Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Europe 1 le 11 juillet 2023, sur la vie politique, les émeutes urbaines en France et le logement des agents publics.

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Média : Europe 1

Texte intégral

ALEXANDRE LE MER
Bonjour Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ALEXANDRE LE MER
Première question : estimez-vous comme votre collègue à l’éducation Pap NDIAYE qu’Europe 1 est une radio d’extrême-droite ?

STANISLAS GUERINI
Si je pensais qu’Europe 1 était une radio d’extrême-droite, je ne serais pas venu à votre antenne ce matin.

ALEXANDRE LE MER
Vous ne seriez pas devant nous. Ça veut dire que vous pouvez nous dire ce matin que vous vous désolidarisez des propos de votre collègue du gouvernement ?

STANISLAS GUERINI
Vous savez, je vous ai dit je crois suffisamment clairement ce que je pensais. Je pense qu’il ne faut pas oublier que mon collègue répondait à une question qui lui a été posée sur le Journal du dimanche. Moi ce que je respecte, ce sont les journalistes. Je respecte le travail que vous menez, je respecte le travail que mène l’ensemble des journalistes de la rédaction dans les différents médias qui ont été menés. Mais je respecte aussi le travail, les inquiétudes des journalistes du Journal du dimanche. Ce sont eux avec une majorité, une extrême majorité, écrasante, qui aujourd'hui sont mobilisés parce qu’ils ont peur d’une dérive de la ligne identitaire de leur journal. Et je crois que ça, il faut le respecter. Ce journal, il a une histoire, ce n’est pas celle de Valeurs actuelles, et donc je soutiens, je respecte la mobilisation de ces journalistes. Ça ne m’empêche pas de vous dire les choses directement et ce que je pense sur Europe 1.

ALEXANDRE LE MER
Alors je vous parle d’Europe 1 parce que je la vis, et toute la rédaction la vit de l’intérieur, vous comprenez, Stanislas GUERINI, que ces propos sont infamants, ont été vécus ici-même tout autour de nous dans cette rédaction comme une insulte. Ce n’est pas la radio, naturellement, que nous fabriquons au quotidien. Vous en êtes d’accord ?

STANISLAS GUERINI
Je vous réponds tout aussi directement. Si je pensais que votre radio était une radio d’extrême-droite, je ne serais pas à votre antenne ce matin. Je respecte infiniment le travail que vous menez.

ALEXANDRE LE MER
Bien. Parlons d'apaisement Stanislas GUERINI. Le président Emmanuel MACRON avait promis 100 jours pour apaiser, ces 100 jours arrivent donc à leur terme ce 14 Juillet. Est-ce que le résultat vous semble concluant ?

STANISLAS GUERINI
D’abord, ça a été 100 jours d'action concrète, de reprise du dialogue social. C'est très important, nous sortions d'un conflit sur les retraites qui avait empêché d'avancer sur certains sujets. Moi je le vois très directement. Nous avons pu avancer sur des sujets très importants : le partage de la richesse dans les entreprises, c'est un sujet sur lequel les partenaires sociaux se sont mis d'accord et qui a été transcrit dans la loi tel que les partenaires sociaux l’avaient décidé, pour revaloriser la rémunération des agents publics de notre pays. Je le dis très directement en tant que ministre de la Fonction publique. Pour avancer sur des sujets très concrets : réindustrialisation du pays, lycée professionnel, RSA, réforme de l'assurance chômage, France Travail maintenant. Vous voyez, ça ce ne sont pas des petits sujets. Et donc c'est très important que notre pays puisse se remettre en mouvement, puisse se remettre à avancer, à progresser. Je n'ignore rien et je n’évacue pas les violences urbaines très importantes qui ont lieu ces derniers jours.

ALEXANDRE LE MER
Oui.

STANISLAS GUERINI
Elles sont un moment très important, je crois, de la vie de notre pays.

ALEXANDRE LE MER
Est-ce que vous craignez une résurgence de ces violences à l’occasion du 14 Juillet ?

STANISLAS GUERINI
Vous savez la première réponse, ç’a été d'abord le retour au calme, ç’a été une réponse de maintien de l'ordre des principes aussi républicains parce qu'on ne peut rien bâtir sur des émeutes de cette nature. On ne peut rien bâtir si on n'arrive pas dans notre pays à faire en sorte que le calme puisse régner. Pour qu'on puisse ensuite apporter des progrès et c'est ce que nous faisons tous les jours. Donc la principale préoccupation…

ALEXANDRE LE MER
Le président de la République va-t-il s'exprimer le 14 Juillet ? Ce n’est pas prévu à ce stade.

STANISLAS GUERINI
Je vous réponds sur le 13 et le 14 Juillet : oui, c'est légitime et normal d'être mobilisé pour faire en sorte que ces journées-là, ces nuits-là qui parfois les autres années aussi peuvent donner lieu à des débordements, puissent ne pas l'être, ne pas donner lieu à ces débordements cette année. C'est pour ça qu'il y a une mobilisation qui est très importante et je veux saluer en le disant. Le travail que mènent nos forces de l'ordre, nos policiers, nos gendarmes, la police municipale, les pompiers aussi dans les villes pour qu’on puisse justement imposer l'ordre dans notre pays, parce qu'on ne construira rien de bon - rien de bon – si l’ordre ne règne pas.

ALEXANDRE LE MER
Emmanuel MACRON n'a pas prévu de s'exprimer à ce stade. Est-ce que c'est une crainte de la résurgence des émeutes à l'occasion de ce 14 Juillet ?

STANISLAS GUERINI
Vous savez, je ne crois sincèrement pas. Je pense que c'est vraiment une prérogative du président de la République. Ça peut être une tradition républicaine, c'est lui qui dira s'il souhaite s'exprimer ou pas ce jour-là.

ALEXANDRE LE MER
Est-ce qu'on se dirige dans les jours, dans les semaines qui viennent vers un remaniement ?

STANISLAS GUERINI
Je n’en sais rien. Vous savez, moi j'ai une philosophie de vie, c'est de m'inquiéter pour ce que je maîtrise, ce qui est entre mes mains. En l'occurrence la question du remaniement, ça n'est pas le cas, ça n'a échappé à personne. C'est une décision du Président de la République, de la Première ministre, et donc moi je ne m'inquiète pas pour ce qui n'est pas entre mes mains. J'essaye, et c'est déjà suffisant, de faire en sorte que les missions qu’on m’a confiées, je puisse les mener pour améliorer la situation des agents publics, pour améliorer la qualité de nos services publics aussi. Vous savez c'est, je crois, le coeur des préoccupations de nos concitoyens. Vous me parlez à l'instant des violences urbaines : moi j'ai comme d'autres, tous ceux qui sont engagés pour nos services publics, le coeur lourd quand je vois des centres sociaux, des écoles, des lieux où on rend le service public qui ont été détruits, parfois brûlés. C'est ça qui est notre première préoccupation aujourd'hui, c'est de pouvoir assurer la continuité du service public, et tous les agents publics que j'ai l'honneur de représenter en tant que ministre, tous les agents publics, leur première préoccupation c'est celle-là : la continuité du service public. Moi c'est ça qui m'engage aujourd'hui.

ALEXANDRE LE MER
Engagement pour le service public, engagement pour les agents publics, le logement des agents publics, Stanislas GUERINI ?

STANISLAS GUERINI
Bien sûr. Mais c'est une condition pour réussir. Il n’y aura pas de bon service public, de service public de qualité si on n’améliore pas la situation des agents publics. Et pour certains d'entre eux, ils sont parfois à deux heures de trajet quotidien et même plus encore.

ALEXANDRE LE MER
Ils ne peuvent plus se loger près de leur lieu de travail.

STANISLAS GUERINI
C'est une problématique que vivent beaucoup de salariés mais que vivent aussi beaucoup d'agents publics. Ceux précisément qui ont été et qui sont toujours en première ligne. Toujours en première ligne dans les difficultés, qui l’ont encore été ces derniers jours, qui sont parfois d'ailleurs agressés, violentés, et donc c'est vers eux que je veux diriger mes efforts. Donc c'est la raison pour laquelle nous nous mobilisons comme jamais auparavant en mobilisant l'ensemble du gouvernement pour améliorer la situation du logement des fonctionnaires. C'est une question qui est à la fois un enjeu de pouvoir d'achat, un enjeu de qualité de vie au fond. Quand on a trois heures de transport tous les jours, on comprend bien que c'est plus difficile de donner toute l'énergie dans son travail. C'est aussi un enjeu de transition écologique. Donc pour toutes ces raisons-là, il faut qu'on puisse mieux accompagner les agents.

ALEXANDRE LE MER
Donc concrètement, de nouveaux logements mis à disposition ?

STANISLAS GUERINI
D’abord mutualiser l’offre. Vous savez, comme dans beaucoup de beaucoup de champs de politique publique, chacun fait un peu dans son coin aujourd'hui. Donc je veux qu'on puisse mutualiser l'offre pour l'ensemble des agents publics. Aujourd'hui c'est dommage, on perd beaucoup de logements simplement parce que nos systèmes sont mal faits. C'est à peu près 600 logements, ne serait-ce que pour les agents franciliens qu'on perd chaque année, et donc on doit pouvoir améliorer dans l'immédiat cette situation. Ensuite il faut accompagner le parcours des agents publics, on va réfléchir. J'ai confié une mission avec mes collègues Gabriel ATTAL et Olivier KLEIN à un député, David AMIEL, pour travailler à la création d'un bail dédié aux fonctionnaires avec une clause de fonction. Ce sera un travail qui sera très important. Et puis il faut fabriquer des logements, il faut produire plus de logements, et donc c'est la raison pour laquelle on mobilise beaucoup de moyens - des dizaines de millions d'euros – pour lancer des productions sur du foncier de l'État de logements.

ALEXANDRE LE MER
Combien de logements ?

STANISLAS GUERINI
On a acté hier dans ce comité interministériel pour le logement des agents publics déjà le lancement d'un programme de 560 logements pour des agents franciliens et on ne va évidemment pas s'arrêter là.

ALEXANDRE LE MER
En Ile-de-France.

STANISLAS GUERINI
Tous les trois mois, je réunirai ce comité avec mes collègues pour qu'on puisse avancer très concrètement.

ALEXANDRE LE MER
C’est donc un premier pas.

STANISLAS GUERINI
Vous voyez, il y a des solutions de court terme, une meilleure mobilisation de nos outils et puis il y a des solutions évidemment : fabriquer des logements, ça prend toujours du temps mais c'est indispensable si on veut répondre vraiment à la situation.

ALEXANDRE LE MER
Merci Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Merci.

ALEXANDRE LE MER
Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 12 juillet 2023