans. Toutefois, en dépit des efforts déjà consentis, il nous reste incontestablement du travail à accomplir en matière de carrière, de rémunération et de temps de travail. J’y suis très attaché.

Vous avez évoqué les enfants placés en IME, qui sont au nombre de 70 000 environ – nos chiffres concordent. Tous les enfants doivent d’abord emprunter la voie de l’école, quitte à proposer à certains moments des soins et des interventions médico-éducatives adaptés à ceux dont les handicaps sont les plus lourds. Notre principe fondamental doit être que l’école s’occupe de tous les enfants. Néanmoins, elle peut le faire à certains moments, avec des modalités particulières, en fonction de leurs besoins.

Dans mon propos initial, j’ai annoncé que, lors de la prochaine rentrée, nous attribuerons à tous les enfants, y compris ceux qui se trouvent actuellement en IME, un identifiant national élève. Les associations en ont exprimé la demande. C’est une manière de reconnaître qu’ils sont dans l’éducation nationale, et non en dehors d’elle. Il s’agit d’un premier pas. La Conférence nationale du handicap nous offrira l’occasion d’apporter des précisions.

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES)
Les conférences, les tables rondes, les déclarations du Président de la République et du Gouvernement ne masqueront pas, malheureusement, les dures réalités que connaissent les personnes en situation de handicap et leur famille. Des milliers d’enfants se heurtent à la rigidité des règlements, au défaut de formation du personnel éducatif et au manque d’accompagnants dans l’éducation nationale. Ils s’en trouvent obligés d’abandonner leurs études : c’est un arrache-cœur pour eux comme pour leurs proches, monsieur le ministre. Faute de décisions idoines et d’une vraie politique dans ce domaine, des milliers d’enfants sont privés d’école. L’État ne prend pas toujours en considération le taux d’invalidité notifié par la MDPH pour mettre en place l’accompagnement.

Les AESH poussent des cris de détresse, parfois de colère. Ils sont dans une grande précarité : très peu de moyens ont été déployés. Vous allez sûrement répéter vos précédentes réponses, mais quels plans de formation ont été élaborés à leur intention ? Ce sont des accompagnants, et non des surveillants !

En 2019, la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République a émis des recommandations. Que sont devenues les préconisations relatives à l’augmentation du nombre d’enseignants référents, à la hausse des moyens dévolus à la médecine scolaire et universitaire, à la réactivation des Rased – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – et au réajustement des budgets alloués aux universités, pour tenir compte de l’augmentation du nombre de jeunes étudiants en situation de handicap ? Disposons-nous de statistiques sur le nombre d’élèves en situation de handicap qui n’ont pas de solution d’accompagnement ?

Monsieur le ministre, je conclus en soulignant que la situation des enfants porteurs de handicap qui vivent en outre-mer est pire encore.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Le pays – au-delà même de l’État – a consenti un effort considérable en faveur de l’école inclusive, pour les élèves en situation de handicap : le budget concerné a crû de 6 à 7 % par an, pour atteindre 3,9 milliards d’euros. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une préoccupation secondaire ou que l’école inclusive occupe dans l’éducation nationale une situation marginale. Nous y consacrons des moyens croissant. Certes, des difficultés subsistent, mais j’insiste sur la progression. La démarche générale tend à inclure tous les élèves dans l’école ordinaire, avec les nuances et les adaptations que j’ai évoquées.

Je vous rejoins pour affirmer qu’il nous reste incontestablement une marge de progression dans le domaine de la formation, pour les enseignants comme pour les AESH. Nous avons besoin d’enseignants référents : le groupe de travail a également avancé sur ce point ces dernières semaines. Il faut améliorer – peut-être humaniser, en tout cas renforcer et faciliter – les liens entre les familles, les Pial et les écoles. Nous ferons des propositions en ce sens.

Nous ne nions pas les difficultés, monsieur le député, notamment en outre-mer. Toutefois, j’insiste sur les efforts considérables qui ont été consentis. Malgré les difficultés que nous connaissons, l’histoire reconnaîtra cette étape, dans laquelle nous sommes encore engagés, comme une des grandes évolutions de l’école : celle-ci inclut désormais des enfants jusque-là délaissés, marginalisés ou maintenus à la lisière de l’école républicaine.

Mme la présidente
La parole est à Mme Francesca Pasquini.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES)
Que pensez-vous, monsieur le ministre, du fait d’en arriver à devoir déposer un recours auprès du tribunal administratif pour qu’un enfant en situation de handicap accède à l’école ? C’est souvent la réponse que l’éducation nationale apporte à leur famille. Pouvez-vous nous préciser combien de recours ont ainsi été déposés pour non-respect du droit à l’éducation ?

Je discute souvent avec des familles d’élèves en situation de handicap. Comme elles, j’ai du mal à voir vers quel modèle nous nous dirigeons – pour autant que nous nous dirigions quelque part, sinon droit dans le mur. Que pensez-vous du modèle italien en particulier ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Je ne connais pas le nombre de recours. Je peux interroger mes services, qui vous répondront par écrit, si vous le souhaitez. (Mme Francesca Pasquini acquiesce.) Là encore, je ne peux que répéter que nous éprouvons en effet des difficultés à répondre aux notifications des MDPH, que nous recevons au fil de l’eau toute l’année – nous en recevons littéralement chaque jour. Je ne formule pas là une critique des MDPH : j’énonce un fait. Or nous devons y répondre, souvent dans l’urgence, avec les difficultés que j’ai déjà soulignées, relatives au recrutement des AESH ou au nombre de postes d’AESH. D’une certaine manière, nous n’en avons jamais assez. Je le reconnais. Toutefois, j’insiste sur le fait que l’AESH ne peut pas constituer la seule réponse pédagogique. D’une certaine façon, un droit à l’AESH s’est instauré, au détriment d’autres réponses et d’une sortie de l’AESH, telle que je l’évoquais précédemment, c’est-à-dire d’un processus d’autonomisation des élèves, pour ceux qui sont en mesure d’y parvenir.

S’agissant du modèle italien, il nous intéresse en effet beaucoup. Il va d’ailleurs à l’inverse de ce que votre première question laissait entendre : en Italie, l’école inclusive repose non pas sur un grand nombre d’AESH, mais sur une formation remarquable des enseignants et sur une prise en charge des élèves à besoins particuliers par l’ensemble de la communauté éducative. L’Italie a donc répondu à la question d’une façon différente, qui mérite toute notre attention, en particulier concernant la formation et les réponses pédagogiques qui ne supposent pas un accroissement mécanique du nombre d’AESH.

Mme la présidente
Merci, monsieur le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Merci madame la présidente. Merci, mesdames et messieurs les députés.

Mme la présidente
Le débat est clos. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 11 avril 2023