Texte intégral
M Claude Raynal, président. - Madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous poursuivons cet après-midi les auditions de la mission d'information que notre commission a décidé de constituer sur la création du Fonds Marianne, la sélection des projets subventionnés, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du Fonds.
Cette mission d'information a obtenu du Sénat de bénéficier des prérogatives d'une commission d'enquête.
Nous entendons aujourd'hui Mme Sonia Backès, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
Nous savons, madame la ministre, que vous avez pris vos fonctions bien après le lancement du Fonds Marianne et la sélection des projets mais, alors que ceux-ci étaient encore soumis à un suivi par votre administration, vous avez été témoin d'un certain nombre d'alertes, qui ont conduit entre autres à la création de notre commission d'enquête.
Par ailleurs vous avez autorité sur le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SGCIPDR) et avez aujourd'hui la responsabilité sur l'attribution des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR). Nous sommes donc particulièrement intéressés par le fait de comprendre le suivi que vous faites de ce sujet et les enseignements que vous tirez de l'épisode qui nous occupe aujourd'hui.
Avant de vous céder la parole pour un bref propos introductif, si vous le souhaitez bien sûr, madame la ministre, je dois vous rappeler qu'un faux témoignage devant une commission d'enquête est passible de sanctions pénales qui peuvent aller, selon les circonstances, de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende. Je vous invite donc à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire : " Je le jure ".
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Backès prête serment.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. -Je vous remercie de m'auditionner aujourd'hui.
J'ai pris mes fonctions le 4 juillet dernier, mais je vais vous donner, en propos introductif, quelques éléments de contexte, vu de mon prisme, de l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui.
Lorsque je suis nommée, le 4 juillet, je dispose de ce qu'on appelle les " dossiers ministre ", qui comprennent un certain nombre d'éléments, remis par chaque direction pour être portés à la connaissance des membres du Gouvernement. Concernant le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), il n'est pas question du Fonds Marianne. C'est un sujet que je ne connais absolument pas puisque, vous le savez peut-être, je viens de Nouvelle-Calédonie et qu'en Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de sujet de radicalisation. Ce sujet m'était donc complètement inconnu avant mon arrivée.
Je prends connaissance pour la première fois du sujet dans le courant du mois de septembre, lorsque mon conseiller en communication me transmet un article du magazine Marianne, qui date du 30 juin, soit avant ma nomination, faisant état d'une question sur la liste des lauréats qui n'aurait pas été rendue publique. Je demande à ce moment-là, via mon mon directeur de cabinet, des éléments au secrétaire général du CIPDR, qui nous transmet une première note, que nous estimons incomplète, et qui est complétée par une seconde note du 12 octobre nous expliquant, d'une part, la raison pour laquelle la liste de lauréats n'est pas rendue publique - j'y reviendrai sans doute - et, d'autre part, nous faisant un point sur l'ensemble des lauréats pour faire l'état des lieux.
Cette note, globalement très positive, fait état d'une bonne exécution des différentes subventions. Il y a, à ce moment-là, une simple observation, qui fait une ligne, indiquant qu'il pourrait y avoir un sujet de contenus sur l'une des associations, sur laquelle j'imagine qu'on reviendra également, Reconstruire le commun.
Je demande plus d'informations au secrétaire général du CIPDR, qui nous indique qu'il avait effectivement vu des contenus à caractère politique, qu'il avait convoqué les responsables de l'association, qui avaient dit que cela ne se reproduirait plus. L'affaire était donc close.
À ce moment-là, il n'y a pas de d'alerte. Ce sont simplement des questions ou des observations. Au mois de décembre, suite aux questions insistantes d'un certain nombre de journalistes sur la liste des lauréats et du fait qu'elle n'est pas rendue publique, nous décidons de la montrer à un certain nombre de médias - en l'occurrence France 2, Marianne et Mediapart -en échange d'un engagement de ne pas la diffuser pour maintenir la sécurité des lauréats qui, on le sait, quand il s'agit d'islam radical, sont très vite en situation de risque.
Au mois de décembre, nous montrons cette liste aux différents médias et n'avons plus de nouvelles sur le sujet jusqu'au 22 mars, date à laquelle mon cabinet a un échange avec France 2, qui dit, de mémoire : " attention, on a vu un problème avec une association, l'Union fédérative des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) " qui, visiblement, n'a pas dépensé correctement la subvention.
Cette alerte est en fait suivie, dès le lendemain, d'un mail des nouveaux dirigeants de l'USEPPM, qui dit : " attention, on a constaté un problème dans la manière dont cette subvention était dépensée ". Cette alerte nous inquiète fortement et déclenche ma demande, d'une part, de saisie de l'IGA, le lendemain et, d'autre part, une demande adressée au préfet Gravel de saisir la procureure de la République de Paris sur le fondement de l'article 40 à propos de cette association.
Le préfet Gravel le fait le 31 mars. À la suite de cela, on commence à comprendre qu'il y aurait, là encore sur la base d'un certain nombre d'informations des journalistes, des problèmes de contenus qu'on avait commencé à identifier dans le cadre des premiers questionnements. Je demande donc le 31 mars au secrétaire général du CIPDR de faire un travail de fond sur toutes les associations et tous les contenus pour regarder l'étendue de la problématique et savoir si, effectivement, les associations lauréates ont bien dépensé les subventions comme prévu.
On se rend compte très rapidement, le 12 avril, qu'il y a un problème de contenu avec l'association Reconstruire le commun. J'étends donc la mission de l'IGA à l'ensemble des associations, et je décide de faire moi-même un article 40 sur cette nouvelle association.
Je passe ensuite sur le fait que le parquet national financier (PNF) ouvre une information judiciaire le 4 mai et sur la suite, que vous connaissez bien évidemment.
Je voudrais simplement, avant de répondre à vos questions, vous dire que la politique publique en matière de lutte contre l'islam radical est absolument essentielle dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui est aujourd'hui menée par le Gouvernement. Les renseignements que nous avons démontrent que le communautarisme et le séparatisme alimentent la radicalisation qui, elle-même, alimente le terrorisme.
Auparavant, les prêches les plus violents et les plus dangereux étaient faits dans les mosquées. Ils sont aujourd'hui faits sur les réseaux sociaux, et on a besoin de cette politique publique bien évidemment menée en partie par les services du Gouvernement, mais on sait très bien que les codes de ceux qui sont sur les réseaux sociaux, les méthodes, les réseaux eux-mêmes sont plus accessibles par un certain nombre de personnes de la société civile, qui sont mieux à même de répondre, d'où l'intérêt de la politique publique au sens large qui est menée.
On y reviendra bien évidemment, mais il y a dans ce dossier, de manière maintenant très claire, après le rapport qui a été remis par l'IGA, des erreurs qui ont été commises, des fautes, des manquements sur lesquels on va revenir. Je pense qu'il ne faut pas, selon l'expression que vous avez utilisée ce matin, « jeter le bébé avec l'eau du bain ». Il y a, dans les associations qui ont été lauréates comme dans d'autres, qui travaillent dans le cadre du FIPD ou de partenariats avec le Gouvernement, des associations qui font un travail extraordinaire et qui, en outre, depuis la publication de la liste par un organe de presse, sont réellement en insécurité et menacées.
Ils nous ont répondu récemment, suite à un certain nombre de sollicitations, qu'ils ne voulaient plus y aller parce qu'ils sont en danger. Je voudrais simplement attirer votre attention pour que, dans les messages que nous passons collectivement sur ce sujet, on continue de soutenir ceux qui mènent ce travail de contre-discours républicain et de lutte contre l'islam radical.
M. Claude Raynal, président. - Merci, madame la ministre. Comme vous le savez, notre commission n'a pas du tout pour objet de remettre en cause une politique publique, que ce soit celle-ci ou toute autre d'ailleurs. Ce n'est pas notre rôle. Notre rôle est de voir si elle est exécutée dans les meilleures conditions possibles et de nous assurer du respect des règles fixées par ailleurs.
J'avais quelques questions d'ordre général, mais vous nous avez déjà répondu, ainsi d'ailleurs que votre directeur de cabinet, que je salue, qui est à vos côtés. Élue de Nouvelle-Calédonie et ayant à l'époque assez peu de liens avec la métropole, sinon des liaisons indirectes, le fonds Marianne vous était inconnu, ce dont nous nous sommes étonnés lorsque cela nous a été dit par votre directeur de cabinet et désormais par vous-même.
On peut en effet s'étonner qu'il ne figure pas dans la continuité de l'action de l'État. C'est un point à mon avis tout à fait essentiel.
Avez-vous eu des discussions ou des contacts avec votre collègue Marlène Schiappa à ce sujet au moment où vous arrivez ? Elle aurait pu éventuellement, sans vous transmettre un dossier, évoquer ce sujet, ou depuis qu'un certain nombre de difficultés sont apparues. Est-ce qu'il y a eu un échange sur cette question ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Non, absolument pas de discussions, sur ce sujet avant que l'affaire n'éclate. Nous avons eu une discussion sur le sujet dans laquelle je lui ai indiqué qu'il était bon d'attendre d'une part les résultats de l'IGA, puisque c'était avant le résultat de sa mission, d'autre part de la commission d'enquête et, pour finir, de la justice, avant de nous exprimer publiquement sur le sujet.
M. Claude Raynal, président. - Votre directeur de cabinet nous a apporté une réponse assez claire sur le rôle du cabinet et sur la procédure, sur laquelle il a pris position sur le fait qu'il n'était pas anormal que le cabinet soit dans le système de décision en matière d'attribution de Fonds et, plus exactement, de validation des sujets, pour employer un terme plus précis.
On voit bien que, dans cette affaire - peut-être parce que c'était aussi le démarrage -, le CIPDR avait finalement un fonctionnement un peu autonome. Lorsque le poste de ministre délégué est créé, on revient dans un cadre un peu plus traditionnel, et un nouveau système de validation est mis en place. Vous l'avez poursuivi. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous en tirez quelques conclusions sur la manière d'établir cette relation entre l'administration, le cabinet vous-même ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Le processus tel qu'il est construit, c'est-à-dire l'administration qui instruit et propose et le politique qui valide, me paraît parfaitement conforme. Je suis accessoirement présidente de collectivité locale, et c'est ainsi que cela se passe dans les collectivités locales. Cela ne me paraît pas dissonant ou dysfonctionnant. La question est ensuite de savoir quels sont les contrôles a priori et a posteriori qui sont effectués.
Ce qu'on voit dans le rapport de la mission de l'IGA, c'est qu'on a peut-être manqué de contrôles, notamment a priori, au moins pour une association, et que les contrôles a posteriori montrent un certain nombre de dysfonctionnements. Je pense que c'est là-dessus que nous allons travailler.
M. Claude Raynal, président. - A priori, durant l'opération, et a posteriori. Ce sont à peu près toutes les étapes qui sont signalées dans le rapport de l'IGA, si on le décode bien. En tout cas, c'est un sujet prégnant que la question de savoir comment on doit fonctionner.
Un exemple a été donné à juste titre par votre directeur de cabinet. Lorsqu'on reçoit un dossier, quels que soient les rôles et les responsabilités que l'on a, qu'elles soient municipales, départementales, régionales ou ministérielles, c'est pareil : on reçoit des dossiers en direct et la règle qui doit effectivement s'appliquer est une règle de transmission à l'administration sans élément d'appréciation particulier, la laisser travailler et voir après comment avancer. Ces pratiques-là paraissent de bon sens et, de plus, mettent chacun devant ses responsabilités. Peut-être faut-il aller plus loin dans la formalisation de quelque chose dans ce domaine, car un certain flou peut parfois sortir de positions particulières.
Le 10 octobre 2022, le préfet Gravel vous fait parvenir une note dans laquelle il explique les raisons pour lesquelles la liste de lauréats n'a pas été rendue publique et pour lesquelles une démarche a été engagée pour ne pas les mentionner dans le jaune budgétaire sur le soutien de l'État aux associations. Cela répond à une demande de la presse pour obtenir la liste des lauréats. Pouvez-vous nous rappeler ce contexte et nous dire comment cette demande de note est formulée. À quoi répond-elle ? Est-ce une demande de votre part ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Nous sommes sollicités à ce moment par des médias qui nous demandent la liste en décembre. On voit simplement à ce moment-là l'article du 30 juin qui dit que la liste est tenue confidentielle, et cela a l'air de poser problème. C'est à ce moment-là que je demande des informations et que le préfet Gravel nous indique que, pour des raisons de sécurité, et dans un cadre effectivement bien défini, la liste des lauréats est gardée confidentielle. Je pense que c'est finalement ce qui aurait dû être fait. Elle a finalement été rendue publique. Aujourd'hui, un certain nombre de lauréats nous font part de menaces à leur encontre, et je pense que, dans la mesure où ils sont directement en charge de répondre à des discours qui amènent à une forme de séparatisme, ils sont en danger. La volonté du Gouvernement, qui était je crois partagée à l'époque, était de garder cette liste confidentielle.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - J'ai pris des notes sur la chronologie que vous avez évoquée dans votre propos introductif, mais n'étant pas encore un parfait pratiquant de la sténo, il doit me manquer quelques petits éléments.
Vous l'avez dit au début de votre propos introductif, peu de temps après votre nomination, en octobre, vous avez reçu une note où était mentionnée la bonne exécution des subventions, à part une association, que vous avez citée, Reconstruire le commun, pour laquelle des questions étaient soulevées sur le ou les contenus. Assez rapidement, le secrétaire général du CIPDR est intervenu et la situation a été réglée.
J'essaie de garder la tête froide par rapport à ce qui nous a été dit ce matin. Cela veut dire que lorsque vous passez cette commande, on vous produit une note. Je pense que c'est le cabinet...
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - C'est le SGCIPDR...
M. Jean-François Husson, rapporteur. - ... Qui passe au cabinet, qui passe au ministre, le tout dans un temps très court.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Oui.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - J'en conclus une première chose, c'est que les rouages sont parfaitement huilés. Votre arrivée n'a rien changé. C'était la pratique hier, c'est la pratique aujourd'hui et, dans un ministère, ce sera la même pratique demain.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Vous voulez parler de la transmission du SGPDR au cabinet puis au ministère ? Je suppose. En tout cas, depuis que je suis là, il n'y a pas d'absence de fluidité.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Vous n'avez donc pas donné de consignes particulières remettant en cause le fonctionnement passé ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - S'agissant du fait de demander une note et qu'elle soit transmise, non. Je ne vois pas pourquoi j'en aurais donné.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Je vais vous dire tout de suite pourquoi je m'interroge : ce matin, votre prédécesseure a expliqué en permanence qu'elle n'avait pas connaissance des éléments, que c'était le CIPDR, le secrétaire général, le cabinet, mais qu'elle n'était pas là, même si des membres du cabinet venaient du CIPDR.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Je comprends le sens de votre question.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - C'est pour garder le parallélisme des formes. Cela me paraît assez cohérent, d'autant que vous l'avez dit à plusieurs reprises dans votre court propos introductif. Les choses sont donc assez objectives.
Deuxièmement, je voulais parler de la subvention la plus importante concernant l'USEPPM. Effectivement, cette association qui avait bénéficié d'une subvention importante, ne répondait pas, depuis quelque temps déjà, aux sollicitations de l'administration. Historiquement, lorsque les subventions ont été accordées, il devait y avoir un point au bout de six mois. De novembre 2022 à février 2023, il y a eu des relances et pas de réponse. Vous avez bien à nouveau été avertie de la situation. Est-ce que vous savez à quel moment et par qui ? Je pense que c'est là aussi par le CIPDR.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Je comprends mieux le sens de votre question et tiens à préciser que je ne suis évidemment pas informée de tout ce qui se passe à l'intérieur du SGCIPDR. Ce n'est absolument pas mon rôle. Je pense que ce serait un problème si c'était le cas. Je n'ai pas toute la partie administrative du suivi. En revanche, je suis informée de ce que fait mon cabinet, qui a des réunions régulières avec le secrétariat général du CIPDR, d'une part pour transmettre l'impulsion politique que je souhaite transmettre et, d'autre part, pour recueillir de la part du SGCIPDR d'éventuelles problématiques qui se poseraient ou les avancées des dossiers qui leur ont été confiés.
J'ai effectivement, courant mars je pense - je n'ai pas la date exacte - une remontée par le SGCIPDR et mon cabinet du fait qu'on a un souci de transmission de documents par l'USEPPM, ce qui amène la suite, c'est-à-dire la mission qui est confiée à l'IGA et l'article 40. Ils ne transmettent effectivement pas les documents et on n'a aucune réponse de leur part.
Le 23 mars, je ne sais si vous l'aviez noté, les nouveaux responsables de l'association nous disent qu'il y a visiblement un problème.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Vous êtes donc plutôt alertée, avec plusieurs avertissements, en mars 2023, puisque la situation a perduré, malgré des relances.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Très clairement.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Parfait. Cela correspond. J'avais noté le 22. Il me semblait que c'était 48 heures après, mais on ne va pas chipoter à un jour près.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - C'est cela. En fait, on a la presse le 22, l'USEPPM le 23, et l'IGA le 24.
M. Jean-François Husson, rapporteur. -Finalement, pour les deux associations, Reconstruire le commun et l'USEPPM, vous avez eu des alertes, mais pas au même moment. Est-ce que c'était à chaque fois avant des annonces faites par la presse ou après ? Est-ce que des éléments avaient été communiqués ? Vous n'en aviez pas forcément connaissance, mais est-ce qu'ils étaient déjà dans le circuit ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Les deux, en fait. C'est-à-dire qu'il y a deux situations différentes. Pour l'USEPPM, l'alerte principale vient du mail qu'on reçoit des nouveaux dirigeants de l'association qui, clairement, nous inquiète. Au-delà de la question de la presse, c'est ce qui génère la grosse alerte.
Pour Reconstruire le commun, c'était au départ juste un questionnement qui, en plus, avait été balayé, réglé. C'était un questionnement dans la note du mois d'octobre, il y avait un problème de contenu. Je crois que c'était un contenu politique contre Éric Zemmour. On a convoqué l'association pour lui dire qu'elle n'avait pas à avoir de contenu politique, et les choses ont été recadrées.
La vraie problématique vient de questions de la presse, qui ne cite pas d'association, mais qui nous dit simplement : " on a commencé à regarder sur la base de la liste que vous nous avez montrée, et il semble qu'il y ait des problèmes de contenu ". Cela génère, le 31 mars, une demande de ma part au SGCIPDR, via mon cabinet, pour décortiquer tous les contenus. Ils ont regardé des heures et des heures de contenus pour nous faire une note qui amène à la grosse alerte sur la deuxième association, Reconstruire le commun, avec des contenus d'ordre politique qui vont bien au-delà de ce qui avait été observé au mois d'octobre. C'est donc la presse en partie et le travail de contrôle d'autre part qui nous alertent.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - D'accord. Je peux donc en conclure, là encore, que l'information est fluide. L'alerte remonte vers vous normalement, sans obstacle et, de la même manière, vous prenez des décisions, vous donnez des directives et elles sont mises en oeuvre sous votre autorité par le cabinet et par le CIPDR.
Pour moi, cela paraît parfaitement clair, simple et, je le redis, beaucoup plus limpide que ce que nous avons entendu ce matin.
M. Claude Raynal, président. - Sur ce point, on a une difficulté de présentation de ce qui a été fait par le secrétariat général par rapport à ces contenus. On a deux versions, si je puis dire. Si vous en avez une à privilégier, cela nous serait utile.
Le préfet Gravel nous a indiqué ici qu'il avait fait des diligences dès qu'il avait vu les contenus un peu particuliers, sans exagérer les choses non plus, mettant en cause des personnalités politiques. On peut se demander, si on veut défendre les valeurs républicaines, s'il est bon de démarrer par une agression tous azimuts envers les élus de toutes tendances. Je n'en suis pas tout à fait sûr, mais je pense que vous partagez à peu près cette idée.
Le préfet Gravel nous a dit : " j'ai reçu l'association, je lui ai indiqué que ce n'était pas admissible, etc. ". Lorsque nous l'avons reçu, la présidente de l'association ne s'en souvient pas. En tout cas, cela ne l'a pas marquée, sinon je pense qu'elle s'en souviendrait. Elle dit simplement : " j'ai eu une remarque par rapport au fait qu'on a fait référence au Président de la République, à Emmanuel Macron, dans une des séquences ", ce qui est la réalité. Il y a donc eu une mise en cause plutôt sur ce sujet-là.
D'autre part, lorsqu'il y a ce type de problème dans une association, on pourrait s'attendre à ce que l'administration fasse un écrit. On peut oralement dire qu'il y a un souci. Deux versions sur les contenus sont mises en avant. L'un n'interdit pas l'autre. On peut parler d'une question sur le Président de la République et puis d'autre chose, mais l'association nous dit : " on nous a dit en gros de ne plus faire cela ", et c'est tout.
Il n'y a surtout pas eu un seul écrit. Généralement, quand il y a un problème avec quelqu'un avec qui on travaille, cela peut prendre une forme écrite. Cela reste dans le dossier. Est-ce qu'il y avait là-dessus, dans les notes que vous avez eues, des éléments particuliers sur ce sujet, ce qui nous permettrait de choisir une des deux versions ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous aider parce que cela s'est passé avant que j'arrive. Je n'ai absolument aucun élément, si ce n'est ceux qui sont arrivés après. Je ne vais donc pas pouvoir trancher. Je ne sais pas quelle est la version qu'il vous faudra garder. J'en suis navrée.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Est-ce que vous avez pour habitude et pour pratique d'entretenir avec les partenaires associatifs qui interviennent sur le contre-discours des relations de suivi régulier qui vous permettent d'apprécier la qualité du travail fourni, voire de le réorienter ? Quelle est la pratique, sous votre autorité en tout cas ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Non, je ne le fais pas, parce que je considère que ce n'est pas mon rôle. Ce n'est pas le rôle du ministre. Le rôle du ministre est d'impulser une politique, d'initier et de faire le point de manière régulière avec l'administration qui est en charge du suivi pour savoir si les choses sont faites correctement, dans le cadre des objectifs politiques qui ont été fixés.
Je vais vous donner un exemple d'une politique publique que je porte, qui est la lutte contre les dérives sectaires, que l'on a également confiée au SGCIPDR, en particulier dans le cadre de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). On a de la même manière confié au SGCIPDR une politique publique à mettre en oeuvre, et on fait un point, via mon cabinet, de manière régulière pour savoir comment les choses avancent. C'est le SGCIPDR qui fait lui-même le point avec les associations.
Il nous arrive bien évidemment de recevoir des associations dans le cadre des politiques publiques que l'on mène, non pas pour faire le point sur leurs actions, mais pour voir quels sont les points qui avancent, qu'on souhaite faire avancer, comment elles le voient et comment elles sentent la situation.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Donc, globalement comme vous l'avez dit - mais je veux m'en assurer -, vous avez des notes qui sont demandées ou envoyées à intervalles réguliers, qui vous font un état de la situation. Vous avez eu à un moment une alerte. C'est l'administration, le CIPDR, qui reçoit des consignes de la part du ministre ou du cabinet pour veiller à rectifier ce qui, éventuellement, ne fonctionne pas....
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Soit des notes, soit des réunions pour faire le point régulièrement.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Vous embrassez une nouvelle responsabilité ministérielle, vous l'avez dit, sur un sujet qui vous est étranger. Je rappelle qu'il a été mis en oeuvre dans un temps très court, avec une procédure assez lâche, c'est-à-dire avec peu de rigueur en termes de méthode, d'exécution du contenu, de notation et de transmission de l'information à celles des associations qui avaient candidaté. Est-ce que vous avez, par rapport à cet état de fait, une remarque ou des souhaits à exprimer pour l'avenir ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Avant les alertes, je n'ai eu aucune connaissance de la manière dont cet appel à projets a été lancé. Bien évidemment, depuis, j'ai lu avec attention le rapport de l'IGA, qui démontre clairement qu'il y a eu des erreurs, voire peut-être des fautes, en tout cas un certain nombre de dysfonctionnements majeurs qui doivent nous amener à faire évoluer les méthodes.
Pour ce qui concerne les autres appels à projets, on a lancé avec le CIPDR deux appels à projets en matière de lutte contre les dérives sectaires. L'ensemble des contrôles a été effectué a priori et a posteriori. Le reste est en cours.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Dans un délai aussi court, avec des contrôles aussi rapides ou succincts ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - La situation est complètement différente pour les appels à projets. Je ne porte pas de jugement sur ce qui s'est passé avant. La situation et le choc qu'a connu la France suite à l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine ont sans doute amené à des décisions différentes par rapport à la question de la lutte contre les dérives sectaires, qui est une politique publique de long terme, qui ne pose sans doute pas les mêmes urgences. Je ne porte donc aucun jugement sur la manière dont les choses se sont passées.
Un certain nombre de conclusions sont à tirer et des adaptations sont absolument indispensables suite, d'une part, à ce premier rapport de l'IGA, mais le deuxième rapport et les conclusions de votre commission nous donneront un cadre qui nous permettra de faire mieux les prochaines fois.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - J'entends ce que vous venez de nous communiquer. Ceci étant, je ne crois pas qu'il y ait un rapport aussi différent que celui que vous évoquez au regard de la gravité de l'événement qui a donné lieu à la création du fonds, puisqu'on observe que, d'après les premiers éléments apportés en audition par l'administration, normalement, il faut deux à trois mois.
Et puis, il y a une accélération soudaine à propos de laquelle on n'arrive pas complètement à comprendre qui décide, ne décide pas, regarde, ne regarde pas. C'est la raison pour laquelle je voulais avoir cet élément.
Vous avez évoqué le mail du 24 mars et le projet de signalement au sujet des associations du Fonds Marianne. La décision de faire le signalement, c'est vous qui la proposez, qui la prenez ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - C'est moi qui la prends et c'est mon cabinet qui la met en oeuvre.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - On a d'ailleurs une procédure de contrôle en cours. Vous avez évoqué l'autre association, Reconstruire le commun, qui a donné lieu à une demande de remboursement. Cela nous a été confirmé lors de l'audition des membres de l'association. Cela a été fait au début du mois de mai. Est-ce que vous avez participé à la décision ? Dans quel sens ? J'imagine que si vous avez participé, c'est certainement pour confirmer. N'avez-vous pas le sentiment que cette décision est un peu tardive ? Je veux dire par là qu'il s'avère qu'elle intervient consécutivement à de nouvelles révélations par la presse. Peut-on en conclure qu'il y a un lien de cause à effet ou absolument pas, et que vous avez des éléments à nous communiquer ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - On ne peut effectivement pas dire qu'il n'y a pas de lien de cause à effet. La presse s'est clairement intéressée au sujet. Il n'y a pas que la presse. Je l'ai dit pour l'USEPPM.
Pour la question des contenus, on a demandé le 31 mars à regarder l'ensemble des contenus de l'ensemble des associations, et c'est sur la base de ce travail, qui n'est pas celui exclusif fait par la presse, que nous avons effectivement été alertés sur un certain nombre de contenus qui n'avaient rien à faire dans l'objectif qui était fixé initialement.
J'ai pris la décision. Elle a été mise en oeuvre compte tenu des éléments qui nous ont été transmis par le secrétariat général du CIPDR, sur la base du visionnage de plusieurs heures de contenus extrêmement lourds, qui ont donné lieu à une identification précise de tous les contenus qui posaient problème, de manière qu'on puisse avoir l'ampleur de la problématique.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Vous considérez qu'il y a eu des subventions trop importantes versées et qu'au regard de ce qui a été versé, il est logique de prétendre à un remboursement.
L'IGA, dans son rapport, préconise ou recommande trois choses : émettre un titre exécutoire d'un peu plus de 127 000 euros, prendre acte des manquements aux obligations statutaires qui ont été relevés par la mission et, enfin, compléter la saisine du procureur de la République. Est-ce que vous confirmez aujourd'hui vouloir la mise en application des trois recommandations du rapport de l'IGA ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Oui. La première est déjà en cours de mise en oeuvre, puisque la procédure contradictoire a été initiée par le secrétariat général du CIPDR. Les poursuites disciplinaires seront mises en oeuvre, mais nous attendons le deuxième rapport de manière à avoir une vision globale de la situation. Le complément et l'article 40 relèvent de l'IGA, puisque ce sont eux qui ont la connaissance et la vision globale du sujet.
M. Claude Raynal, président. - On va aller assez vite, puisque votre relation au projet est relativement limitée dans le temps pour aller sur les prospectives et les recommandations.
Il n'est pas simple de savoir, quand on confie une fonction à des associations tout en leur laissant le soin de mettre les choses en oeuvre, jusqu'où on va dans le dispositif.
En ce qui vous concerne, c'est plutôt une réflexion prospective que je vous demande. Vous l'avez d'ailleurs dit : c'est une politique publique, et il y a des chances qu'elle se poursuive - en tout cas, on espère que cela pourra être fait.
On a souvent, et c'est un vrai problème, monté de faux projets. Je fais simple : on associe à des montants de subventions d'autres subventions ou des fonds privés dont on n'a d'ailleurs aucune trace. Non seulement on a sans doute des réponses négatives, mais on n'est même pas sûr qu'il y ait eu des questions. Les fonds demandés ont-ils été vraiment sollicités ? On n'en sait rien. Pourquoi cela a-t-il été monté ainsi ? Après le Fonds Marianne, il y avait l'idée qu'un relais pouvait se faire par d'autres financements que ceux de l'État.
Dans la réalité, en particulier dans les deux gros projets initiés à ce moment-là, il y avait des co-financements. Bien sûr, une des fautes est de ne pas avoir vérifié avant de démarrer le projet qu'il y avait au moins eu des demandes dans ce sens. On ne peut pas toujours tout obtenir avant de démarrer, mais il aurait au moins fallu que les demandes de financement soient formulées. Ce n'était pas le cas.
De manière générale, l'État est non seulement le premier financeur mais, en fait, le financeur unique dans beaucoup de projets de cette nature. On peut le comprendre, parce que le sujet n'appelle pas des soutiens privés massifs. Dès cet instant, quel est le lien qui doit s'établir avec l'association ? Quel est le niveau de contrôle qui est possible et acceptable ? Quelle est la zone où l'association est libre d'avancer ? Comment les choses peuvent-elles s'articuler ?
Dans nos auditions, cela a été évidemment formulé de manière un peu abrupte, les associations disant : " on n'est pas sous-traitants du CIPDR ". D'accord, mais leurs projets sont financés intégralement ! Comment voyez-vous, dans le cas d'un financement public, les limites du contrôle car il faut bien laisser une part de liberté à l'association, tout en ayant un contrôle suffisamment approfondi pour ne pas risquer d'être amené soit à demander des remboursements, soit à utiliser l'article 40, ce qui n'est pas très heureux lorsqu'on a lancé un projet ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Je vais vous répondre tout simplement avec la réussite des quinze autres associations. En fait, cette politique publique est capable d'être menée à bien de manière tout à fait correcte. On a fixé un grand objectif, qui était celui de lutter contre les discours de l'islam radical, à destination principalement des jeunes de douze à vingt-cinq ans. Ce grand objectif, les associations le connaissaient évidemment et avaient obligation de produire des contenus et du contre-discours à destination de ce public.
La plupart des associations lauréates du Fonds Marianne ou qui travaillent aujourd'hui avec l'État, notamment dans le cadre du FIPD, savent très bien ce qu'elles peuvent et doivent faire, tout en n'étant pas des salariées du Gouvernement. C'est toute la difficulté de l'exercice qui, finalement, n'en est pas réellement une quand on voit la production d'un certain nombre d'associations et la réussite de cette mission.
Doit-il et peut-il y avoir d'autres financeurs ? Je ne le crois pas. Cette politique publique, malheureusement, ne peut et ne doit être menée que par l'État. Par contre, les services de l'État, tels qu'ils sont construits, ne peuvent, seuls, assumer cette mission de contre-discours parce que les moyens et les publics ont évidemment changé, évolué, et que la société civile et un certain nombre de structures associatives le font mieux.
Je pense donc qu'on doit pouvoir continuer, tout en assurant des contrôles a priori plus importants que ce qui a été fait et en assurant un contrôle au fur et à mesure et a posteriori. Je crois profondément qu'on peut mener cette politique publique sous cette forme, en associant la société civile et en vérifiant évidemment de manière continue s'il n'y a pas de dérives en matière de contenus, comme on l'a vu pour une association, et si l'association met bien en oeuvre ce pour quoi elle a été subventionnée.
Je n'y vois pas de difficultés majeures. Il y a eu là, on le voit, bien des erreurs et des dysfonctionnements, mais je ne crois pas que ce soit la politique publique dans son ensemble et le fait de s'appuyer sur le tissu associatif qui soient à revoir.
M. Claude Raynal, président. - Vous parlez de la réussite des quinze autres projets. Il faut peut-être nuancer les choses, dans la mesure où dix des projets sont en réalité des projets d'associations avec lesquelles le CIPDR travaille depuis cinq ans. Après cinq ans de travail avec une administration de l'État, la pratique et le discours se sont affinés, et ces associations sont à même de réussir ou, en tout cas, présentent des éléments de travail convenables avec le CIPDR.
Il se trouve néanmoins que la question se pose lorsqu'il s'agit à la fois de nouveaux projets et de nouvelles structures. C'est là que les choses pèchent pour beaucoup : quand on travaille avec de nouveaux acteurs, qui plus est portés par des associations soit naissantes, soit très faibles. La question de la relation doit être extrêmement travaillée.
En tout cas, si on doit tirer une leçon de cette expérience, me semble-t-il, c'est de dire que, lorsqu'on a un nouvel acteur, il faut l'accompagner - pour utiliser un vocabulaire moderne. C'est pour cela qu'il faut relativiser la réussite globale.
D'autre part, les autres associations, pour l'essentiel, travaillaient sur la notion de la fraternité au sens large : comment positiver un discours face au discours islamiste ? Comment arriver à ce que des populations n'acceptent pas ces discours et comprennent qu'il y a un intérêt à la vie et au fonctionnement de la République ? C'est plus un travail de terrain que sur les réseaux sociaux.
Le travail sur les réseaux sociaux est beaucoup plus complexe. Il faut continuer ces politiques mais une des faiblesses du système est qu'il faut savoir les évaluer. La question de l'évaluation est primordiale. Comment fait-on ? Sur le terrain, les associations ont des personnels, des actions. On peut aller voir ce que font les associations sur le terrain et on a des comptes rendus. Quand on est sur les réseaux sociaux et qu'on a 50 tweets et 200 vues, on sait qu'on a tout loupé ! Même si on a un million de tweets et des millions de vues, on n'est pas sûr qu'ils proviennent de ceux que l'on souhaite atteindre.
Au-delà de l'objectif, qui peut avoir du sens - on n'est pas là pour commenter une politique publique, on peut le faire ailleurs -, il faut se donner les moyens d'en mesurer les impacts. On ne peut se contenter d'un nombre de vues.
De manière encore plus directe, ne vaut-il pas mieux très peu de visioconférences ou de vidéos, mais très regardées par les " bons clients ", si j'ose dire, c'est-à-dire par les cibles que l'on souhaite toucher ? Encore faut-il avoir un outil de mesure. On a vu que ce n'est pas si facile. Lancer des politiques sans outil d'évaluation présente beaucoup de faiblesses. Partagez-vous ce point de vue ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - C'est effectivement beaucoup plus compliqué à évaluer qu'un certain nombre d'autres politiques publiques. Le choix du Gouvernement est d'aller dans plusieurs sens. Vous connaissez l'existence de la plateforme Pharos, vous savez ce qui est fait dans les quartiers de reconquête républicaine. On essaye d'aller dans plusieurs directions, mais prenons par exemple la question de la laïcité. Les messages envoyés par un certain nombre de réseaux qui portent la voix de l'islam radical véhiculent l'idée que l'État est islamophobe et que la loi sur la laïcité est donc islamophobe. Ce sont les messages qui sont passés.
Comment fait-on pour répondre à cela ? Il faut qu'on arrive à produire des contenus qui arrivent à faire passer des messages qu'on n'arrive plus à faire passer à un certain nombre de jeunes qui n'écoutent ni leurs enseignants ni tout ce qui relève de l'État. C'est là qu'il faut employer des codes différents. Ce n'est pas juste un film avec " République française " écrit dessus, parce que personne ne va le regarder, en tout cas pas ceux qui pourraient être concernés.
M. Claude Raynal, président. - Encore moins si c'est marqué " ministère de l'intérieur " !
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - En tout cas, on ne va pas toucher ceux qui sont susceptibles d'être atteints par ces messages. Il nous faut donc vraiment nous réinventer.
Je voudrais revenir sur votre intervention initiale et la question des nouvelles associations. Oui, il faut les accompagner, mais sans les écarter. Je pense qu'on a besoin d'innovation, de créativité et de ces nouveaux acteurs qui ont une vision différente des jeunes publics et sont peut-être capables d'adapter les contenus à ces jeunes publics.
M. Claude Raynal, président. - De manière générale, et toujours pour en tirer des leçons pour la suite, parce que c'est ce que nous souhaitons faire à la fin de notre rapport, ne faudrait-il pas mieux préciser les conditions dans lesquelles les associations doivent mener les projets ? Est-ce que les clauses de convention d'attribution doivent être revues pour exclure certaines pratiques ?
Ce qu'on a vu, de manière générale, c'est que c'était extrêmement léger. Je simplifie : on a des associations qui ne sont pas bâties pour obtenir des subventions importantes, qui n'en ont jamais eu. On a un système de contrôle défaillant, un système de mesure de résultats inexistant et, à la sortie, cela produit évidemment ce que cela produit.
D'ailleurs, pour les deux associations, il s'agit de problématiques très différentes. Je ne les mets pas du tout sur le même plan. Du coup, on dit qu'on va demander un remboursement. Sur quelle base ? Si c'est sur la base de la convention signée, la demande étant faible, arriver à justifier d'un remboursement sur quelque chose qui n'est pas demandé est un peu léger. Est-ce que vous avez déjà un peu travaillé sur cette question si d'autres appels à projets, par extraordinaire, devaient arriver ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - On a évidemment des axes d'amélioration. Mieux on encadre les objectifs fixés aux associations lauréates et mieux le contrôle en cours et a posteriori peut se faire. Plus on est précis dans les objectifs qui sont fixés et mieux on arrivera par la suite à les contrôler. Je crois que, de toute façon, cette opération va nous amener, avec les rapports de la mission de l'IGA, à faire évoluer les procédures.
M. Claude Raynal, président. - S'agissant des comités de sélection, j'avais noté, dès ma première conférence de presse sur le sujet, leur caractère endogène, ce qui m'avait beaucoup gêné, trois membres du cabinet et trois membres de l'administration, alors même que deux membres du cabinet sont issus de l'administration concernée... Cela donne l'impression d'un entre-soi.
Quand on fait un appel à projets, peut-être n'est-il pas mauvais d'avoir à ses côtés une ou deux personnes avec des compétences différentes, qui ne sont pas liées à l'action menée, mais plus à l'utilisation des réseaux sociaux, etc. Le CIPDR nous a d'ailleurs dit qu'une des deux personnes était qualifiée, mais lorsqu'on sait que des associations proposent quinze minutes sur YouTube ou autres pour attirer les quinze à vingt-deux ans, on est très loin de la pratique des jeunes. S'ils en voient quinze secondes avant de refermer la boîte, c'est magnifique ! Un peu de vision sur la façon dont les jeunes voient les choses aujourd'hui et sur leurs pratiques n'aurait pas été inutile.
Partagez-vous cette idée sur le caractère endogène et sur le fait qu'on peut peut-être ouvrir les choses, ou est-ce que cela vous paraît tout à fait normal ? J'ai l'impression que j'oriente un peu la réponse...
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Légèrement !
Monsieur le président, vous sous-estimez les jeunes en pensant qu'ils vont regarder ne serait-ce que 15 secondes !
Mon sentiment est qu'il ne faut pas non plus exclure le politique. Je pense que, dans l'instruction, dans les propositions, les éléments de prise de décision doivent remonter aux politiques dans le processus de validation en matière de nouveautés et de propositions. Les éléments concrets doivent donc être validés par le politique, qui a un rôle à jouer à la fin du processus de validation.
M. Claude Raynal, président. - Vous êtes ici devant des élus. On a tendance à penser que le politique a un rôle de manière générale ! On ne méconnaît donc pas ce point mais, pour autant, lorsqu'on recherche de l'innovation, il n'est pas mauvais de s'entourer de compétences diversifiées.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - C'est certainement consubstantiel à la rapidité du dépôt de candidature, le délai était de vingt jours. Certains ont dû penser qu'il fallait aller vite. Le président Raynal a parlé d'entre soi. Deux ou trois membres qui étaient au cabinet, venaient du CIPDR. Comprenez qu'en termes d'ouverture, c'est relativement limité.
Je nous invite à regarder l'appel à projets pour le Fonds Marianne publié le 20 avril 2021 sur le site du secrétariat général du CIPDR, qui est toujours en ligne. Par rapport aux éléments qu'on évoque aujourd'hui, il y a quand même un certain nombre de trous ou de manques.
M. Claude Raynal, président. - Vous avez raison de manière générale : vous dites que, lorsqu'on veut chercher des systèmes innovants, il ne faut pas s'interdire des créations. On peut imaginer qu'il faut presque accepter que des acteurs nouveaux, sans passé, sans histoire associative, puissent répondre. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure, et c'est sans doute vrai mais, dans ces cas très précis, le suivi doit être extrêmement précis, sinon on en arrive à de l'expérimental pur. Il en faut un peu, mais il ne faut pas qu'à la sortie cela tourne à une dérive. Je pense qu'on est d'accord sur ce point.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Je partage votre avis, monsieur le président.
M. Claude Raynal, président. - On ne peut dire : " Je vous laisse 300 000 euros, débrouillez-vous, et on se revoit à la fin pour voir si tout va bien ". C'était une phase un peu expérimentale. C'est un peu léger et, en tout cas, ces deux associations l'ont bien démontré.
Cela me permet de vous donner la parole pour une conclusion. Au regard des événements, quelles sont les évolutions que vous envisagez d'ores et déjà de prendre en compte, rapport de l'IGA ou pas ? Vous êtes suffisamment bien entourée et vous avez suffisamment de gens autour de vous pour voir comment mieux cadrer les choses. Il ne faudrait pas qu'on recommence au coup suivant, si je puis dire, et qu'on poursuive dans le même type d'errements.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Effectivement, cette affaire nous amènera de toute façon à un certain nombre d'évolutions dans la manière dont sont accordées les subventions, avec la question des contrôles a priori qui, sans doute, ont été insuffisants dans l'affaire dont on parle, mais aussi dans la manière dont on accompagne au fur et à mesure les associations pour voir si, dans le cadre du grand objectif de politique publique, les choses vont dans le bon sens, sans être dans un contrôle trop proche, où les associations deviendraient des prestataires purs et simples du Gouvernement. Il y a effectivement des moyens à mettre en place pour assurer ce contrôle a priori, en cours, et a posteriori. Cela fait partie du travail que nous devons mener.
Au-delà, je tiens à ce que cette politique publique qui est menée puisse continuer et qu'elle ne soit pas entachée par les erreurs qui sont constatées ni par les fautes, qui seront sans doute sanctionnées dans les prochaines semaines. Je le répète, cette politique publique est absolument essentielle. On le voit sur la question de la laïcité à l'école, pour ne prendre que cet exemple, où on a des réseaux extrêmement puissants qui touchent nos jeunes. Si on n'est pas en capacité d'avoir ce qu'on appelle - c'est peut-être maladroit - du contre-discours républicain, on ne sera pas en capacité de lutter. C'est bien ces messages qui génèrent la radicalisation et, derrière, malheureusement, le terrorisme.
Je pense donc vraiment que cette politique publique doit être continuée. Oui, il y a eu visiblement des erreurs, et elles ne doivent pas emmener l'ensemble de la politique publique.
Pour finir, le secrétariat général du CIPDR est une organisation qui a grossi avec le temps en fonction des problématiques. J'ai missionné, le 3 février dernier, totalement en décalage et sans aucun lien avec la question du Fonds Marianne, qui est arrivée après, l'IGA pour me faire des propositions en matière de réorganisation du secrétariat général du CIPDR, qui a grossi, avec de nouvelles missions comme la question des mineurs retour de zones, etc.
On a besoin de cette réorganisation. Je crois que, dans ce cadre qui, encore une fois, n'est pas forcément en lien avec la question du Fonds Marianne, les travaux de l'IGA sur cette réorganisation, sur les questions particulières du Fonds Marianne et les résultats de votre commission d'enquête nous amèneront à avoir des procédures plus solides à l'avenir pour continuer cette politique publique.
M. Claude Raynal, président. - Quelques collègues souhaitent vous interroger.
M. Jérôme Bascher. - Ma question est liée à une vieille pratique administrative qui était la mienne : il me semblait que, lorsqu'on écrivait une note au ministre, bien avant que le mail et WhatsApp soient autant répandus, on le faisait sous couvert du directeur de cabinet et du directeur d'administration centrale, histoire de faire valider un certain nombre d'éléments.
Est-ce qu'aujourd'hui cette pratique est encore la même ? C'est une chose que j'aimerais savoir.
M. Daniel Breuiller. - Je comprends et partage par ailleurs votre souhait que la politique publique perdure. Avez-vous aujourd'hui une stratégie suffisamment pensée pour la mettre en oeuvre ? Par exemple, des universitaires ont-ils travaillé à vos côtés pour se demander comment pénétrer les réseaux sociaux ? Est-ce que vous pensez qu'il faut une diversité d'intervenants et d'associations ou plutôt des personnes très homogènes ?
C'est pour moi une grande interrogation, parce que les valeurs de la République sont un bien commun, et je me suis interrogé sur le fait qu'on choisisse ou qu'on ne choisisse pas. Est-ce qu'il y a un vivier ? Est-ce que, pour vous, par exemple, la diversité des formes et des méthodes d'intervention sur le Net est un sujet que vous retenez ou qui est étudié ? Est-ce qu'il y a des changements de ce point de vue en termes de stratégie pour pénétrer dans les réseaux sociaux ?
M. Jean-Michel Arnaud. - Madame la ministre, j'ai participé ce matin à l'audition de Mme Schiappa, et je sens deux ambiances de travail différentes. Je crois comprendre que vous avez remis un peu d'ordre ou, dans tous les cas, que vous avez la volonté de remettre de l'ordre dans les pratiques au sein de votre ministère. Vous nous avez donné quelques indices. Je crois, par bienveillance à l'égard du Parlement, que vous attendez également les recommandations de notre commission d'enquête pour examiner tout cela et faire un cocktail qui soit un peu plus agréable au vu de l'enjeu qui est le nôtre, à savoir répondre aux menaces de déstabilisation de notre modèle républicain.
Je pense qu'il serait utile que, dans l'interministérialité, votre style, plus en phase avec les objectifs d'intérêt supérieur de défense des idéaux républicains, soit mieux coordonné, au moins pour tirer enseignement des dysfonctionnements - c'est le mot le plus doux que je puisse utiliser - constatés durant la période précédente.
Je m'associe donc à la question de Jérôme Bascher sur l'organisation interne pour éviter, demain, de se retrouver dans cette situation. Je tiens à redire ici que le sujet qui nous a amenés à nous retrouver au sein de cette commission d'enquête est un sujet sérieux. C'est la déstabilisation du pacte républicain, avec l'assassinat d'un professeur de la République. Je pense que la rigueur que vous nous avez présentée aujourd'hui et le requestionnement des pratiques sont le moins que l'on doive à la mémoire de Samuel Paty et de toutes celles et ceux qui, avec vous, avec nous tous, concourent au respect des valeurs républicaines et à notre modèle d'intégration, qui exclut par définition toutes les logiques de cessation, de sécession et de séparation républicaine !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Je vais inscrire une partie de mon propos dans la continuité des interventions de Jérôme Bascher et de Jean-Michel Arnaud.
J'ai parfois senti, dans l'audition de ce matin, une forme d'irritation lorsque nous avons cherché à replacer le temps des procédures et des validations.
J'entends ce que deux de nos collègues viennent de demander, ce qui, à mon avis, va obtenir une réponse positive de votre part, madame la ministre, sur ce que j'appelle une méthode de travail, une démarche rigoureuse, qui est une garantie de bonne administration et de sécurité juridique des actes et des décisions politiques, puis administratives.
Deuxième élément : vous avez parlé du Fonds Marianne, mais vous avez aussi employé le mot « d'affaire du Fonds Marianne ». Vous avez évoqué le fait que, peut-être, des fautes seront certainement sanctionnées dans les prochaines semaines. Vous avez également dit : " oui, il y a eu des erreurs, mais il ne faut pas tout jeter ". Ce ne sont pas tout à fait les mots que vous avez utilisés. On a en moins d'une heure, alors que vous avez pris le relais du dossier, de la part du Gouvernement, dans la continuité républicaine, des réponses qui me paraissent plus en rapport avec les éléments de notre questionnement et ceux qui sont aujourd'hui mis sur la place publique.
Cela n'a pas du tout été le cas ce matin. Il s'agit juste de poser les éléments objectifs. Il faut comprendre que les élus que nous sommes, en charge d'apprécier les faits et de contrôler l'action du Gouvernement dans ce domaine - et ce n'est pas facile -, essaient de toujours garder cette ligne.
Je poserai une dernière question. L'ambition initiale de l'État, dans un contexte atroce, à la suite d'un événement qui a glacé la France et donné un sursaut d'unité républicaine, était de mener le combat contre les discours séparatistes ou l'islamisme radical par tous les moyens. L'État n'est pas parvenu à les combattre comme il le souhaiterait par le seul système institutionnel.
On a le sentiment - et j'ai besoin de savoir si vous partagez mon avis en tout ou partie - que cette grande ambition s'est amenuisée, avec un fort manque de rigueur et sans qu'on ait une grande visibilité de l'action ni du bilan. Je comprends que le Gouvernement essaie de protéger les associations et celles et ceux qui les animent, mais on investit quand même un tout petit peu plus de deux millions d'euros en attribuant à quatre associations près de 1,4 million d'euros. D'autres ont moins, mais travaillent également, et un certain nombre - pour ne pas dire un grand nombre - sont des partenaires habituels de l'État.
Que fait-on du Fonds Marianne, une fois qu'on aura mis au clair ce qui a dysfonctionné ? Quels enseignements en tire-t-on en termes d'ambition ? Est-on au rendez-vous ? En est-on un peu, beaucoup ou très éloigné ? Il est évidemment important qu'on contrôle la bonne utilisation des sommes, la bonne organisation de la sélection et des choix, mais le Fonds Marianne impose une éthique dans les comportements et de la droiture au regard de la mémoire de la victime, et nous oblige encore plus.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Tout d'abord, les pratiques anciennes sont toujours d'actualité. Je ne sais pas si c'est de nature à vous rassurer ou à vous inquiéter. Vous avez parlé de validation de subventions : je ne valide pas les subventions. Je n'en ai pas la liste. C'est mon cabinet qui le fait, dans le cadre de l'impulsion qui est la mienne, de manière plus globale, en matière de politique publique.
Quelle politique publique mène-t-on ? En répondant à cette question, je vais répondre à l'ensemble des questions qui ont été posées en disant que cette politique est menée par l'ensemble du Gouvernement. Il n'y a pas des ministres qui le font et d'autres qui ne le font pas. C'est bien une politique publique, qui est initiée par le Président de la République, qui est menée par l'ensemble du Gouvernement et que je mène à mon niveau avec beaucoup d'humilité. On a en effet parfois le sentiment de vider l'océan avec une petite cuillère quand on s'attaque à ce sujet.
Ceux qui sont ou qui ont été élus locaux le savent : un travail extraordinaire est fait dans les préfectures, notamment avec les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR), qui visent petit à petit à déstructurer les réseaux qui, une fois coupés, se remettent en place aussi vite qu'on les a cassés. On a, avec la loi confortant le respect des principes de la République (CRPR), des outils nouveaux, objectivement assez extraordinaires, notamment les outils financiers, pour enlever les moyens à ceux qui s'en prennent à la République et aux enfants de la République en particulier.
Cette politique est menée sur le plan large. J'ai parlé de Pharos, qui s'attaque à la haine en ligne, qui est un sujet énorme. Sur les réseaux sociaux, on travaille pour construire notre politique, évidemment avec des universitaires, que reçoit le SGCIPDR. J'ai moi-même eu l'occasion d'en recevoir. On travaille également sur ces sujets avec l'Institut des hautes études du ministère de l'intérieur (IHEMI). On travaille notamment sur du " pre-bunking " pour que, lorsque quelqu'un va chercher par exemple sur les réseaux sociaux ce qu'est l'abaya, le premier contenu qui est trouvé soit plutôt produit par nous pour alerter sur les risques de séparatisme et de radicalisation. C'est un exemple qui est porté par un certain nombre d'universitaires.
On travaille sur ce sujet dans plein de directions, là aussi avec beaucoup d'humilité. Certaines choses fonctionnent, d'autres fonctionnent moins bien, en fonction des publics. Vous parliez de la difficulté de mesurer l'impact d'une vidéo qui a un million de vues, qui ne s'adresserait pas au bon public : c'est évidemment extrêmement difficile, mais je pense que ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faut abandonner.
Je pense qu'il faut continuer dans toutes les directions dont j'ai donné quelques exemples. Au final, on se rend compte que cela amène quand même des résultats. Je l'ai dit, malheureusement, les prêches les plus dangereux ne sont plus dans les mosquées, alors qu'ils l'étaient auparavant. On a malgré tout évolué. On n'a plus aujourd'hui de prêche extrêmement violents ou dangereux dans les mosquées ou les librairies. Cela a été transposé, mais cela ne disparaît pas.
Tout le travail qu'on est en train de mener sur la question des financements de ces réseaux est absolument essentiel et, petit à petit, on déstructure ce qu'on a en face de nous. C'est une politique publique difficile, et je pense qu'on a besoin, sur ces sujets, du soutien de tous, du travail des services de renseignement, des préfectures et de l'ensemble des acteurs.
M. Claude Raynal, président. - Merci, madame la ministre.
Source https://www.senat.fr, le 27 juin 2023