Texte intégral
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de la loi confortant le respect des principes de la République.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une série de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté
Qu’il me soit permis, en préambule, d’adresser des remerciements sincères au Groupe Renaissance,…
M. Hadrien Clouet
Pourquoi ses membres ne sont-ils pas venus ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…qui nous permet de dresser, devant la représentation nationale, un premier bilan de la mise en œuvre de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
M. Julien Odoul
Bilan accablant !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Avant d’évoquer plus en détail cette loi, je souhaiterais partager avec vous une conviction et quelques constats. Cette conviction qui, j’ose l’espérer, est encore unanimement partagée ici, c’est que la République est notre bien commun le plus précieux. Or notre République est exigeante : elle requiert, plus que d’autres modèles à travers le monde, l’adhésion et l’implication de ses citoyens, mais aussi et surtout de ceux qui les représentent.
M. Alexis Corbière
Ça, c’est vrai !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est la pratique éclairée de la citoyenneté qui fonde le socle de la République et qui assure la vitalité de la démocratie.
M. Alexis Corbière
C’est pour ça que le 49.3 n’est pas républicain ! Il écrase l’Assemblée !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est le creuset de nos libertés, de nos droits, de nos devoirs. Elle repose sur le civisme et sur la solidarité, sur l’engagement, la fraternité et l’appartenance à la nation – autant de valeurs qui devraient faire consensus au sein de cette assemblée.
M. François Cormier-Bouligeon
Ce serait bien !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Cette conviction étant rappelée, je souhaite partager avec vous quelques constats. Le développement du repli communautaire, puis du séparatisme dans notre société n’est pas un phénomène nouveau. Séparatisme : voilà un mot que nous entendrons à de nombreuses reprises au cours de ce débat. De quoi parlons-nous, quelle définition voulons-nous en donner ? Le séparatisme désigne le mouvement qui considère qu’au nom de convictions religieuses ou politiques, ou au nom d’une cause dont on considère qu’elle transcende toutes les autres, certaines règles deviennent supérieures à celles de la République et doivent prévaloir sur ces dernières. Le séparatisme, c’est la volonté de sortir – y compris par la violence – de la communauté de valeurs qui nous réunit autour de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité.
M. Alexis Corbière
C’est flou !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est un fait étayé par des éléments tangibles : au cours des vingt dernières années, nous avons été confrontés en France à des pratiques séparatistes de plus en plus affirmées. Ce travail de sape se déploie le plus souvent de façon insidieuse, dans toutes les sphères de la société : dans nos quartiers populaires, dans les services publics, le tissu associatif, les pratiques sportives, mais aussi au sein même de l’école de la République. Des écosystèmes communautaires et séparatistes se sont ainsi progressivement mis en place et développés, trop longtemps dans un sentiment d’impunité totale et parfois de façon très visible, souvent autour d’un lieu de culte, d’une école, d’une librairie, d’associations, etc.
Dans le même temps et dans la même dynamique, le principe de laïcité, au cœur de notre pacte républicain, subit de plus en plus d’entorses, de contestations, d’attaques. Ici aussi, c’est un fait étayé par des éléments tangibles. Et je souhaite être très claire : refuser de regarder cette réalité en face, s’en accommoder par paresse, par lâcheté, voire – pire – par clientélisme, c’est laisser prospérer ce phénomène et s’en rendre complice.
M. François Cormier-Bouligeon
Eh oui !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
En relativiser la portée parce qu’il serait " marginal ", c’est ignorer son caractère insidieux et organisé, et refuser de prendre ses responsabilités.
Car il faut avoir conscience de ce qui se joue et le regarder en face : de tels comportements mènent, à terme, à la désintégration de l’idée même de communauté nationale et mettent profondément en danger le fonctionnement de notre démocratie.
M. Alexis Corbière
On attend toujours des chiffres !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Dans un champ différent mais dans le même ordre d’idées, il est également manifeste que des groupuscules se radicalisent de plus en plus et décident que la défense de leur cause justifie la violence – parfois une violence extrême, comme l’actualité récente nous l’a par exemple montré dans les Deux-Sèvres. Je pourrais également citer les agressions racistes, inqualifiables et insupportables, dont sont victimes certains de nos compatriotes de la part de militants d’ultradroite fanatisés.
M. Alexis Corbière
Pléonasme !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Or aucune cause, aussi légitime soit-elle, ne justifie une telle violence dans un pays démocratique comme la France, où la liberté d’expression est la règle – aucune !
M. Alexis Corbière
Les lois précédentes permettaient déjà d’agir ! Vous êtes hors sujet !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
N’en déplaise à certains, que le romantisme révolutionnaire semble aveugler au point d’en oublier les libertés qui sont les nôtres, nous ne sommes ni dans un régime dictatorial ni dans un régime autocratique.
M. Julien Odoul
C’est le régime du 49.3 !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le champ de la liberté d’expression est large, très large. Il s’arrête aux limites de la loi que vous avez la responsabilité de voter.
M. Alexis Corbière
Mais quel est le bilan de la loi ? Donnez des chiffres !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Ne pas condamner cette violence, c’est là aussi en être complice. Et l’encourager en tant qu’élus est aussi inadmissible que coupable !
Ce rappel nous conduit très naturellement à l’objet de ce débat : pourquoi cette loi et avec quels résultats ?
M. Alexis Corbière
Ah, enfin !
Mme Danielle Simonnet
On attend la réponse !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Lors de son discours aux Mureaux, le 2 octobre 2020, le Président de la République nous a appelés à défendre avec force les valeurs de la République, à nous opposer au développement du repli communautaire et du séparatisme sous toutes ses formes. Une stratégie globale de lutte contre le séparatisme en a découlé. Elle visait à entraver toutes les initiatives contraires aux fondements de notre République, à amplifier l’ensemble des actions permettant de donner corps à l’égalité des chances sur tous les territoires et à accompagner la structuration d’un islam de France face aux dérives extrémistes de l’islamisme.
Jusqu’alors, dans le triangle séparatisme-radicalisation-terrorisme, toutes nos forces étaient concentrées sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente, et c’est normal. Avec la loi CRPR, l’État s’est donné les moyens de s’attaquer à la racine du problème : le séparatisme nourrit les individus radicalisés, qui eux-mêmes nourrissent le terrorisme. En un an et demi, cette loi nous a permis de changer d’échelle, en donnant à l’État de nouveaux moyens en matière de réglementation des cultes, dans les champs de l’éducation et du sport, ou dans le domaine de la lutte contre la haine en ligne. Cette loi a aussi permis de désinhiber l’administration et de lui donner des outils pour s’attaquer à tout ce qui peut donner de l’air aux séparatismes : le financement des associations, l’instruction en famille, les écoles privées hors contrat (EPHC). Cette loi a rendu possible un véritable réveil républicain autour de ce sujet – et croyez-moi, nos concitoyens musulmans qui pratiquent leur foi en toute quiétude et dans le respect des valeurs de la République sont les premiers à nous en remercier !
M. Alexis Corbière
Ah bon ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Les quelques éléments de bilan que je vais vous donner constituent nécessairement une première étape, et pour cause : l’année 2022 constitue la première année pleine d’application de la loi.
D’abord, à l’issue de cette première année, l’ensemble des textes d’application de la loi ont été pris. S’agissant d’un texte de plus de cent articles, c’est suffisamment rare pour être souligné. Leur mise en œuvre est inégale d’un territoire à l’autre, certains départements étant encore en phase d’appropriation de ces outils ; mais nos services y travaillent, en lien étroit avec les préfets.
Concernant les éléments de bilan chiffrés,…
Mme Danielle Simonnet
Ah !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…quelques mots d’abord sur la sphère éducative, car la cible principale des séparatistes, ne soyons pas naïfs, c’est notre jeunesse. D’abord, nous avons recadré l’instruction en famille : grâce au passage d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation, le nombre de demandes d’instruction en famille a baissé de presque 30% entre 2021 et 2022 : 58 866 contre 72 369.
M. Alexis Corbière
Aucun rapport avec l’islam ! C’est une honte !
M. François Cormier-Bouligeon
Bien sûr que si !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Par ailleurs, environ 10% des demandes ont pu être refusées sur le fondement des dispositions de la loi CRPR.
M. Xavier Breton
Seulement 10% ? Cela veut dire que vous attentez aux libertés des 90% restants ! Et vous en êtes fiers !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Disons-le, l’instruction en famille n’est pas un problème en soi.
M. Gérard Leseul
Elle ne l’a jamais été !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est l’utilisation qui en est faite par certains, à des fins séparatistes, qui en est un.
Nous avons également créé une instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire. Ces instances sont désormais opérationnelles dans chaque département.
La loi CRPR permet par ailleurs au préfet de fermer administrativement un établissement privé hors contrat ; auparavant, le recteur devait entamer une procédure judiciaire et l’établissement pouvait rester ouvert jusqu’à la décision du juge. Le premier bilan est positif : sur quarante-sept établissements ciblés, six ont fermé définitivement et cinq autres ont pu faire l’objet de mesures d’entrave, par le biais d’une fermeture temporaire.
La loi CRPR a également étendu les motifs de dissolution des associations et groupements de fait. En 2022, nous avons ainsi pu prononcer la dissolution administrative de cinq structures adhérant à l’idéologie islamiste radicale ou à une idéologie extrémiste provoquant ou organisant des activités violentes.
À travers la loi CRPR, nous avons également souhaité accroître la transparence de la vie associative, des cultes et de leur financement. Je citerai ici trois dispositions importantes qui ont été prises.
En premier lieu, l’instauration d’un CER, préalable à toute subvention publique. Je le rappelle pour couper court aux critiques que j’anticipe sur quelques bancs de cet hémicycle : la liberté d’association est évidemment un principe fondamental que nous chérissons tous, mais l’argent du contribuable n’a pas vocation à financer des actions qui tournent le dos aux valeurs de la République, voire qui les combattent. Nos concitoyens le comprennent très bien et je mets au défi quiconque dans cette assemblée de justifier le contraire.
M. François Cormier-Bouligeon
Eh oui !
M. Alexis Corbière
Parlez-nous du fonds Marianne !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Par ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre, nous le savons tous, et les préfets disposent désormais d’un pouvoir de contrôle et de fermeture des fonds de dotation, qui sont l’un des principaux vecteurs de financement des mouvances islamistes. En 2022, quatre fonds de dotation ont ainsi fait l’objet d’une mesure de suspension, et quatre procédures de dissolution ont été engagées. Un suivi national des fonds de dotation est en cours de mise en place au ministère de l’intérieur.
Enfin, toute association exerçant un culte doit désormais obligatoirement déclarer les financements qu’elle reçoit, directement ou indirectement, de l’étranger. Cette mesure est entrée en vigueur le 25 avril 2022, et le ministère de l’intérieur entretient un dialogue constant à ce sujet avec les représentants des cultes. Ses services vont par ailleurs se doter d’un pôle d’analyse spécialisé pour contrôler ces fonds de dotation.
La loi CRPR a également conforté le principe de laïcité, notamment dans les services publics. " Si la spiritualité relève du domaine de chacun, la laïcité est notre affaire à tous ", a dit le Président de la République dans son discours aux Mureaux. Le déféré-laïcité donne ainsi la possibilité au préfet de demander au juge administratif la suspension de l’exécution des actes des collectivités territoriales portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics – c’est grâce à cet outil que nous avons pu éviter que les piscines municipales de Grenoble ne deviennent le haut lieu de la baignade en burkini en France.
Nous déployons des référents laïcité dans toutes les administrations : plus de 2 000 référents ont déjà été nommés, et leur déploiement continue dans les trois fonctions publiques. Nous mettons en œuvre un plan de formation de tous les agents publics : en 2025, 100% des agents publics seront ainsi formés aux principes de laïcité et de neutralité ; 130 000 agents ont été formés à l’éducation nationale, plus de 40 000 dans les autres administrations. Le dispositif de formation continue à monter en puissance.
L’application du principe de laïcité aux organismes chargés d’une mission de service public est enfin opérationnelle. Une fiche relative à la mise en conformité des clauses des contrats de la commande publique a été diffusée en août 2022. La mise en conformité est en cours.
Avant de conclure, je souhaite préciser que, contrairement à ce qui a souvent été dit, la loi CRPR n’est pas un texte contre les cultes, contre un culte en particulier, contre la liberté d’association, ou que sais-je encore.
Mme Danielle Simonnet
Un peu quand même…
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est d’abord et avant tout une loi de protection pour tous nos concitoyens : protection de nos valeurs et principes républicains, protection de notre cohésion nationale, protection des cultes contre les ingérences, protection de l’idéal associatif contre tout dévoiement, protection de la dignité de la personne humaine.
Lorsque le législateur introduit le déféré-laïcité, c’est d’abord pour renforcer le principe de laïcité et de neutralité dans les services publics locaux ; lorsqu’il institue le contrat d’engagement républicain, c’est pour éviter que des structures séparatistes ne bénéficient d’argent public ; lorsqu’il instaure le délit de séparatisme, c’est pour protéger les élus et les agents publics contre les menaces ou les violences ; lorsque l’instruction en famille est mieux encadrée, c’est pour éviter les dérives et protéger les enfants.
C’est pourquoi, avec Gérald Darmanin, notre objectif est clair : que l’ensemble du territoire se mobilise et monte en puissance, pour donner toute leur effectivité aux nouveaux outils mis à disposition par la loi du 24 août 2021. C’est le message que nous délivrons aux préfets et aux services locaux de l’État à chacun de nos déplacements.
À ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de problème de séparatisme dans notre pays et qu’il n’y avait pas besoin d’une loi, je veux répondre qu’il est temps d’en finir avec l’aveuglement et la naïveté ; à ceux-là, je ne ferai pas le plaisir de citer Robespierre ou Saint-Just, de peur de provoquer des pâmoisons.
M. Hadrien Clouet
Ce n’est pas sympa !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
À ceux qui pourraient regretter le caractère mesuré des premiers résultats chiffrés, je répondrais que Rome ne s’est pas construite en un jour, et je leur demanderai tout simplement pourquoi ils n’ont pas, à l’époque, voté cette loi.
M. François Cormier-Bouligeon
Eh oui !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Mesdames et messieurs les députés, plus encore que dans les bilans chiffrés, même si ceux-ci sont très encourageants, le véritable acquis de la loi CRPR est à chercher dans l’évolution des mentalités : nous assumons de combattre celles et ceux qui veulent s’en prendre à notre bien le plus sacré. Nous les combattons, certes, mais nous les combattons avec les seules armes du droit. Avec détermination, sans naïveté. Pour reprendre les mots du Président de la République aux Mureaux, nous devons donc « ne céder à aucune facilité, aucun cynisme, dire les choses et accepter aussi que nous sommes face à un défi qui a mis des décennies à se constituer dans notre pays et que nous ne le terrasserons pas en un jour. Mais c’est ensemble que nous devons, dans un réveil républicain, nous opposer à ceux qui veulent nous séparer ».
M. François Cormier-Bouligeon
Très bien !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Mesdames et messieurs les députés, je voudrais finir ce propos avec un message plus personnel. Par trois référendums, ces cinq dernières années, j’ai craint de perdre mon appartenance à la République. Alors, oui, peut-être tient-on plus à ce qu’on a peur de perdre, mais je crois profondément que ce sujet, celui de la défense de nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, devrait nous réunir plutôt que nous opposer. Je crois que le combat contre ceux qui s’y attaquent devrait être un combat transpartisan, un combat qui nous rassemble et qui transcende les postures, les rancunes personnelles et les échéances électorales. Ce combat, menons-le. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx (RE)
La loi confortant le respect des principes de la République s’attache à garantir que les associations respectent les valeurs républicaines dans les activités qu’elles mènent, conditionnant ainsi l’octroi des financements publics dont elles peuvent bénéficier.
Depuis la parution du décret d’application de cette loi, le 31 décembre 2021, les associations et fondations sollicitant une subvention publique ou un agrément de l’État doivent signer un contrat d’engagement républicain par lequel elles s’engagent à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République, à ne pas remettre en cause la laïcité au sein de la République et à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Si tel n’est pas le cas, l’autorité publique pourra exiger le retrait des subventions versées, contraignant l’association à restituer les sommes perçues depuis le manquement au contrat d’engagement.
Pourriez-vous nous faire un point d’étape sur l’instauration de ces contrats ? Par ailleurs, comment assurez-vous la cohérence de la lutte contre le séparatisme et la promotion de la laïcité alors que les agréments sont attribués différemment selon le ministère ou l’échelon territorial sollicité ? Enfin, comment assurer la formation de l’ensemble des agents publics sur la laïcité de manière à avoir, sur tout le territoire, un même niveau d’interprétation et de compréhension de ses principes et de ses enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le dispositif du contrat d’engagement républicain est entré en vigueur le 1er janvier 2022. Depuis cette date, les associations et fondations sollicitant des subventions publiques doivent préalablement y souscrire. Il permet aux autorités administratives de refuser la délivrance de subventions en cas de refus de souscription à ce contrat et de procéder au retrait de celles ayant été versées en cas de non-respect de ses dispositions.
L’année 2022 – première année d’application – a été consacrée au déploiement de ce dispositif auprès des différentes autorités administratives concernées. Des instructions ont été adressées aux services déconcentrés de l’État et des échanges ont également eu lieu avec les associations représentatives des élus locaux, afin de s’assurer d’une application cohérente sur l’ensemble du territoire. C’est un engagement que nous avions pris, notamment auprès du Mouvement associatif, dès l’élaboration de cette loi. Un guide a également été élaboré.
Cette étape d’installation du dispositif et d’information étant désormais passée, une grande campagne de remontée d’informations relatives à d’éventuels refus ou retraits de subventions pour des motifs tenant au respect du contrat d’engagement républicain sera organisée dès cette année, puis aura lieu annuellement. À ce stade, les contentieux liés à des retraits de subventions publiques pour non-respect du CER sont très limités.
Vous m’avez également interrogée sur la cohérence entre les dispositions de cette loi et l’attribution de subventions et d’agréments selon des critères différents suivant les ministères. Je comprends votre questionnement, étant donné que différents ministères délivrent en effet des agréments sectoriels. Cependant, un tronc commun de conditions à la délivrance de tout agrément est établi à l’article 25-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article que la loi CRPR a modifié. La souscription du CER constitue donc un prérequis à la délivrance de tout agrément, fût-il sectoriel, et la méconnaissance de ce contrat entraîne le retrait de l’agrément en question.
Le dispositif du contrat d’engagement républicain constitue ainsi un levier d’action commun dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de séparatisme.
Mme la présidente
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.
M. François Cormier-Bouligeon (RE)
C’est 115 ans jour pour jour après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État que le projet de loi confortant le respect des principes de la République a été présenté. Faisant suite au discours du Président de la République aux Mureaux, le 2 octobre 2020, l’ambition de ce texte était d’agir contre ceux qui veulent déstabiliser la République,…
M. Alexis Corbière
Le Gouvernement !
M. François Cormier-Bouligeon
…ses valeurs et ses principes, notamment celui de laïcité. Cette loi a ainsi pour objectif de renforcer la cohésion nationale, sujet qui demeure d’une brûlante actualité, les atteintes à la laïcité s’étant multipliées ces dernières années.
Ces atteintes se sont multipliées d’abord parce que la laïcité est parfois mal comprise, ayant été dévoyée par l’extrême droite de Mme Le Pen.
M. Frédéric Falcon
Ça faisait longtemps !
M. François Cormier-Bouligeon
Non, la laïcité n’est pas l’opposition aux religions, et encore moins à une religion en particulier. La laïcité est la transcription dans le droit de la liberté absolue de conscience,…
M. Julien Odoul
De neutralité de conscience !
M. Xavier Breton
Ça, c’était avant !
M. François Cormier-Bouligeon
…héritage précieux des philosophes des Lumières.
Ces atteintes se sont multipliées ensuite parce qu’une entreprise de démolition de la laïcité et des principes républicains est à l’œuvre dans les réseaux communautaristes avec, nous l’avons hélas vu cet après-midi, la complicité de la Mélenchonie.
Mme Danielle Simonnet
Sur quels faits fondez-vous ces mensonges ?
M. François Cormier-Bouligeon
Or avec la famille et l’école, le tissu associatif, particulièrement dans le sport, doit être un acteur majeur d’initiation, d’apprentissage et de transmission des valeurs et des principes républicains. C’est pourquoi l’article 12 de la loi confortant le respect des principes de la République a introduit le contrat d’engagement républicain, lequel a été validé par le Conseil constitutionnel.
Qui peut le craindre ? Qui peut craindre le respect des principes républicains, sinon, précisément, les séparatistes et les communautaristes, qu’ils le soient par conviction ou par clientélisme électoral ?
Un an après son entrée en vigueur, pouvez-vous nous dresser le bilan de l’application de ce contrat ? Et pouvez-vous nous préciser le taux de souscription au CER en général et en particulier s’agissant des 300 000 clubs et associations sportives ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je l’ai déjà rappelé, le principe que nous suivons est simple : la liberté d’association est une évidence, mais l’argent public n’a pas à financer des associations qui ne respectent pas les valeurs de la République.
Le premier élément important à retenir est que toutes les associations, au moment où elles demandent une subvention, doivent souscrire au contrat d’engagement républicain. Ainsi, désormais, 100% des associations ayant reçu une subvention ont souscrit à ce contrat.
M. François Cormier-Bouligeon
Très bien !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
À cet égard, je rappelle qu’une subvention n’est pas octroyée de droit, si bien qu’une association qui refuserait de souscrire au contrat d’engagement républicain devrait se la voir refuser par l’autorité compétente. Précisons qu’à l’heure actuelle, ce sont tout de même 6,5 milliards d’euros qui sont distribués aux différentes associations chaque année.
Le dispositif du CER étant opérationnel depuis avril 2022, nous n’aurons le recul suffisant pour l’évaluer que dans quelques mois, lorsque nous commencerons à avoir les retours des préfectures. Pour l’heure, une action associative a été dénoncée par le préfet concerné : elle concerne Alternatiba, qui avait reçu une subvention pour assurer une formation en désobéissance civile. Le recours n’a pas encore été jugé.
M. Alexis Corbière
C’est dire si on est loin des objectifs initiaux !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Par ailleurs, vous évoquez la laïcité et le travail à mener au sein des services publics pour faire respecter ce principe. Dans ce domaine également, les choses ont énormément évolué, étant donné que l’objectif est de former 100 % des agents publics d’ici à 2025. Je l’ai dit tout à l’heure, nous avons déjà nommé 2 000 référents laïcité dans les différentes administrations et le plan de formation a d’ores et déjà démarré.
J’ajoute que le déféré-laïcité nous a permis d’aller au bout de notre démarche d’annulation de l’autorisation du burkini dans le règlement intérieur d’une piscine municipale de Grenoble. En définitive, ce dispositif servira à établir une jurisprudence : ce qu’il faut retenir, c’est que grâce au déféré, un acte ou une décision annulé ne pourra être réitéré.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE)
Dans la mesure où vous avez déjà répondu à la première question que je souhaitais vous poser, madame la secrétaire d’État, je passerai directement à la seconde.
Cette loi en faveur de la liberté de culte et de la laïcité, dont j’ai été la rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, dote les services de l’État d’outils destinés à préserver notre modèle républicain et à lutter contre les séparatismes et les atteintes à la citoyenneté. L’action de notre majorité était attendue par nos concitoyens, par les collectivités territoriales et par les élus locaux ; ces derniers disposent désormais d’un cadre clair et sécurisant. Les acteurs locaux sont d’ailleurs fortement mobilisés dans les territoires, avec la création d’instances de dialogue et de travail renouvelées avec les pouvoirs publics comme le Forif – Forum de l’islam de France –, ce qui est positif.
Certaines des mesures de la loi CRPR concernent les associations mixtes relevant de la loi de 1907, lesquelles exercent des activités à la fois cultuelles et culturelles et se distinguent des associations relevant de la loi de 1905, qui exercent une activité exclusivement cultuelle. S’agissant de ces associations mixtes, seules les manifestations non cultuelles peuvent bénéficier de subventions publiques, qu’il s’agisse d’événements culturels ou d’activités éducatives ou sociales directement organisés dans les lieux de culte. La loi exige désormais que l’association en question tienne une comptabilité spécifique pour ses activités cultuelles, avec un compte bancaire dédié. Le but est de parvenir à différencier ce qui relève du culturel de ce qui relève du cultuel : cette disposition donne tout son sens à l’engagement que nous avons pris. Comment évaluez-vous les règles s’appliquant aux associations mixtes ? Permettent-elles de mieux délimiter leurs activités cultuelles et leurs activités culturelles tout en réduisant l’insécurité juridique ?
S’agissant de l’école et de sa protection contre toutes les formes d’extrémisme, vous avez indiqué que la démarche s’inscrit dans un temps plus long. Les mesures contenues dans la loi CRPR permettent le contrôle des établissements sous contrat, disposition à même de rassurer les familles. En effet, certaines considèrent que l’État n’agit pas assez et nous accusent d’insuffisances dans le traitement des écoles coraniques accueillant des mineurs. Les résultats sont néanmoins significatifs et je tiens à cet égard à souligner la forte mobilisation du Gouvernement, ainsi que la réactivité des préfectures, en lien avec le CIPDR.
Mme la présidente
Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Vous avez indiqué que les contrôles ne peuvent viser que les structures séparatistes accueillant plus de sept enfants pendant plus de quinze jours. Comment avez-vous repéré, recensé et surveillé ces petites structures ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
En ce qui concerne les règles s’appliquant aux associations mixtes, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a adressé aux préfets, le 15 mars 2022, une instruction leur demandant de lancer une grande concertation territoriale avec les cultes et d’accompagner les associations qui, dans leur immense majorité, souhaitent pleinement respecter les lois de la République. Nous sommes encore dans une phase d’installation de la loi, puisque l’obligation de transmission des comptes annuels s’appliquera pour la première fois pour l’exercice 2023 – ces comptes ne seront donc rendus qu’en 2024.
Beaucoup d’associations ont néanmoins déjà commencé un travail de clarification de leurs activités, ce qui conduira nombre d’entre elles à opter pour une séparation entre une structure relevant de la loi de 1905 et une structure relevant de la loi de 1901.
Au-delà de cette disposition, dans un objectif de transparence, plusieurs mesures ont été prises vis-à-vis des associations cultuelles, lesquelles doivent désormais déclarer cette qualité tous les cinq ans auprès du préfet si elles souhaitent bénéficier des avantages propres à cette catégorie. Elles doivent également faire figurer leur qualité cultuelle dans leur objet social et déclarer les avantages et ressources qu’elles reçoivent directement ou indirectement de l’étranger dès lors que leur montant ou leur valorisation cumulée est supérieur à 15 300 euros.
Toutes ces mesures sont entrées en vigueur en avril 2022 grâce à la loi CRPR. Nous avons malheureusement constaté que les associations gérant des lieux de culte musulmans tendent de manière manifeste à sous-déclarer leurs avantages et ressources : les services de l’État sont pleinement mobilisés et portent un regard attentif à ce sujet, ce dont je les remercie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho (RN)
Avant la promulgation de la loi CRPR, l’article L. 131-2 du code de l’éducation disposait que " l’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ". D’un régime purement déclaratoire, l’instruction en famille se voit soumise depuis la rentrée de septembre 2022 à l’octroi d’une autorisation préalable délivrée pour chaque année scolaire par l’État. En septembre 2022, j’ai donc déposé une proposition de loi pour rétablir le droit à l’instruction en famille.
Il est toujours intéressant d’observer et de comprendre les raisons d’un gouvernement qui revient sur une liberté accordée aux citoyens avant lui. Car lorsqu’on analyse la réalité de l’instruction en famille en France, on peine à comprendre les raisons de son changement de régime.
Selon le rapport de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), plus de 98% des enfants instruits en famille satisfont les attendus du socle commun de connaissances.
De plus, le principe de la liberté d’enseignement figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Dans sa décision du 19 juillet 2017, le Conseil d’État a jugé que ce principe implique " le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille ". Quant au Conseil constitutionnel, il est intéressant d’observer que, saisi de la constitutionnalité de la loi CRPR, il a omis de se prononcer sur sa conformité avec le principe de la liberté d’enseignement.
Notons enfin que les derniers classements mondiaux établis par le Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves –, parus en 2019, placent le système scolaire français respectivement aux vingt-quatrième, vingt-cinquième et vingt-sixième rangs sur soixante-dix-neuf ou soixante-dix-huit pays. Nous comprenons donc d’autant moins pourquoi le Gouvernement a réformé sur les règles relatives à l’instruction en famille.
Je souhaiterais donc connaître les raisons ayant conduit à revenir sur ce régime plus que contrôlé et si important pour de nombreuses familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je vais d’abord répondre à ce qui a été dit par certains orateurs dans les interventions qui ont ouvert ce débat. Je regrette que Marine Le Pen n’ait pas voté la loi CRPR, qui met à notre disposition tous les outils nécessaires pour lutter contre les séparatismes. Sans cette loi, nous verrions encore certaines mosquées accueillir des prêcheurs radicaux.
M. Alexis Corbière
C’est faux !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Sans cette loi, sept lieux de culte pratiquant un islam radical seraient encore ouverts.
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas vrai, madame ! On fermait des lieux de culte avant !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Sans cette loi, onze établissements hors contrat continueraient à former nos enfants à un islam radical. Sans cette loi, huit fonds de dotation continueraient à alimenter un islam radical.
Concernant l’instruction dans la famille, je rappelle que la règle est l’inscription dans un établissement scolaire, public ou privé, et l’exception l’instruction dans la famille. Cette exception peut être ouverte à l’une des cinq conditions suivantes affectant l’élève : état de santé ; pratique sportive ou culturelle à haut niveau ; itinérance ou éloignement d’un établissement scolaire ; situation propre justifiant un projet éducatif particulier ; menace à l’intégrité physique ou morale de l’élève dans son établissement scolaire. Grâce à la loi CRPR, 100% des élèves instruits en famille ont été contrôlés.
M. Alexis Corbière
C’est faux ! 30 % ne sont pas contrôlés !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je confirme que ce sont bien 100% des élèves.
Grâce à un numéro d’identification national, il est possible d’identifier les élèves qui ne seraient ni inscrits dans un établissement scolaire ni instruits dans la famille. Le nombre de demandes d’instruction dans la famille est passé de 72 000 à 48 000. Je reviendrai sur les motifs de ces demandes.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul (RN)
Le 16 octobre 2020, M. Samuel Paty, professeur de la République française, était assassiné, décapité par un islamiste devant son établissement. Depuis cette triste date, rien n’a changé dans un océan de lâcheté. Votre petite loi de carnaval n’a rien conforté, rien fait respecter, et votre bilan est accablant. Combien de mosquées radicales ont-elles été fermées depuis deux ans et demi ? Zéro !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Sept !
M. Julien Odoul
Combien d’étrangers fichés S pour radicalisation ont-ils été expulsés ? Zéro ! Combien de prêcheurs de haine étrangers ont-ils été expulsés ? Zéro ! Combien d’idéologies islamistes ont-elles été interdites dans notre pays ? Zéro ! Dans le même temps, les menaces et les intimidations contre les professeurs ont explosé : de la Gironde à l’Alsace, des enseignants sont menacés du même sort que Samuel Paty après avoir présenté des caricatures de Mahomet ou abordé la Shoah. Les atteintes à la laïcité, cible d’attaques islamistes, se multiplient dans nos établissements : 313 atteintes à la laïcité rien que pour le mois de septembre 2022. Sur les réseaux sociaux, le harcèlement islamiste se développe. Dans l’espace public, le voile – totem de l’islam politique – se développe partout. Selon une récente étude de l’Insee, la proportion de femmes musulmanes portant le voile en France est passée de 18% à 26% en dix ans.
Madame la secrétaire d’État, au regard de cet état de fait et de votre bilan accablant, allez-vous, une bonne fois pour toutes, arrêter de faire semblant et attaquer l’« hydre islamiste », comme y appelait le Président de la République il y a quelques années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je regrette que vous n’ayez pas de question, mais cela se comprend : votre présidente n’a pas voté la loi.
M. Bryan Masson
Le disque est rayé !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous me demandez combien de lieux de culte ont été fermés : sept lieux de culte où l’islam radical était pratiqué l’ont été. Sans cette loi, nous n’aurions pas pu le faire.
Mme Danielle Simonnet
C’est faux !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Sans cette loi, des centaines d’enfants seraient encore éduqués selon des principes voulant par exemple que les femmes soient soumises à leur mari, auquel elles devraient obéir au doigt et à l’œil.
M. Bryan Masson
Ces pratiques existent partout en France, et de plus en plus !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Sans celle loi, il n’y aurait pas de formation à la laïcité dans les services publics, qui continueraient à être gangrenés par l’islam radical. Voilà la réalité !
M. François Cormier-Bouligeon
C’est ce qu’ils veulent !
M. Alexis Corbière
C’est faux, archifaux !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Si vous étiez honnête, vous salueriez la fermeture de ces sept lieux de culte, de onze établissements hors contrat et de huit fonds de dotation qui alimentaient l’islam radical. Plusieurs millions d’euros ont ainsi été récupérés et ne vous en déplaise, nous allons continuer !
M. François Cormier-Bouligeon
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES)
Dans le cadre de la loi " séparatisme ", vous avez lancé une véritable campagne de suspicion contre les associations en leur imposant la signature du contrat d’engagement républicain, comme si le terrorisme et la diffusion d’un fondamentalisme religieux avaient un rapport avec nos associations, pilier fondamental de notre République.
M. François Cormier-Bouligeon
De quoi avez-vous peur ?
Mme Danielle Simonnet
L’objectif de votre loi est d’organiser une forme de suspicion à l’égard de nos concitoyens de confession musulmane – réelle ou supposée. C’est pourtant contraire aux principes républicains : en République, le peuple est un et indivisible.
Le seul exemple d’association n’ayant pas respecté le contrat d’engagement républicain fourni par votre rapport est celui d’Alternatiba. Quel rapport avec l’islamisme radical ?
M. Alexis Corbière
Aucun !
Mme Danielle Simonnet
Quels dangers une formation aux actions non violentes pour le climat représente-t-elle pour la République ?
M. Gérard Leseul
Aucun !
Mme Danielle Simonnet
Qu’est-ce qui vous gêne ? Peut-être s’agit-il des actions contre Lafarge, entreprise productrice de ciment la plus polluante et poursuivie pour avoir financé Daech ? Je note que le président Macron a toujours été bien silencieux sur ce sujet. On s’interroge. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Combien d’associations ont-elles refusé de signer le contrat d’engagement républicain, non par désaccord avec les principes républicains mais par refus de cette soumission, contraire à l’esprit de la République et à la loi de 1901 sur les libertés associatives ?
M. François Cormier-Bouligeon
De quoi avez-vous peur ?
Mme Danielle Simonnet
Combien d’associations ont-elles perdu des subventions du fait de décisions préfectorales ?
Le contraste est saisissant avec le scandale du fonds Marianne, créé pour lutter contre le séparatisme après l’assassinat odieux de Samuel Paty. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Une seule association aurait ainsi obtenu 335 000 euros à elle seule, soit 15% du total des fonds alloués,…
Mme Andrée Taurinya
Un pognon de dingue !
Mme Danielle Simonnet
…pour la réalisation de quelques vidéos dont la plupart ont été vues moins de cent fois. Deux dirigeants de cette association, Mohamed Sifaoui et Cyril Karunagaran, ont empoché à eux deux 120 000 euros de salaire.
M. François Cormier-Bouligeon
Et les salaires chez les Insoumis ?
Mme la présidente
Merci de conclure, chère collègue.
Mme Danielle Simonnet
La famille de Samuel Paty est scandalisée. Quelles décisions allez-vous prendre à la suite de ce scandale pour faire en sorte que ces fonds soient remboursés et ces profiteurs poursuivis et jugés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je veux d’abord souligner l’extraordinaire travail mené par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Avant la mort de Samuel Paty et le discours des Mureaux, il n’y avait pas de contre-discours républicains en face des discours radicaux.
M. Alexis Corbière
C’est une blague ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le risque d’attaque terroriste reste très élevé, M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer l’a rappelé ce matin. Parmi les quarante-sept projets d’attentat déjoués, la plupart étaient le fait d’islamistes radicaux.
M. Alexis Corbière
Aucun rapport, il s’agit du ministère de l’intérieur !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
C’est bien le ministère de l’intérieur qui s’occupe de cette loi.
Je rappelle que sur les soixante et onze associations candidates à l’appel à projets du fonds Marianne, dix-sept ont finalement été retenues pour un montant total de 2 millions.
M. Alexis Corbière
2,5 millions !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Elles ont produit plus de 2 000 contenus diffusés auprès de plusieurs millions d’internautes présents sur les réseaux sociaux.
M. Alexis Corbière
C’est faux !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
L’un des contenus a d’ailleurs été visionné plus de 5 millions de fois. Cette production de discours républicain a donc été une grande réussite.
M. François Cormier-Bouligeon
Excellent ! Cela vous gêne ?
M. Alexis Corbière
Cela me choque !
M. François Cormier-Bouligeon
Vous n’aimez pas la République !
Mme la présidente
Merci d’écouter Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Des interrogations sont apparues sur l’utilisation des subventions allouées par le fonds Marianne.
Dès qu’elles ont été portées à ma connaissance, j’ai demandé au CIPDR d’enquêter sur l’utilisation des fonds par l’association en cause. Les éléments transmis nous ont conduits à missionner, le 29 mars, l’Inspection générale de l’administration afin que toute la lumière soit faite sur cette association. Je vous demande de ne pas jeter l’opprobre sur les dix-sept associations, qui ont fait un excellent travail.
M. Alexis Corbière
Heureusement que les Insoumis sont vigilants, sinon l’affaire aurait été couverte !
M. François Cormier-Bouligeon
Faites donc le même travail chez vous !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le préfet Gravel a transmis, sur le fondement de l’article 40…
Mme la présidente
Madame la secrétaire d’État, vous avez excédé votre temps de parole.
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)
De la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France à celle des Soulèvements de la Terre, il y a une continuité. Elle s’est cristallisée dans la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi " séparatisme ", utilisée pour faire la guerre au Mouvement associatif sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
Mme Émilie Bonnivard
Carrément !
Mme Andrée Taurinya
C’est ainsi que le gouvernement précédent avait tenté de dissoudre un groupe antifasciste lyonnais et environs, le Gale, avant que le Conseil d’État ne suspende heureusement cette décision. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Cet arsenal répressif est aujourd’hui utilisé contre le mouvement écologiste après le maintien du désordre que vous avez provoqué dans les Deux-Sèvres.
Mme Émilie Bonnivard
J’espère que l’association sera dissoute, ils sont dangereux !
Mme Andrée Taurinya
Opposés à la construction mortifère des mégabassines, ces militants ont pâti de vos décisions, qui les ont blessés, allant jusqu’à provoquer le coma de deux d’entre eux. Votre chasse aux ennemis de la République semble n’avoir aucune limite. Prenez garde : abuser de la rhétorique de l’ennemi de l’intérieur entraîne notre pays dans un moment préfasciste. M. Darmanin a déclaré qu’il ne céderait rien au terrorisme intellectuel, mais de quel terrorisme parle-t-il ? Vous dites qu’il existe une complicité évidente entre des gens qui sont entrés à l’Assemblée nationale et des mouvements d’extrême gauche qui terrorisent. Vous allez jusqu’à proposer de dissoudre la Ligue des droits de l’homme, après avoir asséché ses financements.
Mme Danielle Simonnet
C’est une honte !
Mme Andrée Taurinya
À quand le retour de la rétention préventive ? Vous ne tenez plus que par la matraque et le déshonneur.
M. François Cormier-Bouligeon
Quel délire ! C’est n’importe quoi !
M. Lionel Royer-Perreaut
Les mots ont un sens !
Mme Andrée Taurinya
Ma question est simple : cette loi scélérate, qui, prétendument, conforte les principes républicains, sera-t-elle utilisée pour dissoudre l’association Les Soulèvements de la Terre dont les membres participent à des actions de désobéissance civile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Émilie Bonnivard
J’applaudirai lorsque la dissolution sera prononcée ! Qui sont les fascistes, on se le demande !
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous êtes à côté du sujet.
M. François Cormier-Bouligeon
Ils sont à côté de la plaque, tout le temps !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le débat porte sur la loi CRPR et vous parlez de Sainte-Soline, alors qu’aucune association impliquée dans les manifestations de Sainte-Soline n’a été dissoute sur le fondement de la loi CRPR. En 2022, cinq associations ont été dissoutes : deux de mouvance salafiste, une d’ultradroite, une d’ultragauche et une de supporters ultras du PSG. Voilà la réalité.
Des associations qui prônent la violence pour défendre une cause…
Mme Andrée Taurinya
Elles prônent la désobéissance civile, ce n’est pas la même chose !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Si, elles ont prôné la violence ! Leurs militants sont arrivés avec des haches, des cocktails Molotov et des boules de pétanque…
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui ! C’est ça, la désobéissance civile ?
Mme Danielle Simonnet
Qui est dans le coma ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…parce qu’ils ont été appelés à venir avec des outils qui ne servent pas à se promener dans un champ avec des poussettes.
M. François Cormier-Bouligeon
Ce sont les méthodes de l’extrême gauche mélenchoniste !
Mme Andrée Taurinya
C’est un mensonge !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Si, en tant que députée, vous, qui votez la loi, défendez le fait d’aller à une manifestation interdite alors que, de toute évidence, c’est interdit par la loi ; si vous défendez des associations qui prônent la violence, alors, effectivement, vous n’êtes pas à la hauteur de votre fonction de députée. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Pierre Cordier
Il ne faut pas dire cela, madame la secrétaire d’État !
M. Maxime Minot
C’est léger !
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton (LR)
Je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du régime d’autorisation d’instruction dans la famille prévu par la loi confortant le respect des principes de la République. J’associe Mme Émilie Bonnivard à ma question, car elle travaille beaucoup sur ce sujet.
La substitution du régime de déclaration par le régime d’autorisation prévu par la loi a constitué un recul grave pour une liberté fondamentale. Sous prétexte de lutte contre l’islamisme radical, vous soumettez désormais les familles à une autorisation préalable délivrée par les académies. De nombreux parents d’élèves se sont vu refuser cette autorisation alors que la situation de leurs enfants répond aux critères prévus par la loi. Au moins la moitié des nouvelles demandes sont refusées à des familles qui pratiquaient déjà l’instruction dans la famille et qui devraient donc pouvoir continuer à le faire. Les conséquences de ce refus sont désastreuses : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire, etc. Les parents d’élèves témoignent également de difficultés à obtenir les motifs explicites du refus d’autorisation. Ils s’inquiètent du manque de transparence des décisions de l’éducation nationale.
Aussi comprendrez-vous que nous ayons besoin de transparence sur le nombre d’autorisations enregistrées ; de transparence sur le nombre de refus, avant et après recours, en en précisant les motifs ; de transparence sur la répartition de ces chiffres par académie ; de transparence sur le nombre de contrôles effectués par les autorités académiques ; de transparence sur le nombre de cas répondant explicitement aux critères inscrits dans la loi dite de lutte contre le séparatisme, qui vise à lutter contre l’islamisme radical.
Malgré nos questions, nous n’avons aucune réponse. On peut douter que vous souhaitiez la transparence quand vous affichez comme une victoire, un trophée, le recul de 30% de l’instruction en famille, sans distinguer les cas qui relèvent de la lutte contre l’islamisme radical, qui sont en fait très minoritaires – ils représenteraient un cas sur dix, d’après ce que j’ai compris –, de l’immense majorité des cas, qui relèvent, eux, de votre combat laïciste et étatiste contre la liberté de l’éducation.
M. François Cormier-Bouligeon
Laïciste, un mot de l’extrême droite !
M. Xavier Breton
Madame la secrétaire d’État, êtes-vous prête à la transparence que nous demandons ? (Mme Marie-France Lorho applaudit.)
Mme Caroline Fiat
Je souhaite faire un rappel au règlement !
Mme la présidente
Peut-on laisser Mme la secrétaire d’État répondre auparavant ?
Mme Caroline Fiat
Non !
(…)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour répondre à la question de M. Breton.
Mme Caroline Fiat
Auparavant, elle pourrait s’excuser !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Monsieur le député, accordons-nous sur le fait que l’instruction en famille est justifiée quand elle permet à un jeune de pratiquer une activité sportive ou culturelle, parce qu’il rencontre des difficultés pour trouver un établissement scolaire proche de chez lui, mais non quand elle vise à transmettre des discours radicaux.
Vous affirmez que certaines familles n’ont pas été autorisées à poursuivre l’instruction en famille, qu’elles pratiquaient pourtant légalement jusque-là. C’est inexact, puisque le renouvellement de l’instruction en famille est de droit dès lors que l’enfant concerné en bénéficiait l’année précédente et que le contrôle a débouché sur un avis positif – c’est-à-dire n’a pas mis en lumière de difficultés particulières.
Quant aux chiffres, comme je l’indiquais tout à l’heure, 6 000 refus d’autorisation ont été prononcés, dont environ la moitié pour des demandes fondées sur le quatrième motif prévu par la loi – demandes qui ne sont pas toutes expliquées par le séparatisme.
Les refus motivés par le séparatisme occupent effectivement une place marginale, mais encore une fois, le principe d’autorisation préalable n’empêche pas ceux qui ont besoin de l’instruction en famille d’y recourir. Ceux qui peuvent y avoir droit y ont droit. Ce principe ne leur crée aucune difficulté et je ne vois pas pourquoi il est contesté.
M. Xavier Breton
Je vous enverrai les familles concernées, en espérant que cette fois, vous les recevrez – elles le demandent en vain depuis des mois.
Mme Caroline Fiat
Incroyable ! Aucune excuse ! Apparemment, je ne mérite pas d’être députée ! Les membres du Gouvernement peuvent faire des bras d’honneur, insulter…
M. François Cormier-Bouligeon
Quel cinéma, madame Fiat !
Mme Caroline Fiat
C’est vous qui dites ça ? Pourtant, en la matière, j’aurais beaucoup à apprendre de vous !
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC)
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué le bilan de la loi selon la puissance publique, en nous communiquant quelques maigres chiffres, qui ne nous permettent toujours pas d’apprécier réellement l’intérêt de votre loi. Pourtant, si je vous entends bien, sans celle-ci, la France serait à feu et à sang, totalement islamisée, et les services publics gangrenés. Permettez-moi de ne pas y croire. Il n’y avait pas besoin de cette loi pour agir.
J’appelle de nouveau votre attention sur les effets constatés de ce texte sur les associations. Le contrat d’engagement républicain traduit une logique de défiance envers elles, mais surtout une profonde méconnaissance de leur rôle, car loin d’être une menace pour la République, elles font vivre ses principes, ses valeurs, au quotidien et accompagnent leur évolution.
Je m’étonne, avec toutes les bonnes intentions que vous nous avez rappelées tout à l’heure, que le Gouvernement et celui qui l’a précédé n’aient pas convaincu le milieu associatif et ses mouvements. Un an après l’entrée en vigueur de la loi, on constate déjà une utilisation problématique de ce texte par les pouvoirs publics qui l’interprètent, et parfois le surinterprètent, avec des différences très notables d’une ville à l’autre, voire d’un ministère à l’autre. La pratique dépend grandement de la personne aux responsabilités publiques, ce qui place les associations face à une forme d’arbitraire extrêmement problématique.
Plusieurs collègues ont d’ailleurs très pertinemment rappelé les cas d’Alternatiba ou celui du planning familial de Chalon-sur-Saône. En effet, dans plusieurs cas, le contrat d’engagement républicain a été utilisé pour empêcher des actions d’associations, notamment environnementales ou défendant des droits, des causes, ce qui affecte leur capacité à faire vivre le débat et illustre à quel point le rôle des associations est mal compris par certains. Rappelons-le, elles ne sont pas là pour faire plaisir aux pouvoirs publics.
Par ailleurs, à côté de l’insécurité financière qu’il crée, le contrat d’engagement républicain est aussi une source d’insécurité juridique. Pourtant, un outil coconstruit par l’État, les collectivités territoriales et les associations, la charte des engagements réciproques, existe depuis vingt ans et il est préférable de proposer un pacte de confiance plutôt qu’un esprit de défiance. Les associations attendent un geste de la part de l’État. Quand comptez-vous répondre à leur demande en reprenant le contrat d’engagement républicain pour coconstruire avec le secteur associatif ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je vous remercie pour le caractère constructif de votre question. On peut être en désaccord et se respecter. Le CER est un outil récent, ses dispositions ne sont pleinement opérationnelles que depuis avril 2022 ; nous manquons encore de recul sur leur application. Comme évoqué tout à l’heure, un recours contre le décret d’application a été déposé devant le Conseil d’État, mais n’a pas encore été jugé. Plusieurs contentieux ont en outre été engagés localement concernant le CER. La jurisprudence permettra de clarifier ce que la loi autorise et ce qu’elle n’autorise pas.
Enfin, l’État doit encore accompagner les autorités locales pour qu’elles se saisissent correctement de ce contrat et de ce qu’il autorise. Nous aurons intérêt à dresser tous ensemble un bilan dans quelques mois, une fois que cette loi aura réellement été appliquée, et de manière équitable, dans l’ensemble des territoires.
D’un point de vue plus juridique, le Conseil constitutionnel, vers lequel beaucoup de regards se tournent en ce moment, a reconnu explicitement dans sa décision du 13 août 2021 que le contrat d’engagement républicain ne porte pas d’atteinte au principe de la liberté d’association, auquel nous sommes tous très attachés. Les associations sont libres, mais les financements publics n’ont pas à alimenter celles qui ne respectent pas les lois, les valeurs et les principes de la République.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard (HOR)
Depuis 2012, les attentats islamiques ont causé la mort de 271 personnes et fait près de 1 200 blessés en France. En dehors de ces attaques tragiques, auxquelles nous n’étions le plus souvent pas préparés, les ravages causés par la radicalisation, dont le séparatisme, touchent notre pays au quotidien. En juin 2019, dans un rapport d’information sur les services publics face à la radicalisation, les députés Éric Diard et Éric Poulliat alertaient la représentation nationale sur la radicalisation dans le milieu sportif, qui est pourtant le lieu emblématique de l’intégration et de l’apprentissage des règles du vivre-ensemble. Ils citaient une note du service central de renseignement territorial qui rapportait dès 2015 que de façon délibérée, certains fidèles musulmans aux pratiques radicales investissent le terrain social et sportif – notamment certaines salles de sport et équipes sportives – afin d’exercer sur leur coreligionnaires des pressions et de les amener à adhérer à leur philosophie rigoriste. Afin de mieux lutter contre la radicalisation dans le sport, une des préconisations de leur rapport était de redonner au préfet la compétence pour délivrer l’agrément aux associations sportives, même si celles-ci sont déjà affiliées à une fédération. En effet, actuellement, il suffit pour un club d’être affilié à une fédération agréée pour bénéficier de cet agrément en cascade, à charge pour les fédérations de contrôler les clubs, alors qu’elles n’en ont pas forcément les moyens.
À moins de 500 jours de l’ouverture des Jeux olympiques, allez-vous rendre aux préfets cette compétence qui leur a été retirée par une ordonnance prise sous la présidence de M. Hollande ? Quelle action le Gouvernement entreprend-il pour protéger les Jeux olympiques de cette menace bien réelle ? Un amendement visant à revenir sur cette ordonnance avait été adopté par notre assemblée en première lecture du projet de loi CRPR, avant que la disposition ne soit supprimée par le Sénat. Ne faudrait-il pas l’étudier de nouveau ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous faites référence aux travaux de MM. Diard et Poulliat, dont je salue l’implication sur les questions de radicalisation dans le sport. Vous noterez que leur rapport, rédigé en 2019, précède l’élaboration du projet de loi CRPR. À l’époque, après discussion avec M. Poulliat, qui était l’un des rapporteurs de ce texte, le Gouvernement n’avait pas repris sa recommandation, lui préférant un dispositif beaucoup plus efficace, le contrat d’engagement républicain.
Plutôt que de demander aux préfets de délivrer l’agrément aux associations sportives, ce qui les noierait sous la charge de travail, nous leur donnons les moyens d’agir de façon ciblée, sans alourdir leur travail ni compliquer la vie des centaines de milliers d’associations sportives qui ne posent problème à personne. Pour résumer, nous avons désormais les moyens de lutter contre l’entrisme séparatiste dans le sport sans revenir sur l’allégement des procédures administratives.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen (LIOT)
La récente réforme de l’instruction en famille dans la loi confortant le respect des principes de la République a apporté des changements significatifs à la pratique de celle-ci, suscitant des débats et des controverses. Même si nous pouvons entendre certains des arguments en faveur d’un encadrement renforcé, d’un contrôle accru et de davantage de réglementation, cela pose la question de la liberté éducative des parents.
En effet, la réforme peut conduire à la stigmatisation des familles pratiquant l’IEF, voire à des discriminations à leur encontre. Les contrôles renforcés instaurés par la réforme peuvent être perçus comme une atteinte à la confiance envers ces familles. Certains parents peuvent se sentir contraints dans leurs choix éducatifs. Il faut donc s’interroger sur l’efficacité de la réforme et ses conséquences en matière de liberté éducative des parents. Il importe de poursuivre le dialogue, afin de trouver un équilibre entre la nécessité de garantir une éducation de qualité pour tous les enfants et le respect des choix éducatifs des familles.
Madame la secrétaire d’État, combien de contrôles ont-ils été effectués en 2022 ? Quel est le pourcentage d’irrégularités dans la pratique de l’IEF signalé par les autorités académiques ? Enfin, disposez-vous de données actualisées quant au nombre d’enfants instruits en famille ? (Mme Emmanuelle Ménard applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
J’ai déjà répondu à certains éléments de votre question concernant l’instruction en famille. Tout d’abord, avec ce texte, il s’agissait d’identifier les élèves instruits en famille qui étaient entièrement sortis du système républicain. Je l’ai dit à plusieurs reprises, s’ils ne représentaient que quelques dixièmes de pour cent des élèves bénéficiant de l’IEF, c’est-à-dire quelques dizaines ou centaines de personnes, ils existaient. Le système d’identification des élèves, le système d’autorisation a priori , et le contrôle systématique ont permis de gagner en visibilité sur ce point.
Comme indiqué tout à l’heure, nous avons contrôlé l’ensemble des familles pour lesquelles une demande d’autorisation d’instruction en famille a été déposée, que les enfants concernés aient bénéficié ou non de l’IEF l’année précédente. Pour relativiser votre inquiétude, je rappelle aussi que nous n’avons instauré qu’une autorisation préalable, et non une interdiction ou une stigmatisation de l’IEF.
Dans d’autres pays, l’instruction en famille est beaucoup plus encadrée. C’est le cas notamment en Allemagne, où elle est interdite, sauf cas exceptionnels, pour une raison médicale par exemple, en Croatie où elle est aussi interdite, sauf également pour raison médicale, en Suède, où elle est autorisée uniquement pour les familles itinérantes, et en Espagne, où la Constitution évoque l’éducation obligatoire et la scolarisation.
M. Christophe Naegelen
Mais nous vivons en France.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Oui, et c’est une grande chance de vivre en France,…
M. Xavier Breton
On attend toujours les chiffres !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
… où l’instruction en famille est simplement encadrée et où ceux qui sont légitimes à instruire leurs enfants en famille peuvent le faire – pour des raisons médicales, de pratiques sportives ou culturelles, mais également quand l’élève est harcelé à l’école ou pour ceux qui ont un projet particulier et peuvent le justifier lors des contrôles.
M. Xavier Breton
Toujours pas de chiffres !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Ce n’est pas le cas pour ceux dont le but est séparatiste.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard (NI)
Madame la secrétaire d’État, vous avez présenté 2022 comme l’année du réveil républicain, avec 3 000 contrôles et 187 établissements fermés, dont sept mosquées et onze écoles. Réveil indispensable puisque la France a échappé à trente-neuf attentats en cinq ans et que quatre-vingt-dix neuf mosquées et salles de prière, sur les 2 623 répertoriées dans notre pays, sont soupçonnées d’accueillir des prêches séparatistes. Ces chiffres en disent long sur les moyens mis en œuvre et les résultats, malheureusement encore insuffisants. Le fonds Marianne, lancé à l’époque par Marlène Schiappa et doté de 2,5 millions d’euros, devait contribuer à améliorer les choses en défendant les valeurs de la République.
À force d’insister, nous avons fini par obtenir la liste des associations bénéficiaires de ce fonds : dix-sept lauréats, dont trois se partagent pas moins de 1 million d’euros. L’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire retient plus particulièrement notre attention puisqu’à elle seule, elle a capté 355 000 euros de subventions – une somme rondelette, vous l’avouerez, en complet décalage avec les résultats très relatifs de cette association, qui devait infiltrer la toile pour y débusquer les radicalisés en tous genres. Son profil Facebook est riche de cinq amis, son compte YouTube est plus que maigrichon et la majorité de ses vidéos n’atteignent pas 100 vues. Enfin, seules 138 personnes sont abonnées à son compte Instagram.
Le fonds Marianne a-t-il vraiment servi les intérêts de la République ? L’utilisation de cet argent ne méritait-il pas plus d’attention après l’expérience désastreuse – pour ne pas dire le fiasco – du premier centre de prévention, d’insertion et de citoyenneté, qui s’est retrouvé sans pensionnaires alors qu’il employait vingt-sept personnes, pour un coût annuel de fonctionnement avoisinant les 2,5 millions d’euros, et dont l’absence totale de résultats avait été dénoncée dans un rapport du Sénat en 2017 ? (M. Christophe Naegelen applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vos questions vont me permettre de compléter ma réponse sur le fonds Marianne. Tout d’abord, rappelons qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur toutes les associations. Sur les dix-sept associations, seize ont fait l’objet d’un contrôle, ne posent pas de problème et réalisent des millions de vues en diffusant un contre-discours républicain. Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, nous avons intérêt à soutenir ces initiatives.
Je le répète, les contrôles sont forcément effectués a posteriori puisqu’on demande aux associations de produire du contenu – on vérifie ensuite que l’argent versé l’a bien été pour produire et diffuser du contenu. S’agissant de l’association que vous évoquez, les éléments qui nous ont été transmis m’ont amenée à solliciter une enquête de l’Inspection générale de l’administration et à demander au préfet Gravel de saisir la procureure de la République sur le fondement de l’article 40 afin qu’une enquête judiciaire soit diligentée sur cette association. Si les fonds de l’État ont été dépensés de manière incorrecte, les sanctions seront à la hauteur de l’importance – symbolique – du fonds Marianne.
Enfin, madame la députée, vous regrettez les résultats relatifs de la loi. Dans votre département, ils sont pourtant particulièrement édifiants : fermeture des salles de cours et, en urgence, pour absence de déclaration, de salles de classe de l’Institut Tawakkoul à Montpellier ; fermeture de locaux de l’association Un avenir prometteur, émanation du mouvement sectaire frériste Al-Qubaysiyat ; fermeture de la salle de prière du centre multiculturel d’Occitanie à Montpellier au titre de la sécurité des bâtiments ; interruption par arrêté préfectoral du fonctionnement de l’institut Al Cham, contrôlé en tant qu’établissement recevant du public (ERP).
Mme Emmanuelle Ménard
C’est grâce au préfet, pas aux associations !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je salue effectivement l’action exceptionnelle du préfet dans votre département.
Mme Emmanuelle Ménard
Moi aussi !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Mais il s’est appuyé sur les dispositions de la loi CRPR. Sans la loi, il n’aurait pas pu le faire. Nous pouvons donc tous saluer les résultats déjà exceptionnels de cette loi, qui ne fait que commencer à produire ses effets – et bien sûr, les résultats du préfet Moutouh.
Mme Emmanuelle Ménard
Ce n’était pas ma question !
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 avril 2023