Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Et dans un tout petit instant, sur RTL, c'est Eric DUPOND-MORETTI, Garde des sceaux, ministre de la Justice, qui est ce matin mon invité. Bonjour Monsieur le Ministre.
ERIC DUPOND-MORETTI
Bonjour Madame BEGOT.
AMANDINE BEGOT
Et bienvenue sur RTL. On vous a vu, entendu hier, très remonté devant le tribunal d'Aurillac, qui a été saccagé samedi, la colère, c'est ce qui dominait hier, quand vous avez vu ces images ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Evidemment, j'ai assisté à un spectacle absolument désolant.
AMANDINE BEGOT
Des crétins décérébrés, l'acte de crétins décérébrés, ce sont vos mots. On va en reparler dans un tout petit instant. A tout de suite.
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AMANDINE BEGOT
Eric DUPOND-MORETTI, vous étiez donc, je le disais, hier, à Aurillac, après le saccage samedi du tribunal en marge d'une manifestation féministe, et vous y avez dénoncé l'acte de crétins décérébrés, ce sont vos mots. Qui sont ces crétins décérébrés ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, on va les identifier. Mais enfin, les actions qui ont été conduites, qui sont des saccages, il ne faut pas avoir peur des mots, eh bien, démontrent à l'évidence que ce sont des crétins décérébrés, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise…
AMANDINE BEGOT
Il n'y a aucune interpellation à ce stade ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Non, mais les enquêtes sont en cours, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Que ce sont des philosophes des lumières ? Si vous n'êtes pas content de l'état du droit, si vous souhaitez que les femmes puissent se promener seins nus dans les rues, bon…
AMANDINE BEGOT
Ce qui était l'objet de la manifestation…
ERIC DUPOND-MORETTI
L'objet de la manifestation, eh bien, faites, d'abord, une manif pacifique, faites une pétition, allez voir votre député, participez aux élections, c'est ça la vie démocratique. Mais vous n'allez pas saccager une juridiction, enfin, c'est désolant, j'ai vu les personnels les larmes aux yeux, imaginez, Madame, qu'on saccage votre bureau, vous y tenez à votre bureau, c'est un lieu de vie, c'est un lieu de travail. Enfin, moi, j'ai vu tous les personnels les larmes aux yeux, c'est effrayant, et qui est-ce qui paye tout ça, c'est le justiciable.
AMANDINE BEGOT
250.000 euros de dégâts, vous avez dit…
ERIC DUPOND-MORETTI
250.000 euros…
AMANDINE BEGOT
Ça représente quoi ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Les ordinateurs fracassés, le lieu d'accueil, ce qu'on appelle le SAUJ, premier contact du justiciable avec la justice, complètement fracassé, brûlé, il s'en est fallu de quelques minutes que le tribunal soit complètement incendié, aucune cause ne justifie cela, c'est pour ça que je me suis exprimé avec des mots forts, parce qu'il y a une petite musique qui devient insupportable dans notre pays, c'est celle de la désobéissance civile ; vous n'êtes pas content, les méga-bassines, eh bien, allez les fracasser, et puis, au passage, n'oubliez pas d'incendier un camion de gendarmerie, vous avez une revendication écolo, allez dans un musée saccager une oeuvre d'art, mais allons-y ! Or, la nation, et le faire nation, c'est d'abord le respect de la loi commune, donc, oui, moi, je suis atterré, j'avais vu quelques photographies, et franchement, être sur place, les odeurs, le verre partout, et un tribunal qui dit : on va continuer, il y a une audience aujourd'hui cet après-midi, dans des conditions que vous imaginez très difficiles, le conseil des Prudhommes va continuer, le tribunal de commerce. Alors, au-delà du bâtimentaire, au-delà de l'argent, et moi, j'ai dit d'ailleurs que le ministère de la Justice serait évidemment aux côtés des personnels pour remettre les choses en l'état, c'est le justiciable qui est touché. Il y a des gens qui attendent un divorce, là, il y a des gens qui attendent une décision commerciale prud'hommale, c'est absolument insupportable.
AMANDINE BEGOT
Des dégâts matériels, des drapeaux français aussi ont été arrachés, c'est la justice, la République qui est visée ou... ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Madame, c'est tellement incompréhensible pour moi que ne me demandez pas quelle est la logique qui actionne les esprits de ceux qui ont fait ça…
AMANDINE BEGOT
Ce sont ceux qui manifestaient qui ont dégradé ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, la première chose qu'on a touchée, c'est le drapeau, et puis, ensuite, on a mis quelques tags qui ne disent rien, et puis, ensuite, on est rentré, on a incendié, on a dégradé, on a tout fracassé. Tout ce qui était à portée de main a été fracassé.
AMANDINE BEGOT
« Crétins décérébrés », je reprends vos mots, est-ce que c'est comme ça que vous auriez qualifié aussi ceux qui s'en sont pris aux bâtiments publics, aux commerces lors des émeutes qu'on a connues au début de l'été, après la mort du jeune Nahel ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Eh bien, écoutez, moi, j'ai été très, très ferme après ces émeutes, parce que je les trouve également insupportables, on a fracassé des commissariats, des écoles, il y a 20 lieux de justice qui ont été mis par terre, Asnières, en particulier, vous savez qu'à Asnières, l'après-midi même, on devait mettre en place, devait avoir lieu une audience de surendettement pour nos compatriotes les plus modestes. Et il y a un vigile qui a failli brûler vif. Non, mais, je le redis, à l'extrême gauche, on souffle sur les braises en disant qu'aujourd'hui tout est possible, vous avez raison, alors affranchissez-vous de la loi commune, et faites ce qui vous passe par la tête…
AMANDINE BEGOT
C'est l'extrême gauche qui est responsable ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Oui, bien sûr, d'ailleurs, vous avez vu, moi, je n'ai toujours pas vu de condamnation, là, du côté de l'extrême gauche sur cette question-là.
AMANDINE BEGOT
Vous leur demandez ce matin à La France Insoumise de condamner ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Je ne leur demande rien du tout, moi, Madame, je pense qu'on a compris, les choses, elles sont très claires, on a fracassé des commissariats de police, monsieur MELENCHON n'a pas condamné. Voilà ! Et à force de dire que la police tue, que les institutions ne valent rien, en fait, ce sont des gens qui veulent foutre en l'air la République. Mais la République, c'est aussi des services publics, voilà, pour nos compatriotes.
AMANDINE BEGOT
Une vingtaine de lieux de justice prise pour cible, vous le rappelez, et vous avez un bilan chiffré de ces dégâts. Combien ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Oui, cinq millions au total.
AMANDINE BEGOT
Cinq millions d'euros.
ERIC DUPOND-MORETTI
Cinq millions d'euros, oui.
AMANDINE BEGOT
C'est colossal.
ERIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr que c'est colossal, vous imaginez ce qu'on peut faire avec ça.
AMANDINE BEGOT
C'est des emplois de greffiers, de juges, de magistrats…
ERIC DUPOND-MORETTI
D'emplois, bien sûr, de magistrats, de greffiers, c'est l'ouverture d'un point justice supplémentaire, c'est la revalorisation de l'aide juridictionnelle, etc, etc, etc, et moi, j'ai dit bien sûr qu'il fallait châtier les coupables, et qu'il fallait veiller à ce que soient exécutées les condamnations pécuniaires auxquelles ils seront soumis ; il est normal qu'ils mettent la main à la poche.
AMANDINE BEGOT
On en est où justement des condamnations ? Combien de condamnations ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Sur les émeutes ?
AMANDINE BEGOT
Oui.
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, sur les émeutes, je vais vous donner les chiffres, chiffres du 1er août, chiffres récents, 2.107 personnes ont été jugées. 1.989 ont été condamnées, et 1.787 ont été condamnées à une peine d'emprisonnement.
AMANDINE BEGOT
Donc une prison ferme presque systématique, enfin…
ERIC DUPOND-MORETTI
Pour 90 % des condamnés.
AMANDINE BEGOT
Sur le profil, on est toujours sur le même profil, des individus jeunes au casier judiciaire pas forcément… enfin, sans casier judiciaire ou non connus des services de police ?
ERIC DUPOND-MORETTI
On a un peu de tout, on a des jeunes, on a évidemment des moins jeunes, on a des gens qui s'en sont pris aux symboles de la République, aux établissements publics, on a des pilleurs également, et puis, ça a été pour moi l'occasion d'appeler les procureurs à de la fermeté, et ils ont été au rendez-vous, il était question de rétablir l'ordre républicain, et puis, naturellement, on a aussi rappelé ce qu'était l'autorité parentale, et comment il était impérieux qu'elle s'exerce.
AMANDINE BEGOT
Restaurer l'ordre, on entend cette expression depuis ces émeutes, mais beaucoup en cette rentrée, très concrètement, Eric DUPOND-MORETTI, comment on fait pour restaurer l'ordre, il faut reciviliser le pays a dit le président de la République dans son interview au " Point ", la semaine dernière, ça veut dire quoi, parce que les moyens, vous les avez mis, plus 40 % pour le budget de la Justice, les effectifs de police, ils sont là, plus 10.000 policiers et gendarmes, on fait comment ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, d'abord, oui, 40 % d'augmentation du budget, ça, c'est fait, oui, déjà des embauches massives de magistrats, de greffiers, de contractuels, et puis, il y a ce qui va venir, il y a le texte qui a été voté en première lecture au Sénat, à l'Assemblée nationale, il reste une étape, naturellement, pour entériner ce texte, et pour qu'il entre en application.
AMANDINE BEGOT
Mais ce que je veux dire, c'est que j'ai l'impression que ce n'est pas quelque chose de palpable « restaurer l'ordre »…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pardon, il faut que les choses se mettent en place, ce que vous évoquez, c'est peut-être le temps de la frustration citoyenne, et je l'entends, entre les annonces que l'on fait, l'élaboration du texte, sa mise en oeuvre, eh bien, il y a un peu de temps qui s'écoule, il y a ce décalage-là qui est souvent le décalage de l'impatience pour nos compatriotes. Donc, il y a les moyens, mais il n'y a pas que les moyens, rappeler aux parents, par exemple, j'ai été très critiqué quand j'ai fait ça, mais je l'assume, mais totalement, qu'ils ont une obligation, qu'un gamin de 14 ans n'a rien à faire dans la rue, je parle, Madame, bien sûr, des parents qui sont en mesure d'exercer l'autorité parentale, il y a des parents dont on sait qu'ils sont débordés.
AMANDINE BEGOT
Et ceux-là, il faut les aider ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Et ceux-là, il faut évidemment les aider, parce qu'il y a les deux volets, mais il faut rappeler que quand un gamin dégrade, c'est les parents qui paient, ça, c'est…
AMANDINE BEGOT
Il faut que ce soit les parents qui paient…
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais c'est de la responsabilité civile qui existe depuis des temps immémoriaux, et puis, il y a des infractions pénales, ne pas s'occuper de ses enfants, ne pas les mettre, comment dirais-je, dans les meilleures conditions éducatives, eh bien, c'est une infraction pénale, ça n'est pas moi qui l'ai inventée, mais je veux qu'on applique ces textes.
AMANDINE BEGOT
J'ai deux petites questions encore, Eric DUPOND-MORETTI, il nous reste très peu de temps, Vincent JEANBRUN, le maire de L'Haÿ-les-Roses, était assis à votre place ici hier matin sur RTL, les individus qui ont forcé son portail à coups de voiture bélier et incendié sa maison où se trouvaient son épouse et ses deux enfants au début du mois de juillet, courent toujours. L'enquête bien sûr est en cours, c'est long, on le comprend, mais pourquoi c'est si long, est-ce que ça ne participe pas justement à alimenter une certaine défiance de la part de ceux qui attaquent justement ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Madame, des gens qui procèdent avec une cagoule, il faut les identifier, ça prend évidemment du temps, il y a des analyses techniques, des analyses scientifiques, il faut regarder les vidéos, il faut recueillir un certain nombre de témoignages, tout ça, ça prend du temps. Mais soyez absolument convaincue que la justice est totalement mobilisée pour retrouver les coupables.
AMANDINE BEGOT
Toute dernière question, la Cour de cassation a rejeté cet été les recours que vous aviez déposés contre votre renvoi devant la Cour de justice de la République pour prise illégale d'intérêts, est-ce que vous savez quand aura lieu ce procès ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Non, Madame.
AMANDINE BEGOT
Et vous le redoutez, c'est la première fois, on le rappelle, qu'un ministre en exercice va comparaître devant la CJR, ça va peut-être vous agacer que je vous dise ça, mais ce n'est pas un peu gênant, ça ne décrédibilise pas le ministre que vous êtes de se retrouver comme ça devant une cour de justice ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Madame, je suis à la tâche. Cette procédure ne m'a jamais interdit de travailler, et je m'expliquerai le moment venu, et je pense que vous serez très attentive à mes explications.
AMANDINE BEGOT
C'est promis, on suivra ça. Merci beaucoup Monsieur le Ministre.
YVES CALVI
Lors du saccage du tribunal d'Aurillac, la première chose qu'on a touchée, c'est le drapeau, vient de nous rappeler le Garde des sceaux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 septembre 2023