Interview de M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, à CNews le 11 avril 2023, sur l'effondrement d'un immeuble à Marseille et la lutte contre l'habitat insalubre dans cette ville.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Laurence, vous recevez Olivier KLEIN, ce matin.

LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le Ministre.

OLIVIER KLEIN
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
Bienvenu dans la matinale de CNEWS. ON va parler de ce qui s’est passé à Marseille, un sixième corps a été retrouvé sous les décombres dans l’immeuble qui s’est effondré au 17 de la rue TIVOLI. Est-ce qu’il y a encore des chances de retrouver des survivants ? Combien de personnes portées disparues encore ?

OLIVIER KLEIN
Ecoutez, oui, il y a toujours des chances de trouver des survivants. Je voudrai évidemment faire part de mon émotion et présenter mes condoléances aux premières familles déjà touchées et puis dire aux forces de secours notamment aux marins de pompiers de Marseille que j’ai vu, hier, extrêmement mobilisés, faire un travail formidable, difficile, toute la reconnaissance du Gouvernement et du pays tout entier. Ils travaillent dans l’espoir de trouver des survivants, ils semblent qu’il y a encore deux personnes disparues. Tant qu’on n’aura pas fouillé complètement les décombres, on n’aura pas de certitudes, ni sur la présence de survivants, ni sur le nombre. Il faut rester extrêmement prudent mais ils travaillent vraiment dans des conditions difficiles et ils y travaillent depuis de nombreuses heures maintenant.

LAURENCE FERRARI
Et bien sûr, on salue le travail des marins pompiers qui eux-mêmes sont très éprouvés par ce qu'ils découvrent.

OLIVIER KLEIN
Absolument.

LAURENCE FERRARI
Plus les heures passent, on le sait très bien, plus l'espoir de retrouver des survivants s'amenuise. Comment s'organisent les recherches ? C'est pierre par pierre pour éviter qu’il y ait un éboulis ? Pareil sur l'incendie, il fallait éviter d'asphyxier les éventuelles victimes ?

OLIVIER KLEIN
Oui. Le travail a commencé dès la première nuit, vers une heure du matin, avec cet effondrement très important, un feu qui couvait. Donc, les pompiers ont décidé, bien évidemment, d'arroser mais modérément, ne pas utiliser de mousse. Et ensuite, il y a eu ce deuxième effondrement dans la matinée du 15. Donc, il y a évidemment, ajoutez des décombres au décompte, c'est un travail extrêmement difficile. Ils ont repéré le lieu des chambres où compte tenu de l'heure de l'effondrement, on pouvait probablement être présent les personnes de l'immeuble. Donc, il y a une évacuation des gravats différentes entre l'avant du bâtiment et l'arrière où se trouvent les chambres, il y a aussi des tractopelles et puis, une séparation en plus, des gravats du 17 et du 15 pour que la police judiciaire puisse faire son enquête dans les meilleures conditions possibles. C'est vraiment un travail extrêmement minutieux. J'ai pu rencontrer l'amiral des marins pompiers de Marseille. Gérald DARMANIN, y était la veille pour présenter vraiment le soutien du Gouvernement, rencontrer évidemment aussi le maire de Marseille, toutes les équipes, le SDIS, enfin, tout le monde est extrêmement mobilisé, la police municipale, la police nationale, c'est un travail très dur. Et puis, les Marseillais sont une nouvelle fois très éprouvé par ce drame.

LAURENCE FERRARI
Très touché effectivement. On est d'accord que le deuxième immeuble qui s'est effondré, il n'y avait personne dedans, il avait été évacué ?

OLIVIER KLEIN
Oui. Les immeubles voisins avaient été évacués tout de suite, après l'explosion et l'évacuation dans le quartier est important. Il y a 200 personnes aujourd'hui qui sont toujours en dehors de leur logement. Certains pourront probablement y revenir dans les heures qui viennent, puisque les ingénieurs, les architectes regardent la qualité des structures. Mais on sait que les immeubles adjacents, le 19, probablement, qui est à l'angle, le 15 qui s'est effondré et peut-être le 11 ne pourront pas être réhabités. Et donc, c'est aussi le sens de mon déplacement, travailler avec la ville, la métropole, les services de la préfecture, pour organiser le relogement des familles. Ce matin, les enfants devaient aussi retourner à l'école, tout ça est extrêmement complexe dans une situation où il y a des gens qu'il faut soutenir.

LAURENCE FERRARI
Et c’est des situations de relogement à long terme en l'occurrence, sur le deuxième immeuble que vous venez d’évoquer ?

OLIVIER KLEIN
Oui, pour un certain nombre de familles, très probablement, il s'agira de long terme. Donc, il faut regarder, c'est un travail qui doit se mettre en place, la situation, la composition familiale, la situation financière, est-ce qu'ils étaient propriétaires ou locataires ? Est-ce qu'il y a des emprunts à la banque ? Et donc, il faudra regarder avec la Banque de France, pour obtenir des délais, bien évidemment, le travail des assurances aussi va commencer. Mais je peux vous assurer que la ville et le Gouvernement et la préfecture seront aux côtés des familles sur le long terme si c'est nécessaire.

LAURENCE FERRARI
L'Etat va accompagner chacune de ces familles qui ont été relogées sur le long terme ? Vous vous y engagez ce matin ?

OLIVIER KLEIN
Oui. D'abord la municipalité parce que c'est le travail de proximité que fait une municipalité. Malheureusement, les maires ont l'habitude d'être au plus proche de leurs habitants y compris dans les dans les mauvais moments, mais la préfecture de Marseille et l'État resteront aux côtés des familles, y compris dans la phase de relogement. Il va falloir que chacun mobilise son contingent comme on dit, celui de la préfecture, celui de la ville, celui de la métropole, pour trouver des solutions les plus adaptées. Ces personnes sont dans un choc très important. On va essayer de les accompagner le mieux possible, du mobilier, tout simplement, des affaires s’ils sont sous les décombres pour ceux du 15. C'est tout ce travail qu'il faut mener en grande proximité avec beaucoup d'attention et de solidarité. La solidarité, c'est déjà mis en place, bien évidemment, à Marseille.

LAURENCE FERRARI
De façon spontané.

OLIVIER KLEIN
De façon spontané. Les associations caritatives, la mairie de Marseille, dont je souligne la qualité du travail, les services de la préfecture, tout le monde est extrêmement mobilisé depuis trois jours.

LAURENCE FERRARI
Le travail d'identification des victimes a commencé. Est-ce qu'on connaîtra leur identité dans les prochaines heures ?

OLIVIER KLEIN
Oui. Bien sûr. La Procureure est présente sur place, quasiment en permanence, la police judiciaire aussi. Laissons faire toutes les enquêtes, pour comprendre ce qui s'est passé. Et puis, celle de l'identification qui est évidemment un moment extrêmement difficile pour les familles.

LAURENCE FERRARI
Evidemment, et on pense à ces familles. L'origine de ce drame, c'est une explosion au gaz. Est-ce qu'on a avancé quelques pistes là-dessus ? Et à quel moment les enquêteurs vont pouvoir vraiment travailler in situ ?

OLIVIER KLEIN
Alors, depuis ce matin, les enquêteurs peuvent rentrer sur le site, compte tenu maintenant de l'absence, semble-t-il, de dangerosité. Ils peuvent s'approcher du premier effondrement pour ramasser un certain nombre d'objets, regarder, comprendre, je ne suis pas policier scientifique, donc, je vais les laisser faire leur travail. Du côté des pompiers, il y a aussi des spécialistes pour comprendre ce qui s'est passé. On le sait, la Procureure l'a dit, on voit des images de vidéoprotection d'une explosion et ensuite de l'effondrement.

LAURENCE FERRARI
Ce qui pourrait laisser penser une explosion liée au gaz ?

OLIVIER KLEIN
Ce qui pourrait faire penser à une explosion liée au gaz. Mais il faut laisser vraiment dans l'enquête se poursuivre et comprendre ou essayer de comprendre ce qui s'est passé. C'est important de comprendre l'enchaînement des événements, évidemment, parce que notre responsabilité aussi, c'est bien évidemment d'éviter que ce type de drame puisse se reproduire, et plus on aura compris ce qui s'est passé, plus on pourra prendre des dispositifs de précaution pour qu’un autre drame de ce type ne se reproduise pas.

LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il y avait un problème sur cet immeuble ? Est-ce qu'on est sur une problématique d'immeubles insalubres ou pas ?

OLIVIER KLEIN
Non. Vraiment, je tiens à le dire parce qu’on fait vite des liens, mais cet immeuble n'était pas repéré comme un comme insalubre. On est dans un quartier qui va bien dans le centre de Marseille. On n'est pas sur d'autres problématiques de l'habitat insalubre comme on a pu le connaître et comme on le connaît encore à Marseille et ailleurs dans cet habitat ancien sur lequel on est extrêmement mobilisé. Mais là, non, il n’y avait aucun signe de fragilité sur cet immeuble. C'est pour ça qu'il est extrêmement important de comprendre ce qui a pu se passer et comment une explosion qui a été décrit comme très violente par les témoins, c'est aussi le travail des policiers, d'écouter les témoignages, d'entendre ce qui a pu se passer et ce travail a commencé par la police judiciaire pour qu'on puisse vraiment analyser ce drame et le comprendre pour qu'il ne se reproduise pas. Mais cet immeuble, je tiens à le redire, n'était pas qualifié d’insalubre, au contraire.

LAURENCE FERRARI
De quand datait-il, cet immeuble, est-ce qu’on le sait ?

OLIVIER KLEIN
Ecoutez. Je n'ai pas les détails, mais de la fin du XIXe, semble-t-il, ce n'est pas un immeuble récent, mais on est dans le centre ancien, comme on a dans de nombreuses villes, c'est une rue typique marseillaise légèrement en pente, avec une école à côté qui sert de centre névralgique des secours. Et puis une rue classique, comme on peut en connaître dans beaucoup de centres ancien.

LAURENCE FERRARI
Le souffle de l’explosion a provoqué l’effondrement du deuxième immeuble et a fait des dégâts tout autour aussi ?

OLIVIER KLEIN
Oui. Alors, quand les pompiers m’ont décrit, une scène extrêmement impressionnante avec des voitures écrasées, beaucoup de poussière. On le voit sur les immeubles en face, le souffle a abimé des rideaux de fer, donc, des choses extrêmement solides, on voit des rideaux de fer complètement gondolé, donc, ça laisse imaginer la puissance de cette explosion qui a bien évidemment provoqué cette explosion. Donc, il fallait que l’explosion soit extrêmement puissante.

LAURENCE FERRARI
Marseille avait déjà été touchée en 2018, rue d’Aubagne, avec un sinistre concernant des immeubles insalubres cette fois et on le précise, il avait fait huit morts dont deux pompiers, soixante-six blessés et environ 400 sinistrés. On a l’impression que Marseille ne s’en sort pas au plan logement.

OLIVIER KLEIN
Ecoutez, on est tous très mobilisés sur la question du logement et sur la question du logement à Marseille en particulier. Vous savez que le président de la République a lancé à Marseille en grand il y a quelques années maintenant, que le gouvernement…

LAURENCE FERRARI
Quel résultat concret ?

OLIVIER KLEIN
Le gouvernement est extrêmement mobilisé. On travaille beaucoup sur la question, il y a plusieurs organismes qui ont été créés, un organisme qui a été créé sur l'habitat insalubre qui achète les appartements, qui regarde s'ils peuvent être réhabilités ou pas. Un autre organisme…

LAURENCE FERRARI
Les appartements insalubres.

OLIVIER KLEIN
Les appartements et les immeubles insalubres pour pouvoir regarder, s'ils sont réhabilitables on les réhabilite, s'ils ne le sont pas, ils seront démolis et on reconstruira la ville sur la ville. Il y a une un autre organisme qui a été créé parce que le président la République et le gouvernement y sont très attentifs sur les écoles et là encore on a lancé un très grand plan de réhabilitation des écoles, comme ancien président de l'Agence nationale du renouvellement urbain j'ai beaucoup travaillé l'ANRU, j'ai beaucoup travaillé sur ces questions de patrimoine scolaire, comme ancien prof aussi je suis très attaché à la qualité de l'école, mais ne mélangeons pas les drames, le drame qui est devant nous n'est pas un drame de l'insalubrité, mais oui le gouvernement est extrêmement mobilisé sur l'habitat insalubre à Marseille comme partout ailleurs.

LAURENCE FERRARI
Mais est-ce qu’il n’y a pas trop de structures justement qui s'occupent du logement à Marseille, est-ce qu'il ne fallait pas simplifier et avoir un seul organisme ?

OLIVIER KLEIN
Non on est dans une structure assez simple, il y a évidemment la ville, la métropole, les services de l'Etat et on vient en renfort pour être présent aux côtés des Marseillais pour réhabiliter et reconstruire la ville sur la ville, on est dans une ville magnifique où il ne faut pas faire n'importe quoi. Il faut être attentif. Il faut sortir les gens de l'insalubrité. Il faut se battre et on le fait en permanence contre les marchands de sommeil qui profitent de la misère et c'est tout ça que l'on mène conjointement l'Etat, la ville de Marseille et la métropole.

LAURENCE FERRARI
Les habitants sont en colère, ils disent que les choses ne vont pas assez, vite ils sont voilà touchés par ce double drame, le drame de Tivoli, qu'est-ce que vous leur dites ce matin ?

OLIVIER KLEIN
D'abord il ne faut pas mentir, la question du logement est une question complexe, il faut racheter, il faut réhabiliter, mais je peux vous assurer qu'on est extrêmement mobilisé. J’ai vu hier matin le directeur de cette société qu'on a créé sur l’habitat insalubre, j'étais à Marseille il y a quelques mois pour travailler, faire le point de la situation, le gouvernement suit heure par heure la question marseillaise. J'ai fait plusieurs réunions téléphoniques avant ce drame avec les équipes de Marseille et on en fait très régulièrement pour voir l'avancée des chantiers. C'est trop long oui évidemment c'est toujours trop long quand on vit dans l'indignité et qu'on veut mieux et on veut tous mieux, mais c'est des situations qui sont complexes, il faut construire plus de logements partout dans ce pays parce que pour pouvoir avancer il faut pouvoir reloger et c'est toutes ces questions-là qui sont dans mes prérogatives et pour lesquelles on est très mobilisé, je peux vous assurer avec la ville de Marseille comme avec beaucoup d’autres villes.

LAURENCE FERRARI
Qu’est-ce qui bloque dans la construction de logements nouveaux, les maires, les communes ?

OLIVIER KLEIN
Construire du logement, c'est un acte fort, il faut accepter l'idée que l'à côté de chez soi où on ait un petit immeuble qui se construise et parfois on n'en a pas envie. Moi ce que je dis, c'est qu’on doit tous, on a tous besoin d'un logement et d'un toit sur la tête, pour soi, pour ses enfants et l'acte de construire doit être un acte heureux d'une certaine manière, il faut être attentif, il faut construire avec moins de carbone, il faut construire beau parce que tout le monde a le droit au beau qu'on habite dans un quartier populaire, qu'on habite dans un quartier de centre-ville, tout le monde a le droit à un logement à toutes les étapes de sa vie. Moi je me décris comme le ministre du parcours résidentiel, donc j'aide les sans-abris, j'aide les gens qui ont besoin d'un logement social parce que le logement social c'est de logement de tout à chacun, le ministre qui est devant vous a habité dans du logement social et j'en suis particulièrement fier. Et puis il faut aussi aider la promotion immobilière qui est en crise aujourd'hui et ça aussi c'est des chantiers qui sont les miens, mais permettez-moi aujourd'hui de rester concentré sur le drame de Marseille et notre capacité à être solidaire, utile et vraiment encourager les secours qui sont présents depuis de nombreuses heures.

LAURENCE FERRARI
Les marins-pompiers sont encore mobilisés, il y a combien d’hommes sur le terrain et jusqu’à quand comptent-ils poursuivre les recherches ?

OLIVIER KLEIN
Il y avait, il y a eu plus de 100 pompiers, marins pompiers mobilisés, 111 de mémoire, ils vont continuer jusqu'au dernier moment leur recherche et puis ensuite une fois que l'ensemble, qu'on estimera que l'ensemble des corps ont été retrouvés et je l'espère vivant parce qu’il faut garder cet espoir-là, eh bien d'autres face viendront et puis la phase de l'enquête continuera aussi longtemps que nécessaire. Et puis un certain nombre de familles devront pouvoir regagner leur domicile, une cinquantaine était encore à l'hôtel hier soir, des enfants étaient encore à l'hôtel, donc c'est tout ça qu'on doit mener et je reprendrai attache avec le préfet de Marseille et le maire de Marseille dans la journée pour voir comment les choses avancent.

LAURENCE FERRARI
Vous dites que certaines de ces familles sont à l'hôtel, il n’y en a pas dans des gymnases à l’heure où on se parle ?

OLIVIER KLEIN
Non, non, non, les familles ont été accueillies soit dans leur propre famille ou chez des amis, d'autres ont été mises à l'hôtel grâce au soutien de la ville de Marseille et puis ensuite les assurances prendront le le relais mais aucune, des salles ont été ouvertes dans l'urgence mais aujourd'hui personne n'est installé, ce qui pourrait être le cas par la protection civile ou autres dans des salles municipales.

LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Merci.

LAURENCE FERRARI
D’être venu ce matin dans La matinale de CNEWS pour évoquer ce drame à Marseille. Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 avril 2023