Texte intégral
ADRIEN GINDRE
L'invité ce matin, c'est Thomas CAZENAVE. Bonjour.
THOMAS CAZENAVE
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes ministre chargé des Comptes publics. Petite nuit, d'ailleurs, pour vous, puisque vous étiez à l'Assemblée il y a quelques heures, lorsque la Première ministre a déclenché le 49.3 sur la loi de programmation des finances publiques. Pourquoi ce 49.3 ? Pourquoi ne pas avoir laissé les députés décider si oui ou non ils voulaient voter la loi ?
THOMAS CAZENAVE
Vous savez, on rentre dans la série de textes budgétaires. On a constaté que les oppositions ne veulent pas voter le budget. Moi je ne leur reproche pas, d'une certaine manière, les Français le comprennent, d'une certaine manière. En revanche, nous avons besoin d'un budget, d'un budget pour le pays, pour faire fonctionner la France, payer nos agents publics, nos hôpitaux, et là c'était le premier texte, c'était notre budget sur 3 ans. Donc ce n'est pas vraiment une surprise. En revanche, pourquoi un 49.3 ? On ne peut pas rester sans textes budgétaires, et là, sans un texte qui nous projette sur les trois prochaines années.
ADRIEN GINDRE
L'année dernière, le texte a été rejeté et ça n'a pas empêché la France de continuer à exister pendant un an de plus.
THOMAS CAZENAVE
Ça nous a posé deux problèmes fondamentaux, c'est que dans nos discussions européennes, nous avons besoin d'une vision pluriannuelle, nous serions le dernier pays sans une vision sur 3 ans.
ADRIEN GINDRE
Donc c'est un 49.3 pour Bruxelles.
THOMAS CAZENAVE
Non, deux sujets. Il y a cette question-là, on a vis-à-vis de nos partenaires européens besoin d'une vision pluriannuelle, on a également des financements de l'Union européenne qui dépendent du fait qu'on ait bien une vision pluriannuelle, notamment 18 milliards d'euros à la clé, et puis aussi moi je crois les Français, pour nous-mêmes, on a besoin de savoir où on va. Et donc ce n'est pas vraiment une surprise qu'ils ne votent pas cette trajectoire pluriannuelle, mais c'est indispensable qu'on en ait une, et c'est finalement le début de nos discussions budgétaires.
ADRIEN GINDRE
Mais pour bien comprendre ce que vous nous dites, vous nous dites : s'il n'y avait pas de 49.3 cette nuit, l'Europe nous privait de 18 milliards.
THOMAS CAZENAVE
C'est exactement ça. Pourquoi, parce qu'on s'est donné comme condition, dans la négociation avec la Commission européenne, le fait que nous soyons en mesure d'avoir une vision pluriannuelle. On le doit à nos partenaires européens. Tous nos partenaires européens se sont dotés d'une vision pluriannuelle, et donc c'est l'engagement qu'on a pris vis-à-vis de tous nos partenaires. Nous sommes profondément européens, donc nous respectons aussi nos règles communes.
ADRIEN GINDRE
Vous disiez, c'est le début d'une longue série, il y en aura combien donc cet automne au total ?
THOMAS CAZENAVE
Alors, vous savez que le budget c'est à la fois le projet de loi de finances pour le budget de l'État, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, donc ce sera probablement une dizaine de 49.3 en fonction de l'avancée des débats, mais encore une fois, moi je comprends que les oppositions ne votent pas un budget, elles ne sont pas en situation de nous proposer un budget alternatif. Entre dans côté à gauche où on dit halte la cure d'austérité, alors même qu'on n'a jamais autant investi sur la transition écologique, sur l'éducation, et à droite qui nous disent, il faut couper davantage dans les dépenses, sans jamais nous dire où d'ailleurs, ils ne sont pas en mesure de faire un budget alternatif. Et pour autant, moi ma responsabilité de ministre des Comptes publics, s'est de doter le pays d'un budget, avant la fin de l'année.
ADRIEN GINDRE
Vous dites "je comprends", sauf que les oppositions ne se contentent pas de ne pas voter, dès cette nuit Mathilde PANOT, pour le groupe LFI, disait "face au 49.3 autoritaire – je cite – on va déposer des motions de censure populaires" – je cite toujours – Je rappelle pour nos téléspectateurs que la motion de censure sur les retraites elle a été rejetée à 9 voix seulement. Ça ne vous fait pas peur cette censure ? Ça ne vous fait pas peur cette idée que le gouvernement puisse tomber cet automne ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais c'est notre responsabilité, je le redis encore une fois. Moi je comprends que les oppositions ne votent pas les textes budgétaires, je ne comprends pas qu'on pose une motion de censure sur les textes budgétaires. Est-ce qu'on a le choix ou pas d'avoir budget ? Comment ça va marcher le 1er janvier 2024 si on n'a pas de budget ? On arrête de financer nos hôpitaux, nos policiers, nos enseignants ? Ça ne serait pas raisonnable, ça ne serait pas responsable de notre part.
ADRIEN GINDRE
Thomas CAZENAVE, on va avancer sur cette question, mais est-ce que le Conseil des ministre d'hier a habilité la Première ministre à recourir au 49.3 d'ores et déjà sur tous les textes budgétaires ? C'est une affaire qui est déjà réglée ça ?
THOMAS CAZENAVE
Elle a habilité, le gouvernement, à utiliser sur le texte que l'on vient de passer.
ADRIEN GINDRE
Donc il faudra réhabiliter la Première ministre pour les prochains textes. Et le 49.3 qui est passé cette nuit, vous, est-ce que vous considérez qu'il sera toujours valable lorsque cette loi de programmation des finances publiques elle reviendra à l'Assemblée dans quelques semaines ou est-ce qu'il faudra utiliser le droit au 49.3 de la session ordinaire ?
THOMAS CAZENAVE
Non non, on était en nouvelle lecture. On était en nouvelle lecture, donc ça va nous permettre d'adopter d'une certaine manière ce 49.3 ce texte là. Je le dis par ailleurs, qu'il y a 49.3, mais il y a eu dialogue avec tous les groupes politiques. Le texte que nous avons adopté il intègre des amendements, des oppositions, des amendements du parti socialiste, des écologistes, de LR, de LIOT, tous les groupes quasiment, sauf…
ADRIEN GINDRE
Oui, pour cocher les cases, mais ce n'est pas…
THOMAS CAZENAVE
Non. Non non, ce n'est pas vrai. En commission, j'étais en commission pendant des heures, on a débattu de ce texte, on a débattu de tous les articles, on a intégré, leurs propositions, donc il y a eu un dialogue.
ADRIEN GINDRE
Mais, Thomas CAZENAVE, personne n'attend à ce que vous réussissiez à faire une alliance avec le PC, les Verts, même le PS. La question, depuis le début qui vous est posée, c'est ce que vous pouvez ou ne pas faire avec Les Républicains. Hier à votre place, le maire de Nice, Christian ESTROSI, qui aujourd'hui est membre d'Horizons, dans la majorité, mais qui par le passé était chez LR, disait : je suis favorable à toutes les coalitions intelligentes, justement pour éviter de 49.3. Est-ce que vous, vous croyez que cette idée de travailler avec LR, de manière permanente ou ponctuelle, elle est encore possible ? Est-ce que c'est un espoir que vous avez toujours ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais nous, quand on discute avec LR sur la préparation du budget, on leur a dit "venez nous faire des propositions", "quelles sont vos propositions d'économies ?". Ils disaient, "non ce n'est pas assez vigoureux sur la baisse de la dépense". "Quelles sont vos propositions ?", et ils ont annoncé assez clairement qu'ils ne voteraient pas ce texte.
ADRIEN GINDRE
… espoir de travailler avec LR.
THOMAS CAZENAVE
Nous, notre main elle est toujours tendue, vis-à-vis de celles et ceux qui veulent travailler pour notre pays, enrichir nos textes. On l'a fait avec les groupes politiques, je l'ai dit avec le PS, avec les écologistes, avec LIOT, avec les LR, notre ADN c'est le dialogue. Après, on ne peut pas forcer celles et ceux qui disent qu'ils ne voteront pas nos textes, à le faire, et c'est la raison pour laquelle, comme il nous faut un budget, on utilise le 49.3.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous, faire passer des textes éventuellement, grâce aux voix ou grâce à l'abstention du Rassemblement national ça vous pose un souci ? Il y a un débat dans la majorité sur la manière de considérer ces voix-là ?
THOMAS CAZENAVE
Il y a, sur tous les textes, des positions différentes du Rassemblement national. Il y a eu des textes votés à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Moi, comme parlementaire j'ai porté des propositions de lois qui ont été votées à l'unanimité, par exemple. Moi je considère que cela ne pose pas un problème.
ADRIEN GINDRE
Et signer des textes avec eux par exemple ? C'est le cas de votre ancien collègue Frédéric DESCROZAILLE, qui est un député de la majorité, là il a signé un texte sur la réserve parlementaire avec des élus du RN.
THOMAS CAZENAVE
Non, là en revanche, comme parlementaire, je n'ai jamais porté avec le Rassemblement national, des textes. Je trouve ça différent qu'un groupe politique décide, et c'est son s c'est son droit le plus élémentaire, de voter ou pas un texte, c'est différent de prendre une initiative politique, et ce n'est pas pour moi la manière dont j'imagine notre travail avec les autres groupes politiques.
ADRIEN GINDRE
Alors, venons-en au fond. Votre budget et vos prévisions. Le Haut Conseil des finances publiques s'est exprimé pour dire que de son point de vue votre prévision de croissance est élevée. Bruno LE MAIRE a répondu, il dit que la prévision est sincère. Alors, en admettant que chacun soit de bonne foi, pourquoi cette différence d'appréciation ? Pourquoi vous êtes si éloigné du consensus des économistes ?
THOMAS CAZENAVE
Alors, l'année dernière c'était déjà le cas. On nous avait dit : "votre prévision de croissance ce n'est pas la bonne, elle est trop optimiste, vous ne tiendrez jamais 1 % de croissance en 2023". On va tenir 1 % de croissance cette année.
ADRIEN GINDRE
Alors là, pour le coup, vous avez vraiment un gros écart avec le…
THOMAS CAZENAVE
J'y viens, j'y viens. Nos entreprises résistent, résistent d'ailleurs mieux que chez nos partenaires européens. Voyez, l'Allemagne par exemple est rentrée en récession. Notre économie elle est forte, parce qu'elle a été protégée, parce qu'on a des entreprises qui sont dynamiques, parce qu'on est le premier territoire à accueillir des investisseurs étrangers…
ADRIEN GINDRE
Mais ça, les économistes ne le voient pas.
THOMAS CAZENAVE
Et donc, d'abord 2023, on nous avait accusé d'être optimistes, finalement la réalité est conforme à notre prévision. Le FMI, l'OFCE, prévoient 1,3 % de croissance l'année prochaine, très proche de ce que nous prévoyons nous à 1,4. Pourquoi ? Parce qu'ils intègrent l'effet de nos réformes. Nous considérons que la réforme des retraites, la réforme de l'Assurance chômage, la réforme des lycées professionnels, la réforme du service public de la petite enfance, la poursuite de la réforme de l'apprentissage, vont avoir et continuer à avoir des effets sur la croissance, l'emploi. Nous sommes près du plein emploi, nous avons 7 % de chômage et je crois qu'on est prêt à atteindre l'objectif d'ici 2025, de 5 %. Alors, imaginons que vous ayez raison, et on va vous le souhaiter, puisque c'est l'intérêt du pays, mais il y a la question du déficit aussi, et je reviens au Conseil des finances publiques, même chose, il trouve que votre prévision de déficit est optimiste. Bon, on a compris pourquoi, vous êtes persuadé que vos prévisions sont les bonnes. Si on va un peu plus loin et qu'on parle du désendettement, le gouvernement promet d'accélérer le désendettement. En même temps, dans le budget vous nous dites : la France va emprunter 285 milliards d'euros sur les marchés en 2024, c'est un record, est-ce qu'on peut dire : "notre priorité c'est le désendettement", et on emprunte un montant record sur les marchés ?
THOMAS CAZENAVE
Alors, il y a deux sujets différents. Oui, il faut baisser la dette. Pourquoi il faut baisser la dette ? Vous savez qu'en 2027 nous paierons 75 milliards d'euros de charges d'intérêts, plus que le budget de l'Éducation nationale. Celles et ceux qui disent "ce n'est pas un problème la dette", se trompent, parce que c'est autant…
ADRIEN GINDRE
C'est en partie de votre fait, c'est vous qui avez construit un budget qui vous conduit à vous endetter.
THOMAS CAZENAVE
C'est en partie le fait que nous avons protégé massivement le pays, dans les crises successives que nous avons rencontrées, de la crise Covid à la crise énergétique, et je vais vous dire, on a bien fait de protéger. Si on a 1% de croissance, si on a un taux de chômage de 7 %, on n'a pas laissé l'économie s'effondrer, on a protégé les Français. Passer la crise, on doit réduire notre déficit public, parce que la dette est importante, parce que les 75 milliards que nous allons consacrer à rembourser notre charge d'intérêts, on ne peut pas la mettre dans la transition écologique, on ne pourra pas la mettre dans nos services publics, donc c'est un esprit de responsabilité. En 2018 nous avions 2,3 % de déficit, nous devons revenir, je dirais, à une gestion normale finalement de notre…
ADRIEN GINDRE
Mais dites-le peut-être au ministre de l'Économie et au ministre des Comptes publics, parce que visiblement ils ont quand même construit un budget avec de l'endettement.
THOMAS CAZENAVE
Non, on réduit progressivement notre déficit public. On était à 5 %, on va passer à 4,5 %. Vous savez, moi je ne crois pas aux cures d'austérité, en coupe dans les services publics, on augmente les impôts. Il y a eu des erreurs qui ont été faites en 2008, qui nous ont amenés dans le mur, on assume un redressement progressif.
ADRIEN GINDRE
Et comment vous faites ?
THOMAS CAZENAVE
Progressif de nos finances publiques, de notre déficit public et de notre dette.
ADRIEN GINDRE
Comment vous faites, Thomas CAZENAVE, sachant que certaines dépenses ne sont pas financées ? Le président, dimanche soir, a annoncé à la télévision une indemnité carburant pour les travailleurs modestes, je crois que le coût est estimé à un peu plus de 400 millions d'euros. Où est-ce qu'on prend ces 400 millions d'euros ?
THOMAS CAZENAVE
Ça sera dans le budget.
ADRIEN GINDRE
Ça n'y est pas aujourd'hui.
THOMAS CAZENAVE
Non, ce sera dans le budget. Pourquoi ce sera dans le budget ? On ne peut pas laisser celles et ceux qui travaillent, qui n'ont pas le choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler tous les jours, sans solution face à l'augmentation des prix…
ADRIEN GINDRE
Donc on va s'endetter de 400 millions de plus…
THOMAS CAZENAVE
… face à l'augmentation des prix des carburants. Je vous réponds sur comment on va le financer. Donc ça c'est une réaction en responsabilité, face aux propositions notamment des uns et des autres, qui voudraient remettre une ristourne carburant, qui coûterait de 12 milliards d'euros. Et comment on va la financer ? Avec des recettes supplémentaires. Je vous en donne une, suggérée par le Rapporteur général du budget, qui souhaite que l'on poursuive ce qu'on appelle la contribution des rentes infra marginales. C'est quoi ? La taxation des profits excédentaires des acteurs de l'énergie. On l'avait fait en 2023, il propose de le faire en 2024. Voilà une nouvelle recette qui permettra par exemple de financer cet effort, qui est un effort utile et encore une fois ciblé sur celles et ceux qui travaillent et qui n'ont pas le choix hélas que de prendre leur véhicule tous les jours.
ADRIEN GINDRE
Mais ce que vous nous dites, c'est bien la preuve qu'on peut taxer pour faire rentrer de l'argent dans les caisses. Pourquoi alors refuser ce que vous proposent certains élus, dont le MoDem, de dire : pour financer la transition écologique, allons travailler une taxation exceptionnelle, temporaire, au niveau européen, des patrimoines des contribuables les plus riches. Visiblement ça a agacé le président de la République en Conseil des ministres. Pourquoi c'est un tel problème de dire "on va taxer les plus riches" ?
THOMAS CAZENAVE
Dans le cas des dialogues de Bercy, moi j'ai réuni les groupes, tous les groupes politiques, à l'Assemblée et au Sénat, sont venus pour préparer ce budget. Un certain nombre de groupes politiques ont dit : il faut qu'on s'attaque aux plus fortunés qui échapperaient à l'échelle internationale à l'impôt. Nous sommes d'accord pour travailler sur ce sujet-là.
ADRIEN GINDRE
Donc vous retenez cette proposition.
THOMAS CAZENAVE
Je vais y venir. On est d'accord pour travailler avec notamment Jean-Paul MATTEI, le président du groupe MoDem, qui la porte. Pourquoi on est d'accord ? On fait, pour la première fois dans notre histoire, on va mettre un taux d'impôt minimal des sociétés. 15 %, qui a été négocié, porté par la France au sein de l'OCDE et qui trouve enfin son aboutissement. On est d'accord pour faire exactement la même chose pour les particuliers. Ce qui n'aurait aucun sens c'est de le faire à l'échelle nationale, uniquement une taxe sur les plus riches à l'échelle nationale n'aurait aucun sens. Donc, qu'on ait une initiative européenne internationale, nous y sommes favorables, nous avons d'ailleurs proposé à tous les groupes de venir former un art de réflexion pour essayer de bâtir ensemble ce qui pourrait une initiative diplomatique de la France.
ADRIEN GINDRE
Donc, quand le président s'agace, ou quand Bruno LE MAIRE dit à la majorité "il faut être responsable", ça ne s'adresse pas à Jean-Paul MATTEI.
THOMAS CAZENAVE
Non, sur ce sujet-là on est d'accord avec Jean-Paul…
ADRIEN GINDRE
Donc ça s'adresse à qui ?
THOMAS CAZENAVE
Mais, il n'y a personne qui a fait de remontrances sur l'idée que, à l'échelle internationale, cette réflexion qu'on a portée pour les entreprises, il ne fallait pas la porter pour les particuliers.
ADRIEN GINDRE
Sur la question des taxes, vous avez quand même prévu une taxe sur les surprofits, bon, pour dire simple, on va dire des sociétés d'autoroutes et d'aéroports, même si ce n'est pas formulé comme ça. Vous nous dites "les prix des péages ne vont pas augmenter", les sociétés d'autoroutes, à commencer par VINCI, disent : "Une hausse des taxes, c'est inévitablement une hausse des péages". Est-ce que VINCI ment ?
THOMAS CAZENAVE
D'abord, qu'est-ce qu'on fait ? On souhaite mettre à contribution les gestionnaires de grandes infrastructures de transport polluants, il faut dire la réalité, c'est-à-dire aéroports, aéroports et autoroutes, au service de notre transition écologique. Nous, on n'augmente pas les impôts, on s'autorise une chose…
ADRIEN GINDRE
Les taxes. Bon.
THOMAS CAZENAVE
Non non, c'est verdir notre fiscalité. C'est s'assurer que notre fiscalité elle est cohérente avec notre ambition en matière de transition écologique. On met 7 milliards d'euros de plus sur la transition écologique.
ADRIEN GINDRE
Et donc le prix des péages ?
THOMAS CAZENAVE
Et 7 milliards d'euros de la transition écologique, ce n'est pas pour, d'un autre côté, continuer à encourager ou faire comme si notre fiscalité, elle était encore brune. Donc on l'adapte. Et les péages ne peuvent pas augmenter sans l'autorisation de l'État, ce n'est pas une taxation des autoroutes, c'est une taxation des infrastructures de transport les plus polluants pour financer ce qu'on appelle la décarbonation, les mobilités propres, et concrètement, par exemple, le ferroviaire…
ADRIEN GINDRE
Donc ça veut dire, vous nous dites : nous n'autoriserons pas l'augmentation, sauf que VINCI dit : il s'agit d'une taxe qui nous vise, nous, donc la jurisprudence prévoit que dans ce cas-là, nous ayons droit à une compensation.
THOMAS CAZENAVE
Non c'est le cas si c'était une taxe qui portait uniquement sur les sociétés d'autoroutes, ce n'est pas notre cas…
ADRIEN GINDRE
Oui, mais d'accord, c'est quand même trois quarts les sociétés d'autoroutes en même temps…
THOMAS CAZENAVE
On souhaite faire financer les modes de transport les plus polluants pour réussir notre transition écologique, et ce n'est pas une taxe sur les automobilistes, c'est une taxe sur les sociétés d'autoroutes et les plateformes aéroportuaires.
ADRIEN GINDRE
Parfois, vous faites des exceptions, tout à l'heure, il y a un instant, on parlait de l'indemnité carburants-travailleurs, ça pollue, le carburant, pourtant, vous allez quand même faire une indemnité pour les travailleurs. C'est la preuve que parfois, le pouvoir d'achat prend le pas sur la transition écologique.
THOMAS CAZENAVE
Mais ce serait vrai si dans le même temps, dans le budget, on n'encourageait pas encore les Français à changer de véhicule, on augmente le bonus pour prendre des véhicules propres, on continue à avoir une fiscalité qui pénalise notamment les flottes de véhicules professionnels, des entreprises qui sont, soit, des véhicules lourds, soit, les véhicules les plus polluants. Donc on met en cohérence notre fiscalité avec notre enjeu en matière de transition écologique, parce que, comme ministre du Budget, moi, j'ai la question de la dette financière, mais aussi la question de la dette écologique, et on ne peut pas continuer à gérer le budget comme il y a 30 ans, faisant comme s'il n'y avait pas aussi la question de la dette écologique. Avec Bruno LE MAIRE, on l'assume, l'enjeu de la transition écologique et du verdissement de la fiscalité, ça fait partie de nos priorités, mais on est bien dans une ligne où on n'augmente pas de manière générale la fiscalité dans notre pays, ce serait contre-productif ; on a passé ces dernières années à baisser la fiscalité sur les ménages, baisser la fiscalité sur les entreprises, pour d'un côté donner du pouvoir d'achat, et de l'autre, encourager la création d'emplois, l'activité sur notre territoire, et on a des résultats…
ADRIEN GINDRE
Juste, je précise, vous dites les péages, c'est nous qui déciderons, bon, il y a une possibilité que ce soit le Conseil d'État qui décide in fine si la justice administrative est saisie par VINCI et les sociétés d'autoroutes ?
THOMAS CAZENAVE
Bien sûr.
ADRIEN GINDRE
Bon, vous disiez : on n'augmente pas la fiscalité, bon, vous aimez bien dire : ce sont les autres qui le font, c'est le cas sur la taxe foncière, le président s'est agacé dimanche soir à la télévision, en disant, en gros, que c'était les communes, Christian ESTROSI, qui n'est pas soupçonnable d'être anti-Macroniste, puisqu'il est dans votre majorité, hier, sur ce plateau, disait : mais, on n'a pas augmenté la taxe foncière, la plupart des communes ont simplement répercuté la hausse de base, d'un peu plus de 7 % qui a été décidée par l'État. Il n'y a qu'une partie des communes qui ont augmenté leurs taxes foncières.
THOMAS CAZENAVE
L'État n'a rien décidé…
ADRIEN GINDRE
Ah bon, les 7 %, ce n'est pas l'État ?
THOMAS CAZENAVE
Non, eh non. Eh non, je vais vous surprendre, mais non…
ADRIEN GINDRE
Eh bien, allez-y…
THOMAS CAZENAVE
Pourquoi, parce que le Parlement a décidé en 2016 que les bases foncières allaient être indexées sur l'inflation, à une très large majorité à l'Assemblée. Et depuis, nous n'avons rien touché, c'est automatique, c'est un choix de la majorité au Parlement d'indexer, pourquoi. Ce qui permet aux élus locaux de choisir, certains élus, vous avez raison, face à l'augmentation des bases, ont décidé de ne rien faire, 85 % des maires n'ont rien touché, 15 % ont décidé d'augmenter. Et puis, il y a 1 ou 2 % qui ont décidé de baisser le taux pour éviter d'amputer le pouvoir d'achat des Français. Moi, ce que je veux dire, j'ai entendu aussi des élus dire : eh bien, on augmente la taxe foncière parce qu'on a supprimé la taxe d'habitation, mais la taxe d'habitation, elle a été compensée à l'euro près pour les communes. Donc l'évolution de la taxe…
ADRIEN GINDRE
Ça fait bondir beaucoup d‘élus ce que vous dites, mais…
THOMAS CAZENAVE
Non, non, non, mais attendez, comme ministre du Budget, je veux le dire avec beaucoup de gravité, la taxe d'habitation, elle a été compensée à l'euro près. On l'a fait pour soutenir le pouvoir d'achat, donc que les communes, que les maires qui décident d'augmenter le taux de la taxe foncière l'expliquent par des considérations locales, moi, je considère que c'est un impôt local, et donc un débat local. Trop facile de mettre ça sur le dos de l'État.
ADRIEN GINDRE
Oui, on a bien compris que vous ne vouliez pas qu'on dise que vous augmentiez les taxes. Quelques petites questions que le budget laisse encore ouvertes, c'est le cas notamment sur les conditions d'obtention d'un prêt immobilier, le Haut Conseil de stabilité financière a dit : on ne touche pas les règles, est-ce que ça veut dire que vous, vous n'avez ni la possibilité, ni le souhait de changer les règles et les conditions dans lesquelles on peut avoir un prêt... ?
THOMAS CAZENAVE
C'est un travail, c'est des discussions qui sont menées avec Bruno LE MAIRE et qu'on regarde avec attention, voilà…
ADRIEN GINDRE
Donc ça peut être amené à évoluer ?
THOMAS CAZENAVE
Ça peut être amené à évoluer, il y a des parlementaires de la majorité qui se sont aussi emparés de ce sujet-là, qui est un vrai sujet, parce qu'on voit bien qu'avec l'augmentation des taux d'intérêt, on a des nouveaux entrants, des nouveaux acquéreurs qui n'y arrivent plus, est-ce qu'on peut faire évoluer ces règles-là, c'est sur la table, et ça fait partie des discussions. Nous aussi, on regarde comment faire évoluer le prêt à taux zéro par exemple, pour permettre à plus de nouveaux acquéreurs…
ADRIEN GINDRE
... Cette idée de prêt bonifié, c'est-à-dire un prêt qui serait à un taux plus favorable que le marché ?
THOMAS CAZENAVE
Tout est sur la table dans le cadre du débat parlementaire…
ADRIEN GINDRE
Donc tout ça, ça sera réglé dans la discussion parlementaire, c'est-à-dire que quand on arrivera au 49.3, on aura réglé tous ces sujets ?
THOMAS CAZENAVE
On aura réglé, suite aux propositions de certains groupes, notamment de la majorité, qui souhaitent s'emparer de la question du logement, on aura des évolutions de notre texte, et par ailleurs, moi, je suis convaincu, mais ça, c'est la responsabilité du ministre du Logement, qu'on a besoin d'une loi logement, et que le budget ne va pas résoudre toutes les difficultés aujourd'hui…
ADRIEN GINDRE
Notamment sur les passoires énergétiques, puisque Bruno LE MAIRE, en 24 heures, a dit : je veux qu'on décale le calendrier, la majorité a dit : hors de question, et le ministre a redit : eh bien, finalement, non, on ne touchera pas au calendrier.
THOMAS CAZENAVE
Non, mais la question de la rénovation, c'est le chantier du siècle, et c'est un sujet bon pour le pouvoir d'achat des Français, plutôt que d'engloutir des centaines d'euros tous les mois pour chauffer une passoire, et d'un autre côté, c'est notre engagement climatique, c'est pour ça qu'on…
ADRIEN GINDRE
Mais vous, vous pensez qu'il faut maintenir ce calendrier, qui prévoit la restriction progressive des logements qui sont autorisés à la location ?
THOMAS CAZENAVE
C'est un engagement climatique, un engagement pour le pouvoir d'achat, on met 1,6 milliard d'euros supplémentaire pour accompagner…
ADRIEN GINDRE
Donc oui, il faut garder le calendrier ou pas ?
THOMAS CAZENAVE
Pour accompagner les Français dans ce travail-là. On va créer les accompagnateurs MaPrimeRenov' qui vont aider les Français dans ce chantier, ce calendrier, il est le bon, on accompagne les Français, est-ce qu'il faut revoir, donner de la souplesse sur les modalités, sur les diagnostics, ce qui est un peu l'idée de Bruno LE MAIRE, je crois que tout est sur la table. En revanche, on a une ambition climatique et une ambition pour le pouvoir d'achat, et ça passe par la rénovation énergétique.
ADRIEN GINDRE
En un mot, deux questions de calendrier pour terminer, les franchises médicales, quand est-ce qu'on sera fixé sur quand est-ce qu'elles augmentent, de combien et quand est-ce que ça rentre en vigueur ?
THOMAS CAZENAVE
Alors, les franchises médicales, ce n'est pas dans le projet de loi de financement de le Sécurité sociale…
ADRIEN GINDRE
Oui, c'est pour ça que je vous demande quand, quand est-ce qu'on sera fixé…
THOMAS CAZENAVE
Vous avez raison. Il y a un enjeu, il y a un enjeu autour de la consommation de médicaments. Moi, comme ministre des Comptes publics, je regarde l'explosion des dépenses de santé, des médicaments, c'est autour des franchises un enjeu de régulation de la prescription des médicaments, ça doit se discuter aussi avec les professionnels de santé.
ADRIEN GINDRE
Donc quand est-ce qu'on sera fixé ?
THOMAS CAZENAVE
Dans les prochaines semaines, on sera fixé sur l'ensemble des mesures, ce n'est pas que la franchise, c'est aussi les pratiques des professionnels de santé, sur comment ils prescrivent des médicaments, est-ce qu'on peut prescrire à l'unité, comment on limite le gaspillage…
ADRIEN GINDRE
Eh bien, on y reviendra alors.
THOMAS CAZENAVE
Le gaspillage de médicaments qui existe aussi dans notre pays.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Thomas CAZENAVE d'avoir été ce matin pour nous apporter toutes ces précisions sur LCI, et puis, d'autres à venir donc.
THOMAS CAZENAVE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 septembre 2023