Déclaration de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, sur le thème : " Superprofits réalisés par les concessionnaires d'autoroutes : état des lieux et perspectives ", à l'Assemblée nationale le 3 mai 2023.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : " Superprofits réalisés par les concessionnaires d’autoroutes : état des lieux et perspectives ".
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Pierre Cordier
C’est un ancien socialiste, il devrait donc être d’accord avec le groupe Socialistes !

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Je tiens tout d’abord à remercier Mme Pires Beaune et le groupe Socialistes et apparentés pour l’organisation de ce débat sur un sujet important. C’est assurément ce dont témoignent les interventions successives, dont je ne partage pas toute la teneur.

M. Inaki Echaniz
Au fond de vous, oui ! Tombez la veste !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Lors des interventions, j’ai entendu de nombreuses approximations, délibérées ou involontaires, sur ce que sont les concessions autoroutières et les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Il peut être utile de revenir sur ce qu’est une concession pour nos compatriotes qui suivraient nos débats. Une concession n’est pas nécessairement un outil privé, mais un contrat de long terme que, depuis plus de deux cents ans, la puissance publique signe avec des opérateurs publics ou privés pour assurer la construction et l’exploitation d’une infrastructure ou d’un équipement. Ce mode de financement a ses vertus : il garantit à long terme, l’investissement et l’exploitation.
Comme l’a dit le député David Valence, lorsque l’on compare l’état des autoroutes, objectivement bien entretenues, à celui du réseau routier national non concédé, on comprend quels peuvent être les effets du yoyo budgétaire, un problème récurrent.
Une concession est également un mode de financement, qui implique de faire payer l’usager. Rien n’est gratuit, j’en suis désolé, et l’entretien d’une route coûte de l’argent : il revient soit au contribuable soit à l’usager de payer. Or, madame Arrighi, si l’on souhaite précisément financer la transition écologique, le système qui consiste à faire payer l’usager d’une infrastructure pour son entretien plutôt que l’ensemble des contribuables a quelques vertus.

Mme Clémence Guetté
En l’occurrence, ce n’est pas flagrant ! Les milliards ne vont pas dans la transition écologique !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Nous disposons depuis plus de soixante-dix ans d’un réseau soumis au régime des concessions, qui n’a été remis en cause, au gré des alternances politiques, par aucune majorité et qui représente un patrimoine de 150 milliards d’euros. N’en déplaise à M. Tanguy, il n’appartient à aucune société privée mais à toutes les Françaises et à tous les Français ; il n’y a aucun doute sur ce point.
Comme vous l’avez souligné, madame Louwagie, à l’échéance de chaque contrat de concession, mon ministère mènera l’évaluation du réseau. La loi, que vous avez votée, prévoit que le réseau revient intégralement à l’État, que l’exploitant soit public ou privé, qu’il doit avoir été entretenu et être rendu dans un état conforme à ce qui était prévu. (M. François Ruffin s’exclame.) À l’échéance des prochaines concessions, à partir de 2031, la gestion de ce patrimoine sera – si j’ose dire – remise en jeu. Le Parlement décidera alors du mode de gestion de ce patrimoine qui reste entre les mains de toutes les Françaises et de tous les Français.

Mme Christine Pires Beaune
Il faut le faire maintenant ! N’attendons pas la dernière minute !

M. Clément Beaune, ministre délégué
La concession, qui peut conduire à confier cette gestion à une personne publique ou à une personne privée, présente donc des avantages.
Si l’on revenait sur chaque étape de la longue histoire des concessions autoroutières depuis 1955, il faut reconnaître – comme certains d’entre vous l’ont fait car c’est une œuvre collective – que nous ne ferions sans doute pas les mêmes choix.

M. David Valence
Eh oui !

M. Clément Beaune, ministre délégué
En effet, c’est en 1955 que des contrats d’une durée de soixante-dix ans ont été signés et que cette durée a été fixée, non en 2000, en 2005 ou en 2015. Sans doute négocierions-nous différemment aujourd’hui – aucun d’entre nous n’était aux responsabilités en 1955 – et signerions-nous des contrats d’une durée moins longue.
Vous avez été trop modeste, madame Louwagie, car, en réalité, le processus de privatisation a commencé précisément en 2001. Donc, soyons honnêtes, la responsabilité doit être partagée par différentes majorités et sensibilités politiques. (" On n’était pas là ! " sur les bancs du groupe RN.)

Plusieurs députés du groupe RN
On n’était pas là !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Certes, mais je n’ai jamais lu, dans le programme de Marine Le Pen, la remise en cause des concessions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Elle s’est pourtant présentée à plusieurs reprises à l’élection présidentielle.

M. François Ruffin
Et nous alors ?

Mme Clémence Guetté
Nous, on n’était pas au pouvoir, et c’était bien dans notre programme !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Monsieur Tanguy, vous confondez nationalisation et concession ; or, ce n’est pas du tout la même chose. Marine Le Pen, que vous avez dû citer dix-huit fois, sera sans doute très fière de vous, mais vous devriez relire son programme : cette lecture sera certainement meilleure que celle de votre discours.

M. Jean-Philippe Tanguy
Vous êtes les alliés des privatisateurs !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Ces constats étant faits, nous devons, pour avoir un débat lucide sur l’avenir, éviter de dire des balivernes aux Français. D’abord, il n’existe pas de système dans lequel la construction et l’entretien d’une route ou d’une autoroute seraient gratuits – j’en ai cherché dans de nombreux pays étrangers et je n’en ai pas trouvé. Au bout du compte, c’est soit le contribuable, soit l’usager qui paye.
On peut s’interroger sur le niveau de cette contribution, mais il n’existe aucun système dans lequel la barrière se lève gratuitement, ou alors, monsieur Ruffin, on ne paye plus les patrouilleurs et on n’entretient plus les autoroutes. Ne faites donc pas croire aux Français que celles-ci peuvent être gratuites : c’est un mensonge !

M. François Ruffin
Vous connaissez le mot : "actionnaires" ? Il faut peut-être vous l’épeler : A.C.T.I.O.N.N.A.I.R.E.S !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Mais il n’y a pas que l’actionnaire qui est rémunéré, monsieur Ruffin !

M. le président
S’il vous plaît, monsieur Ruffin ! On vous a écouté dans le silence, laissez le ministre s’exprimer : lui seul a la parole.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Monsieur Ruffin, tolérez-vous que l’on réponde parfois à vos interpellations ?

M. François Ruffin
Je vous réponds : c’est la coconstruction par le dialogue !

M. le président
Vous n’avez pas à répondre, monsieur Ruffin : il ne s’agit pas d’un dialogue avec le ministre.
Poursuivez, je vous prie, monsieur le ministre.

M. Benjamin Lucas
Le ministre n’arrête pas de couper les interruptions de notre collègue, c’est une honte ! (Sourires.)

M. Clément Beaune, ministre délégué
Monsieur Ruffin, je me permets de vous répondre comme j’ai répondu à d’autres députés, qui n’ont pas réagi de la même façon que vous. Encore une fois, il n’existe pas de système entièrement gratuit ; ce n’est pas vrai.

M. François Ruffin
Actionnaires ! Actionnaires !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Mais il n’y a pas que les actionnaires qui sont payés grâce au péage : il y a aussi les patrouilleurs, l’entretien des routes…

Mme Clémence Guetté
Quand même, 3% des bénéfices, cela fait quelques milliards pour les actionnaires !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous pouvez le répéter sur tous les tons, mais il n’y a aucun système gratuit. Cela n’existe pas ; sinon, on n’entretiendrait plus nos routes.
Sur le système d’évaluation des profits, soyons précis, là encore. Vous avez abondamment cité – et même brandi, pour certains – un rapport sur le sujet. Il existe deux types de taux de rentabilité, comme Bruno Le Maire et moi l’avons dit devant les commissions qui nous ont auditionnés.
S’agissant, d’abord, du taux de rentabilité intrinsèque au projet, vous pouvez relire l’ensemble des rapports, celui de l’Autorité de régulation des transports comme celui de l’Inspection générale des finances et du CGEDD : aucun n’établit un surprofit ou une sur-rentabilité au regard des estimations qui avaient été faites. En ce qui concerne, ensuite, le taux de rentabilité qui bénéficie aux sociétés privées concessionnaires d’autoroutes et à leurs actionnaires, il y a en effet un sujet.

Mme Clémence Guetté
En Macronie, " il y a un sujet ", cela veut dire : "On ne va rien faire" !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Pourquoi ? Parce que les conditions de financement – les taux d’intérêt, pour être très concret – ont été bien meilleures que prévu, si bien que la rentabilité a été très supérieure à celle qui avait été estimée en 2005, comme vous l’avez rappelé, madame Louwagie. Toutefois, la rentabilité d’un projet est évaluée à la fin du contrat, car la concession fonctionne de telle manière que le concessionnaire subit d’abord des pertes avant d’enregistrer des profits.
Or, les profits d’aujourd’hui ne seront peut-être pas les mêmes dans les prochaines années car, du fait de la remontée des taux d’intérêt, les conditions de financement évolueront. Personne ne peut donc dire aujourd’hui quelle sera l’évaluation définitive des profits : peut-être seront-ils très supérieurs à ceux qui ont été prévus, peut-être ne le seront-ils pas.
Puisqu’on peut parler de tout, je veux maintenant évoquer la question de la renationalisation. Autant les conditions dans lesquelles la privatisation est intervenue il y a quelques années – dès 2001 – peuvent être discutées, contestées, autant une renationalisation coûterait, à quelques milliards près – il faut, là aussi, dire la vérité –, de 40 milliards à 60 milliards d’euros.

M. Nicolas Dupont-Aignan
C’est complètement faux !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous ne trouverez aucune estimation plus basse, et pour cause : ce serait brader le patrimoine autoroutier, considérer qu’il ne vaut pas un clou, monsieur Dupont-Aignan.

M. Jean-Philippe Tanguy
On vous prendra en stage !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Là encore, fournissez des estimations plus précises : personne n’a proposé d’estimations inférieures à 40 milliards.

M. Nicolas Dupont-Aignan
C’est complètement faux !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il faut dire la vérité aux Français : la renationalisation, ce sont les contribuables qui la paieraient et ce serait autant d’argent qui ne serait pas investi dans les autres services publics.
Enfin, on peut discuter de tout, mais n’ayons pas le complotisme systématique. Avec M. Ruffin, M. Tanguy, on y est habitué ; pas avec vous, madame Pires Beaune. Les rapports de l’administration – je défends les fonctionnaires de mon ministère et ceux du ministère des finances – sont établis par des services indépendants. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Les rapports d’inspection, et cela n’a pas changé sous ce gouvernement, ne sont pas publics. Mais la liste des rapports annuels peut être fournie à tout parlementaire qui en fait la demande et – vous avez mentionné le travail des journalistes – celui-ci peut, bien entendu, avoir accès à ces rapports.
Je n’étais pas aux responsabilités, mais je l’assume parfaitement : le rapport en question a été commandé par Bruno Le Maire et mon prédécesseur pour élaborer une stratégie contentieuse face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes qui contestaient l’augmentation d’impôt que nous leur avions imposée. Vous n’avez pas voté pour cette mesure ; ayez donc un peu d’honnêteté et de décence ! (M. David Valence applaudit.)
Par ailleurs, l’Autorité de régulation des transports a publié seize rapports – je suppose que vous les avez lus – passionnants, détaillés, que chacun peut se procurer en ligne. Or c’est la loi dite Macron de 2015 qui a étendu le champ de compétences de l’autorité aux autoroutes. Cette loi, qui a été en son temps soutenue par beaucoup sur ces bancs – souvenons-nous-en –, a donc grandement amélioré le contrôle des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui peuvent désormais être régulièrement contrôlées par l’ART, de même que leurs profits et chacun des avenants.
Qu’avons-nous fait d’ores et déjà pour améliorer le fonctionnement des contrats ?
Tout d’abord, je l’ai dit, le contrôle par l’Autorité de régulation des transports a marqué une transformation très profonde et très importante. Ensuite – vous l’avez rappelé à juste titre, madame Pires Beaune –, selon la tradition, toutes majorités confondues, lorsqu’on avait besoin d’un peu d’investissement, on étendait la durée des concessions d’autoroutes. Or, aucune extension de ce type n’a été accordée depuis 2017, même à titre de contrepartie aux investissements demandés.

M. Nicolas Dupont-Aignan
Vous leur avez donné 15 milliards !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Enfin, s’agissant du niveau de rentabilité et de la pression exercée sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, non seulement – cela a été rappelé notamment par M. Valence, et je l’en remercie – nous demandons à ces sociétés de faire des efforts commerciaux – que vous pouvez juger insuffisants –, mais, dans la loi de finances pour 2020, la majorité a adopté une augmentation de la taxe d’aménagement du territoire, augmentation qui a été contestée par les sociétés d’autoroutes.
Si celles-ci étaient nos amies, elles ne nous auraient pas traînés devant les tribunaux pour que cette augmentation ne soit pas appliquée. Du reste, et je m’en félicite, l’État a gagné ce contentieux en première instance – c’était l’objet du rapport qui a été cité.
Il faut cependant, et c’est là le véritable débat, faire mieux, aller plus vite et plus loin. Convenons-en tous, on peut refaire le film depuis 1955, mais cela prendrait un certain temps. Quelles sont donc les pistes qu’il nous faut explorer ?
La taxation, tout d’abord. Elle n’est pas un tabou. La majorité a, je le redis, augmenté la taxe d’aménagement du territoire et le 7 avril dernier, nous avons, avec Bruno Le Maire, saisi le Conseil d’État, comme nous nous y étions engagés devant les commissions compétentes, pour qu’il évalue, au vu de l’évolution fiscale récente et de la situation financière des sociétés concessionnaires d’autoroutes, la possibilité d’augmenter la taxation de ces sociétés. Si cela est juridiquement possible, je souhaite que nous proposions au Parlement une telle augmentation, qui permettrait de financer la transition écologique et l’investissement, notamment dans le report modal et le transport ferroviaire.
La saisine du 7 avril porte également sur la question de savoir dans quelles conditions – car nous sommes dans un État de droit – la durée des concessions pourrait être réduite. Nous vous transmettrons, en toute transparence, l’ensemble des conclusions de ces consultations juridiques.
Nous devons, par ailleurs, renforcer d’ores et déjà la dimension écologique du financement de l’autoroute et de la route en réclamant aux sociétés d’autoroutes le déploiement d’un certain nombre d’infrastructures complémentaires. Je n’en dresserai pas la liste exhaustive, mais tous les avenants récemment signés avec ces sociétés prévoient des engagements écologiques importants. Je pense notamment à des milliers de places de covoiturage et à l’équipement, dès ce trimestre, de l’ensemble des aires d’autoroute en bornes de recharge électrique. Ces mesures sont prises en charge, et c’est bien normal, par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, sur injonction de l’État.
J’en viens à la question des péages. Vous avez dit, monsieur Ruffin, que leurs tarifs sont la seule chose, en France, qui est indexée sur l’inflation. Si c’était entièrement le cas, ils n’auraient pas augmenté de 4,75% le 1er février dernier, mais de plus de 6% !

Mme Clémence Guetté
Vous connaissez les chiffres quand il ne s’agit pas des salariés !

M. Benjamin Lucas
C’est toujours plus que l’augmentation du Smic !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Et, en 2022, ils n’auraient pas augmenté de 2%, mais de 6% ou de 7%.

M. Jean-Paul Lecoq
Il faut augmenter les salaires dans les mêmes proportions !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je ne dis pas que ces augmentations sont négligeables mais, dès lors que nous avons l’inflation la plus basse d’Europe (Murmures) – c’est un fait –, puisqu’elle est comprise entre 6% et 7%,…

M. Maxime Minot
Les Français remplissent leurs caddies sans problème, sans compter !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…il serait difficilement explicable que, dans un contexte de transition écologique, la route soit le seul mode de transport dont les tarifs n’augmentent pas. Nous avons cependant fait en sorte que cette augmentation soit maîtrisée et que, pour les Français qui utilisent leur véhicule plus de dix fois par mois – c’est-à-dire, en gros, pour aller au travail –, elle soit très significativement réduite – moins 40% pour tous les abonnés –, ce qui représente plusieurs centaines d’euros d’économies sur une année.

M. Jean-Marc Zulesi
Très bien !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Faut-il aller plus loin ?

M. Jean-Paul Lecoq
Oui ! En supprimant les péages !

M. Clément Beaune, ministre délégué
C’est la question qui se pose pour l’avenir.

M. Jean-Philippe Tanguy
À la saint-glinglin !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Non, monsieur Tanguy. Mais des règles de droit s’appliquent ; il y a un contrat…

M. Jean-Philippe Tanguy
Léonin !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Proposez-vous de rayer les contrats d’un trait de plume ? Est-ce là votre vision de l’État de droit ? Cela me paraît un peu étrange.

M. Jean-Philippe Tanguy
Vous les avez bien écrits d’un trait de plume !

M. Clément Beaune, ministre délégué
M. Valence et Mme Pires Beaune l’ont dit, les concessions, qui ont été signées, pour la plupart d’entre elles, sous le général de Gaulle,…

M. Jean-Philippe Tanguy
Oh, le pauvre !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…arrivent à échéance à partir de 2031. J’ai donc proposé – et je maintiens cet engagement, madame Pires Beaune – que nous lancions, cet été, des assises sur l’avenir des concessions d’autoroutes…

M. Jean-Philippe Tanguy
Oh là là !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…auxquelles participeraient des parlementaires de tous bords, les organisations non gouvernementales et les sociétés concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Pour la première fois dans notre pays, nous pourrons ainsi débattre, pendant plusieurs mois, du modèle que nous voulons pour l’après-2030 – la décision reviendra au Parlement. Ainsi, nous déciderons – vous déciderez – s’il faut ou non maintenir un système de concession et, si tel est le cas, si ces concessions doivent être privées ou publiques, quelle doit être leur durée et comment doivent être financés la route et les autres modes de transport.
En tout cas, je ne laisserai pas dire qu’il existe un modèle dans lequel il n’est pas besoin de les financer, car ce n’est pas vrai : ils le sont forcément, soit par le contribuable, soit par l’usager. Vous pouvez choisir d’éliminer la rémunération des actionnaires – cela s’appelle une concession publique –, mais il y aura tout de même un prix.

Mme Clémence Guetté
Il sera moins élevé !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Ce débat, je vous le propose pour que nous puissions préparer sereinement, en toute transparence et collectivement l’avenir de la gestion des autoroutes, sans totem ni tabou,…

M. Jean-Philippe Tanguy
Il y a quand même un gros totem et un gros tabou !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…mais sans mensonges non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. le président
Nous en venons aux questions.
Je vous rappelle que leur durée ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes et qu’il n’y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette (SOC)
Monsieur le ministre délégué, j’ai bien entendu votre plaidoyer en faveur du modèle concessionnaire, mais il paraît désormais évident que les contrats sur lesquels reposent les concessions ne prévoient pas suffisamment de garanties en faveur du concédant ; ils ne comportent pas non plus de clause de revoyure concernant les taux de rentabilité. Or, en l’absence d’une telle clause, le concédant est privé de tout levier de pression dans sa relation avec le concessionnaire. Il devient ainsi impossible pour l’État de contrôler le versement des dividendes par les sociétés et de maîtriser totalement la trajectoire tarifaire, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues.
Face à cette situation, les parlementaires, la Cour des comptes, les experts et les commissions d’enquête s’accordent sur l’existence d’un risque sérieux de sur-rémunération des concessionnaires. Les révélations récentes du Canard enchaîné attestent un taux de rentabilité de près de 12%, loin des 7,7% prévus contractuellement.
Fort de ce constat, le groupe Socialistes et apparentés a proposé la taxation de ces superprofits sous la forme, tout d’abord, d’amendements au projet de loi de finances, puis d’un référendum d’initiative partagée, enfin, en inscrivant dans notre niche parlementaire une proposition de loi sur le sujet. Mais vous avez balayé ces propositions d’un revers de main.
Dans une période marquée par une poussée inflationniste d’une rare intensité et au moment même où le Gouvernement impose à nos concitoyens de travailler deux ans de plus, comment envisagez-vous de rétablir un juste partage de la valeur ? C’est une question de justice sociale.
Enfin, vous avez indiqué à Mme Pires Beaune que tout parlementaire peut disposer du rapport dont nous avons parlé à plusieurs reprises. Mais qu’en est-il de tous les documents préparatoires à l’avenant de 2015 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je commencerai par répondre à votre dernière question, car vous soulevez un point très important, qui ne doit susciter aucun fantasme : la communication des documents administratifs ne dépend ni de moi ni d’aucun ministre. Elle obéit à des règles, et la Commission d’accès aux documents administratifs, la Cada, créée il y a quarante ans, fixe la jurisprudence en la matière. Les documents préparatoires sont qualifiés par cette autorité, et il est vrai que tous les e-mails, toutes les discussions internes à l’administration ne sont pas communiqués au grand jour – je pense que vous le comprendrez aisément.

M. Inaki Echaniz
Notamment les e-mails érotiques !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Là encore, je défends les fonctionnaires, dont je fais d’ailleurs partie, qui méritent de bénéficier, dans leur tâche, d’un peu de sérieux, de confidentialité, de responsabilité, et de considération d’ailleurs.
J’ai reçu une demande il y a encore quelques jours sur ce sujet, précisément ; eh bien, j’ai sollicité un avis puis communiqué plusieurs documents préparatoires à la négociation de 2015, dans les règles fixées par la jurisprudence de la Cada. Si vous faites une demande écrite à mon cabinet, tous les documents dont nous disposons, dans le respect de ces règles, vous seront communiqués – d’autant que vous jouissez de prérogatives particulières en tant que parlementaires. N’alimentez donc pas l’idée selon laquelle nous cacherions des documents ou qu’ils n’existeraient pas. Je le répète : tous ceux qui existent sont évidemment communicables.
En ce qui concerne les relations avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, je ne vais pas répéter ce que je viens de dire à la tribune, mais faut-il procéder à un rééquilibrage en donnant à l’avenir plus de pouvoir à l’autorité publique en matière contractuelle ? Oui, certainement, en intervenant par exemple sur la durée des concessions afin d’accroître la pression et, je l’ai dit, nous avons saisi le Conseil d’État pour savoir si une telle mesure pouvait s’appliquer aux contrats en cours, ce qui ne va pas de soi – tout cela étant déjà très strictement encadré, et c’est bien normal, par le juge administratif.
Peut-on exercer un autre type de pression, en imposant des taxes supplémentaires ? On le peut, et c’est d’ailleurs la présente majorité qui a augmenté la taxe d’aménagement du territoire. Nous avons sollicité le Conseil d’État pour savoir si nous pouvons aller plus loin.

M. le président
Je vous invite à conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Pouvons-nous demander aux sociétés concessionnaires de réaliser davantage d’investissements afin de financer la transition écologique ?

M. Jean-Philippe Tanguy
C’est bidon !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Oui, nous l’avons fait – j’ai cité plusieurs exemples – et nous continuerons.

M. le président
La parole est à M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR)
Les différents rapports et analyses rendus sur le fonctionnement actuel des concessions autoroutières établissent que leur fonctionnement n’est pas totalement satisfaisant et que les principes d’une relation équilibrée entre l’intérêt public et les intérêts privés peinent parfois à être respectés. Ces rapports font un constat sur des contrats ou des modèles juridiques anciens qui doivent être améliorés et qui surtout ne doivent pas être reproduits.
Sans remettre en cause le modèle concessif qui nous semble adapté à des investissements importants, notamment en lien avec la transition des dispositifs de mobilité donnant lieu à la perception de recettes auprès des usagers, pouvez-vous nous indiquer quels types de clauses vous pourriez envisager d’intégrer aux futurs contrats afin, en particulier, de créer les conditions d’un équilibre régulièrement révisé tout au long de leur durée ? Comment suivre la rentabilité du projet afin qu’elle reste proche des hypothèses retenues lors de la mise en place de la concession ? Comment faire en sorte que le montant des redevances perçues des usagers ne crée pas une éventuelle rente au profit des concessionnaires ? Comment établir le montant des investissements et leur correcte maintenance pour que l’autorité concédante, qui incarne l’intérêt général, soit assurée du respect des obligations initialement souscrites ?
Il serait regrettable que l’efficacité et la pertinence du modèle concessif soient remises en cause du fait d’une absence de volontarisme sur les nécessaires contrôles et clauses de sauvegarde à prévoir.

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Plusieurs des outils, des pistes évoqués pour améliorer le suivi des contrats figurent dans la loi – j’ai évoqué la compétence autoroutière de l’Autorité de régulation des transports qui, depuis la loi de 2015, valide chaque avenant à un contrat avec une société concessionnaire d’autoroutes. Les contrats doivent ainsi désormais impérativement contenir des clauses de modération tarifaire applicables en cas de hausse imprévue du chiffre d’affaires.
Pouvons-nous, devons-nous aller plus loin ? Je reviens sur certaines des pistes évoquées : le renforcement des pouvoirs de l’autorité publique concédante concernant la durée des contrats ; le renforcement des moyens de l’Autorité de régulation des transports sur les nouveaux contrats ; l’inclusion – même si, convenons-en, elle n’est pas facile à définir – de clauses de meilleure fortune ou de vérification de l’évolution de la profitabilité ou de la rentabilité au cas où nous maintiendrions le modèle des sociétés concessionnaires – privées, le cas échéant – qui gèrent les autoroutes. Nous examinons certaines de ces pistes dès à présent, comme le niveau de taxation, la durée des concessions ; d’autres concerneront les nouveaux contrats, au moment où les concessions viendront à échéance – travail auquel, bien sûr, le Parlement sera associé dès l’été prochain.

M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)
Monsieur le ministre délégué, comme, pour l’instant, on a plutôt l’impression que votre devise, c’est « Veni, Vidi, Vinci »,…

M. David Valence
Toujours aussi inspiré et grandiloquent…

M. Benjamin Lucas
…je vais essayer de vous aider à réactiver votre clignotant gauche, puisque vous vous revendiquez régulièrement de la fameuse et introuvable aile gauche de la majorité-minorité présidentielle.
Vous conviendrez avec nous que ce sont les Françaises et les Français qui, en tant que contribuables – vous opposiez tout à l’heure contribuables et usagers –, ont payé et financé ces autoroutes. Il serait donc juste que les gains, que les superprofits – qu’on est capable, en fin de compte, de définir – soient, d’une certaine manière, rendus aux Françaises et aux Français en leur permettant, exemple mentionné par notre collègue Ruffin, de partir en vacances cet été. Vous connaissez comme nous le nombre de familles françaises qui se privent de départ en vacances ; vous connaissez la réalité de cette grande injustice qui touche en particulier les plus jeunes. Or l’augmentation du taux d’inflation et des tarifs des péages autoroutiers a considérablement aggravé cette inégalité. D’où l’idée d’une taxe sur les superprofits engrangés grâce aux concessions autoroutières.
Vous semblez considérer comme impossible le fait de lever une barrière de péage pour permettre à des familles d’emprunter gratuitement l’autoroute, de bénéficier de congés payés dûment acquis, de voir la mer ou la montagne et d’en profiter. D’ailleurs, puisque vous vous revendiquez souvent de l’histoire de la gauche, que vous avez abandonnée depuis, une telle mesure est consubstantielle aux congés payés : Léon Blum et Léo Lagrange ont fait profiter de billets de train gratuits plus de 500 000 familles en même temps qu’ils instauraient les congés payés. Permettez donc aux Françaises et aux Français de prendre effectivement, dès cet été, des congés payés. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous serez déçu, le jour où l’entreprise que vous citez depuis le début de la séance aura changé de nom, car vous ne pourrez plus faire autant de blagues. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Clémence Guetté
On en trouvera d’autres, ne vous en faites pas !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je ne vais pas me lancer dans un débat sur la gauche, car cela nous emmènerait sans doute trop loin.

M. Benjamin Lucas
J’ai le temps…

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je revendique en tout cas pour ma part, et peut-être est-ce ce qui nous différencie, ce qu’a fait Lionel Jospin,…

M. Jean-Philippe Tanguy
Privatiser ?

M. Clément Beaune, ministre délégué
…y compris sur ces sujets.

M. Benjamin Lucas
La loi de 1998 instaurant un droit aux vacances ?

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je revendique la loi de 2015 votée par Mme Pires Beaune et par votre groupe à l’époque majoritaire. Je suis désolé que vous reniiez des décisions renforçant la régulation, la justice fiscale,…

M. François Ruffin
La justice fiscale ? Vous osez ?

M. Clément Beaune, ministre délégué
…des décisions relevant parfois du pragmatisme. Oui, monsieur Ruffin, le parti socialiste a parfois défendu la justice fiscale dans son histoire, peut-être pas suffisamment à votre goût, mais peu importe.

Mme Clémence Guetté
Déjà quarante-cinq secondes de « popol » !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Par ailleurs y a-t-il peut-être un débat entre vous, entre les écologistes et la France insoumise.

M. François Ruffin
Répondez donc à la question de M. Lucas !

M. le président
S’il vous plaît, chers collègues.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je n’ai pas compris ce que vous vouliez exactement faire des surprofits.

M. Jean-Philippe Tanguy
Rendez l’argent !

M. Clément Beaune, ministre délégué
On peut le rendre, en effet, c’est la formule classique que vous employez à chaque fois. Soit on taxe tout et on en affecte le produit à la transition écologique, soit on supprime les péages, mais alors il n’y aura plus d’argent pour la transition écologique qui finance le train.

M. Jean-Philippe Tanguy
Oh ! Les oligarques verts…

M. Jean-Marc Zulesi
Ils n’aiment pas le train.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il n’y a pas d’argent magique, je suis désolé. Soit, je le répète, vous taxez et vous en utilisez le produit pour autre chose, et c’est d’ailleurs ce que nous proposons en partie ; soit vous considérez qu’il ne faut plus payer l’autoroute, qu’elle ne coûte rien, et vous ne pourrez pas financer le train et le report modal.
Même quand la concession était publique, il y avait des péages.

M. Nicolas Dupont-Aignan
Mais pas à ce prix !

M. Jean-Philippe Tanguy
Ils étaient 30% moins chers !

M. David Valence
Peut-être, mais les autoroutes étaient moins bien entretenues !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Le péage, les formules d’indexation n’ont pas été inventés en 2005.
Que voulez-vous que nous fassions ?

M. François Ruffin
Demandez à Vinci de lever les barrières !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Voulez-vous qu’on n’entretienne plus les autoroutes,…

M. Jean-Philippe Tanguy
On va vous envoyer nettoyer les routes !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…qu’on ne finance plus le train ? (M. François Ruffin s’exclame vivement.)

M. le président
S’il vous plaît, chers collègues !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous êtes libres de voter une taxation sur les profits, comme nous l’avons fait concernant les produits énergétiques, avec la taxe d’aménagement du territoire. (M. François Ruffin continue de s’exclamer.) C’est pourquoi nous avons saisi le Conseil d’État, monsieur Ruffin, parce qu’il y a des règles, un cadre juridique et constitutionnel. Décréter des solutions sans en tenir compte permet de se faire plaisir, mais n’arrangera rien.

M. le président
Monsieur Ruffin, sincèrement, arrêtez de hurler. Nous vous avons écouté dans le silence comme vous devez le faire pendant les réponses du ministre délégué aux différents intervenants.
La parole est à M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES)
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à tout ce débat si ce n’est, monsieur le ministre délégué, que, oui, 31,5 milliards d’euros de surprofits, c’est un chiffre clair et net.
Je tiens, au nom de notre groupe, à vous dire que nous ne partageons pas l’idée, désormais assumée, de la faute originelle – réitérée en 2010, 2015 et 2017. Ce n’est pas la caractéristique des libéraux. De même que les majorités précédentes, vous avez fait un choix politique assumé jusqu’à aujourd’hui. Et ce choix politique, il est celui, ni plus ni moins, de réunir les conditions pour que les sociétés concessionnaires puissent dégager un profit maximum. Or, vous l’admettez désormais, le dépassement du seuil de tolérance est tel que la situation devient impossible à défendre, ce que vous constatez vous-mêmes désormais.
À votre invitation, nous attendons l’avis du Conseil d’État sur des procédures permettant à l’État et aux Français de reprendre leurs droits sur cet argent public. Nous attendons également le lancement des assises que vous nous promettez pour l’été. Reste que pour les députés communistes, de même que lors de la libéralisation du fret, seul un infléchissement de votre ligne politique pourra faire la différence, mais nous n’attendons pas grand-chose en la matière.

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je ne sais pas si l’intervention de M. Wulfranc comportait une invitation à lui répondre, mais je le ferai tout de même. Dans votre esprit, monsieur le député, notre ligne politique consisterait à tout libéraliser. Or, quand on examine les services publics et le taux de prélèvements obligatoires, on voit bien qu’on n’est pas dans un univers d’ultralibéralisme échevelé, soyons au moins d’accord sur ce point.

M. Hubert Wulfranc
Disons qu’il y a encore quelques points de résistance !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Et à supposer que ce soit le cas, il serait intéressant de rappeler qui était ministre des transports en 2000 et 2001, quand le processus de privatisation a été lancé…

M. David Valence
Eh oui !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Ce ministre, que j’ai rencontré récemment et pour lequel vous avez, je crois, le plus grand respect, n’a pas quitté le Gouvernement alors qu’il avait le droit de le faire… En tout cas, vous en conviendrez, il n’a pas été choqué au point de considérer que c’était une remise en cause du modèle social français. Et pour ce qui est du système des concessions en matière autoroutière, il date de 1955. Ne mélangeons donc pas tout. Nous pouvons débattre des profits, de la durée des concessions, de la nécessité ou non de les maintenir, de leur caractère public ou privé ; j’ai eu l’humilité d’admettre que je ne savais pas quelle était la bonne réponse pour l’éternité. On ne peut en tout cas pas avancer, parce que ce ne serait pas vrai, ni pour l’administration ni pour le Parlement ni pour les gouvernements des majorités successives, que nous serions soumis à un système sans contrôles, où les sociétés décideraient ce qu’elles voudraient en matière autoroutière – il n’y aurait alors pas d’investissements et pas de taxations.

M. le président
La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT)
On l’entend sur tous les bancs : force est de constater que les concessions d’autoroutes font l’objet de critiques à répétition qui, à ce jour, ne sont pas levées ; rien n’avance et, malgré les rapports parlementaires et ceux de l’IGF, malgré les travaux de l’Autorité de régulation des transports, très peu de recommandations – pour ainsi dire aucune – sont à ce jour mises en œuvre. La situation est telle que vous avez même annoncé la tenue d’assises des autoroutes d’ici à l’été.
Nous sommes ici nombreux à faire les mêmes constats, nos collègues venant de les rappeler avec force arguments : les contrats des concessions ont été mal anticipés, mal préparés, mal ficelés. Les engagements contractuels sont abîmés par une trop grande opacité des concessionnaires. En témoignent la difficulté à déterminer ce qui est financé dans le cadre des plans autoroutiers, les augmentations des tarifs péagers insuffisamment justifiés, la différence entre les investissements et les chiffres d’affaires sur laquelle s’interroge la Cour des comptes elle-même. Enfin, l’État ne semble tout simplement pas capable de se faire respecter.
À l’issue de ce débat lancé par le groupe Socialistes et apparentés, que je salue (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) , vous ne devez pas vous contenter une énième fois de vous interroger sur les difficultés à venir, mais apporter une réponse rapide. Monsieur le ministre délégué, le seul outil immédiat pour corriger les déséquilibres entre les concessionnaires, l’État et les usagers, c’est l’outil fiscal, celui dont vous disposez pour récupérer ces superprofits d’une indécence sans nom, excédant les 30 milliards d’euros. Cette possibilité vous avait d’ailleurs été proposée en février dernier par notre collègue Christine Pires Beaune. Dès lors, êtes-vous prêt à réexaminer cette solution avec bienveillance, dans l’attente d’une gestion publique des autoroutes que nous appelons de nos vœux ? (M. Gérard Leseul applaudit.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je l’ai dit : je n’ai pas de problème avec l’outil fiscal, qui n’est pas un tabou pour moi. Je rappelle que le secteur autoroutier acquitte 5 milliards d’euros de taxes – ce n’est pas rien –, dont le produit est utilisé pour financer le budget de l’État, notamment la politique des transports. On peut estimer qu’il faut aller plus loin, c’est un vrai débat. Je n’en note pas moins, sans fausse pudeur et sans timidité, que c’est la présente majorité qui a précisément, dans la loi de finances pour 2020, augmenté la taxe d’aménagement du territoire pour taxer davantage les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

M. Jean-Marc Zulesi
Eh oui !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Convenez que cet effort n’est pas si ancien qu’on ne puisse le souligner.
C’est Bruno Le Maire et moi-même qui saisissons le Conseil d’État pour savoir dans quelles conditions on peut prévoir – sans compensation, cela va sans dire – une taxation supplémentaire pour financer la transition écologique. Cet outil est celui du Parlement, et le Gouvernement fera dans les semaines à venir des propositions éclairées par les avis juridiques qu’il a sollicités. Nous devons examiner cette question avec sérénité et transparence.

M. le président
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

M. Belkhir Belhaddad (RE)
9,40 euros, voilà le tarif que déboursent actuellement de nombreux Mosellans pour faire un aller-retour entre Metz et Saint-Avold, deux communes distantes de 47 kilomètres – il ne s’agit que d’un exemple parmi tous ceux que chacun de nous ici peut citer.
Après une hausse de 2% en 2022, la nouvelle progression du prix des péages autoroutiers – 4,75% en moyenne –, entrée en vigueur au 1er février, soit en pleine période d’inflation, est une augmentation de trop, même si, vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre délégué, c’est à votre initiative qu’elle a été limitée.
Les Français qui nous regardent et que nous rencontrons n’acceptent plus que ces efforts ne pèsent que sur quelques-uns quand d’autres, notamment les quinze sociétés d’autoroutes privées, se partagent 3,3 milliards d’euros de dividendes. Le problème n’est pas qu’une entreprise soit rentable, bien au contraire, ni bien sûr que ces sociétés investissent massivement dans des infrastructures concédées alors que l’État mettrait beaucoup plus de temps à assumer l’ensemble des travaux de modernisation et de sécurisation des axes. Non, le problème est que malgré des bénéfices records, les concessionnaires continuent chaque année d’augmenter les tarifs des péages en expliquant qu’ils n’ont pas le choix pour être en mesure de maintenir leur niveau d’investissement.
Le présent débat ne peut que heurter l’opinion publique et nous conduire à nous réinterroger sur la refonte des contrats de concession. Je salue à cet égard l’initiative que vous avez annoncée tout à l’heure s’agissant de l’organisation d’un grand débat sur cette question. Et vous avez également raison de préciser que rien n’est gratuit.
Nous devons tirer les leçons des privatisations d’autoroutes et rompre avec les prolongations de concessions sans règles de modération des tarifs fixées par l’État et sans participation à la transition écologique. J’espère que ce principe prévaudra à l’avenir, notamment pour ce qui concerne la future autoroute A31 bis dans le nord de la Moselle.
Quelles mesures comptez-vous prendre sur ce dossier et plus généralement s’agissant des nouvelles concessions ?

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je commencerai par la fin de votre question. Vous savez l’importance que j’attache aux infrastructures dans votre département, confronté à des difficultés particulières en matière de transport : les frontaliers notamment ont besoin de nouvelles infrastructures ferroviaires et routières – les deux sont nécessaires. Comme vous le savez, nous avons lancé une concertation et des décisions de tracé de plusieurs sections de l’A31 bis doivent être prises prochainement.
Ce débat a également lieu dans le cadre de la revue que nous faisons des projets autoroutiers, car nous devons avoir un débat complet.

M. Jean-Philippe Tanguy
Ça fait dix fois !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Voulons-nous davantage de routes, et singulièrement plus d’autoroutes, et, si oui, comment les financer ? Vous le savez très bien, car j’en discute avec de nombreux élus, si on ne finance pas les concessions par les péages, on le fait par l’argent des collectivités et de l’État : il n’y a pas non plus de miracle en ce domaine.
Enfin, il y a la question, que vous avez posée à votre tour, des superprofits, des surprofits ou de la rentabilité excessive, suivant l’expression que l’on retient, des concessionnaires. Le problème est simple : qu’en fait-on ?
En premier lieu, il faut évaluer ces profits, ce qui n’est pas si simple. Je ne reviens pas sur ce point : il y a des réalités et des fantasmes. Si nous les taxons, nous affecterons le produit à des politiques publiques, notamment la transition écologique. Cela étant, et vous me pardonnerez de le dire si brutalement, il ne peut y avoir à la fois une taxe et une absence de péages : c’est l’un ou l’autre.
Il faut dire avec honnêteté aux Français que quand ils payent un péage, le montant finance certes un actionnaire, à qui il faut peut-être demander un effort par la taxe ou une baisse de péage – l’un ou l’autre –, mais il finance aussi l’investissement, l’entretien, voire la construction de nouvelles routes que certains, tel que vous venez de le faire au sujet de l’A31 bis , appellent de leurs vœux. Il faut avoir le courage de dire cette vérité. L’argent que l’on paye pour emprunter une autoroute sert en partie à rémunérer une société et en large, voire très large partie, et c’est heureux, à financer l’infrastructure que l’on utilise.

Mme Christine Arrighi
Disons qu’il devrait servir à ça !

M. Clément Beaune, ministre délégué
En définitive, si ce n’est pas l’usager qui paye par le péage, ce sera le contribuable.
J’ajoute que le tarif des péages augmente de manière encadrée, que j’ai limité les hausses – je vous remercie de l’avoir souligné – pour les personnes qui utilisent leur voiture au quotidien et qui n’auraient pu les absorber dans leur totalité, et que l’augmentation du prix des péages est moins importante que celle de l’inflation. Je le répète, nous pouvons demander des efforts aux sociétés concessionnaires d’autoroutes pour les années qui viennent, je suis d’accord avec vous sur ce point, mais ne disons pas que nous pouvons faire tout et son contraire.

Mme Christine Arrighi
C’est pour cela qu’il faut rénover les routes au lieu de construire de nouvelles autoroutes !

M. le président
La parole est à Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot (RE)
Vinci et Eiffage, les deux concessionnaires à la tête des deux tiers du réseau autoroutier, enregistrent une rentabilité très supérieure à ce qui était attendu, ce qui va à l’encontre du principe de rémunération raisonnable. Les deux groupes présenteraient en effet une rentabilité proche de 12%, soit un niveau très supérieur à celui ciblé par l’État lors de la privatisation du réseau en 2006. Ce n’est pas moi qui le dis, mais un rapport dont il a été beaucoup question ce soir – je n’y reviens pas.
De plus, les concessions autoroutières touchent environ 11 milliards d’euros par an en péages et continuent d’en augmenter les tarifs. Au 1er février 2023, le tarif des autoroutes a ainsi une nouvelle fois progressé de 4,75% en moyenne. Être profitable oui, mais être superprofitable sur le dos des automobilistes et des transporteurs captifs, ce n’est ni normal ni moral. Les auteurs du rapport auquel je fais référence recommandent donc un réalignement de la rentabilité.
Monsieur le ministre délégué, vous avez tracé un chemin pour les futures concessions : très bien ! À court terme, je suggère que ces sociétés s’engagent plus fortement dans la transition écologique.
Dans ma circonscription drômoise qui borde le Rhône, l’autoroute coupe la ville du fleuve. L’Europe du Sud et l’Europe du Nord se croisent sur ce segment, générant des superprofits, mais aussi des supernuisances. La solution, à terme, sera d’enfouir ou de recouvrir cet horrible ruban d’asphalte et de rendre le fleuve accessible aux riverains.
En attendant, le programme d’aménagement de la traversée de l’autoroute A7 à Valence est financé à hauteur de 50 %, pour un coût total de 25 à 30 millions d’euros. Il prévoit l’installation de murs ou d’écrans antibruit et antipollution le long de l’autoroute A7 à Valence et à Bourg-lès-Valence. Sont également prévues l’amélioration des traversées de l’A7 et la sécurisation des modes de transport doux. C’est une très bonne chose, mais il semblerait que le retard pris dans la signature du contrat de plan entre l’État et Vinci retarde les travaux nécessaires.
Quels sont les blocages à lever sur ce dossier, et combien de temps les riverains vont-ils attendre alors que les augmentations de tarifs, elles, n’ont pas attendu ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Clémence Guetté et M. François Ruffin applaudissent également.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je suis heureux que M. Ruffin applaudisse la perspective de la signature d’un contrat avec l’entreprise Vinci pour la réalisation de travaux, soit précisément ce que vous venez de demander, madame Clapot, et ce que de nombreux autres élus de la Drôme appellent de leurs vœux.

M. David Valence
Il ne savait pas ! Il n’écoute que lui, M. Ruffin !

M. François Ruffin
Mme Clapot veut une taxe sur les superprofits ! C’est ça que j’applaudis !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il faut être très clair sur ce qui est possible. Une discussion est en cours et il est parfois nécessaire de prévoir des avenants, car c’est par ce biais, et avec exigence, que négocient l’État et mon ministère avec les sociétés concernées – avenants qui, je le répète, font l’objet d’une vérification publique par l’Autorité de régulation des transports. C’est dès à présent, à court terme, et non en 2031 dans le cadre des nouveaux contrats potentiels, que nous pouvons obtenir des investissements dans la transition écologique ou, pour ce qui concerne l’A7 à Valence, dans la réduction des nuisances sonores très importantes ou des traversées urbaines, qui ne sont plus tolérées.
À cet égard, je serai très clair au sujet du projet que vous évoquez : je ne crois pas beaucoup à l’option de l’enfouissement, car cela représenterait des centaines de millions d’euros et aurait un coût écologique très élevé. En revanche, certains travaux pourront figurer dans le potentiel avenant en cours de discussion, et nous serons exigeants en la matière, en lien avec vous.
Il faut évidemment que les choses soient équilibrées. Je le redis, par souci de cohérence, nous ne souhaitons pas que les engagements des sociétés concessionnaires d’autoroutes soient un leurre et soient en quelque sorte payés ou compensés, comme nous l’avons trop souvent fait par le passé, par des extensions de contrat. Nous défendons cette exigence dans la négociation, raison pour laquelle elles demandent un peu de temps. Je n’oublie pas les préoccupations drômoises que vous me rappelez à juste titre régulièrement : je pourrais en témoigner auprès de vos administrés.

M. le président
La parole est à M. Alexis Izard.

M. Alexis Izard (RE)
La problématique que le débat de ce soir me permet de soulever, ce qui a déjà été fait de nombreuses fois par le passé, dans cette assemblée comme au Sénat, sous cette législature comme sous les précédentes, concerne un enjeu considérable pour le pouvoir d’achat de nombreux Franciliens : je parle du coût que représente la circulation sur l’autoroute A10 au quotidien pour les Français qui travaillent. Très concrètement, le péage de Dourdan, dans ma circonscription, coûte 1,70 euro par passage, soit 3,40 euros pour un aller-retour. Je vous épargne le calcul sur une année : ce sont plusieurs centaines d’euros qui sont dépensés par certains Franciliens, en plus du prix du carburant, uniquement pour se rendre sur leur lieu de travail.
Ainsi, certainement comme de nombreux collègues élus locaux et nationaux avant moi, je me demande si le présent débat ne serait pas le bon moment pour réfléchir à des solutions intelligentes pour le pouvoir d’achat des usagers, mais aussi pour l’emploi.

Mme Christine Arrighi
Supprimons les autoroutes !

M. Alexis Izard
Enfin, je profite des quelques secondes qu’il me reste pour vous interroger également sur le statut des patrouilleurs d’autoroutes. Ces agents surveillent, entretiennent et sécurisent les tronçons d’autoroute, avec des missions pouvant présenter des risques importants, même lorsque les règles de sécurité sont strictement respectées. Pourtant, cette profession n’est pas considérée à risque et certains agents s’interrogent à l’approche des négociations à venir relatives à la pénibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme Christine Pires Beaune
Eux aussi vont devoir travailler deux ans de plus !

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Pour bien connaître votre département, où je vous ai rendu visite à plusieurs reprises, je sais l’impatience qu’il peut y avoir lorsqu’à des péages jugés élevés s’ajoute une ligne ferroviaire défaillante. À cet égard, disons-le clairement, je préfère que nous investissions en priorité sur ce dernier élément.
J’ai demandé et obtenu des sociétés concessionnaires d’autoroutes, y compris pour ce qui concerne la section que vous avez évoquée autour de Dourdan, que les abonnés, c’est-à-dire les personnes contraintes d’emprunter une section autoroutière pour aller travailler et qui font plus de dix allers-retours par mois, bénéficient d’une réduction de 40%, ramenant le prix du passage à 1 euro. J’ai conscience que ce n’est pas rien, mais cette réduction permet néanmoins de diviser le coût du péage presque par deux. J’ajoute qu’avec votre concours, nous continuerons, comme je m’y suis engagé en venant à Saint-Chéron, à travailler à l’amélioration de la desserte ferroviaire.
Par ailleurs, la question des patrouilleurs me tient beaucoup à cœur, car il s’agit d’un métier négligé.

Mme Clémence Guetté
Deux ans de plus pour eux aussi !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il est exercé par des agents des routes de mon ministère, c’est-à-dire par des agents publics, mais aussi par des employés d’entreprises privées. J’étais avec eux il y a encore quelques jours, et je vous conseille d’également aller à leur rencontre. C’est un métier qui, indépendamment des considérations d’âge, est pénible et à risque.

Mme Clémence Guetté
Deux ans de plus !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Plusieurs décès ont été à déplorer au sein de cette profession au cours des derniers mois en raison des nombreuses incivilités, de l’insécurité et du manque de respect sur les routes.
Ces personnes nous protègent et, pour qu’elles soient elles aussi protégées, nous mènerons des campagnes d’information et de sensibilisation – c’est important –, mais aussi de sanctions. Ceux qui ne respectent pas ce qu’on appelle le corridor de sécurité alors qu’un patrouilleur est en mission sur la route pour dégager un animal, pour répondre à un accident, voire pour sauver quelqu’un, sont désormais sanctionnés – depuis cinq ans – d’une très forte amende. Cette sanction est trop peu connue et, en collaboration avec le ministère de l’intérieur, nous renforcerons les contrôles.
Nous demanderons également que dans le cadre des négociations de branche – car, comme je l’ai dit, une partie des patrouilleurs sont des agents privés –, soient discutées la possibilité d’offrir une meilleure protection à ces salariés, ainsi que la reconnaissance des difficultés et des risques inhérents à ce métier. J’ai moi-même engagé ce travail avec les organisations syndicales au sein de mon ministère s’agissant des agents des directions des routes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

Mme Christine Arrighi
110 kilomètres à l’heure sur les autoroutes ! Il suffit de voter l’amendement !

M. le président
La parole est à M. Kévin Mauvieux.

M. Kévin Mauvieux (RN)
En préambule, je tiens à revenir sur ce que vous avez dit dans votre propos liminaire, monsieur le ministre délégué. Réagissant au discours de mon collègue Tanguy, vous avez affirmé que Marine Le Pen ne souhaitait pas revenir sur les concessions, qu’elle ne l’avait écrit nulle part. Or ce n’est pas parce qu’on ne mentionne pas le mot « concessions » que la nationalisation que nous souhaitons ne le prévoit pas et que l’État ne récupérerait pas à sa main la gestion des autoroutes si elle était menée à bien. Cet élément, vous le retrouverez dans nos programmes de 2012, 2017 et 2022. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Nicolas Dragon
Bravo !

M. Jean-Philippe Tanguy
C’est un peu subtil pour vous !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Quand ce n’est pas écrit, c’est sûr que c’est plus difficile !

M. Kévin Mauvieux
Pour revenir sur l’historique, en 2015, c’est bien le gouvernement socialiste, donc par extension et actualisation la NUPES, avec M. Macron, Mme Borne, M. Kohler et Mme Royal en dignes et honnêtes dirigeants français,…

Mme Clémence Guetté
Ce n’est pas tout à fait la NUPES !

M. Kévin Mauvieux
…qui a signé l’accord autoroutier visant à l’origine à relancer le BTP – bâtiment et travaux publics –, pour un montant de 3,2 milliards d’euros. Ce plan a prolongé les concessions autoroutières en échange de dépenses de la part des sociétés concessionnaires.
Selon un rapport de la Cour des comptes, cette prolongation aurait surtout permis aux actionnaires d’obtenir 15 milliards d’euros de dividendes supplémentaires. Quelle ironie de constater que ce sont les prétendus défenseurs du peuple, la NUPES et la Macronie – Macronie qui, j’insiste, est en quelque sorte issue de la NUPES –,…

Mme Karen Erodi
C’est d’un ridicule !

M. Kévin Mauvieux
…qui ont fait en sorte que le peuple soit racketté en 2015.
Plusieurs mesures sont proposées par ce rapport de la Cour des comptes : raccourcir la durée des concessions, alors que Marine Le Pen et le RN, je l’ai dit en introduction, souhaitent la nationalisation des autoroutes depuis bien longtemps ; diminuer les tarifs des péages, ce qui, dans un contexte de superinflation et de diminution du pouvoir d’achat, tomberait sous le sens ; ou encore prélever l’excédent brut d’exploitation des sociétés concernées, c’est-à-dire taxer leurs superprofits, comme cela a été maintes fois proposé, notamment par le Rassemblement national. Le parti socialiste a retiré de sa dernière niche parlementaire un texte qui le proposait : pour ce qui nous concerne, nous sommes cohérents et continuons de vouloir taxer les superprofits.
Ma question sera donc simple : quelles mesures concrètes envisagez-vous pour mettre un terme au gavage excessif des actionnaires sur le dos des Français et pour assurer une gestion plus équitable et transparente des concessions d’autoroutes à l’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
C’est un raisonnement intéressant de considérer que ce qui n’est pas écrit est tout de même proposé par Marine Le Pen : cela pourrait nous mener assez loin. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous avez cité le rapport de la Cour des comptes, mais en occultant une partie des exigences…

M. Kévin Mauvieux
Nationalisation ! C’est écrit !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il est écrit " nationalisation ", mais la suppression des concessions, ce n’est pas la même chose. Nous pourrions avoir un long débat sur ce sujet : vous conviendrez que ce n’est pas la même chose.

M. Jean-Philippe Tanguy
Nous n’en convenons pas du tout !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Le rapport mentionne le raccourcissement de la durée des concessions. Vous pouvez vérifier page après page : il s’agit bien d’une option, pouvant être considérée pour les contrats en cours ou à venir, et non d’une préconisation. L’Autorité de régulation des transports l’a proposé et nous avons saisi, avec Bruno Le Maire, le Conseil d’État pour avis. Vous m’avez interrogé sur les pistes, en voilà une que nous examinons. Dans notre pays, nous signons des contrats tous les jours – vous avez d’ailleurs vous-même peut-être signé un contrat immobilier ou un contrat de crédit – et nous avons besoin de la certitude que les contrats seront respectés. Nous vous communiquerons, en toute transparence, la teneur de l’avis du Conseil d’État.
Le rapport ne mentionne pas la baisse du prix des péages : il souligne simplement que, si les conditions actuelles de financement des sociétés concessionnaires d’autoroutes avaient été retenues, ce prix pourrait être aujourd’hui moins élevé. Il ne préconise pas la baisse du prix des péages dans le cadre des contrats actuels, mais je m’emploie à la favoriser. J’ai ainsi mentionné dans ma réponse au député Izard une réduction de 40 % du prix du péage pour ses abonnés, ce qui représente une économie de plusieurs centaines d’euros par an. Ce n’est pas rien !

M. Jean-Philippe Tanguy
Vous êtes trop aimable ! Merci, mon bon seigneur !

M. Clément Beaune, ministre délégué
J’essaye de trouver des solutions pragmatiques. Vous pouvez toujours dire aux gens que tout sera gratuit et que, bientôt, ils ne paieront plus d’impôt, mais ce n’est pas la vérité.

M. Kévin Mauvieux
Nous n’avons jamais parlé de gratuité !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il faut savoir comment les propositions sont financées.
Vous avez parlé d’un prélèvement sur l’excédent brut d’exploitation en le qualifiant de taxation. Nous l’avons déjà fait et nous sommes prêts à le refaire, face à des situations favorisant des profits paraissant excessifs. C’est la prérogative du Parlement et le projet de loi de finances pour 2023 le prévoyait d’ailleurs dans certains cas, mais vous ne l’avez pas voté.

M. Jean-Philippe Tanguy
Personne ne l’a voté à cause du 49.3 !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Attendons donc l’avis du Conseil d’État qui devrait être rendu dans les prochaines semaines. Nous vous en communiquerons la teneur.

M. le président
La parole est à M. Kévin Pfeffer.

M. Kévin Pfeffer (RN)
Les concessionnaires d’autoroutes réalisent des superprofits insupportables sur le dos des Français et plus particulièrement sur ceux qui doivent s’acquitter chaque jour d’une véritable dîme pour utiliser des infrastructures qu’ils avaient déjà payées par leurs impôts.
En Moselle, qui est décidément à l’honneur ce soir, les habitants de l’est du département, que je représente ici – des ouvriers, des employés, des étudiants ou des personnes souhaitant faire une démarche administrative – subissent, parfois quotidiennement, les 9,40 euros du trajet aller-retour du péage de Saint-Avold pour se rendre à Metz, préfecture de leur département. Cette somme peut représenter jusqu’à 200 euros par mois, soit l’équivalent de 15% du Smic ! Une telle situation se répète dans des dizaines de départements métropolitains.
Comment pouvez-vous continuer à cautionner ce racket, alors que les sociétés d’un secteur où règnent Vinci, Eiffage et Sanef, filiale du groupe Abertis, ont réalisé plus de 3,9 milliards de bénéfice en 2021 – soit, en moyenne, 430 000 euros par kilomètre exploité – et qu’elles ont, cette même année, versé 3,3 milliards à leurs actionnaires.
En plus de ces mégaprofits, les usagers se voient imposer des hausses de prix chaque année au 1er février, avec votre bénédiction. Certains péages, comme ceux de Saint-Avold ou de Farébersviller dans mon département, ainsi que des dizaines d’autres en France, sont injustes : ils enclavent certaines parties de notre territoire, dissuadent des investisseurs, ralentissent le développement économique et pénalisent les travailleurs. Ils participent à ce racket que les Français ne supportent plus.
Vivement la fin de ces concessions, vivement l’arrivée de Marine Le Pen à la présidence de la République…

M. Frédéric Mathieu
On n’attend que ça !

M. Kévin Pfeffer
…pour renationaliser ces biens volés aux Français.
Dans cette attente, le Gouvernement pourrait-il enfin étudier la cartographie des péages sur nos autoroutes et analyser les prix au kilomètre parfois abusifs de certains tronçons afin d’imposer l’abandon de ces péages injustes qui pénalisent quotidiennement et fortement nos territoires, dont ma circonscription de Moselle fait partie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous évoquez le niveau des péages sur certains axes en Moselle, que je connais bien. Soyons cohérents. J’ai consulté de nombreux élus de la Moselle et du Grand Est – notamment à propos de l’A31 bis que nous venons d’évoquer – sur le financement de nouvelles infrastructures. Je leur ai alors demandé s’ils préféraient faire contribuer l’État et les collectivités locales ou passer par une concession, avec péage. Leur réponse a été unanime en faveur de la concession et du péage.
Nous pouvons discuter du niveau des péages. Je viens de parler de certaines solutions telles que la taxation ou la réduction pour les abonnés. Nous devons la vérité aux Français. Dans le monde de Marine Le Pen, les choses paraissent plus faciles, mais je ne sais pas comment financer une infrastructure sans aucun financement, ni par l’impôt ni par le péage.

M. Jean-Philippe Tanguy
Et c’est reparti !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Depuis le début de ce débat, vous parlez d’oligarchie et de rente – il est vrai que vous vous y connaissez –, mais il faut dire la vérité aux gens, et la vérité est qu’il n’existe pas de recette miracle.

M. François Ruffin
80 % des profits vont aux actionnaires !

Mme Clémence Guetté
85 % !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je rappelle que les élus du Rassemblement national ont défendu l’idée du péage pour financer l’A31 bis .
Vous m’interrogez sur la cartographie. Je suis prêt à l’étudier, segment par segment et secteur par secteur, avec chaque élu qui me le demande, pour voir si certains péages au kilomètre seraient particulièrement élevés. Au-delà de la question générale, dont nous avons déjà abondamment débattu, je me tiens à votre disposition pour cet examen particulier.

M. le président
La parole est à Mme Clémence Guetté.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES)
La privatisation des autoroutes est une gabegie financière. Mes collègues l’ont démontré tout au long de la soirée. Les concessionnaires ont réalisé 3,9 milliards de profits en 2021, dont 85 % ont été versés directement dans les poches des actionnaires. Le montage financier des concessions est aberrant : vous taxez les sociétés d’une main pour leur rendre l’argent de l’autre.
Pire que la gabegie financière est la catastrophe écologique que ce modèle entretient. Alors qu’en Allemagne, tout le monde peut désormais utiliser les transports en commun pour 49 euros par mois, vous avez, depuis 2017, fermé plus de 100 gares, vous avez permis l’augmentation de 5 % du prix des péages – de quoi ruiner des automobilistes déjà étranglés par le prix de l’essence à 2 euros le litre – et vous mettez en place les fameuses ZFE, zones à faibles émissions, sans donner aux automobilistes la moindre solution alternative.
Notre assemblée avait pourtant voté, dans le cadre du dernier projet de loi de finances, des crédits pour le ferroviaire à hauteur de 3 milliards, mais vous les avez annulés par le 49.3. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.) Vous aviez alors dénoncé ce vote en disant que les milliards volaient en escadrille. Aujourd’hui, pour les autoroutes, cela ne semble plus vous déranger.
Les péages représentent 11 milliards par an. Avec une telle somme, on pourrait faire beaucoup. Je vous suggère quelques exemples : 5 milliards par an pour moderniser l’ensemble du réseau ferré à la hauteur des besoins ; 1 milliard par an pour augmenter le nombre de trains afin de rendre ce mode de transport vraiment attractif pour les gens ; 250 millions par an pour garantir la gratuité du TER (transport express régional) pour les plus jeunes.
Entendez les alertes et prenez en compte les mobilisations, comme celle qui a eu lieu il y a deux semaines contre l’autoroute inutile entre Castres et Toulouse. Ce week-end, nous serons à nouveau des milliers pour dire non au faussement nommé contournement est de Rouen et nous opposer au sacrifice de 516 hectares de forêts, d’espaces naturels et de terres agricoles.
Malgré tous vos efforts, le vieux monde et son modèle se meurent. Vous nous avez parlé ce soir d’une taxe sur les superprofits que vous semblez découvrir. Donnez-nous donc des chiffres : quel sera le montant de cette taxe qui nous sera proposée à l’automne prochain ? Combien consacrerez-vous au ferroviaire et à la transition écologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je ne vous poserai pas de question, car ce n’est pas mon rôle, mais je souhaite souligner les incohérences entre vos différents groupes.

Mme Clémence Guetté
Au passage, n’oubliez pas de répondre à mes questions !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Vous avez critiqué les zones à faibles émissions alors qu’elles sont une revendication des écologistes, y compris de maires de métropole. Ces revendications me semblent justes, et je défends moi-même ce dispositif. Votre collègue Alma Dufour a protesté contre la ZFE de Rouen, qui est pourtant défendue par vos collègues socialistes et écologistes.
Vous préconisez la sortie du tout-voiture pour passer au ferroviaire et vous dénoncez le prix insupportable du carburant. Si les énergies fossiles et les carburants ne sont pas taxés, je ne vois pas comment réaliser la transition écologique.

Mme Clémence Guetté
C’est une écologie populaire, qui ne frappe pas toujours les mêmes, qu’il faut mettre en œuvre !

M. Clément Beaune, ministre délégué
L’écologie populaire, ce n’est pas de la magie. Il faut la financer !

Mme Clémence Guetté
Ce sont des choix politiques !

M. le président
Madame Guetté, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Examinons l’hypothèse où la taxation des profits des concessionnaires d’autoroutes serait intégrale. Il faut choisir : vous ne pouvez pas à la fois assurer la gratuité des autoroutes et financer la transition écologique. On ne peut pas dépenser le même euro deux fois ! Ce ne sont pas des choix politiques, c’est de l’arithmétique.

Mme Clémence Guetté
Vous, vous allez prendre combien ? Vous ne répondez pas à ma question !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je constate que l’honnêteté intellectuelle fait défaut à votre expression politique. Il n’est pas possible d’assurer la gratuité des autoroutes tout en finançant la transition écologique et le report modal. Expliquez-moi comment cela peut marcher, car je n’ai pas trouvé de modèle où on peut tout faire à la fois.

M. François Ruffin
Vous voulez un débat sans dialectique ni contradiction !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Soit vous défendez les ZFE ou les concessions d’autoroute, soit vous vous y opposez, mais vous ne pouvez pas faire les deux à la fois.

Mme Clémence Guetté
Je ne fais pas les deux à la fois, j’ai choisi !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Les chiffres sont très précis, mais vous ne les avez peut-être pas entendus lorsque Mme la Première ministre les a présentés dans l’hémicycle, car M. Ruffin crie parfois un peu fort. Je les rappelle donc : 100 milliards d’investissement dans le ferroviaire sur les quinze prochaines années.
Je réponds à chacune de vos questions : les crédits affectés au réseau ferroviaire chaque année augmenteront de 50% à partir de 2027. Cet investissement est très important et nous en avons d’ailleurs débattu avec Mme Christine Arrighi. C’est l’une de vos revendications.
Vous aurez l’occasion de voter une taxe après que le Conseil d’État ait rendu son avis sur ce qui peut être considéré comme une rentabilité excessive dans les contrats actuels de concession. Sans cette évaluation, je ne peux vous communiquer de montant, mais il pourra être très important. Je rappelle que le montant versé au titre de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) approchait le milliard d’euros. Nous parlons donc de plusieurs centaines de millions, voire des milliards, pour l’année qui vient.

M. le président
La parole est à Mme Karen Erodi.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES)
Alors que les sociétés concessionnaires d’autoroutes font des superprofits sur le dos des citoyens et des citoyennes avec l’argent public, nous vous demandons d’être transparent et honnête sur les conditions des nouveaux contrats passés entre l’État et ces sociétés privées.
Mes demandes, formulées par courrier et lors d’une séance de questions orales sans débat, pour obtenir la communication de l’intégralité du contrat passé avec le concessionnaire Atosca, filiale du groupe NGE, étant restées sans réponse, je me permets de la réitérer. Ce contrat, concernant l’autoroute A69 reliant Toulouse et Castres, a été signé pour une durée de cinquante ans, soit un demi-siècle ! Ce concessionnaire est déjà le grand gagnant de l’affaire, car l’État lui cède des équipements publics évalués à 75 millions et déjà payés par les Français.
Au vu du faible trafic de cet axe, cette autoroute sera déficitaire. Qui comblera le déficit ? Vous devez à la représentation nationale de lever l’opacité qui entoure ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Christine Arrighi applaudit également.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Nous devrions pouvoir débattre sereinement, sans que vous vous sentiez obligés de crier au complotisme et à l’opacité. On peut être pour ou contre un projet d’autoroute, qu’il s’agisse de l’A69 ou d’un autre projet…

Mme Karen Erodi
Soyez honnête, ce n’est pas ça !

M. Clément Beaune, ministre délégué
En sous-entendant que le contrat était caché, vous avez dit quelque chose de grave. En tant que parlementaire, vous savez bien que tous les contrats de concession sont publics : ils sont publiés au Journal officiel de la République française après un décret en Conseil d’État. Vous pouvez donc y consulter le contrat passé avec Atosca, comme ceux passés avec d’autres concessionnaires.
Pour des raisons de volumétrie, les annexes peuvent ne pas être toutes publiées au Journal officiel…

Mme Karen Erodi
Ah !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…mais elles sont consultables dans leur intégralité sur demande adressée au ministère des transports, a fortiori si celle-ci émane d’un parlementaire. Je vous y invite, mais vous pouvez d’ores et déjà commencer la lecture du contrat lui-même, qui se trouve en ligne sur le site du Journal officiel de la République française.

Mme Karen Erodi
Ma demande remonte à 2022, et j’attends toujours !

M. le président
La parole est à Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette (Dem)
Je tiens à remercier les députés socialistes d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur les superprofits réalisés par les concessionnaires d’autoroutes.
Il me permet d’aborder le sujet du bien vivre à la campagne, où la voiture reste souvent l’unique moyen de transport quotidien des habitants. Je suis intervenue sur ce sujet il y a deux mois, à l’occasion d’une question au Gouvernement.
Le Canard enchaîné a révélé le montant des immenses profits des concessionnaires. Certains se sont employés à jouer sur les mots, mais ce qui est sûr, c’est que des fonds bien plus importants que prévu ont été perçus grâce aux tarifs autoroutiers. Un concessionnaire assume d’ailleurs la suite : l’augmentation se poursuivra.
Or la revalorisation annuelle des tarifs se fait au détriment de zones déjà défavorisées par l’éloignement et par une moindre densité des réseaux de transport. C’est le cas en Sud Gironde, dont je vous ai déjà parlé : Langon est la seule sous-préfecture de Gironde à partir de laquelle il faut payer pour rejoindre Bordeaux et sa métropole par autoroute. Il faut activer le levier de la taxation des superprofits si cela permet de remédier à cette situation.
Les députés du groupe Démocrate sont très à l’aise avec l’idée d’une participation accrue à l’intérêt collectif de la part de ceux qui ont réalisé des profits très élevés du fait de la pandémie ou de la guerre en Ukraine.
Lors de la préparation des futurs contrats avec les concessionnaires d’autoroute, l’État devra tirer les leçons de cette situation si déséquilibrée. N’est-il pas raisonnable de penser que la hausse des superprofits des concessionnaires est incompatible avec le prix que payent les Français pour circuler en vertu d’un droit inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Le Gouvernement a déjà négocié longuement avec les sociétés d’autoroutes des gestes à l’égard des abonnés et il faut vous en rendre grâce. La communication des entreprises concernant ces coups de pouce reste en revanche très timide. Pourquoi ne pas les inciter à plus de visibilité ?

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Je suivrai avec vous la question de Langon.
Nous avons effectivement négocié et obtenu des remises importantes, notamment pour les véhicules électriques, dont le tarif n’augmentera pas cette année, c’est important pour la transition écologique, ainsi que pour les abonnés utilisant la voiture quotidiennement, qui bénéficieront d’une remise de 40 %. Je profite de l’occasion qui m’est donnée ce soir pour assurer la publicité de ces mesures. Nous demanderons également aux sociétés concessionnaires de mieux les faire connaître, même si celles concernant les abonnés s’appliquent automatiquement.
Enfin, vous avez évoqué à juste titre des pistes, face au constat, partagé, des importants profits des sociétés d’autoroutes et de leur bonne situation financière.
Une telle situation, qui n’était pas prévue au début des années 2000, ne s’explique pas par l’évolution des tarifs qui, eux, ont été fixés par contrat. D’ailleurs, la formule est restée la même, que la gestion soit publique ou privée : il y a toujours eu des droits de péage, dont le montant a évolué avec l’inflation – moins rapidement qu’elle, d’ailleurs.
En réalité, le débat récent sur le taux de rentabilité des sociétés privées concessionnaires d’autoroute et son évaluation s’explique par les conditions financières dans lesquelles ces sociétés ont pu financer leurs investissements par la dette au cours des quinze à vingt dernières années : celles-ci sont incontestablement meilleures que celles envisagées en 2005 – Bruno Le Maire l’a également reconnu lors de l’audition à laquelle nous avons participé conjointement.

Mme Christine Arrighi
Faute avouée n’est pas pardonnée !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Là est l’origine du présent débat sur la fiscalité, le niveau des péages et la contribution des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Je ne vous infligerai pas la redite de toutes les pistes que j’ai évoquées précédemment.

M. le président
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan (NI)
Monsieur le ministre délégué, reconnaissez que depuis 2006 au moins, je me bats contre cette escroquerie d’État qui ne peut pas être simplement liée à l’incompétence. Tous les rapports – ceux de la Cour des comptes, de l’Autorité de la concurrence, du Sénat et maintenant celui de l’IGF et du CGEDD – dénoncent un cadeau hallucinant à des sociétés privées qui rackettent les Français sur la voie publique qu’ils ont financée, sur des tronçons d’autoroute amortis depuis longtemps.
Vous avez caché ce rapport pendant deux ans, mais n’avez pu le faire plus longtemps. De fait, il montre qu’avec 3,2 milliards d’investissements et 15 milliards de dividendes, les sociétés concernées ont dégagé une sacrée marge. Qui était à la manœuvre ? Comme par hasard, c’étaient MM. Macron et Kohler – ce dernier a été mis en examen –, ainsi que Mme Borne, qui avait pantouflé chez Eiffage ! Bravo ! Voilà la république exemplaire de la Macronie. Ces pratiques semblent relever davantage de la Haute Cour de justice que de l’incompétence – il faudra un jour en tirer les conséquences.
Ce soir, nous avons tous compris que vous ne voulez rien changer. Vous trouvez toujours des excuses et restez absolument insensible aux difficultés rencontrées par les Français qui versent 10 ou 20% du Smic pour aller travailler. Les actionnaires ont empoché 4 milliards d’euros de profit alors que nos concitoyens souffrent, mais vous n’en avez rien à faire.

M. François Ruffin
Exactement !

M. Nicolas Dupont-Aignan
En vérité, vous éludez le débat. Vous savez très bien que l’IGF a recommandé de mettre fin à ces concessions en vertu de la jurisprudence " commune d’Olivet " du Conseil d’État, au nom de l’intérêt général et en raison du surprofit dégagé par ces sociétés. Vous pourrez le faire en 2026 et le prévoir dès maintenant.
Il vous serait également possible de vous inspirer de ma proposition de loi visant à la réappropriation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, déposée le 3 novembre 2021. Je vous la transmets, afin que les Français se réapproprient un bien qui leur a été volé, à cause des instrumentalisations, des manipulations d’une oligarchie qui se protège et que vous protégez.

M. François Ruffin
Exactement, vous la protégez !

M. Nicolas Dupont-Aignan
Voilà le fond du problème, qui est extrêmement grave : vous nous baladez depuis tout à l’heure.
En réalité, il serait tout à fait possible de mettre fin aux concessions et de rendre les autoroutes publiques. Il reviendrait ensuite à la représentation nationale de décider de l’allocation des produits du péage. Le Parlement pourrait également choisir d’abaisser ou de supprimer ces droits sur les seuls tronçons déjà amortis, en finançant les nouvelles autoroutes par de nouveaux péages. Il pourrait enfin les supprimer intégralement, comme c’est le cas, je le rappelle, en Allemagne, en Bretagne ou en Île-de-France,…

M. le président
Je vous remercie.

M. Nicolas Dupont-Aignan
…et taxer les camions, notamment étrangers, qui traversent la France, pour financer l’entretien des autoroutes – celui-ci ne coûtant que 1 milliard par an, alors que nous en payons 11. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Même à cette heure tardive, si l’expression de désaccords est légitime, je n’accepte pas les insinuations.

M. François Ruffin
Ce ne sont pas des insinuations, mais des affirmations !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Monsieur Ruffin, nous avons bien compris que vos positions étaient désormais plus proches de celles de M. Dupont-Aignan que de celles de n’importe qui d’autre dans cet hémicycle, par une étrange bascule de l’histoire.

M. François Ruffin
Je suis d’accord avec lui pour pointer la protection que vous apportez aux puissances financières de ce pays !

M. le président
Chers collègues, terminons ce débat dans le calme. Seul M. le ministre délégué a la parole.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il serait précieux, à cette heure, que M. Ruffin nous permette de nous exprimer de temps en temps.
Monsieur Dupont-Aignan, vous mentionnez la Haute Cour de justice et vous nous accusez de copinage avec l’oligarchie – renseignez-vous auprès de vos amis du Rassemblement national sur ce type de pratiques, qu’ils connaissent bien. Mais si vous disposez d’informations judiciaires, saisissez donc la justice !

M. Jean-Philippe Tanguy
Très bonne idée, je le ferai dès demain !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Très bien, allez-y, monsieur Tanguy. Pour ma part, je ne plaisante pas avec ces choses-là.

M. le président
Chers collègues, terminons calmement ce débat.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Il est très grave d’insinuer, comme vous le faites depuis le début de la soirée.

M. Nicolas Dupont-Aignan
Je n’insinue pas. C’est soit de l’incompétence, soit de l’escroquerie.

M. Clément Beaune, ministre délégué
Si vous souhaitez exprimer des désaccords, débattons calmement – sachant que ce ne sera pas moi, mais vous, parlementaires, qui déciderez à la fin de la taxation des sociétés d’autoroutes.

M. Jean-Philippe Tanguy
Avec vous, c’est le 49.3 qui décide !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Monsieur Dupont-Aignan, qui m’accusez-vous de protéger, en réalité ? Depuis deux heures, je vous réponds, question après question, calmement, avec précision – reconnaissez-le. De même, M. Le Maire et moi-même avons répondu avec précision aux questions des commissaires aux finances et à celles des commissaires au développement durable et à l’aménagement du territoire. Si vous souhaitez un entretien de deux heures et demie sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, je suis prêt à un tel échange,…

M. Nicolas Dupont-Aignan
Très volontiers !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…mais n’insinuez pas, ne mentez pas. Ne prétendez pas au monopole du cœur,…

M. François Ruffin
Oh là là !

M. Clément Beaune, ministre délégué
…comme si vous seul protégiez le pouvoir d’achat des Français et comme si nous-mêmes n’en avions rien à faire. C’est insupportable et ce n’est pas vrai.

M. Nicolas Dupont-Aignan
C’est la réalité !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Restons calmes, précis et respectueux. N’opposez pas ici défenseurs du peuple et protecteurs de l’oligarchie ; ce n’est pas la réalité.
J’ai été élu comme vous député de la République et siégerai peut-être ici demain, comme vous. Monsieur Tanguy, aucun électeur français ne vaut moins qu’un autre, vous me l’accorderez, de même qu’aucune opinion politique ne vaut moins qu’une autre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

Mme Clémence Guetté
Ce n’est pas la question !

M. Clément Beaune, ministre délégué
Pour ma part, je réponds précisément, sans invoquer la Haute Cour de justice ni vous accuser de défendre l’oligarchie.

M. le président
Voulez-vous bien conclure, monsieur le ministre délégué ?

M. Clément Beaune, ministre délégué
Ces thèmes n’ont pas leur place dans un débat parlementaire serein.

M. François Ruffin
Si, cela s’appelle la lutte des classes et ces discours ont leur place dans l’hémicycle !

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 5 mai 2023