Texte intégral
CELINE ASSELOT
Bonjour, Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
CELINE ASSELOT
Merci d’être avec nous ce matin dans le studio de France info. Je voudrais qu’on revienne tout d’abord sur le déplacement d’Emmanuel MACRON, hier, dans le Jura et sur cette petite phrase du président de la République concernant les écarts de rémunérations entre les grands patrons du CAC40 et leurs salariés. Le Chef de l’Etat s’est choqué, je cite : " Par ces écarts qu’on ne peut plus expliquer aux gens ", et je voudrai vous faire écouter la réaction du patron de STELLANTIS, le constructeur automobile, Carlos TAVARES, qui pour rappel, en 2021, avait gagné mille fois le salaire moyen dans son entreprise. Il ne voit pas du tout où est le problème.
CARLOS TAVARES, PSG DE STELLANTIS
Pour régler la vie de la société, un instrument démocratique qui s’appelle les élections, vous avez des partis politiques qui portent des projets de société, qui éventuellement peuvent porter des projets de société qui modifient les règles de rémunération des dirigeants dans le pays, il suffit de régler dans les urnes et chacun s’alignera sur ce qui a été décidé dans les urnes.
CELINE ASSELOT
Alors, autrement dit, pourquoi on changerait les choses si la loi ne nous y oblige pas ? Qu’est-ce que vous pensez de cette réponse de Carlos TAVARES ?
GABRIEL ATTAL
Non mais, moi, d’abord, je pense que le premier sujet pour réduire l’écart de rémunération dans les entreprises, c’est que les salaires augmentent. Vous savez qu’on a obtenu des partenaires sociaux un accord sur le partage des profits dans les entreprises, pour que quand une entreprise fait des profits, ça puisse bénéficier aux salariés. On travaille beaucoup et on pousse beaucoup aussi sur l’intéressement, la participation pour la développer, ça, c’est la première chose, ensuite…
CELINE ASSELOT
Mais quand on a cent, voire mille fois d’écart entre la rémunération moyenne et celle du PDG, ça ne suffira pas.
GABRIEL ATTAL
Aujourd’hui, vous avez des salaires de dirigeants qui sont validé par des actionnaires des entreprises et qui en général sont indexés sur les profits que fait l’entreprise. Moi, je pense qu’il y a des réflexions qui peuvent exister, qui peuvent avoir lieu, démocratiques. Est-ce que c’est seulement les profits qui doivent indexer les salaires des dirigeants ? Est-ce que c’est d’autres enjeux ? Notamment la performance sur l’environnement des entreprises ? L’impact sur l’environnement des entreprises, je pense que tout ça, ce sont des débats qui sont importants, des débats qu’on peut avoir effectivement dans la société et y compris au Parlement.
NEÏLA LATROUS
Mais ce que dit le Président hier, ce qu’il semble dire en tout cas, c’est que ce n’est pas à l’Etat de décider à travers une loi. Il dit : ça dépend des comités de rémunération et des Assemblées générales. Est-ce que quand on est président, on peut dire : " Là-dessus, je n’ai pas d’outils ".
GABRIEL ATTAL
Non mais, ce qui est sûr, c’est que vous avez certains politiques qui considèrent que l’Etat devrait décider depuis Paris de tous les salaires dans le pays. Et alors, parfois, ils avancent les salaires des dirigeants. Mais enfin, si on les écoute et si on va au bout de leur logique, ça vaut pour tout le monde. Donc, moi, je ne veux pas qu’on mette toutes les entreprises sous la tutelle de l’Etat évidemment pour toutes leurs décisions. Ensuite, on peut évidemment, et d’ailleurs, il y a déjà des initiatives qui avaient pu être prises, fixer des critères et considérer par exemple que, je le disais, c’est un exemple à l’instant, la performance environnementale des entreprises…
NEÏLA LATROUS
Des critères fixés par l’Etat ou appeler les entreprises à fixer ces critères d’elles-mêmes dans leurs règles ?
GABRIEL ATTAL
Moi je pense que c’est toujours bien, vous savez, quand on travaille avec les représentants des entreprises et des syndicats. On ne peut pas, d’un côté parfois considérer qu’on avance tout seul, l’Etat, dans les entreprises, sans le syndicat, sans le patronat et de l’autre, considérer que sur certains sujets, il faudrait que ce soit l’État seul qui décide. Je pense que, et on l’a vu sur la question du partage du profit dans les entreprises, on nous disait : " C’est impossible, les syndicats ne se mettraient jamais d’accord avec le patronat ", il y a un accord qui a été signé par le patronat, et on s’est engagé à le transcrire dans la loi dans les prochains mois pour que ça rentre en vigueur dans les…
CELINE ASSELOT
Emmanuel MACRON, il a été interpellé sur cette question par des Français qu'il a rencontré à Dole dans le Jura. Donc, on sent qu'il y a une attente d'une partie de la population. En tout cas, au moment où justement on demande plus d'efforts aux Français, où il y a la réforme des retraites qui va être promulguée, est-ce que ce ne serait pas opportun aussi d'ouvrir aussi ce débat-là, ce chantier-là ?
GABRIEL ATTAL
Non mais ce qui est certain et le Président l'a vu en se déplaçant, il le sait et moi-même, quand je me déplace je le vois aussi, c'est qu'il y a une attente très forte de justice. C'est aussi pour ça par exemple que je travaille que je présenterai très prochainement mon plan de lutte contre la fraude fiscale pour lutter mieux contre ce phénomène en France, parce que la réalité, c'est que la fraude fiscale, c'est de la solidarité nationale, de l'argent pour les services publics soustrait aux Français qui travaillent, qui payent leurs impôts pour les services publics et pour la solidarité nationale.
NEÏLA LATROUS
Avant cela, vous annoncez depuis quelques jours une baisse d'impôts à venir pour les classes moyennes. Alors, pourquoi les classes moyennes ? Et qui sont les classes moyennes ?
GABRIEL ATAL
Les classes moyennes, pour moi, c'est les Français qui vivent avant tout de leur travail, qui ne vivent pas des aides, des aides sociales ni d'un gros patrimoine qui leur permettrait d'avoir des revenus annexes. Parfois, ils sont propriétaires, mais en général, ils se sont endettés sur vingt ans, ils ont un crédit. Donc, c'est tous les Français qui se lèvent le matin, qui vont travailler qui nous écoutent peut-être et qui ne bénéficient pas de toutes les aides, tous les chèques mais de leur travail pour vivre. Depuis 2017, on n’en a fait une priorité. Je rappelle qu'on a supprimé la taxe d'habitation, près de 800 euros d'impôts en moins par an pour ceux qui la payaient, c'est-à-dire notamment les classes moyennes.
CELINE ASSELOT
Classe moyenne supérieure aussi, dit certains économistes en disant : « Finalement, les Français qui étaient exonérés de la taxe d'habitation, de l'impôt sur le revenu, donc, les Français qui travaillent mais qui ne gagnent pas suffisamment d'argent pour être imposables, eux, ils n’ont pas tellement bénéficié de cette mesure fiscale.
GABRIEL ATTAL
Oui. Ce n'est pas la seule mesure qu’on a prise. On n’en a pris d'autres. On a baissé les premières tranches de l'impôt sur le revenu. On a défiscalisé les heures supplémentaires. On a permis de monétiser ces RTT. On a défiscalisé la prime Macron, la prime de partage de la valeur. Il y a 5 500 000 salariés qui en ont bénéficié l'année dernière. Je vous donne un exemple, pour cette année, tout le monde ne le sait pas puisque c'est une nouveauté de cette année, on a relevé de 50% le plafond du crédit d'impôt pour la garde d'enfant. Très concrètement, il y a sûrement des Français qui nous écoutent, qui travaillent, qui font garder leurs enfants dans une crèche, chez une assistante maternelle, ça coûte de l'argent. Aujourd'hui, vous avez un crédit d'impôt jusqu'à 2 300 euros de dépenses de garde par enfant. On le passe à partir de cette année à 3 500 euros de dépenses de garde par an et par enfant. Donc ça, c’est pour…
NEÏLA LATROUS
Qui vont être réduit sur la fiche d’impôt ?
GABRIEL ATTAL
Oui
NEÏLA LATROUS
Je rappelle qu'en ce moment, c'est la période des déclarations …
GABRIEL ATTAL
C’est des impôts en moins pour ceux qui travaillent, qui font garder leurs enfants, ça coûte de l'argent, ils ont un crédit d'impôt. J'ai annoncé il y a quelques semaines un relèvement du barème de l'indemnité kilométrique pour les Français qui utilisent leur voiture pour aller travailler. On l'augmente de 5%, l'an dernier, on l'avait augmenté de 10%.
NEÏLA LATROUS
Mais vous estimez que ce sont les classes moyennes qui supportent aujourd'hui le plus gros de l'effort fiscal ?
GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est qu’en tout cas, elles font beaucoup d'efforts pour travailler, qu'elles payent des impôts, elles payent des impôts pour financer un modèle dont elles ont parfois le sentiment qui permet à certains de ne pas travailler. D'où tout ce qu'on fait aussi sur les règles d'assurance chômage pour inciter davantage à reprendre un emploi, et qu'elles paient parfois des impôts pour des services publics qui se dégradent, d'où tout ce qu'on fait aussi pour avoir des services publics qui fonctionnent mieux, sur l'éducation par exemple, avec des revalorisations dont certaines seront liées au fait de remplacer des enseignants absents pour que les familles qui ont leurs enfants par exemple, au collège, il y est un remplacement quasi systématique des enseignants qui sont absents sur une courte durée. Tout ça, ça rentre aussi dans ce plan Marshall pour les classes moyennes.
CELINE ASSELOT
Mais ces nouvelles baisses d'impôts, en fait, ça sera quoi exactement ? Quels sont les leviers qu'il vous reste ?
GABRIEL ATTAL
Alors, on va y travailler avec évidemment les parlementaires. On avait prévu, vous le savez, dans notre trajectoire, un budget pour des baisses d'impôts dans le cadre de la campagne présidentielle sur les droits de succession et sur la conjugalisation de l'impôt sur le revenu pour les couples non mariés. Moi, je souhaite, le Président l'a dit, la Première ministre l'a dit dans sa feuille de route, qu’on puisse travailler avec les parlementaires pour voir si ces sommes qui sont prévues, ces baisses d'impôts qui sont prévues, on peut mieux les ciblée sur les classes moyennes qui travaillent. Ça peut être de l'impôt sur le revenu, ça peut être des cotisations salariales, ça peut-être la question des successions. Je pense que tout est ouvert et on va y travailler avec les Parlementaires.
CELINE ASSELOT
Ça veut dire qu’on oublie les droits de succession, on oublie les déclarations de revenus pour les couples en union libre et puis on recentre le débat sur les classes moyennes ?
GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas ce que je dis. Je pense qu’on a des marges qui sont prévues pour baisser des impôts et je pense qu'il faut s'assurer que c'est bien les classes moyennes qui travaillent qui bénéficient, ni des aides, ni d'un gros patrimoine, qui pourront en bénéficier pour leur redonner de l'air. Moi, je pense que c'est ça qui est attendu. Elles veulent avoir de l'air pour pouvoir élever dignement leurs enfants, pour avoir des projets, des loisirs, alors même qu'elles travaillent pour ça et ça je pense que c'est très important.
CELINE ASSELOT
Gabriel ATTAL, ministre délégué aux Comptes publics, on poursuit. Cette discussion dans un instant. 8h40, restez avec nous, le fil d'info tout de suite, c'est avec Sophie EYCHENNE.
Fil info
NEILA LATROUS
Gabriel ATTAL, ministre délégué aux Comptes publics, vous évoquiez il y a quelques instants les baisses d'impôts consenties lors des budgets précédents, la redevance ou, par exemple, la taxe d'habitation ; Marine LE PEN vous accuse de mentir sur ces baisses d'impôts. Elle écrit sur les réseaux sociaux : " contrairement à ce que prétend Emmanuel MACRON, non, les impôts n'ont pas baissé, ils vont exploser et ils pénalisent avant tout les classes populaires et moyennes. " Que lui répondez-vous ?
GABRIEL ATTAL
En fait, j’ai regardé ce tweet de Marine LE PEN. Elle confond les recettes fiscales et le taux d'imposition. Oui les recettes fiscales ont augmenté l'an dernier alors même qu'on a baissé le taux. Pourquoi ? Parce qu'on a une économie qui a été solide qui s'est développée, on a eu un taux de croissance de 2,6%. Donc quand vous avez de la croissance, quand vous avez des entreprises qui se développent, il y a plus de recettes fiscales. Vous savez, on a baissé le taux sur l'impôt sur les sociétés, il est passé de 33% quand Emmanuel MACRON a été élu en 2017 à 25% aujourd'hui. On collecte plus d'impôts sur les sociétés depuis que le taux est à 25% qu'à l'époque où il était à 33%. Pourquoi ? Parce que quand vous baissez les impôts, quand vous avez moins d'impôts sur un gâteau qui grossit, vous récoltez plus de recettes fiscales que quand vous avez un taux plus important sur un gâteau qui rétrécit. C'est une question d'assiette.
NEILA LATROUS
Donc Marine LE PEN se trompe.
GABRIEL ATTAL
Je pense qu’elle ment, là, carrément et je pense que les Français qui nous écoutent qui payaient la taxe d'habitation qui ne la payent plus, ils le savent, les Français qui nous écoutent qui payaient la redevance télé qui la payent plus, ils le savent ; les Français qui nous écoutent qui vont pouvoir déduire de leurs impôts jusqu'à 3 500 euros au lieu de 2 300 euros pour la garde de leurs enfants, ils vont le voir mais je vais vous dire, madame Marine LE PEN, elle veut faire croire qu'elle est une défenseuse des classes moyennes, on voit dans toutes les positions de son groupe à l'Assemblée nationale qu’ils font l'inverse, toutes les baisses d'impôts qu'on propose, ils sont contre ! Et je vous parlais tout à l'heure de la réforme de l'assurance chômage. Aujourd'hui, on a une activité, une économie qui résistent, on a des emplois qui sont créés, il y a des perspectives d'emploi. On a assumé de dire : il faut adapter les règles de l'assurance chômage, il faut qu'on indemnise moins longtemps pour inciter à la reprise d'emploi, qu'est-ce qu'il a fait le Rassemblement national ? Il a voté contre ; quand on dit qu'il faut que le RSA soit désormais soumis à des contreparties en termes d'activité, qu'est-ce qu'il dit le Rassemblement national ? Il est contre ! Donc si Madame LE PEN dit qu'elle est pour les classes moyennes comment est-ce qu'elle explique qu'ils prennent systématiquement des positions qui vont contre les classes moyennes et si elle veut parler des classes moyennes, moi, je lui propose - ça peut être sur votre antenne, sur une autre antenne - qu'on débatte ensemble sur la question des classes moyennes !
NEILA LATROUS
Vous êtes même prêt à débattre avec Marine LE PEN ?
GABRIEL ATTAL
Je lui propose puisque manifestement elle en parle, faisons un débat ensemble sur la situation des classes moyennes où elle pourra rendre des comptes sur les prises de position qui ont été les siennes ces dernières années systématiquement contre l'intérêt des classes moyennes en France.
CELINE ASSELOT
Est-ce qu'on peut vraiment baisser les impôts à nouveau tout en réduisant le déficit public puisque c'est aussi l'un des objectifs annoncés ? Est-ce que ce n’est pas contradictoire ? Il y a des appels de la part de la COUR DES COMPTES, du gouverneur de LA BANQUE DE FRANCE justement à faire une pause sur les baisses d'impôts en disant : ça ne va pas tenir ?
GABRIEL ATTAL
Non mais ce qui est vrai c'est que moi, depuis que je suis en âge d'écouter la politique et de m'y intéresser, j'entends des gouvernements qui sont critiqués parce qu'ils augmentent les impôts, c'est la première fois que j'entends un gouvernement qui est critiqué parce qu'il baisse les impôts. Moi, je vais vous dire : je le prends comme un compliment voilà et oui, on peut baisser les impôts tout en réduisant les déficits, c'est l'exemple que je viens de vous donner. On a baissé l'impôt sur les sociétés pour toutes nos PME, nos entreprises, qu'est-ce que ça permet ? Ça permet qu'elles se développent, qu'elles recrutent davantage, qu'elles aillent chercher de nouveaux marchés, qu'elles investissent et donc à la fin, vous avez plus de recettes qui arrivent parce que vous libérez l'activité économique. Ensuite, on a prévu une trajectoire avec Bruno LE MAIRE qui nous permet de revenir sous les 3% de déficit en 2027 à 2,7% et si vous regardez ces dernières années, on a tenu tous nos objectifs de réduction des déficits.
CELINE ASSELOT
On est à 4,7.
GABRIEL ATTAL
Oui, le déficit, il était à 9% en 2020, 6,5% en 2021, 4,7 l'an dernier donc il baisse chaque année et on a pour objectif de le ramener à 2,7% en 2027.
CELINE ASSELOT
Ça veut dire « quoi qu'il en coûte », c'est terminé, quoi qu'il se passe d'ailleurs ?
GABRIEL ATTAL
On est sorti du " quoi qu'il en coûte " …
CELINE ASSELOT
On n’y reviendra pas quelle que soit l'évolution de la situation sociale, économique, géopolitique il y en a aujourd'hui des dépenses importantes sur l'inflation pour notamment le bouclier énergétique qui permet à tous les Français, y compris les classes moyennes de ne pas voir leur facture d'électricité exploser, sinon ils se seraient pris 120 euros par mois en plus si on n'avait pas mis en place ce bouclier. Maintenant ce qui est sûr c'est qu'on a changé de monde en termes financiers, il y a un an on empruntait autour de 1%, un peu en dessous de 1%, aujourd'hui, c’est 3%, ça a triplé, et ça veut dire quoi ? Ça veut dire que notre dette nous coûte plus cher ; ça veut dire que en 2027, des prévisions estiment que la charge de la dette, ce que nous coûte la dette chaque année pourrait redevenir la première dépense de l'Etat parce que les taux d'inflation, les taux - pardon – d’intérêt augmentent. Et donc oui il faut être rigoureux avec les finances publiques et c'est la trajectoire qu'on a présentée avec Bruno LE MAIRE cette semaine.
NEILA LATROUS
Sur le site que vous avez lancé " en avoir pour mes impôts " pour que les Français sachent à peu près comment est-ce que leurs impôts sont déposés, on voit que sur 1 000 euros dépensés par l'Etat, 572 vont à la protection sociale, plus d'un euro sur 2 en gros qui est utilisé par l’Etat va à la protection sociale. Est-ce que ça veut dire que ce sera le premier poste de réduction de la dépense publique ? Est-ce que qu'il faut tailler ?
GABRIEL ATTAL
D'abord merci de mettre en avant cette initiative effectivement j'ai ouvert un site enavoirpourmesimpôts.gouv.fr pour faire la transparence sur l'utilisation de l'argent des Français à la fois sur les grandes masses, vous venez de l'évoquer mais aussi avec des exemples très concrets, par exemple entretenir un kilomètre de route, c’est 110 000 euros, par exemple une année pour un élève au lycée public, c'est au-dessus de 10 000 euros pour la collectivité. Je pense que c'est important de faire la transparence sur les coûts et ce que je peux vous annoncer, c'est qu'en à peine deux jours d’ouverture de ce site, il y a déjà eu 100 000 connexions de Français pour aller se renseigner, il y a aussi un volet consultation où les Français, les contribuables peuvent donner leur avis sur l'utilisation de l'argent public.
CELINE ASSELOT
Mais vous allez suivre cet avis ?
GABRIEL ATTAL
Oui bien sûr !
CELINE ASSELOT
Si vous voyez certaines dépenses par exemple sont impopulaires ?
GABRIEL ATTAL
L’objectif, c’est qu’ils puissent nous dire quelles sont les grandes priorités, quelles sont les politiques publiques où ils considèrent qu'on devrait dépenser moins, est-ce que dans leur vie quotidienne quand ils ont accès aux services publics, ils constatent des gabegies, des économies qu'on pourrait faire. Tout ça on leur donne la parole pour le faire. et d'ailleurs ça sera …et d’ailleurs, ce questionnaire sera adossé …
CELINE ASSELOT
J’imagine que vous les avez déjà identifiées, les gabegies éventuelles.
CELINE ASSELOT
Ça, j’imagine que vous les avez déjà identifiées, les gabegies éventuelles.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, et d’ailleurs on lance un exercice de revue de dépenses aujourd’hui, pour identifier de nouveaux leviers d’économies, sur différentes politiques publiques. Mais…
NEÏLA LATROUS
Plus d’un euro sur deux sur la protection sociale.
GABRIEL ATTAL
Oui, je pense qu'il y a des… On a un modèle social est un modèle social extrêmement généreux en France, et c’est plutôt une chance, et on l’a vu au moment de la crise Covid, ça a permis de protéger, maintenant, et notamment quand l'économie se porte bien, moi je pense que c'est important qu'on prenne des mesures pour adapter. On a donné l'exemple de la réforme de l'Assurance chômage. Voilà. Quand l'économie se porte bien, quand vous avez des créations d'emplois, il y a eu plus de 1,5 million d’emplois créés ces cinq dernières années, que vous avez partout sur le territoire des chefs d'entreprises, des patrons de PME, des artisans, des commerçants qui disent : " Je veux recruter, je n'arrive pas à trouver quelqu'un pour travailler…
NEÏLA LATROUS
Je vous pose la question sur la protection sociale, parce qu'il y a eu cette phrase de Bruno LE MAIRE, en disant : " Les Français n'en peuvent plus que des gens puissent toucher des allocations sociales au Maghreb, alors qu'ils ne vivent plus en France etc. ". Est-ce que c'est là aujourd'hui que se trouve le gisement d'économies ?
GABRIEL ATTAL
Mais ça c'est un autre sujet, c'est la question de la lutte contre la fraude. Je parlais tout à l'heure de la fraude fiscale, le plan que je vais présenter…
NEÏLA LATROUS
C'est la fraude sociale pour l’instant, qui est mise en avant. Vous évoquez il est vrai ce matin la fraude fiscale.
GABRIEL ATTAL
Je l’ai évoquée même un certain nombre de fois…
NEÏLA LATROUS
Et dans un certain nombre de prises de parole…
GABRIEL ATTAL
Lutter avec force sur la fraude fiscale, mais il y a aussi la question de la fraude sociale, évidemment, sur laquelle je présenterai des mesures…
NEÏLA LATROUS
Mais quels sont les ordres de grandeur aujourd'hui ? Quelle est la fraude qui représente le plus grand manque à gagner pour l'Etat ?
GABRIEL ATTAL
Vous avez par exemple pour la fraude fiscale, un très gros manque à gagner qui est la fraude à la TVA, des entreprises. L’INSEE a réalisé une étude récemment qui estime autour 20 milliards d'euros par an le manque à gagner sur la TVA. Donc là-dessus moi c'est un chantier, pour moi prioritaire. Vous avez ensuite le phénomène des sociétés éphémères où là aussi il y a des estimations importantes. Vous avez la fraude aux cotisations sociales, qui est estimée autour de 8 milliards d'euros. Donc vous avez là, des gisements importants. Ensuite si on parle de la fraude aux prestations sociales, la CNAF, donc la Caisse Nationale des Allocations Familiales, qui verse les allocations, estime les fraudes et indues chaque année autour de 2,8 milliards d'euros.
CELINE ASSELOT
On n’est pas sûr les mêmes ordres de grandeur en tout cas, on voit que lorsqu'on met ça un peu sur le même plan, en disant : plan de lutte contre les fraudes fiscales et sociales, ça donne l'impression de ne pas prioriser en fait, ces deux types de fraudes.
GABRIEL ATTAL
Mais moi, je veux lutter contre toutes les fraudes, parce que je pense qu'un euro soustrait à la solidarité nationale, que ce soit un euro d'impôts payé, qui n'est pas payé, ou un euro d'allocations sociales reçues, qui ne doit pas être reçu, c'est un euro qui est pris aux Français qui travaillent, qui paient des impôts pour avoir de meilleurs services publics.
CELINE ASSELOT
Quitte à stigmatiser, au risque de stigmatiser certains.
GABRIEL ATTAL
Mais moi je fais très attention à ne pas le faire, pour le coup. Franchement, moi je veux regarder où sont les leviers pour nous permettre d'être plus efficaces, et puis agir sur ces leviers.
NEÏLA LATROUS
Et en matière d'outils, qu'est-ce que vous utilisez pour vérifier que l'entreprise paie bien sa TVA ? C'est quoi ? On utilise l'intelligence artificielle aujourd'hui ? Elisabeth BORNE évoquait des moyens humains et techniques supplémentaires par exemple.
GABRIEL ATTAL
Oui, l'intelligence artificielle est utilisée aujourd'hui pour des contrôles fiscaux, notamment sur des entreprises, mais ce n'est pas seulement, heureusement on a des agents qui le font, et d'ailleurs je vais annoncer un renforcement des agents sur le contrôle fiscal. Sur la fraude à la TVA, il y a un grand chantier qui est la facturation électronique entre les entreprises, qui va se mettre en place à partir de 2024 pour les plus grandes entreprises, et ensuite progressivement chaque année. L'Italie a mis en place ce système, et dès la première année elle a recouvré 2 milliards d'euros de TVA en plus qui n'étaient pas payés auparavant. Ensuite, sur la fraude aux allocations sociales, il y a notamment un sujet sur la condition de résidence, vous savez qu’il y a une condition de résidence en France pour pouvoir les toucher…
NEÏLA LATROUS
Passée de 6 à 9 mois.
GABRIEL ATTAL
Moi je veux augmenter cette condition de résidence, et par ailleurs, que l’on ait des outils supplémentaires pour vérifier qu'elle est bien accomplie, notamment en permettant aux caisses de Sécurité sociale qui luttent contre la fraude, d'accéder dans certains cas au fichier des passagers de compagnies aériennes, pour regarder quand est-ce qu'ils ont pris un vol pour la France, quand est-ce qu'ils ont quitté la France et vérifier qu'ils ont bien passé le nombre de mois nécessaires pour toucher les allocations en France. J'ai été critiqué sur cette initiative, mais pardon, il s'agit juste de dire qu'on se donne les outils de vérifier si la loi est respectée, si les conditions sont bien respectées.
CELINE ASSELOT
Allez, 08h50, restez avec nous. Gabriel ATTAL, ministre délégué aux Comptes publics et notre invité. Tout de suite le Fil Info Sophie EYCHENNE.
Fil Info
CELINE ASSELOT
Gabriel ATTAL, ministre délégué aux Comptes publics, il y a un terme qu’on entend de plus en plus, qu’on croise de plus en plus, c’est " le refroidissement de la dépense publique ", Elisabeth BORNE a demandé à tous les ministères de voir où est-ce qu’on pouvait faire des économies, le but c’est 5 % de marge de manœuvre financière pour financer la transition écologique, est-ce que tous les ministères vont être concernés, et comment on fait pour trouver 5% d'économies quand on est par exemple le ministère de la Justice ou de la santé ?
GABRIEL ATTAL
La logique c'est de dire qu'aujourd'hui, et jusqu'à présent, c'est souvent Bercy, donc mon ministère, qui identifie des économies et qui les propose à la Première ministre pour le compte des autres ministères, souvent d’ailleurs elles sont retenues, mais enfin le mieux c'est aussi que les ministères eux-mêmes identifient des économies qu'ils peuvent faire dans leur périmètre, et donc effectivement la Première ministre a demandé à tous les ministères d'identifier des économies possibles, de l'ordre de 5%, des marges de manoeuvre en tout cas, dans leur budget, pour qu'on puisse retenir ces économies, c'est la première chose. Ensuite, il y a des priorités, vous donniez par exemple le ministère de la Santé, clairement l'objectif ce n’est pas de faire des économies sur l'hôpital, on a au contraire un réinvestissement massif de notre budget pour l'hôpital, il dépasse les 100 milliards d’euros cette année, mais il y a peut-être d'autres leviers sur lesquels on peut faire des économies, si on prend le ministère de la Santé par exemple. Sur un certain nombre de secteurs, vous savez moi j'ai assumé, dans le budget de cette année, de faire des économies sur le secteur de la biologie médicale, qui a fait 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en plus grâce aux tests Covid remboursés par la Sécurité sociale, qui a vu ses marges augmenter, j’ai été là aussi critiqué, mais j'ai assumé de le faire et on a eu près de 300 millions d'euros d'économies qui ont été acceptées sur le secteur de la biologie médicale. Il y a d’autres secteurs…
CELINE ASSELOT
Donc ça veut dire que tous les ministères sont concernés ? on va demander des économies…
GABRIEL ATTAL
…Mais vous savez d’ailleurs, quand on dit des économies, ça ne veut pas dire qu’on va baisser votre budget, ça veut dire qu'on veut que vous… il faut contenir la progression des dépenses, c'est ça qu'on demande. En gros, la règle qu'on fixe, c'est qu'on veut que la progression de nos dépenses corresponde à la progression de nos recettes, ça me semble être…
NEÏLA LATROUS
On peut parler de budget de rigueur ?
GABRIEL ATTAL
C’est du sérieux, voilà. Dire qu’il faut que la progression de nos dépenses corresponde à la progression de nos recettes, je pense que c'est une règle de bon sens avec l'argent des Français, encore une fois l'argent public, oui, c’est…public, mais enfin c'est surtout l'argent des Français qui payent des impôts, et moi je n’ai pas envie d’avoir une situation où vous avez des Français qui se lèvent le matin pour aller travailler, ils disent entre 9h et 12h je vais travailler pour les marchés financiers, pour rembourser la dette, ensuite je vais travailler pour financer un modèle qui permet parfois à certains de ne pas travailler, et puis en fin d'après-midi je vais me mettre à travailler pour financer des services publics qui se dégradent et le soir, je me couche, j'ai laissé du déficit et donc des impôts pour mes enfants demain, non, il faut évidemment sortir de cette situation-là.
NEÏLA LATROUS
Gabriel ATTAL, l’accueil promet d'être houleux demain au Stade de France pour la finale de la Coupe de France Toulouse-Nantes, le président attendu par un public a priori chauffé à blanc, on attend des huées, des sifflets, des cartons rouges qui seront distribués dans les gradins, est-ce que tout doit être montré à la télévision, les huées, les banderoles, les cartons rouges ?
GABRIEL ATTAL
Moi d'abord, moi je pense que tout ne doit pas faire l'objet, en permanence, de conflictualisation, de blocage, j'ai vu hier par exemple qu’il y avait un match, je ne sais plus si c’est du foot ou du rugby…
NEÏLA LATROUS
Où l’électricité avait été coupée.
GABRIEL ATTAL
Oui, entre Agen et Nevers, je crois, où l'électricité a été coupée pendant 30 minutes, par la CGT. Je veux dire il y a un moment je pense que sur des grands moments aussi un peu quand même de fraternisation, notamment le sport, je pense que voilà, tout ne doit pas être en permanence l'objet d'attaque, de conflit, de blocage.
CELINE ASSELOT
Il va y aller Emmanuel MACRON demain soir au Stade de France ?
GABRIEL ATTAL
Je ne sais pas du tout, moi je…
CELINE ASSELOT
Il doit y aller selon vous ?
GABRIEL ATTAL
Il décide d’y aller s’il le souhaite, moi je n’ai pas d’information sur le sujet, ce que je dis simplement, pour répondre à votre question, c'est que voilà, il y a une contestation, et on est en démocratie et je l’entends, et je le respecte, il y aura une manifestation des syndicats…
NEÏLA LATROUS
Le président dit " il faut traiter ces colères. "
GABRIEL ATTAL
Le 1er mai, ce que je dis simplement c’est que moi il y a certaines choses dont je considère qu’elles ne sont pas nécessaires, voilà. Quand vous avez des Français qui vont voir un match et qu’on leur coupe l'électricité, bon, moi je pense qu'il y a beaucoup de Français, voilà, ils travaillent, tout n'est pas facile en ce moment, il y a de l'inflation, ils se font une soirée où ils vont pouvoir se faire un match, on leur coupe l'électricité au match, bon, voilà. Quand vous avez l'électricité qui est parfois coupée dans certains quartiers parce qu'il y a un ministre qui s'y déplace, par exemple, mais que ça touche ensuite des restaurateurs, des entreprises, dont l'électricité est coupée, parfois certains dommages collatéraux, on a vu notamment une clinique, un établissement de santé, dont l'électricité a été coupée, voilà, je pense que ce n’est pas nécessaire non plus.
CELINE ASSELOT
Et quand on voit des arrêtés préfectoraux qui ont été pris, comme hier dans le Doubs, finalement il a été levé, mais est-ce que c'est une bonne idée d'empêcher la manifestation de cette colère justement, en tout cas c'est comme ça que peuvent le vivre les Français qui ont envie de dire des choses au président de la République ou aux ministres qui se déplacent ?
GABRIEL ATTAL
Moi je respecte totalement ce que nous disent les Français, il y a des Français, vous le dites, qui sont en colère, il y a des Français qui attendent de nous énormément, sur la question de l'inflation, sur la question des déserts médicaux, sur la question du pouvoir d'achat…
CELINE ASSELOT
Donc on a tort d'interdire les rassemblements, ou les " casserolades " par exemple ?
GABRIEL ATTAL
Ce n’est pas ce que je dis, ce que je dis c’est qu’ensuite vous avez des militants politiques, syndicaux, qui cherchent à aller bloquer l'expression des ministres ou du président de la République.
CELINE ASSELOT
Et comment on fait la différence justement, qu’est-ce qui est légitime et qu’est-ce qui, justement, dépassé les… ?
GABRIEL ATTAL
Moi je pense que ce qui est légitime c’est la contestation qui s'exprime et qui n'empêche pas d'aller rencontrer, à la rencontre des Français. Vous savez, moi j'étais dans l'Hérault, je me déplace chaque semaine sur le terrain, donc j’ai été dans les Pyrénées-Atlantiques, j'étais dans le Beaujolais ces dernières semaines, et j'étais dans l'Hérault en début de semaine avec mon collègue Stanislas GUERINI, on s’est déplacé, on est allé sur le terrain, on a rencontré dans la rue des Français, et certains nous ont interpellés, il y avait une enseignante, il y avait un syndicaliste des Finances publiques, on a eu des discussions avec eux au moment où on pouvait parler, et vous aviez, dans une autre ville où on devait se rendre, où on s’est rendu, des militants politiques et syndicaux qui eux voulaient nous empêcher de nous exprimer et de parler avec des Français dans une réunion publique qui avait été prévue. Moi je préfère toujours qu’on aille au contact et qu’on soit dans le dialogue. Et, vous l'avez dit au début cette interview, le président de la République il est allé sur le terrain, il a été interpellé sur la question de la rémunération des dirigeants d’entreprises…
CELINE ASSELOT
Il a fait un déplacement surprise hier, pour éviter peut-être aussi les dispositifs d’accueil qui étaient en place.
GABRIEL ATTAL
Oui, mais pourquoi ? parce que quand c’est annoncé vous avez des militants politiques et syndicaux qui cherchent à empêcher qu'il puisse aller au contact des Français, et vous avez bien vu que le fait qu'il puisse aller au contact directement ça permet d'avoir des discussions qui sont importantes pour le pays, vous les avez vous-même relayées.
CELINE ASSELOT
Gabriel ATTAL, merci beaucoup ministre délégué aux Comptes publics, invité de France Info ce matin.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 2 mai 2023