Interview de M. Patrice Vergriete, ministre délégué, chargé du logement, à France Info le 12 septembre 2023, sur la politique du logement.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Patrice VERGRIETE.

PATRICE VERGRIETE
Bonjour.

SALHIA BRAKHLIA
Vous êtes le ministre d'un secteur en crise, c'est ce que disait ici même sur ce plateau votre prédécesseur, Olivier KLEIN, il expliquait même que le logement allait être la prochaine bombe sociale ; est-ce que vous avez les mêmes craintes que lui ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, c'est un secteur en crise, indéniablement, aujourd'hui, avec la hausse des taux d'intérêt, avec l'augmentation du coût des matériaux, parfois aussi, un certain nombre de maires, à l'échelle nationale, qui refusent un certain nombre de permis de construire, on est aujourd'hui dans une panne de la construction, difficultés pour un certain nombre de nos concitoyens d'accéder, difficultés d'accéder au logement social, faute de production et de construction. Donc oui, c'est un secteur en crise, bien entendu.

SALHIA BRAKHLIA
On va parler de chacune des difficultés que traverse le secteur, mais est-ce que c'est une crise ou un krach, ce qu'on est en train de vivre ?

PATRICE VERGRIETE
Alors, c'est des chiffres qui ressemblent à ceux de la crise de 2008, mais j'ai envie de dire, peu importe les mots, peu importe la comparaison, il y a aujourd'hui…

JÉRÔME CHAPUIS
Et après, il y a les conséquences sociales…

PATRICE VERGRIETE
Voilà, il y a des conséquences sociales derrière, il y a des étudiants aujourd'hui qui doivent arrêter leurs études parce qu'ils ne trouvent pas de logement, moi, c'est ça qui m'intéresse, et effectivement, c'est la réalité du terrain.

JÉRÔME CHAPUIS
Non, mais derrière la question de Salhia, il y a l'idée de savoir jusqu'où ça peut aller, est-ce que ça peut s'effondrer ?

PATRICE VERGRIETE
Je pense que si on ne faisait rien, parce que je pense que la solution, qu'il ne faut surtout pas faire, c'est ne rien faire, c'est-à-dire laisser le marché réguler les choses, ça, on sait qu'on va à la catastrophe sociale si on ne fait rien aujourd'hui. Donc il y a la nécessité d'une intervention publique aujourd'hui, ce sur quoi on travaille. Mais si on ne faisait rien, oui, effectivement, l'année 2024, l'année 2025 pourrait être terrible…

SALHIA BRAKHLIA
Mais pourtant, Véronique BEDAGUE, qui est à la tête de NEXITY, l'un des plus grands promoteurs en France, et qui a, elle aussi, coprésidé le CNR, elle dit que le gouvernement est totalement indifférent à cette crise.

PATRICE VERGRIETE
Écoutez, là, je le représente, le gouvernement, je pense que Véronique BEDAGUE a tiré de vrais constats sur la crise du logement, évidemment que le gouvernement n'est pas indifférent, comment on pourrait être indifférent à la réalité de nos concitoyens aujourd'hui, et donc effectivement, on travaille à un plan qui permettra d'amortir cette crise, après, ne nous leurrons pas, la crise est là, les taux d'intérêt sont élevés, on ne retrouvera pas la dynamique immobilière qu'on avait avec des taux à 1%, il faut être tout à fait honnête…

SALHIA BRAKHLIA
Ça ne reviendra plus ça…

PATRICE VERGRIETE
Il n'y aura pas de recette miracle, je ne sais pas si ça reviendra ou pas, mais en tout cas, en 2024, et à court terme, ça ne revient pas, donc il y a des solutions publiques à trouver, et on y travaille aujourd'hui.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais est-ce que ça passe par de l'argent public, parce que quand on écoute Emmanuel MACRON parler de logement, il nous dit surtout que ça coûte beaucoup d'argent ?

PATRICE VERGRIETE
Je pense qu'il faut travailler sur l'ensemble des domaines, il y a à la fois à travailler sur l'accession à la propriété, aujourd'hui, il y a le prêt à taux zéro, qu'on a souhaité recentrer…

JÉRÔME CHAPUIS
Qui coûte de l'argent…

PATRICE VERGRIETE
Qui coûte de l'argent, qu'on a souhaité recentrer, mais dont on a élargi aussi le périmètre puisqu'on est en train de travailler aujourd'hui sur un décret qui permettra à plus de villes de rentrer dans les zones en tension, donc aujourd'hui, un certain nombre de villes, je pense aux sites en réindustrialisation aujourd'hui, qui ont besoin de beaucoup de logements, eh bien, on va réouvrir le PTZ à ces zones-là aujourd'hui…

JÉRÔME CHAPUIS
Le prêt à taux zéro…

SALHIA BRAKHLIA
Le prêt à taux zéro qui va être donc réservé à ceux qui achètent un logement neuf ou ancien avec engagement de faire des travaux dans les zones tendues, mais par définition, vous le savez, Monsieur le Ministre, ceux qui achètent dans les zones tendues sont ceux qui ont un peu plus d'argent parce que dans ces zones tendues, eh bien, ça coûte plus cher.

PATRICE VERGRIETE
Alors oui et non, dans les zones très tendues, si je prends effectivement l'agglomération parisienne, c'est vrai que…

SALHIA BRAKHLIA
Donc c'est un PTZ pour les plus riches en fait…

PATRICE VERGRIETE
C'est vrai que, aujourd'hui, les critères du PTZ ne permettent pas à des classes moyennes de pouvoir accéder, donc on est en train de regarder si on peut modifier ces critères pour permettre à plus de personnes dans ces zones très tendues de pouvoir accéder au prêt à taux zéro. Mais attention, tout à l'heure, je parlais de de zones en réindustrialisation, par exemple, j'étais à Fécamp au début du mois d'août, Fécamp va, dans le décret prochain, passer dans une zone en tension supérieure. A Fécamp, aujourd'hui, le PTZ sera une réponse à de la classe moyenne, et donc, ça permettra à des gens sur Fécamp de pouvoir accéder, et ça, c'est plus de 200 villes…

SALHIA BRAKHLIA
Donc au lieu d'élargir l'éventail du PTZ par rapport aux ménages, vous élargissez le nombre des zones tendues en France ?

PATRICE VERGRIETE
Eh bien, en fait, c'est ça, je pense qu'il faut assumer le fait qu'on ne doit pas construire partout en France, il y a aujourd'hui des zones où il n'y a plus besoin de logements, où il y a d'ailleurs des logements vacants en excès, il faut travailler sur la vacance, mais il y a des sites, par exemple, les sites en réindustrialisation, il n'y a pas que ça, on peut aussi parler d'un certain nombre de communes touristiques aujourd'hui qui sont en difficulté en termes de construction pour accueillir des résidences principales. Là, il faut construire. Donc on préfère cibler le prêt à taux zéro là où c'est nécessaire de construire.

SALHIA BRAKHLIA
Mais comment on fait quand on… eh bien, je ne sais pas, quand on est un petit couple modeste qui a envie de faire construire sa maison en province, mais pas dans une zone tendue, c'est fini ça, le petit pavillon, c'est terminé ?

PATRICE VERGRIETE
Aujourd'hui, il faut être lucide, sur un certain nombre de villes qui n'ont plus besoin de construction de logements, il vaut mieux travailler sur les logements vacants, vous avez de la vacance…

JÉRÔME CHAPUIS
C'est-à-dire sur les locations, dans ces cas-là ?

PATRICE VERGRIETE
Pardon ?

JÉRÔME CHAPUIS
Sur les locations, parce que la grande question qui se pose sur la vision…

PATRICE VERGRIETE
Non, pas sur les locations, vous pouvez avoir de l'acquisition, amélioration, par exemple, vous avez souvent dans ces zones-là, dans ces villes, petites villes, du patrimoine ancien qui n'est plus adapté à la question de la rénovation énergétique aujourd'hui, donc souvent, dans les centres villes, par exemple, vous avez de la vacance, des logements qui ne sont plus aux normes j'ai envie de dire, et qu'il faut, entre guillemets, retaper pour pouvoir loger, et être dans ces centres-villes anciens, on veut les accompagner dans cette démarche-là d'acquisition, amélioration et ça, c'est possible dans les centres-villes anciens où il n'y a pas besoin de constructions neuves, on a besoin plus de transformer les logements qui existent, et donc il faut mieux aider, et c'est là qu'on a le prêt à taux zéro dans l'ancien, dans ces villes-là…

JÉRÔME CHAPUIS
Mais est-ce que vous voulez une France de propriétaires, comme disait par exemple Nicolas SARKOZY ?

PATRICE VERGRIETE
Ce n‘est pas cette question-là, je n'ai pas à choisir pour les gens, je veux dire, ce qu'il faut, c'est donner la possibilité aux Français qui souhaitent accéder à la propriété de pouvoir le faire, c'est ça, il y en a qui ne le souhaitent pas…

SALHIA BRAKHLIA
Non, mais, on essaie, derrière la question, on essaie de comprendre votre cap, parce qu'on a l'impression que pendant cette crise, le gouvernement ne sait pas trop où il va, et il cherche plutôt à faire des économies.

PATRICE VERGRIETE
Non, le cap est simple, vous m'interrogiez sur la relance, je reviens alors sur le cap, le cap, c'est d'abord répondre à cette urgence-là, donc on est parti sur le prêt à taux zéro, j'aurais pu évoquer d'autres outils, sur le locatif ou encore sur l'accession à la propriété…

SALHIA BRAKHLIA
On va en parler après…

PATRICE VERGRIETE
Il y a d'autres outils qui existent, notre priorité, c'est d'abord ça, essayer d'amortir le choc de la crise, après le cap, comme vous dites, parce que ça, ça ne va pas régler le structurel, donc ça, c'est l'urgence, le cap structurel, c'est la décentralisation de la politique du logement, remobiliser les acteurs. Parce que, effectivement, vous avez commencé par la crise, donc il y a des mesures à prendre rapidement, mais après, il y a le cap à définir sur les années qui viennent, sur les années qui viennent, c'est comment on donne plus de capacité d'agir aux acteurs locaux et en particulier les collectivités locales, le cap, il est là, ça ne veut pas dire que l'État ne fera plus rien, l'État devra être vigilant, veiller par exemple, on parle de la loi SRU, à ce que chacun accepte un certain nombre de logements sociaux, l'État continuera à être responsable de l'hébergement d'urgence, l'État continuera à veiller au modèle économique du logement, donc ça, c'est la responsabilité de l'État, mais l'objectif à terme, c'est de pouvoir donner plus de capacité d'agir aux acteurs de terrain, je vais vous prendre un exemple…

JÉRÔME CHAPUIS
Et de capacité d'agir, c'est encore de l‘argent, c'est-à-dire qu'on va encore vous dire…

PATRICE VERGRIETE
Non, pas du tout, pas du tout, je vais vous donner un exemple, on parle souvent des meublés touristiques, on dit : voilà les meublés touristiques aujourd'hui, ils prennent la place de logements étudiants, voilà, très bien, aujourd'hui, on parle plus de la fiscalité de ces meublés touristiques, mais il n'y a pas que la fiscalité, il y a aussi…

SALHIA BRAKHLIA
… Déjà, la fiscalité, c'était l'une des pistes du gouvernement parce qu'elle est favorable aux meublés touristiques, cette fiscalité ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, on y réfléchit, notamment, la question de l'alignement de la fiscalité des meublés touristiques par rapport aux meublés ou aux non meublés d'ailleurs, on y réfléchit, et ce sera sans doute l'un des points du prochain budget.

SALHIA BRAKHLIA
Mais c'est pour quand ?

PATRICE VERGRIETE
Mais je reviens à la question, parce que… Mais il n'y a pas que l'argent, comme vous dites, il y a aussi des possibilités de régulation, la ville de Paris par exemple a mis en place des compensations, si vous faites un meublé touristique, vous devez justifier de la construction, Saint-Malo va un peu plus loin sur les quotas, on n'est pas sûr d'ailleurs que ce soit parfaitement légal. Le but du jeu, c'est à l'avenir donner plus d'outils aux collectivités locales pour pouvoir faire ce qu'elles souhaitent, on parlait de l'encadrement des loyers, je suis allé au Pays basque, j'ai donné la possibilité au Pays basque de pouvoir encadrer les loyers.

JÉRÔME CHAPUIS
Toujours avec le ministre du Logement, Patrice VERGRIETE. Il y a un mot qu'on a entendu ; le mot krach ce matin dans la bouche d'un promoteur immobilier parce que les réservations de logements neufs ont chuté de 45 % sur un an. Est-ce que c'est la faute des maires ? Parce qu'on en parlait justement, de la répartition des rôles entre l'État et les élus locaux.

PATRICE VERGRIETE
Il y a la responsabilité de certains maires, oui ; certains, pas la majorité des maires. Vous savez, moi-même j'ai été maire à Dunkerque et je cherchais plutôt à promouvoir le logement y compris le logement social. Un certain nombre de maires sont plutôt dans une logique un peu malthusienne, souvent par crainte de l'avis de leurs administrés. Mais ce n'est pas que la faute des maires.

JÉRÔME CHAPUIS
Alors comment on desserre l'étau ?

PATRICE VERGRIETE
On a commencé un peu à l'évoquer sur les différents outils. D'abord l'urgence. Donc effectivement, je reviens à cette question-là. On a évoqué un peu l'accession à la propriété, notamment le prêt à taux zéro. Il y a une autre façon aussi pour relancer l'accession à la propriété. C'est un peu plus technique. Ça s'appelle le bail réel solidaire où vous achetez en fait les murs et vous avez un décalage de l'achat du foncier.

JÉRÔME CHAPUIS
C'est du terrain en fait.

PATRICE VERGRIETE
Oui, mais aujourd'hui ça marche sur le terrain. Donc le but du jeu c'est de pouvoir encourager aussi cette accession à la propriété. Le locatif ; il y a aujourd'hui quelque chose qui est beaucoup demandé par les promoteurs, par des investisseurs, ce qu'on appelle le locatif intermédiaire. C'est 10 à 15 % en dessus du loyer de marché ; on va l'encourager.

SALHIA BRAKHLIA
Pardon monsieur le ministre mais sur les logements neufs, quand Jérôme faisait référence à la baisse de réservations des logements, il y a aussi une baisse de construction des logements. Là, c'est la faute des maires ou alors c'est parce que voilà, avec la pole la politique de zéro artificialisation des sols, on ne peut plus rien construire ?

PATRICE VERGRIETE
Non, ce n'est pas vrai. Regardez, je vais accueillir 20 000 emplois à Dunkerque et on va construire les logements. On a le foncier disponible donc le zéro artificialisation nette peut être des contraintes dans un certain nombre d'endroits, mais il y a toujours le moyen de trouver des solutions. Ce que je voulais évoquer tout à l'heure, c'est que pour relancer la construction, il faut une demande. Et donc en travaillant sur l'accession à la propriété, en travaillant sur le locatif, il faut des investisseurs. On est en train de réfléchir à de nouveaux investisseurs.

SALHIA BRAKHLIA
Mais il faut des endroits où construire ces immeubles.

PATRICE VERGRIETE
Il faut des endroits où construire ; il y en a. Tout à l'heure, on évoquait des sites en réindustrialisation ; il y a du foncier disponible pour construire.

JÉRÔME CHAPUIS
Et toutes les zones commerciales dont on parle hier, alors parlons de la France moche notamment.

PATRICE VERGRIETE
Les zones commerciales, on l'évoquait hier, c'est l'un des principaux gisements. Mais il y a aussi… C'est-à-dire, le but c'est de réussir une cohabitation qui fasse de la ville. Finalement ces zones où on a que du commerce, ce n'est pas tellement de la ville. En général, la ville c'est un mélange de services y compris de services publics, de logements, de paysages aussi. Et le but du jeu c'est finalement de faire de la ville avec ces zones-là demain. Et donc, il y a un gisement de logements puisqu'il n'y en a pas du tout aujourd'hui. Et effectivement sur un certain nombre de sites aujourd'hui, les opérateurs de ces zones commerciales, ces foncières, aujourd'hui sont intéressés pour se diversifier dans le logement. C'est un très beau gisement. Pas seulement les opérations d'intérêt national maîtrisées par l'État aujourd'hui dans un certain nombre de grandes agglomérations. C'est des milliers de logements potentiels ; on peut faire accélérer les choses demain. Donc il y a des pistes et attention, sur l'urgence, n'oublions pas ; ça, ça n'a pas été dit par tous les opérateurs qui l'évoquent ; on a déjà engagé un programme de rachat de logements aux promoteurs. La Caisse des Dépôts a déjà engagé près de 10 000 logements, racheté 10 000 logements. Action logement est en train de racheter des milliers de logements aux promoteurs. Donc pour répondre à l'urgence, il s'agit de trouver la demande, de trouver des acheteurs aujourd'hui ; on est en train d'y travailler. Et après, il y aura le cap des prochaines années.

SALHIA BRAKHLIA
Patrice VERGRIETE, il y a l'accession à la propriété mais il y a aussi la location de logement. Vous le savez, c'est le premier poste de dépenses des Français et l'inflation, c'est aussi l'augmentation des loyers alors que l'augmentation des loyers est limitée à 3,5 % aujourd'hui jusqu'à début 2024, mais après ?

PATRICE VERGRIETE
Alors déjà, vous l'avez dit, limité à 3,5 % jusque 2024, c'est une action gouvernementale. Je pense que ça fait partie de ces outils puisque vous dites "et après ?" vous êtes justement sur le cap, vous êtes justement plus sur l'urgence.

SALHIA BRAKHLIA
On a envie de savoir ce qui va se passer.

PATRICE VERGRIETE
Après, je renvoie pour moi aux collectivités locales. Demain, il faut donner la capacité aux élus locaux (je pense en particulier aux intercommunalités parce que c'est le bon niveau, c'est le bassin de vie, c'est le bassin d'habitat) aux intercommunalités de pouvoir réguler par exemple demain les loyers.

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire quoi ?

PATRICE VERGRIETE
L'encadrement des loyers par exemple ; on est allé... je suis allé au Pays basque je leur ai dit moi, je l'ai dit d'ailleurs dans les entretiens d'Inxauseta à Bunus ; je ne vois pas pourquoi le ministre doit décider de ça. Si à un moment donné, un président d'intercommunalités souhaite encadrer les loyers, donnons-lui les moyens de le faire.

SALHIA BRAKHLIA
Et pourquoi vous n'allez pas directement vers la généralisation de l'encadrement des loyers ?

PATRICE VERGRIETE
Mais c'est ce que je suis en train de vous dire. C'est-à-dire donner la possibilité aux présidents d'intercommunalités, à l'intercommunalité qui le souhaite, de davantage encadrer les loyers demain. C'est ça la décentralisation ; c'est donner plus d'outils aux acteurs de terrain pour pouvoir adapter aux territoires. Pourquoi ne pas le généraliser partout ? Parce qu'il ne le faut pas partout. Toutes les agglomérations n'ont pas besoin d'encadrement des loyers.

SALHIA BRAKHLIA
Mais si chacun fait comme il veut en fonction de la couleur politique de la mairie ou de justement l'intercommunalité ?

PATRICE VERGRIETE
Ce n'est pas une couleur politique.

SALHIA BRAKHLIA
Mais si.

PATRICE VERGRIETE
Mais non.

SALHIA BRAKHLIA
Exemple à Paris, si Anne HIDALGO n'avait pas décidé d'encadrer les loyers, en fait il se passait rien et puis les classes moyennes fuyaient encore plus Paris.

PATRICE VERGRIETE
Mais c'est la démocratie.

SALHIA BRAKHLIA
Tout devient plus cher.

PATRICE VERGRIETE
La démocratie c'est ça ; -à-dire de pouvoir adapter... Attention, vous prenez Paris, vous prenez une commune. J'ai bien dit l'intercommunalité ; c'est un peu plus large. Et Paris, c'est à mon avis le mauvais exemple parce que l'intercommunalité à Paris c'est compliqué. Mais j'ai envie de prendre une ville de province. Si à l'échelle de l'intercommunalité, donc il y a beaucoup de maires dans la majorité en général ; si on se met d'accord pour dire « voilà, sur notre zone aujourd'hui, il faut davantage encadrer les loyers » eh bien, ils l'assument devant les électeurs, ils l'assument. Si demain, il faut davantage réguler les meublés touristiques, ils auront la possibilité de le faire. S'ils le font, eh bien, ils assumeront devant les électeurs. La décentralisation, c'est donner plus de moyens aux élus locaux pour qu'ils assument. Et c'est un pas si très important.

SALHIA BRAKHLIA
C'est aussi à l'Etat de se décharger ?

PATRICE VERGRIETE
Parce que ça permet de s'adapter aux territoires.

JÉRÔME CHAPUIS
Patrice VERGRIETE, pour lutter contre les impayés de loyer qui atteignent aujourd'hui des records ; est-ce qu'il est prévu dans le prochain budget de donner un coup de pouce aux allocations, aux APL ?

PATRICE VERGRIETE
Aujourd'hui, la question n'est pas celle des APL ; le but du jeu c'est de continuer effectivement l'indexation.

JÉRÔME CHAPUIS
Parce que la Fondation Abbé Pierre réclame une augmentation de 10 %.

PATRICE VERGRIETE
Oui, j'ai entendu ça mais aujourd'hui ce n'est pas sur la table. Toujours est-il que nous cherchons plutôt à valoriser l'offre de logements aujourd'hui. Ce qui est très important parce que si on veut essayer de maîtriser les prix du locatif, c'est aussi avoir plus d'offres. On revient à la question de la construction ; si vous construisez davantage de logements locatifs, de logements en l'occurrence et donc plus de locatifs in fine, effectivement ça mettra une pression à la baisse sur les prix. Et c'est ça l'objectif, d'abord relancer la construction.

JÉRÔME CHAPUIS
Il y a quelque chose qui agit sur le niveau de l'offre, c'est la question de la rénovation thermique parce qu'il y a beaucoup de gens qui finalement ne peuvent plus mettre leurs biens sur le marché de la location parce qu'ils ne sont plus aux normes.

PATRICE VERGRIETE
Oui. On y travaille effectivement ; c'est à partir de 2025. Les logements locatifs qui sont en DPE ; alors c'est un peu technique mais c'est la performance énergétique G, c'est un peu passoires thermiques quand même, ne pourront plus louer. Je pense que c'est important.

JÉRÔME CHAPUIS
Est-ce qu'il vous arrive de vous dire, en fait, ce n'est pas tout à fait le bon moment pour le faire ?

PATRICE VERGRIETE
Oui mais, ce n'est jamais le bon moment. C'est ça le problème. L'enjeu écologique est un enjeu d'urgence donc on ne peut pas non plus se permettre de ne pas... On est en train de travailler actuellement sur : est-ce que finalement, il faut de gros travaux pour passer de G en F ? On est en train de regarder, on est en train d'évaluer.

JÉRÔME CHAPUIS
Donc on toucherait aux normes ?

PATRICE VERGRIETE
Non, on ne touche pas aux normes c'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'interdiction de louer pour les G et plus passoires thermiques, c'est 2025 ; mais après pour F, c'est 2028. Donc là ça nous donne quand même pas mal de temps pour pouvoir s'adapter et trouver les moyens financiers d'accompagnement. L'urgence est sur 2025 donc on est en train d'évaluer sur ce que ça représente pour tous ceux qui aujourd'hui louent un logement en G pour passer en F. Si finalement, l'investissement n'est pas si important que ça, notamment dans les copropriétés parce que c'est là qui est la plus grande difficulté. Si finalement, il n'y a pas besoin de travaux de copropriété pour passer de G en F, il n'y a rien qui constitue un obstacle aux propriétaires pour continuer à louer. Donc on y travaille et réfléchit à ça actuellement. Vous savez, je ne suis là que depuis un mois et demi donc on a déjà parlé de beaucoup, beaucoup de chantiers.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Patrice VERGRIETE, le ministre du Logement. Pardonnez-moi, je reviens sur ce que vous avez dit juste avant le Fil Info, parce que je n'ai pas tout compris, vous disiez en fait, les propriétaires qui ont un bien classé G, donc presque…

PATRICE VERGRIETE
Et qui louent, passoire thermique…

SALHIA BRAKHLIA
Et qui louent, presque passoire thermiques et qui louent, ne seront pas obligés d'arrêter de louer après 2025, c'est ça ?

PATRICE VERGRIETE
Eh bien, on est en train de regarder au niveau du ministère…

SALHIA BRAKHLIA
Alors que c'est le calendrier du gouvernement…

PATRICE VERGRIETE
Alors, l'interdiction, c'est les G en 2025, les F en 2028, bien. Donc on est en train de regarder effectivement pour tous ces logements qui sont en G, parce que 2025, c'est demain, donc c'est de l'urgence. Donc effectivement, pour lancer par exemple des travaux de copropriété d'ici 2025, ça peut être difficile, donc on est en train de regarder effectivement au niveau du ministère si pour passer de G en F, il y a l'absolue nécessité de travaux de copropriété, où là, effectivement ça poserait un problème de calendrier…

SALHIA BRAKHLIA
Donc ça veut dire que le calendrier pourrait être repoussé ?

PATRICE VERGRIETE
Non, justement, ce qu'on cherche…

SALHIA BRAKHLIA
Que les G et les F, ce serait en même temps ?

PATRICE VERGRIETE
Non, ce qu'on cherche justement, c'est à garder le calendrier de manière à proposer aux propriétaires de faire quelques travaux pour passer en F et de pouvoir continuer à louer en 2025 ; donc le but du jeu, c'est d'essayer de tenir le calendrier, on veut tenir le calendrier, la priorité, ce n'est pas sacrifier l'écologie. Je le dis clairement à tous les auditeurs aujourd'hui, on ne peut pas sacrifier l'écologie aujourd'hui, donc le but du jeu, c'est de tout faire pour tenir ce calendrier et essayer de voir comment on peut accompagner les propriétaires pour qu'en 2025, il n'y ait pas de logement interdit à la location.

JÉRÔME CHAPUIS
On a l'impression qu'il n'y a que des urgences dans votre secteur, Patrice VERGRIETE…

PATRICE VERGRIETE
Exactement.

JÉRÔME CHAPUIS
Le logement social, 2,4 millions de Français sont toujours en attente d'un logement social, qu'est-ce que vous leur dites, qu'est-ce qu'on fait ?

PATRICE VERGRIETE
On travaille avec les bailleurs sociaux, je rencontre d'ailleurs la présidente de l'Union sociale pour l'habitat ce soir, Emmanuelle COSSE, on aura l'occasion d'échanger, aujourd'hui, ce qui est clair, c'est que, avec, je le disais, la hausse des taux d'intérêt, l'augmentation du coût des matériaux, et même si le gouvernement a fait un effort considérable en gardant le taux du Livret A à 3%, ne l'oublions pas, aujourd'hui, effectivement, les bailleurs n'ont probablement pas les moyens effectivement de faire à la fois la rénovation énergétique, l'adaptation au vieillissement et continuer à davantage produire, je le reconnais très bien, la Caisse Des Dépôts le dit. Et donc, on est en train de regarder avec les bailleurs sociaux comment les accompagner pour tenir en même temps la rénovation énergétique, l'adaptation au vieillissement de la population, et relancer la production, on est en train de travailler là-dessus, et on fera sans doute des propositions à l'Union sociale pour l'habitat.

SALHIA BRAKHLIA
Beaucoup d'étudiants, Patrice VERGRIETE, n'ont toujours pas de logement à quelques jours de leur rentrée, votre collègue, la ministre de l'Enseignement supérieure, Sylvie RETAILLEAU, dit qu'il n'y a pas de baguette magique, est-ce que vous pensez que ce discours est audible de la part des étudiants qui galèrent ?

PATRICE VERGRIETE
Moi ça me choque, ça me choque, 12% aujourd'hui des étudiants renoncent carrément à leurs études, en tout cas, les études qu'ils voudraient faire pour des problèmes de logement, quand j'étais maire de Dunkerque, j'avais inventé quelque chose qui s'appelle le parcours de réussite, qui était un engagement, jamais on n'arrêtera ses études pour des questions d'argent. Et à titre personnel, c'est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et donc, non, je ne me satisfais pas de cette situation sur le logement étudiant, aujourd'hui, je le dis très sincèrement…

SALHIA BRAKHLIA
Alors, on fait quoi ?

JÉRÔME CHAPUIS
Là, c'est maintenant, c'est en ce moment qu'ils cherchent un logement…

PATRICE VERGRIETE
Là, maintenant, c'est difficile. Un logement, il faut le temps de le construire, vous disiez, il y a de l'urgence, mais un logement, effectivement, il n'y a pas de baguette magique au sens où on construit un logement en 2 mois, ça, ce n'est pas possible, mais en tout cas, c'est un dossier sur lequel je me pencherai, comment, je pense qu'il faut essayer de davantage mobiliser les acteurs locaux, je ne vais vous prendre qu'un exemple, on parlait des bailleurs sociaux tout à l'heure, moi, j'ai sur mon territoire, à Dunkerque, des bailleurs sociaux qui ont des difficultés à faire de la colocation pour des grands logements, or, on n'a plus de grande famille. Eh bien, des étudiants en colocation, c'est plutôt pas mal, donc, on doit travailler avec eux pour essayer d'être innovant et proposer ces grands logements où il n'y a plus de grande famille, sur mon territoire, à Dunkerque, il n'y a plus de grande famille. Comment on fait pour que ces bailleurs sociaux puissent accueillir davantage d'étudiants, je suis allé à Gennevilliers, il n'y a pas très longtemps, on est sur un projet qu'on appelle ANRU, vous savez, ces projets de la politique de la ville…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, rénovation urbaine…

PATRICE VERGRIETE
Ils vont être à côté d'une station du Grand Paris Express, dans le projet ANRU, on n'a pas prévu la transformation d'une tour de logements social en logements étudiants, c'est dommage, c'est dommage, pourquoi, alors qu'on pourrait faire de la diversification sociale dans ces quartiers, on ne met pas un logement étudiant, enfin, quand je dis un, un ensemble de logements étudiants, je pense qu'il faut travailler davantage, utiliser le logement étudiant comme une diversification possible de l'habitat dans un certain nombre de sites, et donc j'ai envie de travailler avec Sylvie RETAILLEAU pour essayer d'y répondre, il n'y a pas de baguette magique, Sylvie a raison, il n'y a pas de baguette magique, mais en tout cas, travaillons pour améliorer les choses dans les années qui viennent.

SALHIA BRAKHLIA
Juste une dernière question sur le logement social, on l'a évoqué, mais une question qui concerne la vie politique, la députée de La France Insoumise du Val-de-Marne, Rachel KEKE, est sous le feu des critiques, car elle occupe toujours son logement social malgré son indemnité de députée, elle y vit avec ses 4 enfants pour un loyer allant de 800 à 1.000 euros, est-ce que vous, ministre du Logement, ça vous choque ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, sans doute, indéniablement, je pense que quand on a les moyens de pouvoir prendre autre chose qu'un logement social, je pense que ne serait-ce que par solidarité nationale, c'est bien de le faire, après, moi, les cas individuels ne m'intéressent pas, ce qui m'intéresse, c'est la réalité de la vie des Français, et c'est ça que j'ai envie d'améliorer, peu importe la situation de Rachel KEKE, ce qui m'intéresse, c'est véritablement qu'on arrive à construire davantage de logements sociaux demain, et c'est cette réponse-là qui m'intéresse aujourd'hui, je le dis, je suis à la fois le ministre des mal-logés, de ceux qui sont dans le besoin, il y a des besoins importants dans la population, et en même temps, je suis le ministre des acteurs, des professionnels, et finalement, le ministre du Logement que je suis doit réussi à faire que les seconds, c'est-à-dire les professionnels, puissent, le mieux possible, répondre aux besoins des premiers, de ces mal-logés, de ceux qui ont du mal, vous parliez des étudiants, aujourd'hui. Et donc c'est ça que je vais essayer de faire, vous l'avez dit, on est dans un contexte de crise, c'est difficile, on va essayer de répondre à l'urgence, il n'y a pas que l'urgence, il y a aussi un cap, derrière, vous l'avez évoqué, j'espère que le cap était clair, la décentralisation, elle est plus proche du terrain, et je pense que c'est comme ça qu'on arrivera à répondre aux besoins de nos concitoyens.

JÉRÔME CHAPUIS
Dans ce contexte de crise. Merci d'avoir été l'invité de France Info. Patrice VERGRIETE, ministre délégué au Logement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2023