Interview de Mme Élisabeth Borne, Première ministre, à France 2 le 27 avril 2023, sur la feuille de route gouvernementale.

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Circonstance : Présentation de la feuille de route gouvernementale

Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans "Les 4V" Madame la Première ministre.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Ça fait presqu'un an maintenant que vous êtes arrivée à Matignon, rien n'a été simple depuis, hier vous avez présenté les grandes lignes pour les 100 jours qui viennent, autrement dit le plan d'attaque, la feuille de route de votre gouvernement d'ici au 14 juillet, avec une question sous-jacente qui a été posée par le président du Sénat Gérard LARCHER : le président de la République peut-il faire en 100 jours ce qu'il n'a pas fait en six ans ? puisque vous ne croyez qu'aux résultats, comme vous l'avez dit hier, eh bien on va essayer d'être le plus concret possible ce matin, si vous le voulez bien, mais peut-être pour commencer une impression, au moment où le chef de l'État veut apaiser le pays, cette impression c'est celle d'un échec, échec laissé par cette réforme des retraites, certes adoptée, mais toujours pas acceptée, et qui écrase tous les sujets depuis janvier, on ne va pas refaire le match, vous avez gagné la bataille des institutions, vous avez perdu celle de l'opinion. Est-ce qu'on peut avoir raison contre son peuple Madame la première ministre, est-ce que ça vous tracasse, est-ce que ça vous chagrine ?

ÉLISABETH BORNE
Alors je pense qu'on n'est pas dans un sujet d'échec ou de gagnant, le point qui était important c'est qu'on a, en effet, fait passer une réforme des retraites qui est indispensable pour assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition, et c'est du reste un sujet sur lequel le président de la République s'était engagé dans la campagne.

THOMAS SOTTO
Mais l'impopularité de cette retraite, la non-acceptation…

ÉLISABETH BORNE
Alors, vous savez moi je…

THOMAS SOTTO
Est-ce que ça vous chagrine ?

ÉLISABETH BORNE
Je suis consciente de l'effort que ça représente pour beaucoup de Français, et comme les réformes précédentes, ce n'est pas populaire de demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps. Je pense qu'il y a aussi d'autres éléments dans cette réforme, on s'est beaucoup focalisé sur l'âge de départ, qui ne concernera pas tous les Français, mais il y a des choses concrètes que les Français vont voir dès la rentrée, c'est par exemple pour 1,8 million de retraités une augmentation des plus petites retraites, qui représentera 600 euros par an en moyenne, donc c'est aussi quelque chose d'important, et puis il y a beaucoup de sujets sur lesquels j'espère que les organisations syndicales et patronales vont pouvoir réengager des discussions…

THOMAS SOTTO
On va y revenir.

ÉLISABETH BORNE
Comme par exemple la prévention de l'usure professionnelle, on va investir comme on ne l'a jamais fait, pour prévenir l'usure professionnelle, mais il faut qu'il y ait des discussions entre les organisations syndicales et patronales pour qu'on ait des avancées concrètes.

THOMAS SOTTO
On va venir à tout ça Madame la Première ministre, mais d'abord Cassandre DEWAEGENEIRE et Matthieu DREUJOU ont demandé à quelques Français ce qu'ils pensent de vous, ce qu'ils aiment et aussi ce qu'ils aiment moins, petit échantillon des réponses.

(…)

THOMAS SOTTO
Elle ne respecte pas les décisions…

ÉLISABETH BORNE
Ça démarrait bien !

THOMAS SOTTO
Ça démarrait bien, vous avez vu, il y a avantages et inconvénients, elle ne respecte pas les décisions du peuple disait le dernier monsieur, pourquoi les Français ont ce sentiment que vous ne les écoutez pas ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin moi je peux vous assurer que je suis très à l'écoute des difficultés que rencontrent les Français, ils nous parlent beaucoup de pouvoir d'achat, de santé, et vous évoquiez la feuille de route que j'ai présentée hier, l'objectif c'est bien de partir des préoccupations des Français et d'apporter des réponses le plus vite possible, des réponses très concrètes.

THOMAS SOTTO
Quel message vous faites passer à tous ceux qui vont manifester lundi prochain, le 1er mai, on annonce déjà beaucoup de monde dans les rues, qu'est-ce que vous leur dites ?

ÉLISABETH BORNE
Eh bien écoutez, moi je fais confiance aux organisations syndicales pour que ces manifestations se passent dans le calme, comme ils l'ont montré tout au long du mouvement, et voilà, je pense que c'est… évidemment il y a un droit de manifester, en plus le 1er mai c'est la fête du Travail, traditionnellement il y a effectivement des cortèges, mon souhait c'est vraiment que ça se passe dans le calme et je suis sûre que c'est aussi celui des organisations syndicales.

THOMAS SOTTO
Oui, parce qu'il y a les cortèges organisés par les syndicats depuis le début, qui se passent bien, tout ce qui est encadré par les syndicats se passe bien, et puis il y a ces manifestations, devenues systématiques à chaque déplacement du président de la République, ou chacun de vos ministres, avec souvent des dispositifs sonores portatifs, que le préfet de l'Hérault appelle "les casseroles", ça vous inspire quoi, ça vous agace, c'est le jeu démocratique, c'est hors-jeu, qu'est-ce que vous en pensez de ces mobilisations-là ?

ÉLISABETH BORNE
Moi je comprends que des Français veuillent exprimer leur désaccord sur la réforme des retraites, ce que je regrette, parce que voyez moi aussi dans mes déplacements j'ai pu avoir des manifestations de ce type-là…

THOMAS SOTTO
Des casseroles.

ÉLISABETH BORNE
C'est qu'il n'y ait pas de dialogue, donc je pense que c'est important, même si on a des désaccords, de pouvoir dialoguer, et là il ne s'agit pas de dialoguer, il s'agit de faire du bruit, évidemment moi je le regrette.

THOMAS SOTTO
Les menaces de coupures de courant pendant Roland Garros, pendant le Festival de Cannes, ça a été coupé aussi dans une clinique de l'Hérault la semaine dernière, il faut les accepter ça aussi ?

ÉLISABETH BORNE
Non, ça je pense que ça ce n'est pas légal, voyez, je pense qu'on a un droit de manifester, on n'a pas le droit de couper l'électricité dans une clinique, dans un hôpital, et donc il y a systématiquement un dépôt de plaintes dans ce cas-là.

THOMAS SOTTO
Cette réforme des retraites elle a donc été validée en grande partie par le Conseil constitutionnel, sauf qu'il a aussi censuré ce qu'était censé un peu adoucir le texte et faire passer la pilule des 64 ans, pour parler un peu familièrement, l'index senior, le CDI senior notamment, cette partie présentée comme plus sucrée, est-ce qu'elle va être remis en selle, et si oui, quand, et de quelle manière, ça vous ne l'avez pas dit hier ?

ÉLISABETH BORNE
D'abord c'est important de noter qu'il y a effectivement des mesures pour accompagner ce décalage de l'âge de départ à la retraite, vous avez mentionné effectivement l'emploi des seniors, qui est un sujet très important, on se singularise, par rapport à nos voisins, sur la faible part des seniors qui sont au travail…

THOMAS SOTTO
On n'est pas bon sur les seniors au travail.

ÉLISABETH BORNE
On n'est pas bon sur ce plan-là, il y a des dispositions qui n'ont pas été annulées, notamment le fait de dissuader les employeurs de se séparer de leurs salariés avant l'âge de départ à la retraite, jusqu'à présent le régime fiscal était plus intéressant pour un employeur, de rompre le contrat avant la retraite, plutôt que de verser une indemnité de départ à la retraite…

THOMAS SOTTO
Ça ça reste dans la réforme, ça a été validé, mais ce qui a été censuré…

ÉLISABETH BORNE
Du coup ça ça ne sera plus effectivement avantageux de se séparer de son salarié avant l'âge de départ à la retraite, mais effectivement, moi je crois que c'est très important qu'on change de regard sur les seniors, qu'on peut avoir en France dans les entreprises, qu'on facilite les parcours professionnels, les fins de carrière, et donc du coup c'est des sujets dont je souhaite que les organisations syndicales et patronales puissent se réemparer pour…

THOMAS SOTTO
Quel calendrier ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, dès que possible, dès que possible, moi je souhaiterais rencontrer…

THOMAS SOTTO
Avant juin par exemple ?

ÉLISABETH BORNE
Rencontrer les organisations syndicales, vous savez qu'avec le président de la République on a déjà vu les organisations patronales, on leur a dit que ce sont des sujets importants sur lesquels on souhaite qu'il puisse y avoir des négociations entre les organisations syndicales et patronales, et dès qu'il y aura un accord, on le transcrira fidèlement dans la loi.

THOMAS SOTTO
Vous voulez les voir au mois de mai les organisations syndicales, c'est votre souhait ?

ÉLISABETH BORNE
Je vous confirme que mon objectif c'est bien de renouer le dialogue, alors le dialogue, on va dire non-officiel, il a continué, mais de reprendre des discussions avec les organisations syndicales dès le début du mois de mai.

THOMAS SOTTO
Dès le début du mois de mai. Pour parler travail, on a l'impression que le chef de l'État ne vous accorde à vous qu'une succession de CDD Élisabeth BORNE, il y a d'abord eu trois semaines pour trouver des majorités, puis maintenant c'est 100 jours, est-ce que ça permet de travailler en confiance ?

ÉLISABETH BORNE
Non mais je pense que le sujet c'est surtout qu'on scande bien le calendrier et ces 100 jours, l'objectif, je l'ai dit hier, et je le redis, c'est de montrer aux Français qu'on entend leurs préoccupations et qu'on met toute notre énergie pour apporter des réponses, et donc ce programme…

THOMAS SOTTO
Donc ce n'est pas une période d'essai pour la Première ministre à chaque fois ?

ÉLISABETH BORNE
C'est le programme de travail, évidemment d'ici au 14 juillet, mais au-delà, pour répondre aux préoccupations des Français, c'est des choses très concrètes, les préoccupations sur le pouvoir d'achat, l'accès à la santé…

THOMAS SOTTO
On va y venir tout de suite au pouvoir d'achat.

ÉLISABETH BORNE
Le système éducatif, donc c'est tous ces sujets sur lesquels moi j'ai présenté hier notre programme de travail pour répondre, apporter des réponses au plus vite, pour les Français.

THOMAS SOTTO
On y vient tout de suite, promis, encore une question sur ce qui s'est passé avant. Au moment du 49.3 vous avez dit accepter d'être un fusible, est-ce qu'à ce moment-là vous avez pensé à démissionner, à quitter votre poste ?

ÉLISABETH BORNE
J'ai simplement dit ce qu'est le fonctionnement de nos institutions, vous savez, quand on engage la responsabilité de son gouvernement, s'il y a une majorité qui souhaite censurer le gouvernement, eh bien le gouvernement tombe.

THOMAS SOTTO
Il n'y en a pas eu, mais ça s'est joué à neuf voix, vous n'avez pas présenté votre démission au président de la République à ce moment-là ?

ÉLISABETH BORNE
Non, enfin je pense que c'est le jeu démocratique, je vous dis quand on engage sa responsabilité c'est le Parlement qui, à ce moment-là, dégage ou pas une majorité pour renverser le gouvernement.

THOMAS SOTTO
Madame la Première ministre c'est sans doute de loin le premier souci des Français, vous l'évoquiez à l'instant, l'inflation, et particulièrement l'inflation alimentaire, elle a encore augmenté au mois d'avril sur un an, on parle de 17 ou 18 %, et à ce propos le PDG de SYSTEME U, Dominique SCHELCHER, pense savoir qui en est largement responsable de cette inflation alimentaire, écoutez-le, il était hier matin dans "Télématin."

(…)

THOMAS SOTTO
Certains industriels, Madame la Première ministre, font-ils leur beurre sur le dos des Français aujourd'hui ?

ÉLISABETH BORNE
Alors peut-être dire que ce sujet pouvoir d'achat c'est vraiment une préoccupation très forte pour beaucoup de Français, et moi j'en suis bien consciente, vous savez que le gouvernement s'est mobilisé pour faire face à la crise énergétique, pour accompagner les Français face à la flambée des prix de l'énergie…

THOMAS SOTTO
Il y a eu les deux boucliers, gaz, électricité.

ÉLISABETH BORNE
C'est des dizaines de milliards d'euros, 46 milliards d'euros cette année, pour protéger les Français face à la flambée des prix de l'énergie. Ensuite on a demandé aux distributeurs, donc SYSTEME U en fait partie, de protéger le pouvoir d'achat des Français en prenant sur leur marge, et donc c'est le trimestre anti-inflation, moi j'ai été dans un HYPER U il n'y a pas très longtemps, où j'ai pu voir qu'en effet, SYSTEME U, donc cet HYPER U, a bien des produits, sur tout ce dont on a besoin dans la vie de tous les jours, avec des prix…

THOMAS SOTTO
Oui, mais vous entendez ce qu'il dit le patron de SYSTEME U ?

ÉLISABETH BORNE
Des prix plus bas, ou les distributeurs rognent sur leur marge.

THOMAS SOTTO
Quand on a, pardon, mais quand a le prix du tournesol qui a baissé de 50 % ces derniers mois, alors que le prix de la bouteille d'huile il a augmenté de 30, 32, parfois 35 % sur certaines marques, est-ce que c'est normal ?

ÉLISABETH BORNE
Eh bien maintenant on attend des industriels qu'ils puissent répercuter ces baisses des matières premières dans les prix qu'ils proposent à la grande distribution, le ministre de l'Économie, Bruno LE MAIRE, l'a dit, on leur demande, dès lors que les prix des matières premières ont baissé, de rouvrir des négociations avec les distributeurs…

THOMAS SOTTO
Donc vous exigez là des renégociations maintenant ?

ÉLISABETH BORNE
On attend vraiment de leur part, vous savez…

THOMAS SOTTO
Quand ?

ÉLISABETH BORNE
Il faut vraiment que chacun prenne ses responsabilités, l'État l'a fait, le gouvernement l'a fait sur l'énergie, la grande distribution l'a fait avec le trimestre anti-inflation, je rappelle que sur le panier de produits qui est proposé c'est 5 % de baisse en moyenne, il faut maintenant…

THOMAS SOTTO
Quand est-ce que vous voulez une réouverture des négociations ?

ÉLISABETH BORNE
On attend que dans les prochaines semaines ces négociations se rouvrent entre les industriels et la grande distribution, pour effectivement répercuter ces baisses des matières premières.

THOMAS SOTTO
Il faut que ça se voit quand dans les rayons des supermarchés ?

ÉLISABETH BORNE
Mais moi je souhaite que ça se voit dès que possible, d'ici la fin du mois de juin, qu'on puisse avoir des baisses concrètes, tangibles, pour les Français.

THOMAS SOTTO
Pour faire face, les Français ont besoin de hausses de salaires. Le SMIC va être revalorisé d'un peu plus de 2 % au 1er mai en application d'un mécanisme automatique tour tenter de suivre l'inflation. Et pour les autres salariés dans le privé, comment faire pour que leurs salaires suivent eux aussi, pour qu'ils soient augmentés ? Parce que là, ça ne dépend pas du gouvernement, ça ne dépend pas de vous.

ÉLISABETH BORNE
Alors je vous confirme que le SMIC sera revalorisé le 1er mai.

THOMAS SOTTO
De 2 % ?

ÉLISABETH BORNE
C'est ça, 2,19 %. Sur un an, c'est plus de 6 % de revalorisation du SMIC.

THOMAS SOTTO
Donc ça suit l'inflation pour le SMIC.

ÉLISABETH BORNE
Evidemment, il y a les tous les salariés qui sont un peu au-dessus qui doivent aussi pouvoir bénéficier d'une augmentation. Ça suppose que les branches professionnelles renégocient leurs grilles salariales. Elles ont désormais l'obligation de le faire dans les 45 jours, vous savez qu'on a raccourci le délai, donc il faut aussi que les employeurs prennent leur part pour accompagner les Français face à cette inflation.

THOMAS SOTTO
Que les employeurs prennent leur part au sujet des augmentations de salaires que vous appelez donc de vos vœux. Laurent BERGER qui dirige pour quelques semaines encore la CFDT a une question pour vous

LAURENT BERGER, SECRETAIRE GENERAL DE LA CFDT
Bonjour Madame la Première ministre, vous parlez beaucoup de l'augmentation des salaires et effectivement c'est une préoccupation majeure pour les travailleurs et travailleuses de ce pays. Mais je voudrais savoir comment vous allez contraindre les entreprises à entrer dans les logiques salariales, notamment dans la revalorisation des grilles des branches professionnelles, et pourquoi vous n'utilisez pas le levier de la conditionnalité des aides publiques ? On sait qu'il y a plusieurs centaines de milliards qui sont versés aux entreprises chaque année. Pourquoi ne pas les contraindre à avoir des logiques salariales ?

THOMAS SOTTO
En gros il nous dit : soyez gentil, ça ne fonctionne pas, est-ce qu'il faut en passer par des mesures coercitives et peut être supprimer des aides ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, alors les branches professionnelles elles ont l'obligation d'ouvrir des négociations, et je vous dis c'est une disposition qui a été votée récemment, elles doivent le faire dans les 45 jours après la revalorisation du SMIC. Donc là encore, je pense que chacun doit prendre sa part dans la période actuelle.

THOMAS SOTTO
Et si ce n'est pas au niveau final, est-ce que vous mettrez une pression supplémentaire ?

ÉLISABETH BORNE
Dans ce cas-là, les organisations syndicales peuvent prendre l'initiative de demander une négociation. Je pense que c'est important. Vous savez, on me dit : il faut écouter les organisations syndicales et patronales, il faut laisser de la place au dialogue social et je pense que c'est important que chacun prenne ses responsabilités, et en l'occurrence que les employeurs entendent les difficultés des salariés et revalorisent les grilles salariales.

THOMAS SOTTO
Dans Le Parisien lundi, le chef de l'État disait : on peut envisager une baisse des charges patronales contre une augmentation des salaires, c'est une hypothèse ? il disait banco précisément quand on lui posait la question. C'est dans les tuyaux ça ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Alors il y a eu beaucoup de baisses de charges dans le précédent quinquennat. Vous savez qu'on pourra réfléchir aussi, parmi les engagements que le président de la République avait pris sur des baisses d'impôts, de bien les cibler pour encourager le travail et notamment pour accompagner les classes moyennes, donc ce sont des réflexions qui sont en cours.

THOMAS SOTTO
Mais il n'y a pas de nouvelles exonérations de charges patronales prévues aujourd'hui.

ÉLISABETH BORNE
Pas dans l'immédiat. Je pense que je vais vous dire vraiment qu'on a beaucoup baissé les impôts et les charges dans le précédent quinquennat. On vient de supprimer, on est en train de supprimer encore un impôt sur les entreprises, je pense que les entreprises doivent donner du pouvoir d'achat aux salariés.

THOMAS SOTTO
Le message est très clair. On parle beaucoup d'élargissement de la participation de l'intéressement, vous en avez parlé hier. Vous nous confirmez que ce sera fait dans les 3 mois, y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés, de 11 à 50 salariés ?

ÉLISABETH BORNE
Alors je vous confirme qu'on présentera dans les prochaines semaines un projet de loi en conseil des ministres qui transpose cet accord qui a été trouvé entre les organisations syndicales et les organisations patronales, pour mettre en place des dispositifs de partage de la valeur donc de partage des richesses créées dans l'entreprise, y compris dans les entreprises de 11 à 50 salariés, et puis aussi pour avoir un dispositif de partage de la valeur quand on a des résultats exceptionnels dans les plus grandes entreprises. Donc nous, on portera cette loi au Parlement ; l'objectif c'est bien qu'elle soit débattue avant l'été au Parlement.

THOMAS SOTTO
Et que ça arrive sur les fiches de paie d'ici…

ÉLISABETH BORNE
Et que ça se mette en place le plus vite possible, donc il faut que la loi soit votée, donc c'est une question de mois.

THOMAS SOTTO
Pour les enseignants là encore, c'est l'État qui décide, ce n'est pas le privé. Emmanuel MACRON a annoncé la semaine dernière des augmentations de rémunérations dans l'Education nationale : 100 à 230 euros net par mois pour tout le monde et jusqu'à 500 euros pour ceux qui s'engagent à en faire plus. On a une première question avec notre QR Code, c'est Julie de Montpellier qui vous demande : on est bien d'accord Madame la Première ministre, des augmentations pour les profs c'est du salaire ou c'est une prime ?

ÉLISABETH BORNE
Alors c'est une prime que nous allons doubler. On a cherché la façon la plus lisible pour les enseignants de faire ces augmentations de salaires qui sont nécessaires. Parce que vous savez, c'est un très beau métier, c'est aussi un métier difficile, on voit qu'il y a des problèmes d'attractivité de ce métier.

THOMAS SOTTO
Donc les 100 à 130 euros pour tous, c'est une prime ?

ÉLISABETH BORNE
C'est une prime qui est bien connue de tous les enseignants, qui va doubler, et donc c'est ce qui donne ce montant de 100 à 230 euros par mois supplémentaires…

THOMAS SOTTO
Et qui sera pérenne ?

ÉLISABETH BORNE
Et qui est évidemment pérenne. Vous voyez, ce n'est pas comme dans les entreprises où on a une prime exceptionnelle ; là c'est un des dispositifs de la rémunération des enseignants qui est bien connu par tous les enseignants puisque tout le monde touche cette prime. On la double. Donc c'est ce qui permettra d'avoir dans la durée cette augmentation de 100 à 230 euros par mois et puis, comme vous l'avez dit, par ailleurs…

THOMAS SOTTO
C'est à partir de septembre, c'est ça ?

ÉLISABETH BORNE
C'est à partir de septembre, absolument.

THOMAS SOTTO
D'accord. La vérité sur l'éducation, c'est que vous promettez le remplacement du jour au lendemain des profs absents alors qu'on a beaucoup ironisé là-dessus parce qu'on dit que le prof d'anglais remplacera le prof de maths quand le prof de maths sera malade et puis quand le prof d'anglais sera malade s'il est malade, c'est le prof de maths etc., etc., ça sent un peu l'usine à gaz. Est-ce que la vérité ce n'est pas qu'on manque cruellement de profs, Madame la Première ministre, et que même avec les augmentations et l'effort fait par le gouvernement qui n'est pas négligeable, ils sont beaucoup moins bien payés qu'ailleurs ? Est-ce que la vérité ce n'est pas qu'on a une couverture trop petite qu'on essaie de tirer dans tous les coins, et qu'on n'est pas tout à fait au niveau de ce que doit être la France ?

ÉLISABETH BORNE
Alors c'est bien pour ça qu'il va y avoir ces augmentations. Ça représente 3 milliards d'euros par an ces augmentations donc c'est très conséquent. C'est historique, on n'avait pas eu une telle augmentation depuis 30 ans.

THOMAS SOTTO
Mais c'est le début de quelque chose ? Il y aura d'autres remises à niveau ?

ÉLISABETH BORNE
Cette augmentation, elle vise précisément à rendre le métier plus attractif. Il n'y a pas que le salaire, je pense qu'on agit aussi pour donner plus de marge de manœuvre aux équipes pédagogiques, mais il faut aussi revoir cette rémunération et c'est ce qu'on est en train de faire. Et par rapport à ce que vous évoquez sur les remplacements, ça n'est pas une usine à gaz, au contraire : c'est de permettre que les remplacements se fassent au sein de l'établissement quand ce sont des remplacements de courte durée, sans passer par le rectorat, sans attendre un remplaçant qui serait désigné par le rectorat. Donc c'est le chef d'établissement qui pourra mobiliser son équipe pédagogique pour s'assurer qu'il y a bien un enseignant devant les élèves, y compris quand on a quelqu'un qui est absent pour une courte durée.

THOMAS SOTTO
Autrement dit, on va faire au mieux avec les moyens qu'on a.

ÉLISABETH BORNE
Vous savez, j'ai pu voir quand j'étais par exemple à la dernière rentrée dans un collège dans la Somme, il y a déjà des établissements qui le font. Quand, comme vous le dites, le prof d'anglais est malade, le prof de maths est là, eh bien il fait un cours de maths et il s'arrange avec son collègue effectivement. Ça permet d'avoir une réponse très rapide et d'avoir des élèves qui ont bien un professeur devant eux.

THOMAS SOTTO
Vous avez évoqué ce chiffre de 3 milliards d'euros pour cette mesure salariale pour l'Éducation nationale. Ça veut dire quoi ? C'est face au mécontentement, c'est le retour de l'argent magique Madame Borne ?

ÉLISABETH BORNE
Non, pas du tout. C'était aussi un engagement de campagne du président de la République, donc c'est une dépense qu'on avait prévue, et je pense que c'est important à la fois de faire preuve de responsabilité et de s'assurer qu'on tient notre dépense publique, mais en même temps d'investir et d'investir notamment dans l'éducation pour rendre le métier plus attractif.

THOMAS SOTTO
Mais la rigueur budgétaire, ça reste une priorité pour vous ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Je ne pas de rigueur budgétaire : il faut qu'on soit responsable, qu'on respecte les règles sur le déficit, a fortiori dans une période…

THOMAS SOTTO
L'objectif c'est toujours 5 % de déficit en 2023 ?

ÉLISABETH BORNE
Absolument, et on vise 2,7 % en 2027 et on tiendra cette trajectoire parce que, vous savez, on a une dette qui est très importante. C'est résultat aussi des financements massifs qu'on a mis en place pendant la crise Covid pour protéger les entreprises, les emplois, pour protéger les Français. C'est aussi le résultat des dizaines de milliards d'euros qu'on mobilise pour protéger les Français face à la flambée des prix de l'énergie. On a une dette qui est importante, il faut qu'elle baisse, il faut qu'on respecte effectivement cet objectif de baisse de notre déficit public, sinon c'est de l'argent qui servira à financer les intérêts de la dette et évidemment ce n'est pas ce qu'on souhaite.

THOMAS SOTTO
Alors pour gagner de l'argent ou arrêter d'en perdre, il faut aussi lutter contre les fraudes fiscales et sociales. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre ministre de l'Économie Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Nos compatriotes légitimement en ont ras-le-bol de la fraude. Ils en ont ras-le-bol de voir des personnes qui peuvent toucher des aides qu'ils payent eux-mêmes, c'est le contribuable qui le paye, c'est l'entrepreneur, c'est le salarié qui paye ces aides. Ce n'est pas mon argent, c'est l'argent du contribuable. Il n'a aucune envie de voir que des personnes peuvent en bénéficier, le renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu'ils n'y ont pas droit. Ce n'est pas fait pour ça le modèle social.

THOMAS SOTTO
Alors avant d'aller sur le fond, une petite impression sur la forme, Madame la Première ministre, c'est quoi cette déclaration ? C'est "coucou Marine LE PEN" ? C'est "regardez comme je serais un bon Premier ministre de droite à Matignon" ? C'est ce que pense la Première ministre ? Comment on doit la comprendre cette déclaration ?

ÉLISABETH BORNE
Ce que dit Bruno LE MAIRE, c'est qu'on doit lutter contre toutes les formes de fraude : la fraude fiscale, la fraude sociale, la fraude douanière, la fraude aussi parfois sur des aides publiques qu'on met en place.

THOMAS SOTTO
Là, il cible la fraude des Maghrébins quand même.

ÉLISABETH BORNE
Voilà. Et en tout cas, moi je peux vous assurer qu'on est très mobilisés pour qu'il n'y ait pas une partie des contribuables qui échappe à l'impôt, que chacun paye ses cotisations sociales, que ceux qui touchent des prestations sociales aient une bonne raison de les toucher, et donc c'est le plan de lutte contre la fraude dans tous ces domaines qui sera présentée au mois de mai.

THOMAS SOTTO
Le vrai sujet, c'est la fraude fiscale, on est d'accord.

ÉLISABETH BORNE
Tous ces sujets sont importants, et quand on a de l'argent public il faut qu'il soit bien dépensé, et quand on a un certain nombre de contribuables qui doivent de l'argent à l'État, il faut qu'il soit payé. C'est pour ça qu'on va se mobiliser dans un plan de lutte contre la fraude qui sera présenté dans le courant du mois de mai, avec des moyens humains supplémentaires, des moyens techniques supplémentaires et on veut agir effectivement dans toutes les dimensions pour qu'on lutte effectivement plus efficacement contre toutes ces fraudes.

THOMAS SOTTO
Vous l'auriez dit avec les mêmes que Bruno LE MAIRE ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Moi je vous dis l'important, c'est qu'on lutte contre la fraude et qu'effectivement, aussi vis-à-vis des contribuables qui payent leurs impôts, c'est évidemment choquant de se dire que certains qui devraient le faire ne le font pas.

THOMAS SOTTO
Autre sujet le RSA. Madame la Première ministre, aujourd'hui pourquoi 60 % de ceux qui touchent le RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi ? C'est quoi ? C'est un bug ? C'est une façon artificielle de faire baisser le chômage ? Pourquoi on est à cette situation ? 60 % au RSA pas inscrits au chômage.

ÉLISABETH BORNE
Alors c'est une situation qui n'est effectivement pas normale. C'est bien pour ça qu'on propose une réforme avec la transformation de Pôle emploi en France Travail. Ce n'est pas juste un changement de nom, c'est de mieux se coordonner entre l'État qui est en charge de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, les départements qui sont en charge de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, s'assurer que dès que quelqu'un touche le RSA, alors il est bien inscrit à ce qui s'appelle aujourd'hui Pôle emploi et ce qui s'appellera demain France Travail, pour qu'on mette en place un accompagnement adapté. Et une partie de ceux qui touchent le RSA pourrait travailler et donc on va les accompagner, on va avoir un contrat d'engagement réciproque avec des droits et des devoirs pour retrouver le plus vite possible un emploi, et puis pour tous ceux qui peuvent avoir aussi des problèmes préalables à régler, par exemple des problèmes de garde d'enfants, il faudra qu'on puisse leur proposer une réponse pour leur permettre de revenir vers un emploi.

THOMAS SOTTO
Ils seront plus sous les radars avec France Travail.

ÉLISABETH BORNE
Tout le monde, effectivement, on aura la vision d'ensemble des bénéficiaires du RSA. Vous savez, il y a un tiers des femmes, pardon, un tiers des bénéficiaires du RSA, ce sont des femmes seules avec enfants. Donc évidemment, avant qu'elles puissent rechercher un travail, il faut régler les problèmes de garde d'enfants. C'est aussi pour ça qu'on veut développer les solutions de gardes d'enfants : 200 000 places supplémentaires, et donc c'est aussi en accompagnant mieux ces femmes qu'elles pourront retrouver un emploi.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous allez oui ou non rendre obligatoires les activités pour tous les bénéficiaires du RSA ? C'est ce que souhaite le Haut-commissaire à l'emploi, 15 à 20 heures par semaine.

ÉLISABETH BORNE
Oui, je le confirme : c'est bien la réforme dont je vous parle qui fera l'objet d'un projet de loi qui pourra être débattu avant l'été, donc l'idée c'est…

THOMAS SOTTO
Donc c'est oui et pour une mise en place quand ?

ÉLISABETH BORNE
Evidemment pas quand on est une femme qui a un problème de garde d'enfant, on ne va pas lui demander de s'engager dans 15 à 20 heures d'activités sans avoir…

THOMAS SOTTO
Hors cas particulier, ce sera oui.

ÉLISABETH BORNE
Voilà. En dehors de ces situations, chacun, tous ceux qui effectivement touchent le RSA, qui n'ont pas une contrainte comme celle qu'on vient de mentionner de garde d'enfant, devront avoir un parcours comme on l'a fait sur le contrat d'engagement jeune.

THOMAS SOTTO
À partir de quand vous souhaitez que ce soit effectif ça ?

ÉLISABETH BORNE
Vous savez, ça se déploie déjà à titre expérimental dans une vingtaine de départements et on veut le généraliser progressivement. L'idée, c'est de trouver le meilleur parcours pour retrouver un emploi donc ça peut être de la découverte des métiers…

THOMAS SOTTO
Mais vous avez entendu ce qu'a dit Martin HIRSCH qui est un des initiateurs du RSA. Il était sur France info avant-hier : "transformer un allocataire en une main-d'œuvre sans droit est une régression sociale comme il n'y en a pas souvent. Pas de travail sans salaire". Est-ce que cette idée ne heurte pas la femme de gauche que vous êtes ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense que Martin HIRSCH soit n'a pas compris, soit fait semblant de ne pas comprendre que ce qu'on veut c'est permettre aux bénéficiaires du RSA de retrouver un emploi. Il ne s'agit pas de les faire travailler sans les payer, il s'agit de leur permettre de découvrir des métiers, il s'agit de leur permettre de se former quand ils en ont besoin et c'est ça les 15 à 20 heures d'activités dont on parle. Si Martin HIRSCH peut regarder ce qu'on a fait sur le contrat d'engagement jeune, ça lui montrera ce qu'est l'idée d'accompagner au mieux ces personnes pour qu'elles puissent retrouver un emploi.

THOMAS SOTTO
Élisabeth BORNE, autres chantiers des 100 jours, l'ordre, la justice, la sécurité. Quelques mots peut-être de la LOPMI, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur : c'est 15 milliards et 8500 policiers et gendarmes supplémentaires sur 5 ans. Est-ce qu'on peut déjà en faire un premier bilan ou est-ce que c'est trop tôt ?

ÉLISABETH BORNE
Alors le premier bilan qu'on peut faire, c'est qu'il y a déjà 3 000 postes qui ont été créés dès cette année, donc c'est plus de policiers, plus de gendarmes. On veut qu'il y ait plus de policiers dans l'espace public et vous savez qu'on est en train de créer 200 brigades de gendarmerie supplémentaires. C'est quelque chose de très important quand on est dans un territoire rural d'avoir une nouvelle brigade de gendarmerie. C'est aussi des équipements, des nouveaux équipements pour nos forces de l'ordre, donc ça se déploie. Le déploiement a commencé dès cette année.

THOMAS SOTTO
La LOPMI qui est portée par Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur qui était l'invité des 4V ici-même lundi, et il nous a dit à quel point il était impatient de voir sa loi sur l'immigration arriver rapidement devant le Parlement. En fait vous l'avez dit hier, ça ne sera pas avant l'automne. D'abord ça veut dire quoi avant l'automne ? C'est septembre, c'est on verra plus tard ou c'est les calendes ?

ÉLISABETH BORNE
Non, non. Enfin vous savez, je suis tout aussi impatiente que Gérald DARMANIN et le président de la République aussi de pouvoir porter un texte sur l'immigration dans une logique équilibrée. C'est-à-dire d'éloigner plus vite, de façon plus efficace ceux qui n'ont pas de raison d'être sur notre sol, et de mieux intégrer ceux que nous accueillons.

THOMAS SOTTO
Pardon mais la première question, c'est ce sera pour quand ?

ÉLISABETH BORNE
J'ai eu l'occasion de le dire hier, il ne s'agit pas simplement de présenter un texte de loi : nous l'avons fait, le gouvernement l'a fait, il a mis sur le bureau du Sénat un projet de loi que nous avons retiré à la demande du président du Sénat qui pensait que ce n'était pas le moment d'avoir un débat sur ces sujets, que ça pouvait créer des divisions. Donc nous, nous souhaitons pouvoir reprendre ces débats au Parlement le plus vite possible. Evidemment il faut qu'on ait la possibilité d'avoir une majorité au Sénat et à l'Assemblée et de toute façon, comme je l'ai dit hier, ce débat nous souhaitons au plus tard l'avoir à l'automne.

THOMAS SOTTO
Mais il y aura combien de textes ? Parce que là, on n'y comprend plus rien. Un texte, des textes saucissonnés ? Le président de la République il a dit : il y aura plusieurs textes le 22 mars et il a dit : il n'y aura qu'un seul texte lundi dernier. Gérald DARMANIN, il ne voulait qu'un seul texte. On ne comprend plus rien là-dessus.

ÉLISABETH BORNE
Non, non, mais je vous assure, nous on veut un texte équilibré…

THOMAS SOTTO
Un texte unique.

ÉLISABETH BORNE
Oui, un texte équilibré et unique qui réponde à cette double préoccupation : mieux éloigner ceux qui n'ont pas de raison d'être sur notre sol et mieux intégrer ceux que nous accueillons.

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'auparavant vous souhaitez en passer par une Convention citoyenne sur ces questions d'immigration ?

ÉLISABETH BORNE
Ecoutez, ce n'est pas notre projet aujourd'hui. On veut surtout avoir des discussions avec les oppositions et notamment les groupes Les Républicains à l'Assemblée et au Sénat pour trouver un compromis sur le texte qu'on peut porter ensemble. Un compromis, ça veut dire que ça n'est pas tout ce que chacun aurait voulu faire s'il avait eu la main tout seul, mais ça veut dire de trouver sur un sujet qui est important pour les Français un texte qui puisse rassembler une majorité au Sénat et à l'Assemblée nationale.

THOMAS SOTTO
Mais pourquoi pas un référendum ? Vous l'excluez le référendum sur ce sujet ?

ÉLISABETH BORNE
Alors ce n'est pas dans le champ du référendum au titre de la Constitution, donc je pense qu'il faut qu'on avance, qu'on ne soit pas dans la posture mais qu'on soit dans des réponses efficaces pour les Français sur ces sujets.

THOMAS SOTTO
Alors l'objectif, vous l'avez dit, c'est qu'il n'y ait pas de 49.3 pour faire passer ce texte. Pour qu'on soit bien clair, ça veut dire que vous ne l'excluez plus le 49.3. L'objectif c'est qu'il n'y en ait pas, c'est-à-dire qu'il pourra peut-être y en avoir un.

ÉLISABETH BORNE
Enfin moi, je n'exclue rien. Ce que je vous dis, c'est que mon objectif sur ce texte comme sur les 24 qui ont déjà été adoptés depuis le début de la législature, c'est de trouver des majorités, de trouver effectivement des oppositions qui ne sont pas d'accord avec nous sur tout mais sur lesquelles on peut se mettre d'accord pour voter un texte qui est utile pour les Français.

THOMAS SOTTO
L'insécurité reste un cauchemar au quotidien pour beaucoup de Marseillais notamment. Regardez la une de La Provence hier : "Ils tirent à l'aveugle", on va la voir apparaître. Il y a encore eu un mort en début de semaine, un retraité de 63 ans qui visiblement a pris une balle perdue, qui était en train de jouer aux cartes. Ça fait 17 morts depuis le début du mois de janvier. Je voudrais peut-être avant d'en parler qu'on regarde un extrait du 20 heures diffusé au début du mois après un triple règlement de comptes qui avait eu lieu la même nuit.

- Reportage :

JOURNALISTE
Cet après-midi, habitants, élus, proches de victimes sont venus exprimer leur exaspération.

UNE MARSEILLAISE
Dès qu'on entend un bruit, on est tous là parce qu'on habite à Marseille et à Marseille ça tire à tout vent. Dès qu'on entend un bruit, on est là. Bien sûr qu'on a peur, bien sûr.

UN MARSEILLAIS
Il faut que ce soit mobilisé avant que ça arrive, ce n'est pas après parce qu'après, ça sert à quoi ? On voit des familles pleurer, on voit des mamans pleurer, on voit des mamans qui en ont ras-le-bol. On demande de la sécurité, on n'en aura pas.

THOMAS SOTTO
Ce sont des mots qui nous saisissent. Je pourrais ajouter la question avec le QR Code de Catherine de Marseille : que comptez-vous faire pour les villes gangrenées par la drogue comme la mienne ? Gangrénées, c'est le mot qu'avait utilisé Gérald DARMANIN. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Parce qu'on peut envoyer des forces de l'ordre sur le moment pour calmer l'éruption, mais comment on traite le problème de fond ?

ÉLISABETH BORNE
Je peux vous assurer que, enfin d'abord je suis bien consciente que c'est une situation qui est insupportable pour tous les habitants qui voudraient pouvoir vivre paisiblement et tranquillement et qui sont confrontés à ces violences, à ces règlements de comptes entre bandes, on a renforcé de façon très importante les moyens des forces de l'ordre, on a aussi renforcé les moyens de la justice, pour qu'on puisse arrêter les trafiquants, pour qu'on puisse notamment saisir les armes, vous savez qu'il y a 600 trafiquants qui ont été arrêtés depuis le début de l'année, il y a eu des centaines d'armes qui ont été saisies…

THOMAS SOTTO
Et vous pensez que ça va payer au bout d'un moment ?

ÉLISABETH BORNE
Mais, on est vraiment déterminé, on ne lâche rien, il y a des moyens qui sont mis en place, et encore cette semaine la BRI a arrêté plusieurs bandes qui étaient, enfin qui sont suspectées d'homicide ou de tentative d'homicide, on ne lâchera pas, on met les moyens du côté des forces de l'ordre et de la justice pour améliorer la situation à Marseille.

THOMAS SOTTO
Puisqu'on parle de sécurité il faut évoquer le fonds Marianne créé en 2021 à l'initiative de Marlène SCHIAPPA quand elle dépendait du ministère de l'Intérieur, c'est 2,5 millions censés lutter contre le séparatisme, il est mis en cause parce qu'une partie de cet argent n'aurait pas été utilisé à bon escient, est-ce que cette affaire vous inquiète, est-ce que vous aussi vous avez des doutes sur l'utilisation de cet argent ?

ÉLISABETH BORNE
Alors moi je ne sais, enfin je ne vais pas me prononcer moi-même, c'est pour ça que j'ai demandé qu'il y ait une inspection, de l'Inspection générale de l'administration, qui fasse toute la clarté sur la façon dont ces fonds ont été employés, on sait que certaines associations ont pu mal utiliser les fonds et donc on a, dans ce cas-là, saisi la justice, pour que… enfin évidemment il faut être absolument irréprochable quand on est face à de l'argent public, et donc on a cette inspection qui est en cours, le cas échéant, s'il y a des mauvaises utilisations qu'on suspecte, on transmettra à la justice, il faut que la clarté soit faite.

THOMAS SOTTO
Avant de parler santé, deux questions encore, la première est particulièrement difficile, elle concerne le meurtre d'une fillette de 5 ans dans les Vosges à Rambervillers, le meurtrier présumé est un adolescent de 15 ans déjà mis en examen dans le cadre d'une autre affaire de séquestration, de viol, d'agressions sexuelles sur mineure, il avait passé un an en centre éducatif fermé, il en était sorti en février dernier et suivi par la Protection judiciaire de la jeunesse depuis, forcément ça intrigue, ça choque, ça révolte, on se pose des questions, on se demande ce qui ne va pas dans notre système pour en arriver là, sans faire l'enquête à la place des enquêteurs évidemment.

ÉLISABETH BORNE
D'abord c'est un drame épouvantable, et moi je voudrais dire toute ma compassion aux proches de cette jeune victime, et vraiment évidemment la justice est saisie, le procureur doit s'exprimer, donc vous comprendrez que moi je ne vais pas commenter cette enquête.

THOMAS SOTTO
Epouvantable, mais la question qu'on va se poser, qui dépasse cette affaire, c'est est-ce que c'est évitable ?

ÉLISABETH BORNE
Bien sûr qu'en fonction de l'enquête il faudra aussi en tirer toutes les conséquences, mais je vous dis, la justice est saisie, c'est une affaire absolument dramatique, et il faut que la justice aille jusqu'au bout.

THOMAS SOTTO
Autre question, elle concerne Dieudonné, 23 condamnations au compteur, notamment pour provocation à la discrimination, à la haine, à la violence raciale ou religieuse, apologie d'actes de terrorisme, discrimination raciale, injures antisémites, injures publiques, et qui va se produire avec Francis LALANNE, désormais complotiste reconnu, au Zénith de Paris au mois de septembre. Le patron du Zénith explique que seules les autorités peuvent interdire ce spectacle en cas de risque de trouble à l'ordre public, est-ce que pour vous Dieudonné peut et doit se produire au Zénith ?

ÉLISABETH BORNE
Eh bien écoutez-moi je ne veux pas me prononcer sur son spectacle que je ne connais pas…

THOMAS SOTTO
Vous connaissez le personnage.

ÉLISABETH BORNE
On va le regarder attentivement, et en fonction de son contenu, le cas échéant, le préfet de police pourra l'interdire s'il y a effectivement un risque de trouble à l'ordre public.

THOMAS SOTTO
Vous avez demandé à voir le spectacle avant qu'ils le jouent ?

ÉLISABETH BORNE
Ce n'est pas moi qui vais regarder le spectacle…

THOMAS SOTTO
Pas vous personnellement, mais…

ÉLISABETH BORNE
Mais en tout cas, bien évidemment, la préfecture de police va regarder quel est le contenu du spectacle, et s'il y a de l'incitation à la haine, s'il y a donc des risques de trouble à l'ordre public, il pourra être interdit.

THOMAS SOTTO
Beaucoup de questions de téléspectateurs portent sur la santé également, l'hôpital, les médecins, vous l'avez dit vous-même hier, "sur la santé nous devons aller plus loin." Question de Luc de Privas en Ardèche avec le QR Code : "la dernière fois que je suis allé aux urgences, j'ai attendu 8 heures avec ma fille, je rigole quand j'entends dire que tout sera réglé dans un an." Beaucoup de professionnels de santé, Madame la première ministre, disent qu'il faut redonner des moyens la médecine de ville pour désengorger les urgences et désengorger les hôpitaux, sauf que ça ne va pas non plus chez eux, ça devient compliqué de se faire soigner en France Élisabeth BORNE.

ÉLISABETH BORNE
Alors, je pense qu'il faut dire la réalité telle qu'elle est aux Français. Vous savez, pendant des années on a appliqué un numerus clausus, c'est-à-dire qu'on a restreint le nombre de médecins formés, et aujourd'hui on est en train de vivre les conséquences, donc on a effectivement une démographie qui ne va pas être favorable dans les prochaines années, et il faut qu'on s'organise en tenant compte de cette réalité, et c'est bien ce qu'on fait, on veut à la fois permettre que les médecins consacrent plus de temps à leurs patients, donc…

THOMAS SOTTO
Eux ils disent qu'ils sont écrasés sous les tâches administratives.

ÉLISABETH BORNE
Eh bien précisément, donc on veut simplifier toutes les tâches administratives, par exemple supprimer certains certificats inutiles pour le sport, on a aussi prévu, et c'est dans la convention qui va s'appliquer…

THOMAS SOTTO
Donc, pardon, il n'y aura plus de certificat pour le sport à l'école et pour le sport en association ?

ÉLISABETH BORNE
On veut supprimer des demandes de certificats inutiles, notamment ceux que je viens de mentionner, et puis par ailleurs on veut aussi aider les médecins, par exemple en recrutant 6 000 assistants médicaux supplémentaires d'ici à la fin de l'année prochaine…

THOMAS SOTTO
Il y en a déjà 4 000 aujourd'hui.

ÉLISABETH BORNE
Il y en a 4 000 aujourd'hui, on en veut 6 000 de plus d'ici fin 2024 pour dégager…

THOMAS SOTTO
Ils seront payés par qui ceux-là ?

ÉLISABETH BORNE
Par l'Assurance Maladie.

THOMAS SOTTO
Par la Sécu.

ÉLISABETH BORNE
Donc c'est un appui aux médecins, payés par la Sécu comme vous dites, pour leur permettre de dégager du temps, et puis on veut aussi s'assurer que tous les patients, notamment ceux qui ont des affections chroniques, aient bien un médecin traitant, donc l'Assurance Maladie est en train de les appeler un par un, et on a un tarif de consultation très incitatif pour les médecins à 60 euros, s'ils prennent un nouveau patient qui a une maladie chronique, c'est vraiment une question de mobilisation générale, on peut aussi dire qu'on veut permettre à d'autres professionnels de santé de faire davantage d'actes pour décharger les médecins, c'est le cas des infirmières en pratique avancée, on est en train d'en former beaucoup, autant que ce qui existe aujourd'hui d'infirmières de pratique avancée, on augmente les places aussi de formation pour les infirmières, donc on est dans une mobilisation générale pour répondre à cette préoccupation des Français.

THOMAS SOTTO
Trois petites questions très concrètes. Il y a beaucoup de manque de civisme chez des patients, des rendez-vous qui sont annulés, qui ne sont pas honorés sans être annulés, est-ce qu'il faut envisager des sanctions contre ces patients au bout d'un moment ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, c'est quelque chose qu'on est en train de regarder, effectivement, quand vous êtes un médecin, vous êtes débordé, vous n'arrivez pas effectivement à répondre forcément à tous les patients, et on a certains patients qui prennent des rendez-vous qui ne viennent pas, c'est choquant, et donc il faut effectivement qu'on puisse dissuader…

THOMAS SOTTO
Y compris des sanctions financières ?

ÉLISABETH BORNE
Qu'on puisse dissuader, je ne vais pas vois répondre sur la forme aujourd'hui puisque ce n'est pas tranché, mais en tout cas qu'on dissuade de prendre 10 rendez-vous, de ne pas annuler son rendez-vous, et effectivement ça empêche d'autres patients de pouvoir accéder aux médecins.

THOMAS SOTTO
Virginie vous demande pourquoi les salaires des professions médicales n'augmentent pas aussi vite que ceux des profs ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, vous savez qu'on a eu le Ségur de la santé, c'est plus de 10 milliards d'euros de revalorisation des salaires, donc on s'est effectivement occupé de ce sujet dans le précédent quinquennat, je ne dis pas que tout est parfait, mais je pense qu'aujourd'hui on a surtout un enjeu de bien organiser, de libérer du temps médical, pour que, effectivement, les Français trouvent un médecin quand ils en ont besoin, et le trouve dans les meilleures conditions et le plus près de chez eux possible.

THOMAS SOTTO
Encore deux questions de téléspectatrices, en l'occurrence Leila de Grenoble : des entreprises donnent des congés menstruels aux femmes, j'aimerais en profiter moi aussi, est-ce que c'est prévu ? alors c'est CARREFOUR qui donne 12 jours par an désormais. Est-ce que vous êtes favorable à une généralisation du congé menstruel pour les femmes qui en ont besoin ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, je pense qu'il faut faire attention aux mots, quand on a des femmes qui tous les mois souffrent, on n'est pas en train de parler de congés, je pense d'abord que les femmes qui sont dans cette situation elles ne doivent pas se résigner à voir mal, il faut aller voir un médecin, parce que ça peut être une maladie, par exemple l'endométriose, dans ce cas-là il y a des traitements, et on peut avoir des arrêts de travail. Ensuite c'est vrai que comme ça revient régulièrement, si l'employeur peut s'organiser pour faciliter la vie, c'est une bonne chose, et on est en train de regarder comment on peut encourager, faciliter, effectivement l'engagement des entreprises, comme CARREFOUR, tel que vous l'avez mentionné, et puis aussi en étant attentif à ce qu'on ait des solutions qui soient faciles pour les employeurs publics, comme pour les employeurs privés.

THOMAS SOTTO
Ça pourra passer par la loi ?

ÉLISABETH BORNE
On est en train de regarder le dispositif, en tout cas moi je vous dis, quand on souffre c'est important de voir un professionnel de santé, un médecin, pour avoir un traitement, pouvoir bénéficier d'un arrêt de travail, et que tout ça soit facile, donc c'est bien que les employeurs s'engagent, on regarde comment faciliter cet engagement.

THOMAS SOTTO
Autre question, c'est Annie de Besançon, elle a 81 ans, elle dit : "j'ai 81 ans, je suis en pleine forme, en pleine santé, allez-vous écouter ceux qui veulent interdire aux personnes âgées comme moi de conduire ?", allusion au drame qui s'est produit à Berck où une personne âgée, un monsieur de 76 ans, a confondu l'accélérateur et le frein. Est-ce que c'est une piste de vérifier le permis de conduire au fil des ans ?

ÉLISABETH BORNE
Non, moi je veux rassurer votre téléspectatrice, ce n'est effectivement pas notre intention, je pense que chacun, quand il prend le volant, doit s'assurer qu'il est bien en état de conduire, ce n'est pas forcément qu'une question d'âge, c'est une question de responsabilité, et c'est sur cette voie-là que nous voulons rester.

THOMAS SOTTO
A l'autre bout de la pyramide des âges il y a les jeunes, Madame la Première ministre, dont l'environnement est bien souvent le sujet de préoccupation numéro 1, vous avez été ministre de la Transition écologique, le réchauffement on est en plein dedans, on nous annonce des lendemains qui surchauffent, des lendemains qui déchantent, regardez un extrait d'un reportage diffusé dans "Envoyé spécial."

(…)

THOMAS SOTTO
Alors ça ce n'est pas une fiction parce que le ministre de l'Écologie, Christophe BECHU, a dit il y a deux jours sur France Culture "on est sur une trajectoire de réchauffement probable de 4 degrés en plus en France d'ici 2100, 40 à 50 % d'eau en moins, 25 % de neige en moins, des vagues de chaleur a plus de 50 degrés", notre maison brûle et on fonce dans le mur ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, ce n'est pas une trajectoire probable, on ne peut pas écarter ce scénario, mais on fait tout pour l'éviter, et c'est bien pour ça qu'on est très mobilisé…

THOMAS SOTTO
Tout ce qu'on essaye d'éviter sur le climat on se le prend dans la figure en ce moment.

ÉLISABETH BORNE
Enfin, je pense qu'il faut quand même rester volontariste et ne pas baisser les bras, notre objectif c'est de limiter le réchauffement en dessous de 2 degrés, et c'est bien pour ça qu'on s'est engagé, au niveau européen, au niveau français, à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030, ça veut dire agir dans tous les secteurs, les transports, les bâtiments, l'industrie, l'agriculture, la première priorité c'est de baisser nos émissions de gaz à effet de serre. Et puis évidemment il faut aussi se préparer aux conséquences inéluctables du réchauffement climatique, et là on a aussi des actions, par exemple un plan sur l'eau, pour la sobriété, et par ailleurs aussi la revégétalisation…

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'on va assez vite sur tout ça - ce n'est pas de votre faute, ni celle du gouvernement précédent, c'est on est face à une horloge qui s'emballe - est-ce qu'on va assez vite ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, on a réduit deux fois plus vite les émissions de gaz à effet de serre dans le précédent quinquennat que ce qui se faisait avant, notre défi c'est d'aller à nouveau deux fois plus vite que dans le précédent quinquennat, et c'est pour ça que, en tant que Première ministre, je suis en charge de la planification écologique, pour s'assurer qu'on prend secteur par secteur, qu'on a des mesures concrètes, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

THOMAS SOTTO
Il y a une mesure très concrète que vous avez évoqué hier, c'est une offre de location de voitures à prix réduits abordables dès l'automne, c'est quoi abordable, c'est quoi, combien ?

ÉLISABETH BORNE
C'est moins de 100 euros par mois.

THOMAS SOTTO
Et qui va payer parce qu'aujourd'hui si on regarde sur le marché, c'est le Parisien qu'il fait ce matin, la moins chère des voitures électriques c'est une petite citadine qui est une Dacia Springs à 120 euros par mois et qui accessoirement est made in China.

ÉLISABETH BORNE
Alors c'est pour ça que d'abord on discute avec les constructeurs français pour qu'ils produisent en France des voitures électriques à des prix abordables. Et puis vous savez qu'il y ait des systèmes de bonus qui existe et donc on mettra…

THOMAS SOTTO
C'est-à-dire que l'État mettra la main à la poche.

ÉLISABETH BORNE
C'est-à-dire que l'État accompagnera évidemment pour qu'on puisse avoir ces locations à moins de 100 euros par mois et c'est important de permettre à tous les Français d'avoir des modes de transport propres, donc une baisse, enfin qu'il y ait… émettent moins de gaz à effet de serre, moins de CO2 et c'est tout le plan d'action que j'ai présenté notamment sur le ferroviaire…

THOMAS SOTTO
100 milliards d'ici 2040.

ÉLISABETH BORNE
Investir massivement, 100 milliards d'ici 2040 pour pouvoir avoir davantage d'offres de trains, notamment pour rejoindre les grandes villes mais aussi pour les petites lignes et donc c'est tout ce plan de bataille qui doit nous permettre de limiter le réchauffement climatique, de baisser de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

THOMAS SOTTO
Même si les prix de la SNCF restent souvent très élevés remarquent les consommateurs. Mais si on veut changer nos modes de transport, si on veut changer nos mobilités, pourquoi construire un tronçon d'autoroute de 50 kilomètres dans le Tarn sur l'A 69 pour relier Toulouse à Castres qui va entraîner la destruction de 316 hectares de terres agricoles dit le préfet, qui va faire gagner entre 15 et 20 minutes, c'est-à-dire vraiment pas grand-chose et coûter 450 millions d'euros. Est-ce que ça ce n'est pas typiquement le genre de projet de l'ancien monde ?

ÉLISABETH BORNE
Alors vous savez que on est en train de demander au préfet dans chaque région de préparer les négociations, ce qu'on appelle les contrats de plan État-Régions, donc c'est des contrats qui lient l'État avec les régions sur les futures infrastructures de transport. Notre priorité c'est clairement le ferroviaire. Ensuite on ne va pas remettre en question…

THOMAS SOTTO
Non mais sur cette A 69 ?

ÉLISABETH BORNE
Tous les projets qui sont partis.

THOMAS SOTTO
Il ne faut pas le remettre en question ce projet-là ?

ÉLISABETH BORNE
Ce projet-là, on va revérifier qu'effectivement les impacts écologiques ont été limités au maximum, c'est un projet dont la construction a été engagée, dans la concession a été signée et c'est aussi un enjeu et je pense qu'il faut qu'on arrive à chaque fois qu'on est sur ces sujets d'écologie à bien trouver des voies équilibrées qui répondent aussi aux préoccupations de désenclavement des habitants de Castres, des entreprises de Castres, donc il faut trouver le bon équilibre.

THOMAS SOTTO
Une question rapidement parce qu'on approche du terme de cette interview, Kevin du Bourget, c'est un jeune le SNU, le service national Universel va-t-il devenir obligataire comme le service militaire ? Il y a un papier, le syndicat, le Snes-FSU qui dit qu'il sera obligatoire dans 6 départements pour les 15-17 ans dès la rentrée 2024, c'est vrai ou pas ça ?

ÉLISABETH BORNE
Alors je pense que le président de la République a répondu très clairement, on veut d'abord poursuivre les concertations, développer le SNU, enfin qu'il puisse concerner davantage de jeunes, que davantage de territoires s'engagent et c'est notre priorité…

THOMAS SOTTO
Ma question, c'est est-ce que ça va devenir obligatoire ?

ÉLISABETH BORNE
Je vous dis, le président de la République l'a dit lui-même, on poursuit les concertations avec un objectif que plus de territoires plus de jeunes puissent s'engager dans le SNU.

THOMAS SOTTO
Donc est-ce que vous souhaitez que ça devienne obligatoire, souhaite s'engager ce n'est pas pareil que…

ÉLISABETH BORNE
On verra, non, non mais attendez on verra, on verra, poursuivons les concertations, je ne vais pas vous donner un résultat des concertations quand elles ne sont pas terminées.

THOMAS SOTTO
En tout cas ce ne sera pas obligatoire dans six départements en 2024 ?

ÉLISABETH BORNE
Ce ne sera pas obligatoire demain matin, enfin… enfin comme ce syndicat…

THOMAS SOTTO
L'information elle est fausse.

ÉLISABETH BORNE
Oui absolument.

THOMAS SOTTO
Elle est fausse. Venons-en à vous Élisabeth BORNE, quel bilan personnel que vous tirez de cette quasi-année à Matignon, c'est fatigant le pouvoir parce que vous en prenez quand même plein la figure, est-ce qu'il a un moment où ça vous touche ?

ÉLISABETH BORNE
Ecoutez enfin moi je ne vais pas vous dire que j'ai un métier pénible, je pense qu'il y a des Français qui ont des métiers difficiles, ce que je peux vous dire c'est que je pense qu'on a eu un an d'action au service des Français, qu'on nous disait qu'on ne pourrait pas agir. On a démontré que ça n'était pas le cas, on a 24 textes qui ont pu être votés, qui ont trouvé des majorités sur sujets très concrets, le pouvoir d'achat, l'accélération du développement des énergies renouvelables ou du nucléaire, le renforcement des moyens pour nos policiers et pour nos gendarmes, une réforme de l'assurance chômage, cette réforme des retraites même si j'ai bien compris que les Français ne sont pas forcément d'accords. Donc on avance au service des Français.

THOMAS SOTTO
Les Français qui sont parfois surpris de voir certains de vos Ministres qui ont le temps d'écrire beaucoup de livres, 10 pour Marlène SCHIAPPA depuis son entrée gouvernement, 4 pour Bruno LE MAIRE depuis 2017, 2 pour Gérald DARMANIN, 1 pour Olivier VERAN, vous comprenez que ça puisse les troubler ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Ecoutez, je peux vous assurer que les ministres, ils sont à leur tâche, ils sont engagés, le ministre de l'Intérieur est sur des fronts difficiles comme ceux qu'on a mentionné, le ministre de l'Économie est très mobilisé notamment sur ses enjeux de pouvoir d'achat dont on a parlé donc moi ce qui m'importe, c'est qu'ils soient à leur tâche et qu'ils soient au travail pour les Français.

THOMAS SOTTO
Il y a aussi le cas de Marlène SCHIAPPA, il paraît que vous l'avez engueulé après ces photos et son interview dans Playboy, c'est vrai ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Ecoutez, je lui ai dit que ça ne me paraissait pas appropriée a fortiori dans la période, mais donc on s'est expliqué avec Marlène SCHIAPPA.

THOMAS SOTTO
Mais ça a donné quand même lieu à un… ça a pris un sens politique, un règlement de comptes entre 2 ministres, elle est celle qui lui a succédé Isabelle ROME, est-ce que ce n'est pas, est-ce que c'est au niveau d'avoir des ministres qui s'écharpent comme ça publiquement ?

ÉLISABETH BORNE
J'ai eu l'occasion de leur dire, je pense que dans la période actuelle les Français attendent que les ministres soient au travail pour répondre à leurs problèmes concrets et donc chacun doit se concentrer sur sa tâche.

THOMAS SOTTO
Oui, parce que pendant que les ministres se chamaillent, les féminicides explosent, on est à 37 depuis le début de l'année, c'est plus que l'an dernier à la même époque, à ce point sujet Andréa BESCOND a une question toute simple à vous poser, la comédienne, réalisatrice et militante engagée.

ANDREA BESCOND
Je voulais vous demander pourquoi nous n'avons pas encore adopté le modèle espagnol contre les violences, vu qu'on sait que ça marche aujourd'hui, que l'Espagne a réussi à éradiquer 40 % des féminicides en 10 ans, chez nous on connaît les chiffres, on sait qu'une femme est tuée par son conjoint, ou ex-conjoint, tous les deux jours ou les deux jours et demi, voilà, ça continue au fil des années, c'est toujours les mêmes chiffres, pourquoi nous ne mettons pas en place ces budgets contre les violences ?

ÉLISABETH BORNE
Alors c'est évidemment un fléau insupportable, on a peut-être tardé à regarder, mais je peux vous dire que depuis le dernier quinquennat on est très mobilisé…

THOMAS SOTTO
C'est de pire en pire, le bilan humain il est de pire en pire, pardon.

ÉLISABETH BORNE
Enfin attendez, on mobilise beaucoup de moyens, on a formé des policiers et des gendarmes, on a déployé des bracelets antirapprochement, les téléphones "grave danger", moi j'ai annoncé récemment des mesures supplémentaires, notamment le doublement des maisons des femmes pour accueillir les femmes qui sont victimes de violences, une maison des femmes dans chaque département, des pôles spécialisés dans les juridictions pour avoir des réponses plus efficaces…

THOMAS SOTTO
Et une juridiction spécialisée à l'espagnol ce n'est pas un sujet, toujours pas aujourd'hui ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin, la bonne organisation, qui est celle qui a été préconisée par une députée et une sénatrice qui ont travaillé longuement sur le sujet, c'est d'avoir, dans chaque juridiction, un pôle spécialisé pour avoir une réponse efficace qui prend, je dirais à 360 degrés les difficultés des femmes qui peuvent être victimes de violences, en tout cas je peux vous assurer que le gouvernement est très mobilisé sur ces sujets, j'espère qu'on aura effectivement des résultats plus convaincants, en tout cas c'est à chaque fois un drame, et je peux vous assurer qu'on fait le maximum pour répondre à ce fléau, on mobilise tous les moyens possibles pour accélérer dans ce domaine.

THOMAS SOTTO
Et vous avez dit lors de votre discours de politique générale que c'était une de vos priorités, vous avez bien insisté là-dessus. On arrive au terme de cet entretien Élisabeth BORNE. Emmanuel MACRON vous a renouvelé sa confiance il y a quelques jours dans "Le Parisien" avec des mots qui rappellent peut-être ceux que peuvent avoir des présidents de clubs de foot juste avant de virer leur entraîneur, "elle a ma confiance, elle fait bien son travail dans un moment difficile pour le pays", au moins en matière de soutien présidentiel le service minimum existe, non ?

ÉLISABETH BORNE
Ecoutez, moi je n'ai pas de doute qu'effectivement le président de la République partage les objectifs, la feuille de route que j'ai présentée hier, et ce qui m'importe c'est d'être engagée pour répondre aux difficultés des Français, je n'ai pas d'autre sujet de préoccupation.

THOMAS SOTTO
Il vous plaît ce job ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Vous savez, c'est évidemment une fonction qui est très exigeante, mais notre pays traverse aussi des crises multiples, il y a beaucoup d'attentes, et moi je peux vous assurer que je mobilise toute mon énergie pour répondre à ces attentes.

THOMAS SOTTO
Il paraît que vous êtes fan d'Elastigirl, c'est vrai ça ou pas, l'héroïne des "Indestructibles", le fil de Disney ?

ÉLISABETH BORNE
Je vous confirme que j'ai découvert, avec mon fils, et voilà, c'est bien, il faut mettre de l'énergie pour régler les problèmes.

THOMAS SOTTO
Être souple c'est une condition pour être à Matignon et pour tenir ?

ÉLISABETH BORNE
Il faut aussi savoir s'adapter, quand on a une majorité relative ça demande aussi de savoir trouver des compromis et c'est ce à quoi je m'emploie.

THOMAS SOTTO
Vous estimez avoir la confiance du chef de l'État ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, oui, je confirme oui.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Élisabeth BORNE d'être venue ce matin dans "Télématin", on vous souhaite quoi alors ?

ÉLISABETH BORNE
Eh bien écoutez, peut-être de l'énergie, voyez, mais je pense que je n'en manque pas.

THOMAS SOTTO
Merci à vous et bonne journée.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2023