Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. On reviendra en détail dans un instant sur le contenu de l’allocution du Président, d’abord, ses effets hier soir, il y a quelques rassemblements sporadiques, dans certaines villes, des incidents à Paris, à Lyon, à Marseille. Est-ce que vous savez combien de manifestants se sont rassemblés hier en France et combien d’interpellations il y a eu ?
GERALD DARMANIN
Alors, les chiffres qui m’ont été donnés par les préfets, c’est 24.000 personnes qui se sont rassemblées un peu partout en France, bien sûr à Paris, mais c’est évidemment le cas en province. Et il y a eu une soixantaine d’interpellations, il y a eu quelques dégradations, des feux de poubelles, mais les choses étaient beaucoup moins intenses évidemment que les semaines précédentes.
ADRIEN GINDRE
Vous laisserez faire s’il y a à nouveau des rassemblements sporadiques dans les soirées à venir, les semaines à venir ?
GERALD DARMANIN
Mais le droit de manifester, il est constitutionnel, et le rôle de la police, des préfets, c’est de permettre ce droit de manifester, donc manifester, bien sûr, on pourra évidemment toujours le faire, on doit toujours pouvoir le faire quelles que soient les causes, que l’on défend, évidemment, lorsqu’on veut s’opposer à la réforme des retraites, au Gouvernement, au président de la République. Ce qu’on ne peut pas laisser faire évidemment, c’est la manifestation violente, celle qui s’en prend aux poubelles dans la rue, celle qui attaque des bâtiments, il y a eu à Lyon quelque chose d’inacceptable, le feu d’une habitation, c’est ça que la police empêche de faire…
ADRIEN GINDRE
Avec une mairie et un commissariat aussi à Lyon en l’occurrence qui ont été visés.
GERALD DARMANIN
Exactement.
ADRIEN GINDRE
On voit dans ces manifestations sporadiques que c’est souvent la personne du président de la République qui est visée, il doit, nous disent ses proches, se rendre sur le terrain ces prochains jours, quelles consignes seront données aux forces de l’ordre, est-ce que les manifestants pourront approcher si le chef de l’Etat va sur le terrain ?
GERALD DARMANIN
Mais évidemment que lorsque les Français, y compris ceux qui ne sont pas contents, ceux qui veulent manifester leur désaccord, lorsqu’il y a un membre du Gouvernement, la Première ministre, le président de la République, qui se rend quelque part, ont le droit de manifester, bien évidemment, il y a toujours des manifestations qui sont autorisées. Evidemment, il faut empêcher que les choses soient violentes, bien sûr, pour le bien des manifestants eux-mêmes et également pour les autorités qui viennent. Donc il y aura toujours évidemment des rencontres, vous savez, ça se voit chaque jour, lorsque des ministres, c‘était le cas du ministre de la Santé, voilà quelque jours, chacun a vu les images, il a pu rencontrer les manifestants, la Première ministre lorsqu’elle est allée visiter l’hypermarché en Eure-et-Loir, elle a pu rencontrer des manifestants…
ADRIEN GINDRE
Elle a été interpellée…
GERALD DARMANIN
Il y a évidemment toujours des possibilités, et c’est normal, et c’est démocratique, qu’il y ait cette rencontre.
ADRIEN GINDRE
Le Président doit voir et entendre par lui-même la colère dont il parlait hier à une demi-douzaine de reprises tout de même ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, je pense d’abord que le Président, il a dit des choses fortes hier, il a mis des mots sur les choses, il y a une grande partie des Français qui, soit, sont en colère, soit, sont désespérés, soit, s’inquiètent de leur avenir, pour plusieurs raisons, il n'y a pas que la réforme des retraites, il y a aussi la réforme des retraites, mais il y a les prix, de quoi me parle-t-on chez moi à Tourcoing, on me parle des prix, des prix qui augmentent, des prix de la cantine qui augmentent, alors pas à Tourcoing, parce qu'à Tourcoing, on n’a pas augmenté les prix de la cantine, mais des communes avoisinantes, des prix du beurre, des prix du lait, des prix de la crèche, des prix des produits de nécessité…
ADRIEN GINDRE
Vous qui rappelez souvent que vous faites vos courses vous-même chaque samedi d'ailleurs.
GERALD DARMANIN
Oui, mais, alors, pas tous les samedis, mais oui, oui, je pense que chacun le voit, et il faut vraiment être en prise avec cette réalité, et je pense que cette augmentation des prix est très inquiétante, parce qu’elle ne correspond pas à une augmentation des salaires.
ADRIEN GINDRE
Mais vous l'avez dit au Président, parce qu'hier, il a listé des priorités, le travail, l'ordre, on y reviendra, les progrès pour mieux vivre, dans les urgences, il n’a pas listé le pouvoir d'achat, il y a juste une phrase pour dire la colère face au prix qui montent, il n’y a rien de plus à faire aujourd'hui pour le Gouvernement ?
GERALD DARMANIN
Ah, moi, j'ai constaté, notamment autour du président de la République, la demande très forte du président de la République au Gouvernement de résoudre cette question des augmentations des prix, et il a dit quelque chose de très fort hier aussi, l'augmentation des salaires, il a dit : le patronat va devoir prendre sa part, moi, je crois que ce qui est inquiétant avec l'augmentation des prix, ce n'est pas tellement que ces prix augmentent, dans les années 60, 70, 80, on a connu cette augmentation des prix, c'est que les salaires n'augmentent pas, et je crois que là, il est temps de dire aux forces du capital, au capital, aux patrons : il y a à augmenter les salaires, il y a à mieux rémunérer les travailleurs, et puis, par ailleurs…
ADRIEN GINDRE
Sauf que ce chantier-là, pardon, Gérald DARMANIN, c'est un chantier à venir, il dit, le président, vous avez raison, qu'il propose qu'on en discute…
GERALD DARMANIN
Eh bien, il faut le faire…
ADRIEN GINDRE
Il y a une urgence aujourd’hui sur le pouvoir d’achat…
GERALD DARMANIN
Oui, je suis d’accord, mais moi…
ADRIEN GINDRE
C’est-à-dire que le gouvernement attend la discussion…
GERALD DARMANIN
Non, non…
ADRIEN GINDRE
Et n’a pas de nouvelle action ?
GERALD DARMANIN
Non, moi, je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut augmenter vite les salaires, je suis de ceux qui pensent qu'il faut augmenter vite la répartition entre ce qu'on appelle le capital et le travail, il y a eu un accord entre les syndicats, je pense qu'il faut absolument concrétiser cet accord…
ADRIEN GINDRE
Sur le partage de la valeur ajoutée.
GERALD DARMANIN
Exactement, pour que les bénéfices d’une entreprise, que les profits d'une entreprise puissent profiter à nos concitoyens, bien évidemment, je suis de ceux qui pensent que les rémunérations très importantes des dirigeants, bien sûr, peuvent se comprendre, mais à un certain niveau de rémunération, le Français, celui du café du comptoir ou ceux que je croise dans le supermarché, eh bien, lui, il ne comprend pas pourquoi on a autant de rémunération des dirigeants…
ADRIEN GINDRE
A quel niveau ? A quel niveau, qu’est-ce qu’il faut limiter ?
GERALD DARMANIN
Je ne suis pas en charge de ces sujets, je pense que ce sont des questions extrêmement importantes qu'il faut trancher, et je crois que ça fait partie aussi de la colère des Français, mais je suis aussi, parce que le président l'a dit hier, pour ceux qui ne souhaitent pas retravailler, et qui touchent des minima sociaux, notamment ceux qui touchent le RSA, s'ils sont dans un parcours d'insertion, s'ils montrent de l'effort, il faut les aider, bien évidemment, mais s'ils ne souhaitent pas reprendre le chemin du travail, il est normal, et hier, le président de la République l'a évoqué, que nous ayons des sanctions envers eux, parce que celui qui va bosser le matin, la dame qui élève seule ses enfants, elle ne comprend pas pourquoi, elle, elle voit l'augmentation des prix, elle voit son salaire qui n’augmente pas, elle va devoir faire 2 ans de plus grâce à la réforme que nous avons mise en place, et elle voit que son voisin ou sa voisine, sans aller travailler, eh bien, il y a une sorte d'injustice, et il ne partage pas l’effort.
ADRIEN GINDRE
Mais là, vous allez plus loin que le Président hier, parce que, hier, le président de la République, il était en deçà de sa propre proposition de campagne, hier, il dit : nous redoublerons d'effort pour ramener vers le travail les bénéficiaires du RSA, pendant la campagne, il y avait l'idée de conditionner le RSA à 15 à 20h d'activités hebdomadaires…
GERALD DARMANIN
Oui, mais le président de la République…
ADRIEN GINDRE
Il faut maintenir cette proposition…
GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr, évidemment, que disent les Français, les Français, ils peuvent se sentir un peu dans une sorte d'injustice, quand ils voient que le capital est mieux rémunéré que le travail, ça, c’est un premier problème, donc c'est ce qu'on disait tout à l'heure, que leur salaire n'est pas assez élevé par rapport à l'effort qu'ils font, et par rapport à l'augmentation des prix, et que leur voisin, sans travailler, c'est une impression souvent, souvent fausse, mais parfois, il faut correspondre aussi à ça lorsqu'on fait de la politique, il faut comprendre ce que pensent et disent les gens. Pourquoi, moi, quand je vais travailler, je n'ai besoin d'aucune aide, alors que celui d'à côté qui ne travaille pas, qui ne fait pas l'effort d'aller travailler, bien évidemment, quand il le subit, c’est autre chose, mais quand il ne fait pas l’effort de travailler, eh bien, il s'en sort quasiment aussi bien que moi, c'est à cette angoisse qu'il faut répondre. Et le président de la République, pendant sa campagne, vous avez raison, a fait des propositions très fortes de conditions de travail ou d'insertion ou de formation de la part de gens qui étaient au RSA…
ADRIEN GINDRE
Et donc, il faut y revenir…
GERALD DARMANIN
Et hier, le président de la République, il a tracé, c'est normal, une perspective, il appartient au gouvernement désormais de détailler ce qu’il a dit.
ADRIEN GINDRE
Alors, il a tracé une perspective, vous avez raison, et il a d'ailleurs passé assez peu de temps sur la réforme des retraites à proprement parler, 2 minutes à peu près sur les 13 minutes d'allocution, est-ce que ça veut dire que la page des retraites est tournée, nos confrères du Parisien vous prêtent ces propos, de votre point de vue, les Français nous en veulent, dites-vous, mais ils l'ont avalée, cette réforme. Est-ce que vous le redites ce matin ?
GERALD DARMANIN
J‘ai dit que les Français, leur priorité, c'était les prix et l'augmentation des salaires, je reste persuadé de ça, bien sûr qu’une grande majorité de Français ne sont pas favorables à travailler 2 ans de plus, d'ailleurs, au fond de soi-même, qui l’est vraiment, à part ceux qui ont des métiers, des professions, qui vivent de leur passion, beaucoup de gens ne vivent pas de leur passion quand ils travaillent, le travail peut être difficile…
ADRIEN GINDRE
Mais au point de dire que la page des retraites est tournée ?
GERALD DARMANIN
Je pense qu’une grande partie du peuple français comprend que les hommes d'Etat, les femmes d'Etat prennent des décisions qui dépassent les intérêts particuliers et correspondent à ce qu'il faut faire pour le pays, ça ne veut pas dire qu’ils sont d'accord, ça ne veut pas dire qu'on n'aurait pas pu mieux faire, ça ne veut pas dire qu’on n’aurait pas pu mieux expliquer, mieux accompagner, ça veut dire qu’ils le comprennent, et ce n’est pas nouveau, Nicolas SARKOZY a fait une réforme des retraites comme celle-ci, François HOLLANDE aussi, la loi Travail, on peut rappeler des lois qui étaient contestées, mais que personne n'a remis en cause, parce qu'il fallait le faire. Mais je pense vraiment que pour notre peuple aujourd'hui, ce qui compte le plus, c'est que les pouvoirs politiques prennent conscience de l'augmentation des prix, parce qu'aujourd'hui, ça touche l'alimentaire, par exemple, ça touche ce qui fait que vous prenez ou pas produit pour votre bébé quand vous venez d‘avoir un enfant, et ça, ça vous touche profondément, lorsque vous dites à votre enfant, vous pouvez peut-être aller à un repas de moins à la cantine cette semaine, parce que ça devient trop cher, c'est ça qui touche une partie des Français. Et ce que nous a invité à faire le président de la République, hier, c’est à comprendre cette angoisse et cette interrogation, et il faut vite en effet que le gouvernement apporte des solutions.
ADRIEN GINDRE
Il a reconnu tout de même et regretté qu'un consensus n'avait pas pu être trouvé, il dit : nous devons en prendre toute notre part de responsabilité, ça inclut qui, ça le concerne lui, ça concerne la Première ministre, tout le Gouvernement, quelles erreurs ont été commises ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, ça concerne tout le monde, ça concerne tout le monde, ça concerne évidemment au premier chef le gouvernement. Je crois que ce qu'il nous faut, en premier, c'est d'être à portée d’engueulades, voilà, je crois que c'est très important d'avoir un lien avec les Français, quel que soit ce lien…
ADRIEN GINDRE
Davantage qu’aujourd’hui ?
GERALD DARMANIN
Oui, mais on n’est jamais assez proche des gens, je pense que c'est un point très important, vous savez, quand vous êtes dans votre bureau de ministre, de maire, vous êtes déjà emprisonné, votre bureau, ça doit être le terrain, ça doit être la rencontre de la population, dans votre circonscription, quand vous êtes élu, dans votre mairie, quand vous êtes élu municipal, ou simplement la rencontre, quand vous êtes un ministre en charge d’une thématique, à la rencontre des gens qui travaillent dans votre ministère, bien évidemment, si vous êtes enfermé, vous n‘y arrivez pas, mais ce n’est pas vrai que pour le gouvernement, c'est vrai pour tous les responsables, je crois, on va dire politiques, au sens très large du terme, je crois que les Français, pour une partie d'entre eux, ont l'impression que ceux qui dirigent, au sens très large du terme, sont assez éloignés de leurs préoccupations, et parce qu'il y a un petit effet loupe à Paris, voilà, moi, je le vois chez moi, dans le Nord, il y a un petit effet loupe à Paris, et donc je pense qu'il faut vraiment qu'on se replonge très profondément au contact de la population qui a ses angoisses, voyez, ces augmentation des prix n'est pas toujours la Une des propos politiques, quand je regarde l'Assemblée nationale ou le Sénat ou les débats politiques qu’on peut avoir…
ADRIEN GINDRE
Mais davantage la Une de journaux télévisés, en effet…
GERALD DARMANIN
C’est la Une de la presse quotidienne régionale, c’est la Une de vos journaux télévisés, c'est la Une de la conversation de comptoir dans les cafés à Halluin ou à Neuville-en-Ferrain, chez moi, ce n'est pas toujours la Une des débats politiques…
ADRIEN GINDRE
Mais quand je vous posais la question tout à l’heure, Gérald DARMANIN, pardon, j’y reviens, vous m'avez répondu sur ce que les entreprises doivent faire, pas sur ce que le gouvernement peut faire.
GERALD DARMANIN
Mais le Gouvernement, il peut déjà, parce que c'est une force politique, dire très fortement au capital, aux patrons de le faire, nous avons fait beaucoup, vous savez, pour augmenter le salaire des gens, et j'ai été ministre des Comptes publics, on a supprimé des cotisations sociales, c'est-à-dire que vous avez eu votre salaire qui a augmenté grâce à ces impôts en moins qu'on a supprimés et qu’on a compensés. On a supprimé votre taxe d'habitation, malgré tout, c'est quand même 5 à 600 euros gagnés par an…
ADRIEN GINDRE
Mais là, vous me dites ce qui a été fait, pas ce qui doit être fait en plus…
GERALD DARMANIN
Oui, eh bien, l’Etat a fait une grande partie de l'avancée, voilà, désormais…
ADRIEN GINDRE
Et maintenant aux entreprises de faire la suite…
GERALD DARMANIN
Les entreprises, au sens très large, parce qu'il y a la petite entreprise qu'il faut sans doute écouter davantage que la très grosse entreprise qui a plus de moyens, mais l'Etat doit désormais dire aux chefs d'entreprise, dire aux patrons qu'il y a un malaise social important dans les salaires dans notre pays, ils ne sont pas à la hauteur du travail des travailleurs, et qu'il faut qu'ils augmentent les salaires…
ADRIEN GINDRE
Ça suffira à dégonfler la colère, à éviter que le 1er mai soit un mouvement massif comme le souhaitent les syndicats ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, ça contribuera, vous savez, déjà, mettre des mots sur les choses, c'est très important, quand vous rentrez chez un médecin, si vous lui dites bonjour, et qu'à peine, vous avez eu le temps de dire ce que vous avez, et qu'on vous répond, chez le médecin : ne bougez pas, voici l'ordonnance, je sais ce que vous avez, vous pouvez partir, vous êtes un peu frustré, vous avez envie de dire à votre médecin où est-ce que vous avez mal, vous avez besoin de parler un petit peu, et essayer de comprendre, qu'il y ait un peu d'empathie, qu’il y ait un peu d’écoute.
ADRIEN GINDRE
Et donc écouter davantage les Français ?
GERALD DARMANIN
C’est ce que nous invite à faire le président de la République, je pense que c’est très important, déjà, l'écoute, la considération et mettre des mots sur des choses, parler de la priorité des Français et pas la priorité du petit monde parisien, je pense que c'est l'invitation que nous a faite hier le président de la République, et c'est très important pour dégonfler une partie de la colère.
ADRIEN GINDRE
Il a également parlé de l'ordre républicain, ça vous concerne au premier chef, ce matin, un de nos confrères du Figaro publiait un sondage de l'institut ODOXA qui dit que 74% des Français sont plutôt moins confiants en matière de délinquance, de cambriolages, d'agressions, le chef de l'Etat a rappelé hier que vous étiez en train de créer 200 nouvelles brigades de gendarmerie, quand seront-elles toutes installées et opérationnelles ?
GERALD DARMANIN
Alors, nous annonçons au mois de juin avec les lieux exacts d'implantation de ces 200 brigades de gendarmerie, c'est très important, c'est 2.000 gendarmes de plus dans nos campagnes, et…
ADRIEN GINDRE
2.000 recrutements ou redéploiements ?
GERALD DARMANIN
Ah, recrutements, d'ailleurs, ils sont recrutés au moment où je parle, ils sont dans les écoles de gendarmerie, on met 1 an, 12 mois pour former un gendarme, donc ils sont déjà recrutés, c’est pour ça que nous pourrons annoncer, sous l'autorité du président de la République, au mois de juin, les 200 brigades partout en France, y compris dans les territoires ultramarins, bien évidemment, c’est 2000 gendarmes de plus dans nos campagnes, parce qu'on a bien compris que l'une des raisons pour laquelle les Français pouvaient être en colère, et effectivement, pouvaient se poser des questions sur l'action, la fermeté de l'Etat, c'est que dans la campagne, où il y a parfois une augmentation de populations, on n'a pas su toujours mettre les moyens de sécurité, on s'est beaucoup concentré sur les villes, et donc la volonté du président, ma volonté, c'est de renforcer fortement la présence des gendarmes.
ADRIEN GINDRE
Ce sondage dont je parlais, vous le prenez comme un signal d'alerte pour vous, pour votre action ?
GERALD DARMANIN
Alors, je n’ai pas besoin de lire les sondages pour comprendre que les Français ont besoin de fermeté et d'autorité, ils ont besoin de plus de fermeté, plus d’autorité, ils ont besoin qu'on arrête les voleurs, que les voleurs soient condamnés par la justice, et qu'ils fassent des peines de prison, et qu'ensuite, ils soient réinsérés, ça, je le comprends, je comprends que ce n'est pas encore à la maille de ce que veulent les Français, ils veulent plus d’autorité, comme ils veulent plus lutter contre l'immigration irrégulière, voilà, c'est pour ça que moi, je pousse, je porte le fait que nous ayons un texte, un débat au Parlement fort contre notre immigration irrégulière, donc les Français, de manière générale, ils ont besoin d'une justice qui fonctionne, bref, ils ont besoin un Etat fort, et j'essaie de construire cet Etat fort, sous l'autorité du président.
ADRIEN GINDRE
Immigration, dans un instant, juste une question encore sur la sécurité, il y a une nouvelle pétition qui a été déposée à l'initiative de La France Insoumise pour la dissolution des BRAV-M, ces brigades de répression de l'action violente motorisée. La France Insoumise vous demande également un débat dans l'hémicycle, est-ce qu'il aura lieu ?
GERALD DARMANIN
Moi, d'abord, que je suis à la disposition du Parlement, j’ai passé quasiment 6h devant les commissions des lois la semaine dernière pour pouvoir parler de ces sujets, je ne me suis pas dérobé, bon, après, je pense que La France Insoumise ferait mieux de s'occuper de l'augmentation des prix que d’en vouloir aux policiers, ils sont obsessionnels contre les policiers, ils n'aiment pas les policiers, chacun l'a compris, voilà, passons à autre chose. Vous savez, les policiers et les gendarmes, c’est les enfants du peuple, ce n'est pas les enfants des cadres supérieurs ou extrêmement peu, ou des patrons qui sont enfants de policiers et de gendarmes, c'est les enfants des commerçants, des fonctionnaires, des employés, c'est eux qui sont des policiers payés à 2.000 euros par mois pour travailler très difficilement pour lutter contre l'insécurité. Donc, moi, je demanderai un peu de respect pour ces femmes et ces hommes qui ne font que leur travail d'ouvrier de la sécurité.
ADRIEN GINDRE
L’immigration, donc vous en parliez, il y avait un projet de loi que vous aviez engagé, qui commençait son parcours parlementaire, est-ce qu'il va y avoir un projet de loi ou est-ce qu'il va falloir se contenter de propositions de loi à la découpe, comme on a cru le comprendre ?
GERALD DARMANIN
Ah, non, moi, je souhaite qu’il y ait un projet de loi fort, je souhaite que ce soit le texte que j'ai proposé, sous l'autorité de la Première ministre…
ADRIEN GINDRE
Mais ce n’est pas encore arbitré, vous le souhaitez, mais ce n'est pas arbitré ?
GERALD DARMANIN
La Première ministre discute avec les forces politiques, et notamment les représentants du monde parlementaire, c'est logique, on ne fait pas un texte tout seul, mais c'est quoi ce texte, c'est lutter très fortement contre la délinquance étrangère, permettre l'expulsion des délinquants étrangers, ce que je ne peux pas faire totalement aujourd'hui, parce que la loi m'en empêche, c’est forcer tous les étrangers qui viennent sur notre sol à apprendre la langue française, et s'ils ne l'ont pas apprise, s’ils ne la parlent pas, donc ils ne peuvent pas s'intégrer, à ne pas avoir de titre de séjour, donc c'est un texte extrêmement fort. Et puis, en même temps, c'est de permettre, et c'est bien logique, que des gens qui travaillent dans notre pays, qui vivent en écoutant nos lois et respectent totalement nos règles, puissent évidemment travailler sans qu'on puisse les inquiéter, voilà, c’est à la fois le respect du travail des personnes étrangères qui viennent sur notre sol, mes deux grands-pères sont venus de l'autre côté de la Méditerranée pour travailler ici, et en même temps, beaucoup plus de fermeté contre ceux qui tirent au flanc.
ADRIEN GINDRE
Mais le parcours parlementaire de cette loi, Gérald DARMANIN, il a été suspendu, arrêté, en raison de la donne politique, parce qu'il n’y a pas de majorité évidente aujourd'hui, on avait évoqué, un moment, l'idée d'une coalition, d'une cohabitation avec Les Républicains la droite, tout ça, c'est oublié ?
GERALD DARMANIN
Moi, je suis toujours de ceux qui pensent que, puisque nous avons une majorité relative, c'est-à-dire que nous n'avons pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale, mais qu'il n’y a pas de majorité alternative, qu'une grande partie des Républicains puissent nous soutenir, ce ne sont pas les seuls, mais c'est un groupe avec lequel, moi, je travaille, et on peut travailler, bien évidemment…
ADRIEN GINDRE
Et ils ne l’ont pas voulue jusqu’ici, c’est une irresponsabilité de leur part ?
GERALD DARMANIN
Ce n’est pas tout à fait vrai, avec Les Républicains, on a su faire voter la loi de programmation du ministère de l'Intérieur, qui a prévu les 200 brigades de gendarmerie, donc je pense qu'il y a une discussion à avoir, vous savez, le texte immigration a été suspendu, retiré, parce que le président du Sénat, Gérard LARCHER, l’a demandé à la Première ministre. Nous écoutons ce que dit Gérard LARCHER, mais maintenant il faut qu’on avance, les Français ont besoin d'un texte fort, d'une politique forte contre l'immigration irrégulière, je suis sûr qu'avec Les Républicains, on peut s'entendre sur cette question.
ADRIEN GINDRE
Gérard LARCHER, il a effectivement demandé qu'on le décale, mais pas qu’on le découpe, et là, de ce point de vue-là, vous vous rejoignez, parce que vous nous dites : je souhaite un projet de loi unique, le président hier a parlé d'alliance nouvelle, mais avec qui, parce que vous avez déjà tenté depuis un an des alliances au coup par coup, selon les textes, il y a un autre chemin que le texte par texte pour la suite du quinquennat ?
GERALD DARMANIN
La Première ministre, je crois, aura l'occasion de revenir vers vous, revenir vers le Parlement, parce qu'elle fait beaucoup de consultations politiques, donc je la laisse évidemment proposer sa méthode.
ADRIEN GINDRE
Mais le Président lui avait demandé d'élargir la majorité, elle a échoué.
GERALD DARMANIN
Enfin, pardon, vous ne le savez pas, elle est en train de faire ses consultations politiques…
ADRIEN GINDRE
Eh bien, où est l’élargissement de la majorité ?
GERALD DARMANIN
La semaine prochaine, madame la Première ministre, puisque, en ce moment, nous sommes en vacances parlementaires, je mets des guillemets, le Parlement ne siège pas, nous le constaterons dans les semaines qui viennent, ce qui est certain, c'est que, à la fois sur le travail, et notamment sur ce que j'ai évoqué, la possibilité de conditionner les aides sociales, le RSA, à un vrai travail, à la formation, à de l'insertion…
ADRIEN GINDRE
Là, on se retrouvera avec Les Républicains ?
GERALD DARMANIN
Et sur l’immigration, un texte fort pour lutter contre l'immigration irrégulière, pour être ferme dans l'intégration, pour faire respecter nos valeurs, je pense que c'est deux textes avec lesquels nous pouvons évidemment parler avec Les Républicains.
ADRIEN GINDRE
Mais effectivement, au coup par coup, au texte par texte…
GERALD DARMANIN
C’est à la Première ministre de définir sa méthode.
ADRIEN GINDRE
Il y a également la question des institutions, hier, le président dit rénovation de notre vie démocratique, qu'est-ce qu'il faut faire, est-ce qu'il faut faire la proportionnelle, est-ce qu'il faut faire la décentralisation, vous êtes en charge des collectivités territoriales ?
GERALD DARMANIN
Alors, qu’on donne plus de moyens aux collectivités locales, moi, j'ai été maire, alors, ce n'est pas tout à fait moi qui suis en charge des élus, puisque c'est aussi Christophe BECHU, oui, bien sûr qu'il faut donner davantage de moyens aux élus, des élus locaux…
ADRIEN GINDRE
Mais des moyens, pas forcément de nouvelles lois…
GERALD DARMANIN
Si, des moyens et des compétences, vous voyez, je pense que c'est très important quand on est maire, enfin, voilà, j'ai été maire, je pense qu'on est capable de gérer beaucoup de choses, on gère les écoles publiques, ça se passe très bien, quand l'Etat les a décentralisées, les régions qui s'occupent des lycées, ça se passe très bien, donc je pense qu’il y a des choses qu'on peut faire pour effectivement décentraliser, donner davantage de compétences aux élus locaux, qui ont une grande partie, je crois, l'intérêt général et également le côté très pragmatique de leur population et de leur territoire…
ADRIEN GINDRE
Mais il ne faut pas forcément, de ce que je comprends de ce que vous dites, pas forcément réformer les institutions ?
GERALD DARMANIN
Alors, d’abord, vous m’avez posé la question sur la décentralisation, donc je pense que c'est très important qu’on ait un axe nouveau de décentralisation, ensuite, on voit bien qu’il y a sans doute à réfléchir, pourquoi les élus locaux sont aimés par la population, et que les élus nationaux le sont moins, peut-être parce qu'ils ont moins de liens avec leur population, il y a eu beaucoup de décisions qui ont été prises précédemment, qui ont éloigné…
ADRIEN GINDRE
La fin du cumul des mandats par exemple.
GERALD DARMANIN
Donc, je ne sais pas s’il faut revenir sur cette question, il appartiendra au président de la République et au président du Sénat de l'Assemblée de le dire, mais je pense que par exemple, le lien entre un parlementaire et son territoire est évident à restaurer, pour une grande partie d'entre eux.
ADRIEN GINDRE
Il y a une question qui est souvent posée par vos opposants, Gérald DARMANIN, par les syndicats, en particulier, Laurent BERGER, au premier chef, c'est le risque de tout ce qu'on est en train de vivre aujourd'hui, cette réforme des retraites, la contestation, la colère dans le pays, in fine, bénéficie au Rassemblement national, et que la grande gagnante soit Marine LE PEN, est-ce que c'est une crainte que vous partagez ?
GERALD DARMANIN
Mais, vous savez, quand vous faites de la politique, il ne faut pas vivre avec vos craintes, il ne faut pas être commentateur, c'est votre métier, et je le respecte bien évidemment, il faut être acteur, et si toutes les 2 minutes vous vous arrêtez pour regarder votre voisin, pour regarder la copie de votre voisin, vous ne risquez pas de gagner le 100 mètres haies ou de bien remplir votre copie. Donc, moi, mon travail, c'est de dire aux Français qu'on comprend leur colère, je comprends leurs difficultés, je sais qu’ils croient de moins en moins le discours politique, mais qu'il y a des gens qui se battent, qui pensent qu'il faut un Etat plus ferme, qu'il faut être plus à l'écoute socialement, qu'il faut pouvoir augmenter les salaires, lutter contre l'augmentation des prix, et en même temps, être ferme pour ou contre la délinquance ou contre l'immigration irrégulière. Et si on arrive à restaurer cette confiance, et à appliquer tout ce qu’on vient de dire en quelques mots, je pense que madame LE PEN ne gagnera pas l’élection présidentielle. Alors après moi, je viens d’un territoire très touché socialement, où quand je vois les 20 premiers lycées de ma région, alors que Tourcoing c’est la deuxième ville de la Région des Hauts-de-France, je prends un exemple très concret, il n’y a qu’un seul lycée - et il est privé - dans les 20 meilleurs lycées de la région. Il y a une inégalité territoriale …
ADRIEN GINDRE
Donc il y aura un chantier sur l’école aussi !
GERALD DARMANIN
Non mais il y a des gens qui peuvent se sentir floués par les décisions politiques et notre travail à nous, le travail du Président, c’est de donner de l'espoir et de dire aux gens : n'allez pas vers les extrêmes, la solution sera toujours mauvaise, l’histoire l’a montré, faites-nous confiance, c'est difficile, on fait parfois des erreurs mais on a la motivation d’y arriver.
ADRIEN GINDRE
Un dernier mot rapidement, Gérald DARMANIN, d'après une note du renseignement territorial relayée par le service politique de TF1-LCI, une manifestation à haut risque est prévue ce week-end autour du projet autoroutier de l’A69 entre Castres et Toulouse dont une centaine d'éléments radicaux, est-ce que ce sont également les informations dont vous disposez ?
GERALD DARMANIN
Oui, c'est le cas. Vous savez, il y a plusieurs grands projets en France, des constructions de lignes TGV, des constructions d'autoroutes, des extensions d'aéroports, des bassines - on l'a vu à Sainte-Soline - qui font l'objet de contestations fortes, alors des concertations légitimes bien sûr, on pourra manifester contre cette construction d'autoroutes, c'est normal, c'est démocratique.
ADRIEN GINDRE
Mais on peut avoir un nouveau Sainte-Soline ce week-end ?
GERALD DARMANIN
Et il y a des risques d'individus radicaux qui sont présents, donc on a mis à la fois des moyens des forces de l'ordre, j'ai toute confiance dans le préfet de la République bien évidemment pour l'organiser correctement ; je crois que nous sommes à la veille, je l'ai déjà dit sur vos plateaux de télévision, comme partout en Europe de contestations de l'ultragauche extrêmement fortes, extrêmement violentes, de beaucoup de projets et ça ne touche pas que les bassines, ça ne touche pas que les TGV, ça ne touche pas que les aéroports, ça touche simplement la République !
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'avoir été l'invité de LCI ce matin !
GERALD DARMANIN
Merci à vous !
Source : Service d’information du Gouvernement, le 19 avril 2023