Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Charlotte CAUBEL, bonjour.
CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être là, secrétaire d'État chargée de l'Enfance. On est ensemble pendant 20 minutes, pour une interview en partenariat avec la Presse régionale, représentée par Christelle BERTRAND, du groupe La Dépêche. Bonjour Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane. Bonjour Charlotte CAUBEL.
CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.
ORIANE MANCINI
On a évidemment beaucoup de dossiers liés à l'enfance, à la petite enfance, à voir avec vous, mais d'abord, quelques mots de politique, puisqu'on a appris hier que la Commission, la présidente de la Commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale, qui est donc membre de la majorité présidentielle, a saisi Eric COQUEREL, le président de la Commission des Finances, sur la recevabilité de la proposition de loi du groupe Liot pour abroger la réforme des retraites. Est-ce que la majorité présidentielle, l'exécutif vont tout faire pour que ce débat n'ait pas lieu ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, je crois quand même que cette proposition de loi, il faut le dire, elle est absolument inacceptable politiquement, puisqu'elle vient potentiellement annuler 175 heures de débat, donc, en ce sens, la majorité est quand même contre le principe même qu'une proposition de loi vienne annuler tous les débats qui ont eu lieu autour de ça, et puis, évidemment, on a un gros sujet autour de l'impact de cette loi, notamment en matière de finances publiques, puisque, tranquillement, elle efface, enfin, elle impose 12 milliards d'euros de plus de dépenses dans notre pays. Donc oui, on fera tout pour que ce débat n'ait pas lieu, il est illégitime politiquement, techniquement, et il met en danger à nouveau nos finances publiques.
CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce que vous ne craignez pas que ça jette à nouveau de l'huile sur le feu, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux que ce débat ait lieu à l'Assemblée, puisque, vraisemblablement, de toute manière, le Sénat ne votera pas le texte, de manière à permettre un dernier débat ?
CHARLOTTE CAUBEL
Vous avez compris quand même que l'opposition cherche… a cherché à complètement phagocyter, "embolir" le débat, et maintenant, cherche à rouvrir un débat qui a eu lieu, donc on peut continuer avec ce débat à faire tout pour faire en sorte de déterminer qu'il n'ait pas eu lieu, en réalité, ce débat a eu lieu, on le redit, il y a eu 175 heures de débat au total…
ORIANE MANCINI
Mais les oppositions disent : on n'a pas voté à l'Assemblée nationale…
CHARLOTTE CAUBEL
Très bien, mais parce que justement, elles se sont elles-mêmes retrouvées prises à leur propre jeu, avec, je le rappelle, un tombereau d'amendements qui ont bloqué les délais et qui ont fait que, effectivement, on est passé au 49.3. Mais est-ce que, objectivement, on peut concevoir dans ce pays qu'une loi qui a été adoptée, validée par le Conseil constitutionnel soit totalement remise en cause par une proposition de loi d'un seul groupe, qui vient, par ailleurs, je le répète, non seulement, revenir sur le principe de la loi, mais augmenter sensiblement les dépenses de l'État.
CHRISTELLE BERTRAND
Donc je repose ma question, vous ne craignez pas que ça jette de l'huile sur le feu à nouveau, là, les contestations semblent…
CHARLOTTE CAUBEL
Moi, je trouve que c'est cette proposition de loi qui rejette de l'huile sur le feu, alors même qu'on le voit, pour beaucoup de raisons, la contestation et les manifestations ont trouvé, retrouvé un certain calme, c'est cette proposition de loi qui rejette de l'huile sur le feu.
CHRISTELLE BERTRAND
À Saint-Brévin aujourd'hui, la gauche organise une manifestation pour dénoncer les violences de l'extrême-droite, la majorité sera absente, est-ce que c'est un bon signal à envoyer, est-ce qu'il n'aurait pas fallu que tous les partis politiques soient unis dans ce mouvement-là ?
CHARLOTTE CAUBEL
Ce qui est important, c'est l'engagement que la majorité a pour venir au soutien de l'ensemble des élus qui subissent aujourd'hui massivement des violences absolument inacceptables, qui remettent en cause notre démocratie, un certain nombre de textes, un certain nombre de démarches portés notamment par le ministre de la Justice, visent à mieux protéger et à venir au soutien de nos élus. La manifestation qui est organisée avec un prisme politique quand même assez fort, la majorité a considéré que ce n'était pas sa place, et qu'au contraire, il fallait être dans l'action pour protéger au maximum nos élus qui sont évidemment l'objet de violences absolument inacceptables.
CHRISTELLE BERTRAND
Pourquoi est-ce qu'elle a jugé que ce n'était pas sa place… ?
CHARLOTTE CAUBEL
Parce qu'on est au gouvernement en charge de mener des actions, peut-être nous faut-il être, évidemment, enfin, pas peut-être, il nous faut être en action, et pas nécessairement en manifestation, on s'est déjà beaucoup exprimé, la Première ministre s'est exprimée à l'Assemblée nationale, tous les membres du Gouvernement évidemment se sont élevés contre la situation, et regrettent, déplorent, ont une tristesse absolue quand même de voir ce qui s'est passé là-bas, notre objectif à nous, c'est d'être dans l'action et de faire tout pour qu'il y ait une reconstruction du lien entre nos citoyens et nos élus, c'est tout à fait essentiel.
ORIANE MANCINI
On va parler des dossiers qui concernent les enfants, la petite enfance, ils sont nombreux, d'abord, vous préparez votre plan, un plan pour lutter contre les violences faites aux enfants, il sera présenté dans 2 semaines en Conseil des ministres. Quelles sont les premières pistes, quelles sont les grandes lignes ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d'abord, c'est un plan qui est un plan numéro 2, parce que dans le précédent quinquennat, il y a eu un plan 2019-2022, il y a eu plusieurs dizaines de mesures, et qui ont été quasiment toutes mises en œuvre grâce à l'investissement de l'ensemble des ministères qui ont été engagés sur ce plan. Mais…
ORIANE MANCINI
Mais pas toutes ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, il en manque quelques-unes, mais, vraiment, globalement, si je parle notamment de l'installation de la CIIVISE, si je parle donc de la Commission Indépendante des Victimes d'Infractions sexuelles, si je parle bien sûr des UAPED, des Unités d'Accueil Pédiatrique, pour entendre la parole de l'enfant, beaucoup de choses très importantes ont été faites dans le précédent plan, et il faut saluer que ce plan ait été conduit. Néanmoins, ça fait un an que je suis à mon poste, et je ne peux que mesurer que nous n'arrivons pas à mobiliser suffisamment notre pays sur la réalité des violences faites aux enfants, on est enfin arrivé à le faire sur les violences faites aux femmes, aujourd'hui, la question des violences faites aux enfants, pardonnez-moi, mais ne passe pas le mur du son, on n'entend pas qu'un enfant meurt tous les 5 jours dans son environnement familial, on n'entend pas que, à peu près 2 enfants par classe subiront un jour un phénomène d'inceste, donc ça, il faut quand même que ça rentre dans la tête de l'ensemble des adultes, pour plusieurs raisons, d'abord…
ORIANE MANCINI
Un enfant est agressé toutes les 3 minutes…
CHARLOTTE CAUBEL
Voilà, ça fait…
ORIANE MANCINI
Je crois, ce qui est un chiffre énorme…
CHARLOTTE CAUBEL
D'après les chiffres de la CIIVISE, donc il faut quand même l'entendre, et ça doit interpeller tous les adultes que nous sommes, à la fois, dans notre comportement à l'égard des enfants, que ce soit dans les violences éducatives ordinaires, mais évidemment, dans les violences encore plus évidemment destructrices que sont les violences sexuelles, mais ça doit aussi interpeller chaque adulte pour repérer les signaux faibles et porter la parole des enfants.
CHRISTELLE BERTRAND
Excusez-moi, mais justement, pour les violences faites aux femmes, il y a eu de grosses campagnes de communication de la part du gouvernement depuis des années, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, l'opinion publique s'en est saisi, est-ce que ça a été suffisamment fait concernant l'enfance ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, merci de m'envoyer cette balle, effectivement, à la rentrée scolaire prochaine, nous ferons une campagne que je souhaite à la fois de portée, de dimension et d'impact quasiment identique à la sécurité routière, notamment, en nous mettant du point de vue de l'enfant et du traumatisme que constituent les violences pour les enfants…
ORIANE MANCINI
Donc une campagne choc ?
CHARLOTTE CAUBEL
Une campagne choc que je souhaite évidemment pouvoir relayer très largement sur l'ensemble des médias, comme les campagnes de sécurité routière, parce qu'effectivement, il faut une prise de conscience, on a déjà eu du mal avec les femmes, et pardonnez-moi, je ne suis pas en compétition, c'est deux combats qui sont à la fois… qui se recoupent sur certains aspects, mais qui sont aussi un peu distincts. On a eu du mal avec les femmes, avec les enfants, il y a un petit côté que je n'arrive pas à décrypter qui est : ce n'est pas possible qu'on fasse à des enfants, il y a toujours une explication, on ne veut pas voir, c'est dans les familles, il y a un petit côté caché, il y a une forme d'omerta quand même sur le sujet des enfants, et eux-mêmes, évidemment, ont du mal à porter leurs propres paroles, a fortiori, si je parle des nourrissons, je le rappelle quand même, doublement du nombre de bébés secoués depuis la crise sanitaire. Donc on a 400 enfants chaque année qui deviennent handicapés à vie du fait des secousses qu'ils ont subies bébés. Donc vraiment, un mécanisme des violences de toute nature qu'il faut prendre en compte, et donc une campagne choc à la rentrée. Ça ne suffit pas…
ORIANE MANCINI
Donc ça, c'est en septembre, la campagne ?
CHARLOTTE CAUBEL
Exactement.
ORIANE MANCINI
Avec un slogan, on imagine, qui va frapper les esprits ?
CHARLOTTE CAUBEL
Avec un slogan, avec peut-être…
ORIANE MANCINI
Vous l'avez déjà trouvé ?
CHARLOTTE CAUBEL
Peut-être une mascotte, enfin, vraiment, des choses qu'il faut qu'on retrouve, et ça sera une première, on fera une première campagne, probablement autour de l'inceste et des violences intrafamiliales, qui ont aujourd'hui quand même détruisent de nombreuses vies, et puis…
ORIANE MANCINI
C'est encore tabou l'inceste aujourd'hui ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors évidemment, quand vous dites, mais faites un sondage autour de vous, à titre personnel, faites un sondage dans votre famille, 2 enfants dans une classe d'âge subiront l'inceste, on vous dit : mais non, alors l'inceste, quand je parle d'inceste, ces violences intrafamiliales entre frères et sœurs, parents, enfants, oncles, etc. Donc c'est quelque chose où, globalement, on dit : non, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, et en plus, l'inceste par rapport à d'autres types de violences sexuelles, est d'autant plus difficile à accepter qu'il va détruire la famille, il va détruire le couple, si l'un des deux est agresseur, il va détruire l'environnement familial, il y aura les pour, il y aura les contre, ceux qui sont… donc c'est extrêmement compliqué, c'est un tabou, et il y a une véritable omerta sur ça, il faut la lever.
ORIANE MANCINI
Non, pardon, juste un… après, je te donne la parole, Christelle, mais donc, dans ce plan, il y aura la campagne choc qui sera lancée en septembre, et il y aura quoi d'autre…
CHARLOTTE CAUBEL
La mise en place d'une plateforme…
ORIANE MANCINI
Dans ce que vous présenterez le 7 juin ?
CHARLOTTE CAUBEL
La mise en place d'une plateforme d'écoute de l'ensemble de l'ensemble des professionnels de l'enfance, parce que, fréquemment, et ce n'est vraiment pas un reproche dans ma bouche, un certain nombre de professionnels repèrent des signaux faibles, et puis, ils se disent toujours que les signaux sont trop faibles, et que, finalement, ils ne sont pas les mieux placés pour en parler, un certain nombre de professionnels aussi ont des enjeux de secret professionnel, je pense notamment au corps médical, vous le savez, on a une polémique autour du secret des médecins, donc l'idée, c'est d'accompagner chaque professionnel dans leur déontologie professionnelle, mais surtout, dans leur mécanique de réflexion autour des signaux faibles. D'autre part, nous souhaitons évidemment vraiment industrialiser ce qu'on appelle le criblage de la probité de l'ensemble des professionnels et des bénévoles qui tournent autour des enfants, c'est une obligation qui découle d'une loi du 7 février 22, maintenant, il faut vraiment que la moindre personne qui se rende dans un foyer, qui rentre dans une école, on en vérifie évidemment la probité, voilà c'est trois axes en particulier, mais évidemment, il y a beaucoup d'autres dispositifs…
CHRISTELLE BERTRAND
Je continue le parallèle avec ce qui a été fait concernant les violences faites aux femmes. Beaucoup a été fait auprès des services de police, pour que les plaintes soient mieux accueillies, aujourd'hui, ce n'est pas forcément le cas concernant les plaintes concernant les enfants, est-ce que vous travaillez avec Gérald DARMANIN là-dessus, est-ce que quelque chose va être fait en la matière ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, paradoxalement, sur le sujet des enfants, cette question de la formation et de la sensibilisation des professionnels, elle date de très longtemps, c'est les fameuses lois Guigou de 1998, qui ont cherché déjà à élargir la prescription et à prendre en compte la parole de l'enfant. Moi, je le dis, on a eu l'affaire Outreau qui a tétanisé la chaîne judiciaire, et aujourd'hui, il faut dépasser Outreau, ce que nous livre la CIIVISE fait que nous ne pouvons plus nous arrêter à cette situation qui a découlé notamment de l'affaire d'Outreau, qui a quand même beaucoup compliqué les choses ; de nombreux professionnels sont formés, et là, ça fait partie aussi du plan, la CIIVISE a mis en place un dispositif de formation de l'ensemble des professionnels, qu'on va diffuser, qu'on a déjà commencé à diffuser avec par exemple Agnès FIRMIN-Le BODO, on va, pendant quelques jours, continuer à aller vers les professionnels avec cette formation, bien sûr, les enquêteurs sont au cœur de nos priorités, je vous rappelle que Gérald DARMANIN a annoncé, pour la rentrée prochaine, la création d'un office dédié aux violences graves faites aux enfants, le Garde des sceaux a pris, il y a quelques semaines, une circulaire sur les violences faites aux enfants, donc on a vraiment, sur ce sujet-là, qui est la priorité numéro 1, fixée par la Première ministre dans le cadre du comité interministériel de l'Enfance, une véritable coopération entre l'ensemble des ministres, je pourrais parler de l'action aussi d'Amélie OUDEA, dans le sport, bref, on est tous très unis sur ce sujet-là.
CHRISTELLE BERTRAND
Parce que c'est vrai qu'Emmanuel MACRON en a fait une des priorités pendant sa campagne électorale, or depuis un an, on entend parler pouvoir d‘achat, on entend parler retraite, immigration aujourd'hui, et très peu d'enfance, est-ce que vous avez été un peu noyé par l'actualité ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, il y a beaucoup de sujets d'actualité, mais j'allais dire que tous ces sujet-là, pardonnez-moi, souvent, ont un volet enfant, je le dis, et je ne l'ai pas dit au moment où vous m'avez posé la question, mais même le sujet retraite, il est aussi pour nos enfants. Oui, alors, oui et non, on a beaucoup de thématiques, et c'est d'ailleurs ma mission auprès de la Première ministre, de faire en sorte qu'il y ait une convergence de l'ensemble des sujets, en matière de santé, par exemple, la question de la santé des enfants qui est portée par la Commission de Santé, et la Commission de la Santé des enfants est au cœur des priorités du ministre de la Santé, les Assises de la Santé, de la santé mentale des enfants, donc on parle beaucoup enfance, mon rôle à moi, c'est faire vivre le collectif de l'action pour l'enfance, eh bien, écoutez, merci de me donner la parole ce matin pour le mettre en valeur.
ORIANE MANCINI
… Petite enfance…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais par exemple, il y a une mesure, oui, voilà, une mesure très symbolique qui a été mise en avant pendant la campagne électorale par le candidat MACRON, e service public de la petite enfance, où est-ce que ça en est aujourd'hui ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, c'est au cœur de la démarche du Conseil national de la refondation, porté par Jean-Christophe COMBE qui porte le déploiement du service public de la petite enfance, il y a quand même une ambition très forte de plus de 100.000 places nouvelles…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais on a du mal à voir comment on y arrive en fait…
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, aujourd'hui, en fait, il y a des discussions qui sont extrêmement importantes entre l'État et les collectivités territoriales, qui ont un partage de compétences sur ce sujet-là, il y a des discussions actuellement, enfin, des travaux autour de ce qu'on appelle la convention d'orientation de la Caisse d'Allocations familiales, qui est le principal financeur, donc, il y a des discussions budgétaires, et je pense que les principales annonces arriveront au moment du budget sur ce sujet-là.
ORIANE MANCINI
Il y a un peu plus d'un mois, un rapport de l'IGAS révélait des situations de maltraitance dans de nombreuses crèches, de nombreuses structures d'accueil de jeunes enfants, ce rapport faisait une trentaine de recommandations, aujourd'hui, où on en est, que fait le gouvernement ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, Jean-Christophe COMBE s'en est saisi tout de suite, et nous travaillons évidemment conjointement. Sur ce sujet-là, je voudrais qu'on distingue deux types de situation, la situation à nouveau des violences faites aux enfants, des violences volontaires faites aux enfants, ce qui était notamment le cas de Lyon, qui a provoqué cette inspection, ces violences sont inacceptables, il faut y travailler, y compris avec les professionnels. Après, on a un sujet de qualité de la prise en charge qui fait partie… enfin, qui est largement décrite dans ce rapport, et cette qualité, elle passe par plusieurs choses, bien sûr, les exigences posées par le gouvernement auprès des opérateurs de crèches, les contrôles faits par le gouvernement et par l'État sur ces crèches…
ORIANE MANCINI
Qu'il faut renforcer…
CHARLOTTE CAUBEL
Qu'il faut bien évidemment renforcer, et évidemment, tous les enjeux de recrutement. On le dit, on le répète, dans notre pays aujourd'hui, dans le champ de l'accompagnement, et en particulier dans le champ de l'enfance, mais évidemment, on peut parler aussi du champ de nos seniors, on a une vraie difficulté de recrutement, on a une problématique, voilà, ça, c'est quelque chose que nous travaillons au niveau du gouvernement, de nouveau en interministériel pour rendre plus attractifs ces métiers…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il y aura des annonces, est-ce qu'il y aura des mesures ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d'abord, il y a une campagne aussi de recrutement, et Jean-Christophe COMBE est en train de finaliser les travaux qui ont été portés par une conférence des métiers avec l'ensemble des acteurs de la petite enfance, évidemment, nous avons un sujet assez majeur sur lequel nous travaillons tous, des conventions collectives sont en cours de discussion, tous ensemble, on a évidemment des enjeux…
ORIANE MANCINI
Donc ce rapport ne restera pas sans suite ?
CHARLOTTE CAUBEL
Ah, non, non, ça, c'est impossible, et Jean-Christophe COMBE s'en est saisi, et moi, au titre de la protection de l'enfance, évidemment, je suis particulièrement vigilante à la mise en œuvre de la plupart des recommandations de ce rapport.
ORIANE MANCINI
Le Sénat a voté hier soir un texte, vous étiez d'ailleurs dans l'hémicycle, pour instaurer une majorité numérique, c'est un texte qui vient de l'Assemblée nationale, et qui fait consensus, il a été voté à une très large majorité dans les deux chambres, instaurer une majorité numérique pour que les enfants ne puissent plus s'inscrire sur un réseau social sans l'accord parental avant l'âge de 15 ans. Est-ce que c'est effectivement réalisable, on a compris que c'est un texte qui était fait pour envoyer un signal, pour susciter le débat, est-ce que cette majorité numérique, elle pourra être effective ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, quels sont nos objectifs en matière de risque, de danger et de lutte contre les risques et les dangers sur Internet pour nos enfants. On a plusieurs types de risques. D'abord, effectivement, l'addiction aux écrans, l'addiction à certains contenus des écrans, d'autre part, les violences commises sur les enfants par le biais d'Internet, je pense au cyberharcèlement, la protection de l'image qui est un troisième événement, et bien sûr, tous les enjeux de pédo-criminalité. Quels sont nos leviers : former, éduquer nos enfants, sensibiliser, former les familles, aujourd'hui, 40 % des familles ne savent absolument pas quoi faire avec le numérique des enfants, il y a quelques semaines, nous avons fait une campagne extrêmement dynamique pour dire : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez à vos enfants à surfer sur le Net, ce texte, il a pour… et donc ça, c'est les deux premiers axes, éducation, sensibilisation des familles et responsabilisation des acteurs du numérique. Vous ne pouvez pas vous laver les mains de ce qui se passe, vous aussi, vous avez de responsabilité de protéger les enfants sur le Net. Ce texte…
ORIANE MANCINI
Donc est-ce qu'il faut sanctionner les plateformes ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, nous avons la chance, grâce d'ailleurs à l'action extrêmement dynamique de la France, d'avoir un texte européen, deux textes, DSA, DMA – je ne vais pas rentrer dans la technique, que Jean-Noël BARROT… dont Jean-Noël BARROT portera la transposition dans quelque temps avec un texte – qui nous permettent déjà d'avant les leviers à l'égard des plateformes, je vous rappelle qu'il y a quelques jours META a été sanctionné violemment sur des sujets de protection des données. Donc, on commence à avoir les leviers de discussion avec les plateformes. Ce texte-là, porté par Laurent MARCANGELI, il est important parce que, en fixant une majorité numérique, il dit aux parents : en dessous de 15 ans, vous ne pouvez pas ne pas vous intéresser à ce qui se passe sur les réseaux avec vos enfants, il dit aux enfants la même chose : vous êtes obligé d'entrer en discussion avec vos parents, et il dit aux plateformes : il est de votre responsabilité de vérifier ce qui se passe en dessous de 15 ans. Je vais vous donner un exemple, chaque mois, META au TikTok suppriment, grâce à l'intelligence artificielle, qui a certains bons côtés, des comptes d'enfants de 10 ou 11 ans en se rendant compte des contenus qui traduisent le très jeune âge de de la personne qui est sur le réseau. Donc avec des mécanismes d'intelligence artificielle, avec des mécanismes de vérification d'âge, on arrivera à mettre en place ce seuil de 15 ans, qui me paraît tout à a fait essentiel.
CHRISTELLE BERTRAND
Vous avez pointé du doigt un réseau, en particulier, ces derniers temps, TikTok, est-ce qu'il y a un problème TikTok, vous dénonciez par exemple des incitations à l'automutilation, j'ai fait la vérification moi-même, en effet, ça existe, pourquoi est-ce que rien n'est fait aujourd'hui, est-ce que c'est si compliqué et vous parliez d'une interdiction pure et simple pour les adolescents, est-ce que c'est toujours à l'ordre du jour ?
CHARLOTTE CAUBEL
En tout cas, ça fait partie bien évidemment des leviers que le gouvernement n'hésitera pas à mettre en œuvre si TikTok ne rentre pas ou ne maintient pas son action ou ne renforce pas son action dans les dialogues, dans le dialogue que le gouvernement, sous l'impulsion du président de la République, qui a mis en place le laboratoire protection de l'enfance, le 10 novembre dernier, si TikTok ne participe pas totalement sincèrement aux travaux que nous avons…
CHRISTELLE BERTRAND
Vous en êtes où aujourd'hui, justement, TikTok est…
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, il y a des discussions dans ce laboratoire, le président relèvera les copies le 10 novembre prochain, donc autant vous dire que le calendrier, on l'a, on l'a. TikTok vient d'envoyer quelques signaux positifs, notamment... cette plateforme va afficher, pardonnez-moi, le temps d'écran, de temps d'utilisation de TikTok…
CHRISTELLE BERTRAND
Ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui…
CHARLOTTE CAUBEL
Ils s'y sont engagés, donc on verra le 10 novembre s'ils se sont engagés…
CHRISTELLE BERTRAND
En mars…
CHARLOTTE CAUBEL
Donc il y a deux, trois sujets, moi, je sais que j'ai des relations extrêmement régulières avec les acteurs français de TikTok, et quand il y a des choses qui me dérangent, je constate que si je les signale, ça réagit quand même extrêmement vite, donc on est dans un dialogue extrêmement ferme, si ce dialogue n'aboutit pas à résoudre ces problématiques notamment de messages totalement viraux qui conduisent à des problématiques de santé, de santé mentale et de santé physique de nos enfants, je pense que le président et le gouvernement n'aura aucune hésitation, on se laisse jusqu'au 10 novembre prochain, notamment, puisque le président relèvera les copies de ce que propose…
CHRISTELLE BERTRAND
C'est une manière de mettre la pression sur TikTok pour que…
CHARLOTTE CAUBEL
Totalement, il faut être aussi assez réaliste, moi, on en a beaucoup discuté, notamment avec Jean-Noël BARROT, l'interdiction pure et simple d'un certain nombre de réseaux est aujourd'hui quelque chose de pas facile à réaliser. Par ailleurs, on sait aussi que TikTok, bien pris et bien poussé, peut inciter des enfants et participer au développement d'un certain nombre de passions positives, donc on est toujours dans une logique de dialogue, si le dialogue n'aboutit pas à des objectifs qui sont les nôtres, qui sont la santé et la sécurité de nos enfants, on n'aura aucun état d'âme.
ORIANE MANCINI
Un dernier sujet qu'on voudrait aborder avec vous, il nous reste 2 petites minutes, c'est la question des mineurs étrangers isolés, les mineurs non-accompagnés, c'est un sujet sur lequel vous travaillez, vous avez notamment travaillé dessus avec Gérald DARMANIN, avec François SAUVADET, qui est le président de l'Assemblée des départements de France, les départements sont inquiets, ils parlent de situation explosive, est-ce qu'il faut les aider, est-ce que l'État va les aider financièrement ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d'abord, l'Etat aide aujourd'hui financièrement les départements sur cette question-là, puisque…
ORIANE MANCINI
Mais pas suffisamment, le reste à charge est énorme…
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, l'État finance notamment toute la partie préalable à l'évaluation de la minorité, jusqu'à ce que la personne qui se prétend mineure soit qualifiée de mineure, c'est l'État qui finance à la fois l'évaluation et la mise à l'abri, mais on est dans une situation évidemment extrêmement particulière, la réouverture des frontières, la crise post-sanitaire, la crise, l'inflation, etc, font qu'on a une forte pression, et qu'on voit arriver aujourd'hui, non seulement des enfants en nombre, comme il y a 3 ou 4 ans, mais aussi des enfants beaucoup plus jeunes. C'est évidemment un enjeu extrêmement fort pour les départements, parce que, en vertu de nos conventions internationales, auxquelles je tiens, il y a quelques semaines, j'étais à l'ONU, pour défendre la place de la France dans le respect de la convention internationale des droits des enfants…
ORIANE MANCINI
C'est un message aux Républicains, ça ?
CHARLOTTE CAUBEL
C'est un message aux Républicains…
ORIANE MANCINI
Il ne faut pas mettre en cause les traités…
CHARLOTTE CAUBEL
Il ne faut pas remettre en cause les traités, qu'ils soient européens ou qu'ils soient de nos conventions internationales, un enfant isolé doit être protégé dans le dispositif de protection de l'enfance. Une fois qu'on a dit ça, il est de ma responsabilité et de celle du gouvernement d'être aux côtés des départements pour que cet afflux d'enfants mineurs isolés ne vienne pas mettre en difficulté, de manière majeure, les départements, qui ont déjà fort à faire, parce que dans le contexte de violences dont je vous ai parlé sur les enfants, aujourd'hui, dans certains départements, on a plus de 30 % en plus de placements d'enfants de notre territoire, et donc ce double afflux de mineurs isolés et d'enfants à placer met en difficulté l'ensemble de la structure de protection de l'enfance, qui est, elle-même, déjà en difficulté…
ORIANE MANCINI
Il y aura une aide supplémentaire de l'État ?
CHARLOTTE CAUBEL
Il faut qu'on soit au soutien des départements, c'est le travail que je fais…
CHRISTELLE BERTRAND
Financièrement ?
CHARLOTTE CAUBEL
Financièrement, dans l'action de l'État, l'action de l'État, c'est aussi l'école, c'est aussi la santé, c'est la justice, moi, j'ai mis en place pour plusieurs comités de départements de protection de l'enfance sous l'autorité des préfets et des présidents de départements en présence de l'autorité judiciaire pour que l'action soit très coordonnée…
CHRISTELLE BERTRAND
C'est-à-dire qu'il y a un plan de financement qui va être annoncé ?
CHARLOTTE CAUBEL
En tout cas, actuellement, nous travaillons sur toutes ces questions de financement, je travaille…
CHRISTELLE BERTRAND
Parce que ça fait des années que les départements se plaignent…
CHARLOTTE CAUBEL
Je le sais, ils y mettent beaucoup d'argent, mais l'État mais aussi beaucoup d'argent avec l'école, la santé et la justice, il faut que tout ça se coordonne mieux, il faut bien évidemment évaluer et venir au soutien, je pense notamment aux départements limitrophes de la frontière italienne qui voient aujourd'hui un afflux de mineurs. Nous y travaillons. Le président SAUVADET le sait, les présidents des départements le savent, je suis à leurs côtés, l'État prendra ses responsabilités et permettra aux départements…
CHRISTELLE BERTRAND
Il y a un calendrier qui a été fixé pour…
CHARLOTTE CAUBEL
On est actuellement dans les discussions, il nous faudra des décisions à très court terme, des décisions de moyen terme, et des décisions de long terme, j'y travaille avec énormément d'implication.
ORIANE MANCINI
Merci Charlotte CAUBEL.
CHARLOTTE CAUBEL
Merci beaucoup.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce matin pour parler de ces sujets évidemment qui sont très concernants.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mai 2023