Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à France Info le 9 juin 2023, sur l'attaque au couteau contre des enfants en bas âge à Annecy, le droit d'asile, l'immigration et l'aide médicale d'État, la réforme des retraites et du RSA et l'affaire du fonds Marianne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

LORRAIN SÉNÉCHAL
Bonjour Olivier VÉRAN.

OLIVIER VÉRAN
Bonjour.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et bonjour Agathe LAMBRET.

AGATHE LAMBRET
Bonjour.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Désormais à mes côtés, du vendredi au dimanche, tous les matins sur France Info. Olivier VÉRAN, hier à Annecy, un homme a donc attaqué au couteau des enfants dans un parc de la ville. 4 enfants ont en urgence absolue ce matin. 2 adultes ont également été blessés, dont 1 très sérieusement. D'abord, est-ce que vous avez des nouvelles des enfants ?

OLIVIER VÉRAN
Aux dernières nouvelles que j'ai, mais qui sont des nouvelles qui ne sont pas stabilisées, donc attention, il y aurait encore 2 enfants qui seraient en situation d'urgence forte…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça veut dire qu'il y a 2 enfants qui vont mieux.

OLIVIER VÉRAN
… avec des interventions chirurgicales qui ont été réalisées. Aller mieux, honnêtement je n'ai pas accès au dossier médical ; de ce que je sais, il y aurait encore 2 enfants qui seraient considérés en urgence absolue, urgence vitale.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Est-ce qu'on sait pourquoi ils ont été ciblés par cet homme, qui est donc un homme de 31 ans, un réfugié syrien ?

OLIVIER VÉRAN
Je crois qu'il n'y a rien qui ne pourra jamais justifier, ni jamais expliquer pourquoi des enfants pourraient être la cible d'un homme, quel qu'il soit. Je veux dire, dans notre parcours d'humain, dans notre capacité à avoir de l'empathie, c'est quelque chose qui dépasse l'entendement. Donc on cherche tous des réponses, non pas une explication, on ne peut pas expliquer ce qui est inexplicable, on cherche des réponses, il faudra qu'elles soient données dans tous les registres, le moment venu. Là on est vraiment dans le temps de l'émotion et j'imagine que comme moi vous avez passé une soirée encore bouleversée, une nuit à tenter de saisir comment est-ce que…

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est un drame qui touche tout le monde, tous les Français sont touchés par ce drame.

OLIVIER VÉRAN
Et qui met même en tension notre capacité d'humain. Il y a une limite, il y a une barrière qui est franchie, une frontière qui est franchie quand vous vous en prenez de cette manière-là à des enfants, et à des adultes d'ailleurs, parce que des adultes ont aussi été victimes.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc une personne sérieusement atteinte. Agathe LAMBRET.

AGATHE LAMBRET
Olivier VÉRAN, l'auteur présumé est un Syrien de 31 ans, il avait obtenu le statut de réfugié en Suède, il a crié "Au nom de Jésus Christ", lors de l'attaque. Le mobile terroriste n'apparaît pas à ce stade, il y a une évaluation parce que c'est l'usage. Vous dites qu'il n'y a pas de réponse, mais certains ont des réponses. Est-ce que comme la droite et l'extrême-droite, vous faites le lien entre l'immigration et ce drame ?

OLIVIER VÉRAN
Mais je vous redis, il y a des questions qui sont légitimes, que vous vous posez, que vous me posez et que je me pose. Il y aura des réponses qui devront être apportées, mais quand on les aura, moi je ne les ai pas, il y aura une évaluation psychiatrique ce matin de l'individu, il doit être interrogé par les forces de l'ordre, par la justice, dans un fonctionnement républicain, pour comprendre les choses, mais franchement je ne comprends pas qu'on veuille être, alors qu'on est dans le temps de l'émotion, du choc, de l'état de choc, qu'il y a des gamins qui sont au bloc opératoire, que les uns et les autres commencent à s'adonner à un jeu que je trouve assez malsain, des explications, des justifications de par machin etc., c'est pas le moment de le faire. Donc il y aura des réponses qui seront apportées, il faut de la transparence, c'est une évidence, et il faut tout faire pour que ce genre de drame ne se reproduise pas, mais une fois qu'on aura fait ce travail préliminaire.

AGATHE LAMBRET
Est-ce que vous trouvez que certaines oppositions sont allées trop vite, qu'il y a eu une forme d'indécence dans les réactions politiques hier ?

OLIVIER VÉRAN
En fait, m'inscrire en porte-à-faux vis-à-vis des oppositions, ce serait moi-même mettre mes pas dans les pas de la polémique que certains ont essayé d'initier hier.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Vous venez de dire quand même que vous trouvez ça malsain.

OLIVIER VÉRAN
Non, je trouve malsain, sans cibler personne, je considère en tant que Français, que citoyen, que ministre de la République, je considère qu'il y a un temps qui est le temps de l'émotion, qu'il y a un temps qui est le temps de l'enquête, et qu'il y a un temps qui est le temps des explications, et après viendra le temps politique, s'il y a un temps politique qui doit venir. Et je suis convaincu que ce n'est pas ce qu'attendent de nous aujourd'hui les gens, que d'avoir des engueulades ou des discussions de comptoir, autour de savoir si machin ou machin. Je crois que ce n'est pas le moment, voilà. Je vous le dis, et je vous le dis avec un peu d'émotion, parce que la classe politique elle n'est pas aimée dans notre pays, mais je le dis en tant que ministre du Renouveau démocratique, les gens ne nous font pas confiance, nous délégitiment sitôt élus, et je considère qu'être à la hauteur c'est aussi être à la hauteur de l'émotion des gens et de respecter une phase de recueillement.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est pour ça qu'Emmanuel MACRON se rend sur place, le chef de l'État ?

OLIVIER VÉRAN
Le président de la République il est important qu'il aille sur place, et il va y aller ce matin, il y aura tout son parcours qui sera bientôt donné aux uns et aux autres. Il est important qu'il aille sur place. J'imagine, je n'ai pas la réponse, mais j'imagine qu'il ira à la rencontre de victimes et de proches, qu'il a besoin de rencontrer sur place les acteurs pour saisir ce qui a pu se passer, et saluer aussi j'imagine la réactivité des forces de l'ordre ou des civils qui ont fait preuve de beaucoup de courage dans la période d'hier.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Ce déplacement du chef de l'État, c'est donc un déplacement sous le signe de l'émotion d'abord et avant tout.

OLIVIER VÉRAN
L'Elysée communiquera, mais je suis convaincu que ce n'est pas un déplacement qui vise à créer évidemment des polémiques ou des discordes dans la période que nous connaissons. Voilà. On sait que la classe politique sait se disputer, sait débattre quand il le faut et ça ne veut pas dire que ça ne sera pas légitime de le faire à un moment donné, je n'en sais rien, je vous dis juste qu'on n'a pas les réponses aujourd'hui et que ce n'est pas le moment de faire.

AGATHE LAMBRET
Et malgré tout, certains le font déjà, est-ce qu'il n'y a pas tout de même des enseignements à tirer de ces événements ? Je voudrais qu'on écoute Olivier MARLEIX, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale.

OLIVIER MARLEIX, PRÉSIDENT DU GROUPE LR À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
… aujourd'hui il est dans le flux, il est dans le nombre, il est dans la masse. Aujourd'hui vous avez à Paris des gymnases entiers qui sont remplis de gens qui viennent de Syrie, des gymnases entiers, on ne sait pas qui sont ces gens, on est incapable de savoir quel est leur passé, est-ce qu'ils ont été victimes ou est-ce qu'ils ont été bourreaux ? On n'en sait rien.

AGATHE LAMBRET
Qu'est-ce que vous lui répondez Olivier VÉRAN ?

OLIVIER VÉRAN
C'est qu'il est normal qu'un responsable politique veuille apporter des réponses aux Français quand les Français ont des questions. Je dis que ces réponses, pour les apporter, il faut les avoir, encore une fois. Donc je ne peux pas vous faire une réponse différente, je ne m'inscrirai pas dans la polémique qui consiste à pointer, à ostraciser ou à critiquer ou à débattre, ce n'est pas le moment de le faire. Je le redis et je le dis volontiers à Olivier MARLEIX, je le dis à tous ceux qui ont pu intervenir sur ce terrain-là hier, ce que les Français attendent de nous ce sont des réponses. Est-ce qu'on les a aujourd'hui ? Non. Donc commenter ce qu'on ne sait pas à commenter, me semble ne pas faire preuve de…

LORRAIN SÉNÉCHAL
De décence.

OLIVIER VÉRAN
Non, mais de bon jugement, voilà, dans la période.

AGATHE LAMBRET
Olivier MARLEIX…

OLIVIER VÉRAN
D'ailleurs, pardon, c'est ce que me disaient les gens que j'ai vus, y compris ce matin, le drame, que vous inspire ça, hier, soir, les gens me disent on veut en ce moment-là, on veut du silence, du recueillement et on veut ensuite des réponses.

AGATHE LAMBRET
Oui, mais sauf que Marine LE PEN par exemple, aujourd'hui aussi pointe certaines défaillances et elle a fait une liste de défaillances assez concrète ce matin sur Europe 1. Pour l'ancienne candidate à la présidentielle c'est évident, il y a eu des défaillances, d'abord parce que l'auteur présumé aurait dû faire l'objet d'une procédure accélérée en 15 jours, puisqu'il avait déjà le statut de réfugié dans un autre pays de l'Union européenne, il aurait dû aussi être renvoyé dans ce pays, mais ça n'a pas été le cas. Ensuite, pour se déplacer librement dans Schengen, c'est la règle pour les réfugiés, elle affirme qu'il aurait dû malgré tout avoir un titre de voyage pour réfugié, afin de pouvoir circuler, ça n'a pas été le cas. Et enfin elle précise que ces réfugiés, au bout de 3 mois normalement, à moins de travailler, par exemple, ils ne peuvent pas rester sur le territoire. Or, selon les premiers éléments, cette personne était depuis bien plus de 3 mois sur le territoire français. Donc, est-ce qu'on peut se poser les questions ou est-ce qu'il n'y a pas de règles et à partir du moment où on est réfugié on peut se balader d'un pays à l'autre et faire absolument ce qu'on veut ?

OLIVIER VÉRAN
Madame LE PEN ne pose pas des questions, elle pose des affirmations qui en l'occurrence me semblent, au regard du droit, erronées.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est-à-dire ?

OLIVIER VÉRAN
Erronées, c'est-à-dire que le ministre de l'Intérieur a eu l'occasion de s'exprimer sur le dossier, la personne qui est en Europe, au sein de l'Union européenne depuis 2013, depuis, de manière régulière puisqu'elle a obtenu le droit d'asile, a déposé, a fait une demande d'asile, en quelques mois il a été convoqué par les services de l'OFPRA, qui lui ont signifié le fait qu'il disposait déjà du droit d'asile en Suède, il était normal que son dossier soit réexaminé puisque les conditions d'acceptation de l'asile en Suède et en France ne sont pas les mêmes, et donc …

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc il était normal que … le temps de l'examen de son dossier, c'est ce que vous dites…

OLIVIER VÉRAN
Non non, il était normal que son dossier soit examiné, et qu'on ne l'envoie pas bouler au moment du dépôt, puisque les conventions internationales stipulent qu'il faut toujours examiner, et la France s'y engage, une demande d'asile lorsqu'elle est déposée. D'accord. Donc à partir de là il lui a été signifié qu'il n'avait plus vocation à rester, il avait un mois pour faire appel, on était dans ce dans ce mois coulant. Mais encore une fois je vous dis, pour moi la question principale à laquelle nous devons répondre collectivement, et qui est sûr, c'est évidemment moins une question politique comme les affectionne madame LE PEN, c'est une question qui est : qu'est-ce qui peut, non pas expliquer, jamais, mais comment un individu, un humain peut en arriver à commettre un acte d'une telle violence à l'encontre d'un public de petits.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Le ministère de l'Intérieur note d'ailleurs une coïncidence dans le fait qu'il a obtenu un refus de sa demande en France, 4 jours avant ce passage à l'acte, refus parce qu'il avait déjà un statut obtenu en Suède. Vous voyez aussi cette coïncidence ? Il y a peut-être un lien à chercher de ce côté-là ?

OLIVIER VÉRAN
On verra. Encore une fois…

LORRAIN SÉNÉCHAL
L'enquête le dira.

OLIVIER VÉRAN
Ni vous ni moi ne sommes enquêteurs. Je pense qu'il faut regarder de l'autre côté, mais ces questions que vous posez, et les interventions des uns et des autres, elles appelleront, elles appellent des réponses, le moment venu, lorsqu'on les a. Je ne eux répéter que la même chose matin, sinon je m'inscrirais encore moi-même dans une polémique, que je suis en train de dénoncer.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Olivier VÉRAN, vous restez avec nous…

AGATHE LAMBRET
Vous reconnaissez que le gouvernement ne peut pas grand-chose dans ce genre de situations.

OLIVIER VÉRAN
Mais je reconnais qu'on a un service d'enquête, je reconnais qu'il y a un homme qui est actuellement en prison, qui est interrogé par des enquêteurs, qui va être expertisé ce matin par un psychiatre, qu'il y a des enquêteurs à travers l'Europe qui sont en train de faire leur travail auprès de ceux qui connaissaient cette personne, pour tenter de saisir le parcours et ce qui a pu conduire un être humain doté d'un cerveau, d'une âme, d'un cœur en toute théorie, à commettre un acte d'une telle barbarie.

AGATHE LAMBRET
Toujours avec Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement. Olivier VÉRAN, le gouvernement planche en ce moment sur un projet de loi sur l'immigration. Concrètement, est-ce que votre projet aurait permis d'éviter ce genre de drame ?

OLIVIER VÉRAN
Pardon… je crois avoir essayé de répondre de la meilleure manière qui soit à la question que vous m'avez posée, nous n'avons pas les réponses. On a besoin de légiférer sur la question de l'immigration et de l'intégration. Mais je vais vous répondre parce qu'il faut qu'on bascule effectivement vers cette question importante de l'immigration mais je la dissocie volontairement de ce qui est arrivé hier ; je le dis ici en préambule. On a besoin de réformer le droit. D'ailleurs l'Europe considère qu'elle a besoin aussi de réformer le droit en matière d'immigration. Et hier, il y a une décision européenne importante qui a été adoptée qui vise à mieux travailler avec les pays qui sont les pays dans lesquels arrivent en première ligne les immigrés ou les réfugiés qui veulent entrer en Europe, de manière à mieux harmoniser la répartition des personnes dans l'Union européenne et d'être plus efficace aussi dans le refus ou dans l'expulsion de ceux qui n'ont pas vocation à y rester. Donc voyez qu'au niveau européen, ça bouge et c'est important.

LORRAIN SÉNÉCHAL
L'accord qui a été trouvé, vise à répartir 30 000 personnes au sein des pays de l'Union européenne, 30 000 demandeurs d'asile…

OLIVIER VÉRAN
Et si ma mémoire est bonne, ça pourra monter à 120 000 en réalité par les différents mécanismes, par an…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Sauf que l'an dernier, en France, il y a eu 130 000 demandes d'asile.

OLIVIER VÉRAN
120 000 qui sont déjà mieux répartis, il y en a qui sont logiquement répartis dans tous ceux qu'on enregistre en France mais il y en a qui ne le sont pas et donc l'idée, c'est de mieux travailler en Européens pour faire en sorte que les pays qui voient arriver des personnes de l'extérieur, fassent le job…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc ça, c'est un accord européen…

OLIVIER VÉRAN
Ça, c'est un accord européen et ça veut dire que ça bouge aussi au niveau européen et on ne peut pas parler d'immigration sans parler droit européen, ce serait illusoire. Ensuite, sur le projet de loi immigration, nous ce qu'on vise, je le redis bien volontiers, c'est expulser les personnes qui n'ont pas vocation à rester, qui ont reçu ce qu'on appelle le fameux OQTF…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Obligation de quitter le territoire français…

OLIVIER VÉRAN
Voilà, c'est être capable de répondre plus vite et de manière définitive à tous ceux qui demandent l'asile mais qui n'ont pas vocation à l'obtenir souvent parce qu'ils viennent d'ailleurs de pays qui ne sont pas des pays en tension ou des pays en guerre et c'est aussi permettre à ceux qui ont vocation à rester, de pouvoir travailler plus vite, surtout lorsqu'on a besoin d'eux dans des métiers qui sont en tension. Donc aucun de ces cas de figure-là ne me semble correspondre à la situation évoquée.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Le titre de séjour "métiers en tension", il figurera dans votre projet de loi, même si la droite a déjà dit – vous devez avoir un accord avec la droite pour faire passer le texte – qu'elle n'en voulait pas ?

OLIVIER VÉRAN
Vous connaissez notre ADN politique : c'est d'être pragmatique, efficace, juste, humaniste…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais c'est pragmatique justement d'aller contre un éventuel accord politique ?

OLIVIER VÉRAN
Mais qu'est-ce qui est bon pour le pays ? Pardon, c'est que quelques députés d'un parti soient d'accord ou c'est que des milliers de chefs d'entreprise puissent faire tourner les restaurants, les boîtes de BTP et des milliers de personnes aujourd'hui sans revenus et qui n'ont pas de logement et qui coûtent à l'État, puissent apporter à l'État et travailler ? Bon, le côté pragmatique, c'est en définitive ce qui se passera une fois que la loi aura été adoptée ; le reste, ce sera de la mousse. Toute la période qu'on connaît la sur la recherche d'accord, qui est importante mais elle s'arrête à partir du moment où la loi est votée et derrière, ce qui compte, c'est ce que dit la loi.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais pour qu'elle soit votée, il faut un accord avec la droite…

OLIVIER VÉRAN
Je suis tout à fait de votre avis, pour que la loi soit votée, il faut un accord…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais là vous êtes en train de parler d'une mesure que refuse la droite.

OLIVIER VÉRAN
Mais dans la mesure où on propose quelque chose qui est demandé par des chefs d'entreprise, qui est demandé par de nombreux Français, qui va dans un sens de l'efficacité et de la justice, c'est plutôt à ceux qui ne sont pas d'accord d'expliquer pourquoi ils ne le seraient pas en réalité parce que ce projet de loi, il aurait été porté par la droite sous un gouvernement de droite, par la gauche dans un gouvernement de gauche, il aurait été voté ! Donc là, on est dans la politicaillerie. C'est à nous effectivement de faire atterrir les choses en proposant des ouvertures aux uns et aux autres, à la recherche d'un consensus mais je le redis, ce qu'on présente dans notre projet de loi initial, c'est quelque chose qui améliore la situation.

AGATHE LAMBRET
Et vous pensez qu'un accord est possible, Olivier VÉRAN, parce qu'à vous entendre, on constate une fois de plus l'abîme entre vos positions et la réaction des Républicains après ce drame. Vous pensez que vous allez y arriver ?

OLIVIER VÉRAN
C'est tout le travail qui est le nôtre ; Les Républicains ont fait des propositions, bon, on les regarde d'ailleurs, c'est important qu'ils le fassent. Je le redis ici, c'est important que la gauche se mette à faire des propositions parce que je considère que la gauche de gouvernement, elle a quand même vocation à s'intéresser à la question de l'immigration et de l'intégration. Je note que dans tous les pays où elle ne le fait pas, elle disparaît et dans tous les pays où elle le fait, elle remonte. Donc j'attends. Et il faut aussi qu'on aille un peu les chercher pour qu'ils nous disent parce que là, ils se taisent mais le silence ne fait pas avancer les choses.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Alors la droite parle beaucoup de ces sujets : est-ce que vous voulez toucher à l'aide médicale d'État par exemple ? La droite voudrait en réduire la voilure.

OLIVIER VÉRAN
La droite a proposé une proposition de résolution au Parlement qui visait à remplacer l'aide médicale d'État par des soins dits urgents et la majorité… notre majorité et la majorité au Parlement a voté non…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc on ne touche pas à l'AME…

OLIVIER VÉRAN
Alors il y a deux choses différentes : est-ce qu'il faut supprimer l'aide médicale d'État ? Non ; est-ce qu'il faut amoindrir l'aide médicale d'État pour la remplacer par d'un dispositif de soins urgents ? A l'évidence non. Et les députés ont voté en ce sens, tant mieux.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et pourquoi puisque la droite dit que ça coûte trop cher…

OLIVIER VÉRAN
Il y a eu un rapport de l'Inspection générale des finances que j'avais moi-même reçu lorsque j'étais rapporteur général au ministre, qui explique qu'en réalité, l'aide médicale d'État évite des sur-dépenses parce qu'elle permet de traiter plus tôt des maladies souvent infectieuses qui, si elles flambaient, coûteraient beaucoup plus à la solidarité nationale et je ne connais pas un seul médecin ou une seule infirmière qui refuserait de soigner quelqu'un qui est malade parce qu'il n'aurait pas le bon papier. Pour autant, est-ce qu'il faut s'interroger sur le contenu du panier de soins ? Est-ce qu'il y a des choses qu'il faut encore toiletter ? On le fait tous les 2-3 ans en général… oui. Donc on peut discuter de l'aide médicale d'État pour la rendre à la fois plus opérationnelle et peut-être la recentrer sur les besoins les plus fréquemment exprimés.

AGATHE LAMBERT
Parce que Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur, lui, a clairement dit oui à la droite pour discuter d'une réforme de l'aide médicale d'État…

OLIVIER VÉRAN
Des modalités mais pas de l'esprit de l'aide médicale d'État ; encore une fois, la non-assistance à personne en danger n'est pas dans l'ADN de nos blouses blanches.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Dernière chose sur ce sujet Olivier VÉRAN et après, on parlera dans un instant de la proposition de loi LIOT qui a été avortée hier : est-ce qu'il faut toucher à l'accord franco-algérien de 1968 ? C'est ce que demande votre ancien Premier ministre, Edouard PHILIPPE, lui-même ?

OLIVIER VÉRAN
Je n'ai pas de réponse gouvernementale à vous donner à cette question ; d'abord, je note qu'Edouard PHILIPPE a contribué au débat et c'est important qu'il le fasse comme responsable politique, ancien Premier ministre et responsable d'un groupe de la majorité…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il trouve que cet accord donne trop de droits aux Algériens…

OLIVIER VÉRAN
Il salue d'abord le contenu du projet de loi gouvernemental, je le rappelle et ensuite, effectivement, il ouvre un certain nombre de pistes de réflexion de manière à ce qu'on soit plus efficace. Et donc ça fait partie des éléments qui seront mis au débat. Je n'ai pas la réponse à vous apporter ce matin…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il y aura un débat sur cet accord.

OLIVIER VÉRAN
Il y aura des débats sur l'ensemble des propositions des uns et des autres puisqu'on a dit nous-mêmes qu'on était à la recherche, vous m'avez posé la question tout à l'heure, d'un accord politique.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Merci Olivier VÉRAN.

AGATHE LAMBRET
Toujours avec Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement. Hier, la majorité a réussi à éviter un vote sur l'abrogation de la réforme des retraites. Une fois de plus, Marine LE PEN vous reproche d'avoir eu peur du peuple et peur du vote ; est-ce que vous avez eu peur de perdre Olivier VÉRAN et est-ce que ça n'aurait pas eu du panache d'aller au vote, quitte à le perdre ?

OLIVIER VÉRAN
Pardon, on a eu un vote la semaine dernière en commission et LIOT a perdu….enfin on a eu une majorité de 4 voix en commission sur à peu près 70 députés pour repousser…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais vous avez la majorité en commission… ce n'est pas la même composition que celle de l'Assemblée…

OLIVIER VÉRAN
Excusez-nous… on perd à chaque fois en fait, c'est-à-dire que quand on gagne au vote, on perd ; quand il n'y a pas de vote parce qu'ils retirent leur texte – ce qui s'est passé hier – on perd…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais il n'y a pas eu de vote en assemblée plénière…

AGATHE LAMBRET
C'est ça le sujet, c'est qu'il n' a pas eu de vote à l'Assemblée sur un texte aussi important…

OLIVIER VÉRAN
Des votes, il y en a eu plusieurs…

AGATHE LAMBRET
Mais pas à l'Assemblée…

OLIVIER VÉRAN
Je rappelle qu'à la base, en première lecture à l'Assemblée nationale, le gouvernement voulait débattre de l'ensemble de la loi ; il y a eu une obstruction qui est venue de l'opposition qui ensuite a hurlé en disant qu'ils n'avaient pas eu le temps d'examiner tout le texte. Bon. Ensuite, ils ont dit… nous avons déclenché un 49-3, c'est-à-dire dire que nous avons demandé aux députés de voter pour ou contre la confiance…

(Brouhaha)….

LORRAIN SÉNÉCHAL
Le texte ensuite est parti au Sénat qui l'a voté ; ensuite il y a eu un accord en commission mixte paritaire et cette fois-ci, vous avez fait le choix du 49-3…

OLIVIER VÉRAN
S'ils avaient voté contre la confiance, le texte tombait. Donc il y a eu un vote. Ensuite, on saisit le Conseil constitutionnel qui dit : on valide ; on remplit encore cette étape. Ensuite, il y a un truc qui est unique dans l'histoire de la 5e République : il y a une volonté d'abroger une loi qui n'est pas encore promulguée à travers une proposition de loi ; elle est déposée en commission ; il y a un vote. Le vote dit : on n'abroge pas la loi. Et ils veulent ensuite revenir dans l'hémicycle avec un amendement à 15 milliards qui est contraire à la Constitution ; ce qui fait qu'il ne pouvait pas y avoir de débat sur cet amendement-là et là ils décident de retirer leur texte. Donc encore une fois, on peut faire toute l'écume qu'on veut, toute la mousse, on peut ne pas être d'accord avec la réforme des retraites, dire que les choses ont été… peu importe, les mécanismes démocratiques sont vraiment allés au bout.

LORRAIN SÉNÉCHAL
La page est tournée Olivier VÉRAN ? La page de la réforme des retraites ? Le match est en train de se terminer, disait il y a quelques jours Laurent BERGER, de la CFDT.

OLIVIER VÉRAN
Là où nous avons besoin des syndicats et d'ailleurs ils travaillent avec nous, c'est pour les conditions d'application ; quand on parle de l'emploi des seniors par exemple, quand on parle des carrières longues ; nous, on veut que tout soit applicable à partir du début de l'automne à venir, et pour ça on a besoin des partenaires sociaux.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Y compris les mesures entre guillemets "sucrées", qui avaient été enlevées par le Conseil constitutionnel ?

OLIVIER VÉRAN
Y compris pour ces mesures-là mais aussi pour discuter du reste, je vous rappelle qu'actuellement, les syndicats et le patronat sont en train de définir leur volonté d'un agenda social pour pouvoir venir voir la Première ministre et les ministres concernés pour dire : voilà les sujets dont on a envie de parler avec vous maintenant. Donc on avance, on travaille et de fait c'est ça qui est important à mes yeux, c'est que la France progresse et avance. On a déposé en conseil des ministres, un texte qui reprend un accord des syndicats sur ce qu'on appelle le partage de la valeur, c'est-à-dire comment on fait pour que les salariés gagnent plus d'argent quand l'entreprise gagne plus d'argent.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est l'intéressement et la participation, notamment pour les petites entreprises.

OLIVIER VÉRAN
Bien sûr.

AGATHE LAMBRET
Pour avancer, pour tourner la page, vous mettez aussi sur la table une réforme qui crispe les syndicats, c'est la réforme du RSA, le revenu de solidarité active, ses bénéficiaires désormais devront s'engager à 15 à 20 heures d'activités d'insertion hebdomadaires sous peine de sanctions. Le versement de leurs indemnités par exemple pourrait être supprimé. Ecoutez ce qu'en pense Laurent BERGER, le patron de la CFDT.

LAURENT BERGER
On a une stigmatisation des personnes les plus en difficulté dans notre société de la part de ce gouvernement ; c'est inacceptable, c'est intolérable, j'en ai assez ! Il y a une vraie stigmatisation. Les gens qui bénéficient du RSA, ce n'est pas tous "t'as qu'à bosser espèce de feignasse" ! Loin s'en faut. C'est un accompagnement vraiment réel, professionnel qu'il faut faire.

AGATHE LAMBRET
Vous réussissez encore une fois à vous mettre à dos les syndicats Olivier VÉRAN ?

OLIVIER VÉRAN
De quoi parle-t-on pardon ? On parle de personnes qui n'ont pas de travail, qui sont convoquées une fois l'an peut-être pour qu'on leur demande où est-ce qu'ils en sont et qui vivent avec 400 balles par mois. Et nous, on dit en fait : toutes ces personnes-là, on va les accompagner de manière globale avec un guichet unique ; il y aura une personne quasiment dédiée pour un petit groupe de demandeurs d'emploi qui sont au RSA ; on va lever tous les freins, par exemple les familles monoparentales, les mères isolées avec enfants qui n'arrivent pas à faire garder leurs enfants et qui disent "moi je ne peux pas travailler, je dois m'occuper de mes enfants", eh bien on va trouver une solution de garde pour vos enfants. Et on est en train de dire à ces personnes-là : on vous propose une formation, qu'est-ce qui vous intéresse ? Vous voulez devenir boulanger ? Pourquoi pas ? Eh bien on va vous payer une formation et on va vous accompagner…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et c'est la question de la conditionnalité.

OLIVIER VÉRAN
Et avant ça, pour que vous soyez sûr, on va vous permettre d'aller passer 18, 30 heures, dans une boulangerie avec une boulangerie qui est ravie de vous accueillir, parce qu'elle cherche des jeunes ou des moins jeunes d'ailleurs, qui sont motivés, à former, et donc va mettre en relation des entreprises qui recherchent, avec des personnes qui recherchent. Excusez-moi, encore une fois, même remarque que sur l'immigration, ça s'appelle du pragmatisme et de l'efficacité.

AGATHE LAMBRET
Mais, le sujet pointé par les associations, Olivier VÉRAN, c'est la contrainte, la contrainte sur des personnes qui sont déjà dans une grande précarité, dans une grande fragilité.

OLIVIER VÉRAN
Mais je vais vous dire ma conviction, c'est que notre mécanisme d'accompagnement, quand vous allez chercher quelqu'un en lui disant, écoutez, on va vous sortir de cette misère, on va vous trouver une formation, vous avez une perspective d'avoir un salaire, on va s'occuper des enfants, on va vous aider dans vos démarches sociales, et on va se revoir tous les 15 jours s'il le faut jusqu'à ce qu'on y arrive ensemble. Il n'y a pas besoin même du levier de la contrainte, puisque la personne elle va vous dire : mais moi c'est ce à quoi j'aspire, parce que je ne vis pas aujourd'hui avec mes 400 € par mois à la maison…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais vous assumez que potentiellement des personnes se retrouvent sans aucune ressource ?

OLIVIER VÉRAN
Pardon ?

LORRAIN SÉNÉCHAL
Vous assumez que potentiellement des personnes se retrouvent sans aucune ressource ?

OLIVIER VÉRAN
Je vous dis que, ce que je n'assume pas, c'est que l'on continue d'avoir des centaines de milliers de personnes dans notre pays qui perçoivent une allocation et qui sont laissés pour compte. Qui sont laissés-pour-compte et j'en rencontre beaucoup, et qui sont très très éloignés du marché du travail, alors qu'ils ont vocation à travailler et je considère que l'emploi c'est la première des solidarités.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Olivier VÉRAN, l'affaire aussi qui secoue le gouvernement, c'est celle du Fonds Marianne qui avait été créé après les attentats, l'attentat qui a visé Samuel PATY, fonds qui était destiné à financer des associations dans la diffusion de discours républicains, discours qui feraient barrage aux discours radicaux. Il y a une subvention de 100 000 € qui a été refusée à SOS Racisme, arbitrage de votre collègue du gouvernement Marlène SCHIAPPA, alors qu'elle disait de ne pas être intervenue dans ce dossier, c'est son ancien directeur de cabinet qu'il l'a dit en Commission. Est-ce que Marlène SCHIAPPA est fragilisée par cette affaire ? Est-ce qu'elle peut rester à sa position, est-ce qu'elle peut travailler sereinement ?

OLIVIER VÉRAN
Pardon, ce n'est pas à moi de dire, comme porte-parole du gouvernement, si un ministre est fragilisé ou non. Enfin, ce que je peux vous dire c'est qu'il y a une saisine de l'article 40, il y a une enquête judiciaire qui est en cours, pour apporter des réponses, on toute transparence, et c'est normal…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Sur des soupçons de détournements de fonds publics, il y a une information judiciaire qui est ouverte.

OLIVIER VÉRAN
Et c'est tout à fait normal. Il y a eu un rapport de l'Inspection générale de l'administration qui a entraîné la démission de monsieur GRAVEL…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Le préfet qui était en charge de la gestion de ce fonds.

OLIVIER VÉRAN
Voilà, et il n'y a pas une incrimination de la ministre dans ce rapport. Donc attendons encore une fois que l'enquête se passe et les réponses elles seront, et c'est encore une fois naturel, elles seront apportées en transparence.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Elle peut travailler sereinement, Marlène SCHIAPPA, en ce moment elle travaille sereinement ?

OLIVIER VÉRAN
Eh bien posez-lui la question.

AGATHE LAMBRET
Monsieur le Ministre, vous êtes ministre, justement quand on est ministre on est patron de son administration, non, et on a la charge des dossiers qui sont dans notre portefeuille oui ou non ?

OLIVIER VÉRAN
On a la charge des dossiers qui sont dans notre portefeuille et on travaille…

AGATHE LAMBRET
On est responsable.

OLIVIER VÉRAN
On travaille avec l'administration, ça ne veut pas dire qu'on voit forcément tout passer à hauteur de ministre. Quand j'étais ministre de la Santé je devais signer des cinquantaines si ce n'est des centaines d'arrêtés ou de décrets par jour, donc voilà, et c'est pour ça qu'il faut, posez-lui la question… Voilà.

LORRAIN SÉNÉCHAL
On lui posera la question. Olivier VÉRAN, merci beaucoup


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juin 2023