Texte intégral
SEBASTIEN KREBS
L'invitée du jour c'est Prisca THEVENOT, bonjour.
PRISCA THEVENOT
Bonjour.
SEBASTIEN KREBS
Vous êtes la nouvelle secrétaire d'Etat en charge de la Jeunesse et du Service national universel, l'une des nouvelles entrantes au Gouvernement. On va parler de la jeunesse, de la reconstruction dans les quartiers, en tout cas du lien dans les quartiers, notamment avec la police, d'abord une question d'actualité, parce qu'on en parle beaucoup depuis ce matin sur RMC, la rémunération des élus. Vous étiez députée…
PRISCA THEVENOT
Oui.
SEBASTIEN KREBS
Vous êtes bien payée ?
PRISCA THEVENOT
Je pense que le sujet de l'indemnité parlementaire n'est pas un sujet tabou, il est connu et je pense qu'il est suffisant au regard des responsabilités que nous avons, mais également au regard du salaire moyen des Français. L'enjeu en revanche, quand on parle de l'indemnité des élus, je pense qu'on peut poser la question sur les élus municipaux, un certain nombre de conseillers municipaux dans des petites, moyennes, plus ou moins grandes communes, qui ont beaucoup de responsabilités aussi, qui sont en prise aux problématiques du quotidien et qui souvent n'ont pas beaucoup de temps pour avoir une activité salariée à côté, et pour ces personnes-là je pense que le sujet de l'indemnité peut être effectivement mis sur la table.
SEBASTIEN KREBS
Donc vous dites Patrick MARTIN, président du MEDEF, qui a mis ce sujet sur la table a raison, en tout cas pour ce qui concerne les élus locaux vous ne trouvez pas ça inaudible dans un contexte où les Français font beaucoup d'efforts face à l'inflation ?
PRISCA THEVENOT
Encore une fois, je pense qu'il n'y a pas de sujet tabou, on doit pouvoir avancer sur l'ensemble des problématiques qui sont soulevées, mais je ne suis pas sûre que l'enjeu, ce soit de questionner l'indemnité des parlementaires, des présidents de département, des présidents de région, je vous parle précisément des élus très locaux, ces conseillers municipaux qui souvent perçoivent une indemnité très très très faible, avec des responsabilités extrêmement importantes, bien évidemment.
SEBASTIEN KREBS
Alors parlons de la jeunesse qui est donc votre portefeuille, comment retisser le lien après les émeutes du mois dernier, Emmanuel MACRON a donné un rendez-vous à la fin de l'été pour revenir sur ce sujet, il a promis un travail en profondeur. Il y a un constat, c'est que ces émeutiers ils étaient extrêmement jeunes, ils étaient, pour la plupart mineurs, pour la plupart inconnus de la justice, à 90% Français, ça veut dire qu'ils ont grandi en France, étaient scolarisés en France, ça pose beaucoup de questions, comment vous vous comprenez ça ?
PRISCA THEVENOT
Alors déjà le premier enjeu c'est effectivement le retour à l'ordre, qui a pu se faire assez rapidement grâce au dispositif mis en place, et par Gérald DARMANIN, et par Eric DUPOND-MORETTI, le deuxième temps c'est effectivement le temps de la mise en place des dispositifs pour la reconstruction des bâtiments dégradés, saccagés, pillés, c'est d'ailleurs un des derniers textes que j'ai pu voter en tant que parlementaire à l'Assemblée nationale, parce que la rentrée se prépare dès maintenant, elle doit être opérationnelle pour septembre. Ensuite, ce qui est important de rappeler aussi quand vous parlez des émeutiers, c'est que l'entièreté du sujet de la jeunesse ne peut pas être regardé uniquement qu'au travers du sujet des émeutiers, nous devons pouvoir adresser l'ensemble des colères exprimées, et les colères exprimées elles ne s'expriment pas en pillant des magasins, en saccageant des biens publics, et en menaçant des élus. Une partie des colères sont exprimées de façon non violente, de façon tout à fait légitime, et celle-là nous devons être en capacité de l'entendre, de l'écouter, et c'est d'ailleurs ce que j'ai fait, j'étais encore parlementaire, au lendemain des émeutes, j'ai réuni plus de 80 jeunes à l'Assemblée nationale, non pas pour leur parler, mais justement pour les écouter, et ce qu'ils disaient c'était assez unanime, c'est qu'ils n'ont pas une volonté, ils n'ont pas une demande, pour des politiques d'actions du milliard, mais bien des politiques d'actions du quotidien dans laquelle ils peuvent prendre part et dans laquelle on leur laisse prendre leur part, parce que ce qu'on a, c'est qu'on a une jeunesse, des jeunesses, une jeunesse plurielle, vous l'appellerez comme vous voulez, qui a une soif d'engagement, et souvent cet engagement, eh bien elle ne trouve pas de finalité, ou de modalités d'expression, et ça…
SEBASTIEN KREBS
Vous dites pas de politique du milliard, ça veut dire qu'il ne faut pas un nouveau plan banlieue en réinjectant de l'argent dans ces quartiers pour des infrastructures, pour, comme ça a été le cas dans le passé ?
PRISCA THEVENOT
Vous l'avez très justement dit, quand on regarde le profil des jeunes, 100% des jeunes qui sont dans des structures sportives, culturelles, associatives, ne sont pas dans ces chiffres des émeutiers, donc on voit qu'il y a un certain nombre de cadres qui existent aujourd'hui et que nous devons continuer à déployer. L'ensemble des moyens sont là aujourd'hui, nous devons les rappeler, les amplifier, peut-être les moderniser ou les dépoussiérer pour un certain nombre d'enjeux, mais encore une fois, je vous le dis, la parole des jeunes est claire et unanime, ils ne veulent pas une politique du milliard, ils veulent une politique d'actions dans lequel ils sont eux-mêmes acteurs, et c'est ça aujourd'hui que nous devons pouvoir entendre, je dois dire que c'est quand même assez agréable de constater qu'aujourd'hui nous avons en France une jeunesse qui veut s'engager.
SEBASTIEN KREBS
Alors, il y a une jeunesse qui va s'engager peut-être…
PRISCA THEVENOT
Sûrement.
SEBASTIEN KREBS
Et notamment contre vous, enfin en tout cas il y a cet appel d'organisations de gauche, d'associations, de partis, pour une nouvelle marche le 23 septembre, marche pour une réforme de la police et pour la justice sociale – je dis contre vous – mais en tout cas avec des revendications qu'ils réclament, on entend notamment cette défiance contre la police dans une partie de la jeunesse et pas seulement dans ces quartiers, comment on reconstruit là-dessus, est-ce qu'il faut reconstruire cette relation entre la jeunesse et la police, comment vous, vous voulez agir là-dessus ?
PRISCA THEVENOT
Déjà rappelons tout simplement que la relation entre la jeunesse et la police, ou la population dans sa globalité et la police, n'a jamais été arrêtée, les hommes, les femmes, qui sont sous l'uniforme, qui nous protègent au quotidien, vivent avec nous, ils font partie de nous, ne l'oublions jamais, quand vous allez déposer vos enfants à l'école, parmi les parents qui sont là, il y a sûrement en fait des policiers, des gendarmes, des pompiers, qui sont aussi en train de vivre à vos côtés au quotidien. Ensuite, est-ce qu'il y a une méfiance qui s'est installée entre une partie de la jeunesse, peut-être une partie de la population, et la police ? oui, nous devons pouvoir le regarder, nous devons pouvoir l'adresser, mais attention à ne pas faire le raccourci un peu facile, que fait d'ailleurs une partie de la classe politique qui est toujours la même, l'extrême gauche, à savoir de généraliser l'institution de nos forces de l'ordre. Encore une fois, il n'y a rien de plus grave que de venir pointer du doigt toute une institution, d'une c'est grave, et de deux ça ne répond pas aux enjeux.
SEBASTIEN KREBS
Sans pointer du doigt l'institution, il y a des problèmes très concrets Prisca THEVENOT, les contrôles d'identité, ça revient beaucoup dans les revendications, les contrôles d'identité dans certains quartiers, considérés par beaucoup comme des contrôles au faciès, il y avait quand même le défenseur des droits qui en 2017 pointait déjà qu'un jeune noir ou arabe a 20 fois plus de risques d'être contrôlé par la police. Est-ce que par exemple ça, pour vous, c'est un problème ?
PRISCA THEVENOT
Ce n'est pas un problème, c'est un sujet qu'on doit pouvoir regarder, c'est un sujet qu'on doit pouvoir quantifier et qualifier, mais encore une fois, je viens moi-même des quartiers, j'ai grandi à Stains, j'ai le visage et la tête que j'aie, j'ai eu des contrôles, est-ce que vous me voyez aujourd'hui détester la police, est-ce que vous me voyez aujourd'hui expliquer qu'on doit aller défiler pour pointer du doigt l'ensemble de l'institution que représente celles et ceux qui nous protègent au quotidien ? je pense que quand on veut adresser un sujet on doit pouvoir le faire avec clairvoyance, responsabilité, et sans généraliser, parce que sinon on passe à côté du problème et on ne fait pas de la politique, mais on fait de la polémique.
SEBASTIEN KREBS
Et donc qu'est-ce qu'on fait, il faut donner de nouvelles consignes à la police sur ces contrôles d'identité ?
PRISCA THEVENOT
Déjà il n'y a pas de nouvelles, spécifiquement, nouvelles consignes, je pense qu'on rappelle déjà les missions premières de nos forces de l'ordre, c'est d'assurer notre protection et de permettre nos liberté, l'expression de nos libertés, au quotidien, ensuite s'il y a des actes déviants au sein de la police, j'aimerais juste rappeler qu'il y a des règles, et que les règles sont très vite mises en place sur des sanctions et des suspensions. Donc, encore une fois, tout doit pouvoir être apprécié, tout doit pouvoir être regardé, sans totem vraiment, ni tabou, mais avec des lignes rouges, on ne met pas à mal une institution qui est là pour nous servir, pour servir notre Nation.
SEBASTIEN KREBS
Vous le disiez, vous avez grandi en Seine-Saint-Denis, vous avez été à l'école en zone d'éducation prioritaire, et puis ensuite vous avez fait une grande école, sauf que le fait est que la jeunesse, aujourd'hui dans ces quartiers beaucoup de jeunes estiment que votre parcours il leur semble impossible aujourd'hui, est-ce que cette méritocratie, dont vous avez bénéficié, est-ce qu'elle est en panne aujourd'hui ?
PRISCA THEVENOT
Elle doit pouvoir être questionnée, elle doit pouvoir être améliorée. Je ne dis pas que tout est facile, mais je dis que tout est possible, pour notre jeunesse. Encore une fois, moi je dois effectivement ce parcours, que j'ai voulu, bien évidemment grâce avant toi à ma famille, à mes parents, qui m'ont toujours accompagnée, toujours soutenue, toujours challengée, et puis peut-être aussi de temps en temps remis dans le droit chemin, mais aussi à l'école, l'école républicaine, à nos enseignants, et puis aussi à nos forces de l'ordre.
SEBASTIEN KREBS
Mais comment on redonne des perspectives à ces jeunes, je voyais dans les quartiers 45% des jeunes sont sans emploi, il y a deux fois moins de professionnels de santé pour 100.000 habitants que dans d'autres zones. Il y a moins de crèches, moins de bibliothèques, moins d'équipements sportifs, comment on redonne des perspectives à cette jeunesse des quartiers ?
PRISCA THEVENOT
Eh bien déjà de façon très claire, vous l'avez dit en premier lieu c'est de permettre aussi une émancipation par le travail. Je vous parlais de la réussite par l'école, l'école républicaine et laïque, mais aussi elle doit avoir un débouché pour l'entrée dans le travail et on le sait très bien en 2017 nous avions un enjeu de chômage massif qui touchait en priorité nos jeunes. Nous avons permis de pouvoir lutter contre ce chômage massif en permettant de créer un certain nombre d'emplois, 1,7 million d'emplois créés depuis le début de la présidence d'Emmanuel MACRON et notamment auprès des jeunes, avec des emplois pérennes mais aussi des formules d'apprentissage, des formules d'entrée dans la vie active. Et ça aussi c'est un enjeu du quotidien, quand on sait qu'on va à l'école mais qu'on n'aura pas de travail ça pose une réalité, ça pose une problématique, donc ça c'est un premier sujet. Donc c'est pour ça qu'encore une fois je vous disais les émeutiers qui ont saccagé les services publics, les écoles, les bibliothèques, etc. n'exprimaient aucunement une revendication sociale. Donc nous devons pouvoir nous déployer avec l'ensemble du spectre politique, bien évidemment l'Etat, le gouvernement mais également l'ensemble des élus régionaux, départementaux et municipaux.
SEBASTIEN KREBS
Le Service national universel, il nous reste une minute, ça peut faire partie de la réponse, vous en êtes en charge aussi, il devait être généralisé, c'est une promesse d'Emmanuel MACRON mais son annonce a été repoussée de mois en mois sur toute l'année écoulée, il va être généralisé, il va être rendu obligatoire ?
PRISCA THEVENOT
Il doit être généralisé, d'ailleurs c'est une promesse, c'est un engagement présidentiel et Emmanuel MACRON est un homme de parole. Encore une fois généralisé, ça ne veut pas dire se précipiter surtout quand on parle de jeunesse et d'engagement. Depuis le début du déploiement du SNU, il a eu une montée en charge assez incroyable, nous sommes à aujourd'hui près de 90.000 jeunes qui ont pu faire la phase de cohésion et nous allons déployer à partir de la rentrée qui vient en dehors déjà du temps scolaire, le SNU, le stage de cohésion mais aussi au sein du temps scolaire avec le label lycée et classes engagées…
SEBASTIEN KREBS
Sur la classe de Seconde, sur la base du volontariat des classes.
PRISCA THEVENOT
Tout à fait.
SEBASTIEN KREBS
Est-ce qu'il faut que ça devienne pour vous en tout cas un passage obligé pour tous les enfants puisqu'on parle des enfants de 15 à 17 ans ?
PRISCA THEVENOT
Il faut que ce soit un passage républicain pour l'ensemble d'une génération et d'une cohorte oui, mais encore une fois ça ne se décrète pas simplement en appuyant sur un bouton, il faut que l'ensemble des acteurs puisse s'en saisir, puisse le déployer et que nos jeunes puissent s'en saisir pleinement sans se sentir obligés de le faire. Pour apprendre à jouer collectif, pour apprendre à faire nation, il faut qu'on soit pleinement acteur de cette démarche-là et ça il faut être aussi en capacité de l'entendre.
SEBASTIEN KREBS
Et vous serez en charge de ce dossier au Gouvernement, Prisca THEVENOT, secrétaire d'Etat en charge de la Jeunesse, merci d'être venue ce matin sur RMC et sur RMC Story.
PRISCA THEVENOT
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2023