Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Hervé BERVILLE, bonjour et bienvenu.
HERVÉ BERVILLE
Bonjour et merci de l'invitation.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes secrétaire d'État à la Mer, vous êtes aussi parlementaire, vous avez été élu deux fois dans les Côtes d'Armor.
HERVÉ BERVILLE
C'est ça.
CHRISTOPHE BARBIER
David ira peut-être passer ses vacances là-bas.
HERVÉ BERVILLE
Très belle Bretagne.
CHRISTOPHE BARBIER
Aujourd'hui, c'est la grève, 250 manifestations en France contre la réforme des retraites. La loi est promulguée depuis 2 mois et la colère ne retombe pas. Pourquoi ?
HERVÉ BERVILLE
Tout simplement parce que pour certains, cette réforme est une réforme qu'ils contestent, depuis un certain nombre de mois, et puis il y a dans un certain nombre de mouvements politiques, au fond une forme de duplicité ou la volonté d'instrumentaliser cette réforme, pour ne pas parler du fond et pour ne pas parler des autres sujets.
CHRISTOPHE BARBIER
Juste pour bloquer l'action gouvernementale.
HERVÉ BERVILLE
Bien évidemment ! Ils sont dans une opposition, dans une stratégie d'obstruction systématique, qui vise à ne pas parler des vrais sujets qui désormais intéressent nos concitoyens, que ce soit l'éducation, que ce soit la santé, que ce soit encore le logement, et je crois que dans la vie politique, dans l'histoire politique on l'a vu, il y a des moments. Il y a des moments bien évidemment où on peut contester, où on peut manifester, mais à partir du moment où la démocratie a parlé, à partir du moment où il y a eu un vote, à partir du moment où je crois après une longue phase de consultations, une longue phase de débats, eh bien la réforme a été votée, il faut être en capacité de se projeter vers aussi d'autres défis et d'autres d'urgences. Parce que le monde continue de tourner.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement, il y a eu un vote, bon c'est passé par 49.3, même si la motion de censure a servi un peu de vote, d'autres disent "mais allez au vote". Il y a la proposition de loi LIOT jeudi pour revenir à 62 ans, aller au vote plutôt que de l'arrêter par l'article 40, et puis si vous gagnez, alors là, la réforme sera légitime.
HERVÉ BERVILLE
Mais, je crois qu'il y a eu un vote en Commission des Affaires sociales, un vote qui a été clair sur le…
CHRISTOPHE BARBIER
38 contre 34.
HERVÉ BERVILLE
… sur le fait qu'il y avait l'abrogation de cet article 1er. Et donc il ne m'appartient pas en tant que membre du gouvernement, même si j'ai été parlementaire, et que je suis ça bien évidemment quotidiennement, mais je crois que nos concitoyens, vous savez j'étais encore dans ma circonscription récemment, ce qu'ils attendent de nous c'est de répondre aux grandes urgences, aux grands défis climatiques. On parlera tout à l'heure aussi des enjeux maritimes…
CHRISTOPHE BARBIER
Tout à fait.
HERVÉ BERVILLE
Vous voyez, le président de la République était au G7, était en Moldavie pour évoquer ces sujets, comment on arrive à faire face à la guerre en Ukraine, comment lutte contre l'inflation, le coût du logement. Enfin bref, ce sont des sujets qui je crois doivent nous occuper pleinement et entièrement, et je crois que les maires, nos concitoyens, les collectivités locales, nos fonctionnaires, les entreprises de notre pays attendent des responsables politiques, eh bien qu'ils travaillent ardemment sur cette question-là.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous parlez de vos déplacements, vous vous déplacez beaucoup. C'est plus facile aujourd'hui qu'il y a un mois ou 2 mois ? Il y avait quelques casserolades sur votre chemin.
HERVÉ BERVILLE
Oui, il faut reconnaître que la tension a quand même diminué, parce que je crois que, aussi, nos concitoyens se rendent compte que ce qui est la feuille de route du gouvernement sur toutes les urgences, est mise en œuvre, et que le pays continue d'avancer, que le gouvernement continue de travailler et que les parlementaires, sur d'autres textes d'ailleurs, continuent d'avancer.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est possible d'avancer, malgré les blocages parlementaires, l'absence de majorité, on peut travailler ?
HERVÉ BERVILLE
Bien sûr. Moi je continue à travailler, vous voyez j'ai abordé avec le Parlement, la question de la lutte contre le dumping social dans le transport maritime, nous travaillons aussi sur des mesures pour décarboner aussi le secteur maritime, parce que…
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a des majorités possibles, si vous faites des textes de loi.
HERVÉ BERVILLE
Il y a des majorités qui sont souhaitables, qui sont désirables, qui sont possibles, et nous avançons, loin parfois des caricatures et du tumulte médiatique.
CHRISTOPHE BARBIER
Et loin des rumeurs de remaniement qui souvent empoisonnent la vie des ministres.
HERVÉ BERVILLE
Ah, ça, ça fait partie du lot quotidien, vous prenez ça avec une nomination, et donc c'est aussi la beauté de la vie gouvernementale ou de la vie politique. Moi, ce que je souhaitais ici vous dire, c'est que, au fond les défis qui sont devant nous, demandent vraiment de regarder la situation du pays avec beaucoup de lucidité et de vérité. C'est ce que l'on a fait sur la réforme des retraites ? C'est ce que nous faisons sur les finances publiques, en disant que nous devons sortir du quoi qu'il en coûte, que nous devons avoir un esprit de responsabilité, pour…
CHRISTOPHE BARBIER
Au risque de l'impopularité.
HERVÉ BERVILLE
Oui, mais vous savez, si vous gouvernez simplement pour la popularité, il y a beaucoup de choses que vous ne faites pas, et je crois que la responsabilité qui est la nôtre, quand vous êtes au gouvernement, eh bien c'est de préparer le pays aux générations futures, et c'est surtout de faire en sorte que notre pays, sur le plan financier, sur le plan climatique, sur le plan social, soit solide, soit raffermi, soit renforcé, et c'est ce que mène le président de la République Emmanuel MACRON, et c'est ce que mène avec beaucoup de vigueur la Première ministre Élisabeth BORNE.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, parlons de vos dossiers. Jeudi, ça sera aussi la Journée mondiale des océans. A quoi cela sert-il de faire Une journée mondiale des océans ?
HERVÉ BERVILLE
Premièrement, ça sert à sensibiliser tout le monde à la nécessité de protéger nos océans. Vous savez, les océans, c'est un formidable régulateur du climat, et nous avons besoin des océans pour lutter contre le changement climatique. Ensuite, c'est de donner à voir aussi la fragilité et la diversité de ce qui se trouve au fond des océans, dans nos océans. Et puis c'est de dire aussi toutes les actions que nous souhaitons faire pour protéger les océans, parce que souvent l'océan se résume à ces quelques heures, ces quelques jours que nous passons quand nous sommes à la plage en vacances, et nous avons une nécessité de protéger, c'est la mission qui est la même, en luttant par exemple contre l'exploitation minière des fonds marins, qui serait une catastrophe écologique, et la France est le premier pays à prôner une position très ferme sur l'interdiction totale, aujourd'hui et demain de l'exploitation minière des fonds marins, et puis c'est aussi sur le secteur de l'économie maritime, d'avoir une économie maritime qui est décarbonée, avec la transition énergétique des ports, avec la planification en mer avec notamment les énergies renouvelables, qui nous permettra de réduire notre dépendance au gaz russe, de réduire notre dépense aux énergies…
CHRISTOPHE BARBIER
C'est des décennies de chantiers, ça.
HERVÉ BERVILLE
Oui, mais c'est passionnant, et c'est le rôle du politique, c'est aussi d'être en capacité de planifier sur les prochaines décennies. Et puis protéger les océans, c'est aussi lutter contre toutes les formes de pollution. Vous voyez bien qu'il y a une grosse pollution sur nos côtes…
CHRISTOPHE BARBIER
Notamment le plastique.
HERVÉ BERVILLE
Le plastique, exactement, il y a un traité qui est en cours de négociations. C'est protéger aussi la haute mer avec pour la première fois un traité qui a été négocié et sur lequel on s'est mis d'accord en février aux Nations Unies, ça faisait 20 ans qu'il y avait une négociation, c'est la France et le président de la République qui ont souhaité relancer cette négociation, et nous avons pour la première fois un traité qui protège la haute mer et qui permet de faire de cette zone, qui représente 50 % des océans, désormais une zone qui a des droits, une zone qui est régulée.
CHRISTOPHE BARBIER
Et c'est la France qui accueillera à Nice la Conférence des Nations Unies dans 2 ans. Là aussi ça sera pour faire avancer ces dossiers-là, on veut être leader maritime, nous la France ?
HERVÉ BERVILLE
Bien évidemment, parce que nous avons le second espace maritime au monde, et donc ça nous confère des responsabilités. Nous nous avons un domaine maritime qui va de la Polynésie à la Guyane, en passant par La Réunion, la Bretagne, pour ne citer qu'une des magnifiques régions, et nous voyons bien que sur l'enjeu de renforcer les aires marines protégées, sur l'enjeu de protéger la biodiversité marine, nous ne connaissons par exemple mon cher Christophe que 3 % des grands fonds marins, 3 %. A peine 50 % des espèces qui se trouveraient à plus de 4 000 m sont connues.
CHRISTOPHE BARBIER
Sont identifiées.
HERVÉ BERVILLE
Nous connaissons plus la Lune que les grands fonds marins. Et donc, voyez, il faut aussi reprendre le fil de l'exploration sous-marine, et j'étais la semaine dernière dans le Var, où j'ai pu voir notamment le Nautile, ce sous-marin habité, simplement quatre pays ont la capacité de descendre à 4 000 m de fond, avec un sous-marin habité…
CHRISTOPHE BARBIER
Dont la France.
HERVÉ BERVILLE
Et donc nous allons reprendre aussi ce fil de l'exploration sous-marine, avec notamment un programme de 350 millions d'euros dans le cadre de France 2030, pour cette exploration, la recherche et la connaissance des grands fonds marins.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous avez vu aussi, sur cette Côte d'Azur, le projet d'île géante flottante, ça se développe à travers le monde ce Canua Island. Vous êtes pour, vous êtes contre ?
HERVÉ BERVILLE
Honnêtement, si vous regardez les choses en face, vous ne pouvez pas considérer que ce type de projet est compatible avec le renforcement de la protection de nos océans et de la biodiversité.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est une menace. Même flottant, même démontable.
HERVÉ BERVILLE
C'est une artificialisation de l'espace maritime, et nous luttons contre cette artificialisation.
CHRISTOPHE BARBIER
On l'a laissé faire à Monaco, il faut gagner des mètres carrés constructibles sur la mer.
HERVÉ BERVILLE
Je vous dis que, avec les différentes évolutions législatives, notamment le texte qui permet à l'accélération des énergies renouvelables, ce type de projet n'est plus possible. Et donc, ce qui était peut-être envisageable en 2017, l'est beaucoup moins en 2022, parce qu'on a pris conscience de la canicule, on a pris conscience de l'accélération des sécheresses, on a pris conscience de tous ces phénomènes, bref, que le dérèglement climatique il est là, et que nous devons tout faire pour faire en sorte eh bien de réduire l'impact de nos activités sur nos océans, et…
CHRISTOPHE BARBIER
On mettra des hydroliennes quand même dans la mer ? On y arrivera technologiquement ? C'est lourd, c'est cher.
HERVÉ BERVILLE
En tout cas c'est une des ambitions, et je crois que dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, l'ambition c'est d'arriver à déployer toutes les formes de technologies qui permettront eh bien d'accélérer cette autonomie stratégique, notamment en matière énergétique. Et la semaine dernière, quand je me suis rendu dans une entreprise qui est passionnante, OCEANIDES, ils nous ont montré aussi tout un tas de technologies développées, déployées par des TPE PME françaises, et donc ce que vous mentionnez là, fera partie aussi de la stratégie de souveraineté énergétique, c'est une évidence.
CHRISTOPHE BARBIER
Hier, France 2 diffusait la série Abysses, série à gros budget européen, où on voit les monstres marins se révolter contre les hommes et attaquer les bateaux. Cette écologie un peu apocalyptique, ça peut aider à prendre conscience ?
HERVÉ BERVILLE
Ça fait partie de l'imaginaire, ça fait partie de la manière d'appréhender les enjeux. Je ne suis pas sûr, totalement, et je mets de côté bien évidemment la fiction, parce que la création est toujours utile pour susciter du débat, pour nous interroger. Je crois qu'il faut avoir une vision lucide, positive, et surtout de déterminée de l'action écologique, et c'est ce que moi je fais quotidien, c'est de dire nous avons des enjeux devant nous, mais nous pouvons y arriver. Ce traité sur la protection de la haute mer, ça faisait 15 ans qu'il était ensablé, si vous me permettez l'expression.
CHRISTOPHE BARBIER
En rade.
HERVÉ BERVILLE
Et donc je me suis rendu par 3 fois à New-York à la demande du président de la République, pour justement trouver des coalitions et faire en sorte, eh bien que nous votions, malgré le contexte géopolitique très compliqué, notamment avec la Russie, notamment avec un certain nombre de pays qui ne souhaitaient pas cette protection de la haute mer. Donc vous voyez, c'est possible, c'est souhaitable, mais pour ça il faut de la volonté, pour ça il faut aussi accepter de parler avec des gens avec lesquels a priori on ne parlerait pas, et je crois que c'est tout l'honneur de la politique et tout l'honneur de ce que doit faire en termes de politique écologique.
CHRISTOPHE BARBIER
Eh bien, Hervé BERVILLE, on a envie de vous dire "bon vent dans les voiles", pour la suite. Merci et bonne journée.
HERVÉ BERVILLE
Merci.
JOURNALISTE
Merci messieurs. On retiendra : "Nous connaissons plus la Lune que les fonds marins". "Lutter contre l'exploitation minière des fonds marins, protéger la haute mer et reprendre l'exploration sous-marine". Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2023