Interview de M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, à France 2 le 7 avril 2023, sur la réforme des retraites et la politique du logement.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous, bonjour Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Bonjour. JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin. On va aborder donc avec vous plusieurs questions, qui concernent votre portefeuille de Logement, mais vous êtes aussi là ce matin, un peu en représentant de ce gouvernement encore contesté dans la rue. Moins de monde, mais des violences, toujours. Qu’est-ce qu’on fait au gouvernement aujourd’hui ? On serre les dents en attendant la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites qui est contestée par une majorité de Français ?

OLIVIER KLEIN
Alors, le gouvernement travaille, tous les jours et d’arrache-pied. Et puis évidemment, les violences sont insupportables et pour par ma part, je ne les supporte pas. Et puis, comme homme de gauche, je continue à penser que cette réforme, elle est nécessaire, elle est juste, elle est responsable…

JEFF WITTENBERG
Vous avez du mal à convaincre, vous l’admettez. Justement, vous dites vous-même, comme homme de gauche, la gauche…

OLIVIER KLEIN
Ecoutez, moi je suis ministre…

JEFF WITTENBERG
Rares sont les personnes à gauche qui l’approuvent.

OLIVIER KLEIN
Je suis ministre de la Ville et du Logement, je parcoure les quartiers populaires. Quand je vais dans ces quartiers, les Français que je rencontre, ne me parlent pas de l’âge de la retraite, ne me parlent pas du 49.3. Parce que dans ces quartiers, vous savez, rare étaient ceux qui pouvaient partir à la retraite à 62 ans. La réalité de ces parcours, la réalité de ces gens qui habitent dans ces quartiers aujourd'hui, c'est me parler du pouvoir d'achat, me parler de l'école de leurs enfants, me parler, oui, de logements…

JEFF WITTENBERG
Et pas la réforme des retraites.

OLIVIER KLEIN
Non, pas de la réforme des retraites ni du 49.3, parce que dans ces quartiers, et vous savez il suffit d'aller sur un simulateur, ils savaient qu'ils n’allaient pas partir en retraite à 62 ans. Donc on peut pratiquer le mensonge ou en tout cas des contrevérités, si j'ose dire, devant vous, sur cette question-là, moi ma propre mère elle est partie à 65 ans, parce que c'est une ouvrière, parce qu'elle a eu une carrière longue, et c'est la réalité de la majorité des gens qui habitent dans ces quartiers.

JEFF WITTENBERG
Et alors ça veut dire quoi ? Vous dites " il y a des mensonges ", quand Laurent BERGER, le numéro 1 de la CFDT parle d'une grave crise démocratique, que la nouvelle numéro 1 de la CGT, madame BINET, parle d'un gouvernement qui vit en circuit fermé, c’est eux qui ne sont pas en phase avec la population quand il y a des millions de gens qui ont, alors, un petit peu moins hier, mais depuis le mois de janvier, des millions de gens qui ont défilé dans la rue, vous ne les entendez pas ?

OLIVIER KLEIN
On peut faire de la démagogie, et je crois qu'ils en font. La réalité c'est que notre responsabilité c'est de sauver le système de retraite à la française par répartition, et refuser un système de retraite par capitalisation, et c'est ce que propose le gouvernement à travers cette réforme.

JEFF WITTENBERG
Vous avez l'impression que c'est de la provocation, notamment dans les quartiers…

OLIVIER KLEIN
Nous avons un travail de conviction à mener, pardon.

JEFF WITTENBERG
Alors, notamment dans les quartiers populaires que vous avez longtemps représentés, vous étiez maire de Clichy-sous-Bois de 2011 à 2022. Vous l'avez rappelé, vous êtes un homme de gauche, vous avez été membre du Parti socialiste. Vous avez l'impression que ce discours il est entendu par vos anciens électeurs ? En toute franchise monsieur Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
En tout franchise, je crois que les gens qui habitent dans ces quartiers, les plus fragiles, attendent des réponses sur leur quotidien, aujourd'hui, pas sur ce qui va leur arriver. Ils ont envie, et c'est normal, de travailler, et c'est le travail que l'on fait avec le gouvernement, avec la recherche du plein emploi. C'est le travail que l'on mène sur le pouvoir d'achat. Regardez tous les boucliers que ce gouvernement a mis en place, les boucliers tarifaires, la protection des artisans…

JEFF WITTENBERG
Alors pourquoi ? Pourquoi ça ne passe pas ? alors, c'est un problème de communication ? Pourquoi la cote de popularité du président de la République est plus basse qu'elle ne l'a jamais été depuis qu'il est élu président ? Comment vous expliquez cette défiance, y compris dans ces classes populaires que vous…

OLIVIER KLEIN
Alors, moi je suis toujours…

JEFF WITTENBERG
Comment vous l’expliquez en tout cas ?

OLIVIER KLEIN
Je suis toujours élu d’un quartier populaire, et d'une ville très populaire, et je me sens être le ministre de ces quartiers populaires, et j'y suis très attaché. Je pense que…

JEFF WITTENBERG
Alors, pourquoi ça ne passe pas, alors ce discours ?

OLIVIER KLEIN
On a besoin de continuer, de reprendre un effort de pédagogie. On a besoin de parler du quotidien, on a besoin de dire aux Français qu'est-ce qu'on va faire pour l'emploi, et je crois…

JEFF WITTENBERG
Vous admettez qu’il y a une incompréhension aujourd'hui. Vous admettez qu'aujourd'hui il y a quand même une crise démocratique…

OLIVIER KLEIN
Personne ne peut nier la mobilisation, personne ne peut nier qu'il y a une contradiction entre cette réforme, que moi je crois juste, et la manière dont elle peut être perçue par un certain nombre de Français, mais je crois aussi qu’il y a une forme de démagogie et de manipulation qui n'est pas la réalité. Enfin, vous dites que j'étais membre du Parti socialiste, à quel moment le Parti socialiste, dans ces dernières années, a dit qu’il fallait revenir à la retraite à 60 ans ?

JEFF WITTENBERG
En tout cas, il n’a jamais proposé de faire passer l'âge à 64 ans, comme vous le faites.

OLIVIER KLEIN
Non mais la réforme Touraine, avec son accélération, avait quasiment les mêmes effets, en nombre de trimestres. Donc oui, on peut se gausser de mots et dire des choses qui ne sont pas des vérités. Et comme socialiste, comme homme de gauche, je crois à une chose : le système de retraite par répartition, et notre responsabilité c'est de laisser un système de retraite en bonne santé pour nos enfants.

JEFF WITTENBERG
Quand vous voyez la situation politique du pays, un sondage, pour la première fois cette semaine, a montré que si l'élection 2022 se déroulait aujourd'hui, c'est Marine LE PEN qui gagnerait avec 55% des voix. Vous avez été membre du Parti socialiste, ça ne vous inquiète pas, cette perspective aujourd’hui ?

OLIVIER KLEIN
Mais évidemment que ça m’inquiète. C'est le sens de mon engagement en politique de lutter contre l'extrême-droite, et ça sera toujours le sens de mon engagement.

JEFF WITTENBERG
Aujourd'hui, elle a plus que le vent en poupe, elle est donnée gagnante.

OLIVIER KLEIN
Vous le racontiez tout à l'heure, vous étiez présent à Clichy-sous-Bois quand on a gagné pour la première fois les élections avec Claude DILAIN en 95, et le Front national était en tête au 1er tour. Donc oui c'est le sens de mon engagement, oui je ferai tout pour éviter que…

 JEFF WITTENBERG
Mais vous le faites monter plutôt que baisser aujourd’hui.

OLIVIER KLEIN
Je crois que notre responsabilité c'est de continuer à parler aux Français, des classes populaires, à leur dire ce que l'on fait et ce que l'on va faire pour améliorer leur quotidien, leur pouvoir d'achat, l'école de leurs enfants, les quartiers…

JEFF WITTENBERG
Et leur logement, puisque vous en êtes le ministre.

OLIVIER KLEIN
Et leur logement, bien évidemment.

JEFF WITTENBERG
Et on va parler justement de ces dossiers. Votre politique elle vise, dites-vous, à améliorer le logement social, mais elle est aussi sévère pour ceux qui n'en ont pas de logement. On a vu cette semaine, alors via une proposition de loi d'un député Renaissance, monsieur KASBARIAN, une loi qui durcit la législation contre les squatters, qui triple les peines en cas de violation d'un domicile, d'occupation illicite d'un domicile. Vous assumez cette politique ? Une chasse aux pauvres dit la gauche ; dont vous faisiez partie.

OLIVIER KLEIN
La réalité, c'est que oui il faut se battre contre les squatters, c'est une réalité. Le squat est insupportable. D'abord parce qu’on a vu des exemples dans les médias ces dernières semaines. Et puis le squat, c'est souvent l'exploitation de la misère, parce que derrière le squat il y a parfois des marchands de sommeil, et donc cette loi donne encore plus de pouvoirs pour lutter contre les marchands de sommeil, et surtout…

JEFF WITTENBERG
Plus de répression.

OLIVIER KLEIN
Moi, je n'ai jamais évidemment mélangé un squatter et quelqu'un en impayé de loyers. Quelqu'un en impayé de loyers, doit être protégé. Cette loi et permet aussi d'améliorer les préventions sur les expulsions locatives, en permanence depuis que je suis ministre, et mes prédécesseurs ont fait la même chose. On travaille, j’ai envoyé une circulaire aux préfets, j'ai vu tous les préfets de France en début de semaine, pour leur dire : à la fin de cette trêve hivernale, soyez attentifs dans cette situation de crise. Ne mettons pas des gens en situation de précarité à la rue. Comme ministre de la Ville et du Logement j'ai préservé plus de 200 000 places d'hébergement d'urgence. Chaque soir aujourd'hui, hier soir encore 205 000 places d'hébergement d’urgence. A la fin du quinquennat de François HOLLANDE, c'était 120 000 places d'hébergement d'urgence. Donc on n'a jamais eu autant de moyens…

JEFF WITTENBERG
Mais en même temps, être plus ferme pour ceux qui squattent ou ceux qui occupent illicitement.

OLIVIER KLEIN
Etre ferme avec, oui, les squatters, pour protéger à la fois…

JEFF WITTENBERG
Beaucoup plus ferme, 3 ans d’emprisonnement, je le rappelle, aujourd’hui.

OLIVIER KLEIN
Pour protéger tout à la fois les propriétaires, mais aussi des locataires de bonne foi. Je peux vous assurer qu'un locataire de bonne foi, en situation de difficulté financière, sera protégé et probablement encore mieux protégé aujourd'hui qu'hier. Et en tout cas, ça c'est ma responsabilité, et j'y tiens, et j’y tiens tous les jours.

JEFF WITTENBERG
S’il y a un problème de logement pour certains, qui va jusqu'à occuper et illégalement des maisons ou des appartements qui ne leur appartiennent pas, c'est parce qu'il y a un manque de logement social, parce qu'il y a notamment un nombre de chantiers qui sont restés en suspens. Quelle est la politique que vous menez aujourd’hui pour contrer cela ?

OLIVIER KLEIN
Il faut construire plus là où il y a le plus de besoins. Aujourd'hui, oui il y a une situation qui est compliquée, qui date d’il y a longtemps, ce n'est pas depuis que je suis arrivé au gouvernement que cette situation de manque de logement existe. Je me suis décrit…

JEFF WITTENBERG
Et que vous n’avez pas rectifiée.

OLIVIER KLEIN
Mais, que l’on essaie de rectifier. Vous savez, il faut dire aux élus locaux que le logement social c'est important, et c'est important pour leurs concitoyens. Il faut construire plus de logements, là où on a le plus de gens. Il faut accompagner, moi je suis le ministre du Logement privé, du logement social et de l'hébergement d'urgence, et donc c'est tout ça que j'essaie d’accompagner…

JEFF WITTENBERG
Qu’est-ce que vous faites, concrètement, quelle est la politique du gouvernement ?

OLIVIER KLEIN
Concrètement, il faut, aujourd'hui on voit qu'il y a des promoteurs en grande difficulté, donc on y travaille avec Bruno LE MAIRE et Bercy sur l'accès au crédit, une des raisons pour lesquelles les ventes ne se font pas c'est qu'aujourd'hui des taux d'intérêt ont augmenté. En même temps il faut accompagner le logement social, ce que l'on a fait, avec la hausse des taux d'intérêt avec Bruno LE MAIRE et la Caisse des dépôts, on a décroché 6 milliards de prêts pour le logement social, des prêts à taux bonifiés, donc des prêts à taux très bas, et on continue à travailler…

JEFF WITTENBERG
La CDC, la Caisse des Dépôts et Consignations, rachète aussi des logements ?

OLIVIER KLEIN
Non, ça ce n’est pas le travail de la CDC, ils l'ont fait après le Covid, on verra s'il y a besoin pour sortir de cette crise, de racheter du logement privé. Mais vous savez, la promotion participe à la création de logement social. Il n’y a pas des familles cloisonnées dans le logement. Moi j’ai lancé un Conseil national de la refondation sur le logement, avec Véronique BEDAGUE, la patronne de NEXITY, et Christophe ROBERT, le président de la Fondation Abbé Pierre. Ces deux personnes avec qui je travaille quasiment tous les jours, quotidiennement, se connaissent, travaillent ensemble, et notre objectif à tous, c'est produire du logement pour le plus grand nombre.

JEFF WITTENBERG
Est-ce que vous étiez favorable à la proposition de loi qui a été adoptée hier par l'Assemblée, une proposition écologiste, je le précise, qui vise à indemniser les propriétaires de maisons fissurées à cause du réchauffement climatique ou qui risquent de l'être, à mieux indemniser ? Il y a 10 millions de maisons qui seraient concernées.

OLIVIER KLEIN
Oui oui, le phénomène de gonflement rétractation des argiles, c’est un phénomène que je connais bien comme maire, et comme ministre, j’en ai parlé deux fois en Conseil des ministres. Donc on a mis en place des ordonnances…

JEFF WITTENBERG
Mais c’est finalement les écologistes qui ont fait voter la proposition de loi.

OLIVIER KLEIN
Non non, parce que l'ordonnance elle a été prise par le gouvernement, et cette proposition-là n'est pas utile à ce stade. On est capable aujourd'hui d'indemniser plus, plus vite, et surtout de tenir compte que les gonflements rétractation et donc les fissures peuvent arriver en décalage par rapport à la période de sécheresse. Aujourd'hui c'était compliqué, il fallait déclarer les fissures tout de suite après la période de sécheresse pour rentrer en catastrophe naturelle, grâce aux ordonnances que le gouvernement a prises, on peut le faire en décalage.

JEFF WITTENBERG
Il y a aussi le gouvernement qui était à la manoeuvre, vous l'avez dit ce matin…

OLIVIER KLEIN
On travaille, vous savez.

JEFF WITTENBERG
Merci beaucoup Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Merci.

JEFF WITTENBERG
Ministre délégué, donc chargé du Logement et de la Ville.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 11 avril 2023