Texte intégral
Bonjour à tous,
Chers experts comptables,
Je suis ravi de vous retrouver pour ce 78e congrès de votre profession. Je salue Cécile de Saint-Michel, qui fait un travail remarquable à la tête du Conseil national de l'ordre des experts-comptables (CNOEC).
Vous êtes près de 7 000 dans cette salle aujourd'hui, à Montpellier. Il n'y a pas de meilleure occasion pour vous remercier pour votre travail quotidien auprès de nos entreprises.
J'entame ma septième rentrée comme ministre de l'Économie et des Finances et vous avez toujours été au rendez-vous lorsque j'ai fait appel à vous. À vrai dire, il n'y a pas une profession que j'ai plus sollicité…
Ensemble, nous avons affronté de multiples défis, relancé notre économie et obtenu des résultats que beaucoup de pays européens nous envient. Nous devons désormais voir plus loin, pour continuer à transformer notre économie.
Vous avez toujours répondu présents. Dès 2019, avec la loi PACTE, j'ai tenu à renforcer votre rôle. Je l'ai valorisé, avec la création du statut d'expert-comptable en entreprise, je l'ai simplifié avec la création du mandat implicite et j'ai élargi vos missions, avec notamment le recouvrement amiable des créances clients.
Cette reconnaissance était attendue et méritée. Vous l'avez prouvé quelques mois plus tard.
En mars 2020, le Covid a interrompu notre économie. Nous avons vécu une situation inédite, la plus grave depuis 1929, avec des risques de faillites et de chômage de masse dans quasiment tous les secteurs. Face à cela, le Gouvernement a fait un choix clair : protéger nos entreprises pour mieux redémarrer notre économie.
Nous n'avons pas hésité, car nous savions que vous seriez à nos côtés. Vous avez accompagné plus de 3,3 millions de TPE-PME, de la réorganisation de leur trésorerie à l'obtention des aides dédiées. Vous avez su détecter en amont les difficultés des entreprises et les accompagner.
Sans vous, beaucoup de ces entreprises n'existeraient plus aujourd'hui. Et puisqu'il s'agissait de protéger pour mieux redémarrer, et puisque vous aviez été particulièrement efficaces, nous avons aussi fait appel à vous en 2021 pour bâtir un plan inédit de plus de 100 Md€.
Ce plan de relance a permis de faire de la France le premier pays européen à retrouver son niveau d'activité d'avant-crise. C'est la preuve que nous pouvons faire de grandes choses ensemble.
Enfin, la dernière épreuve, c'est le retour de l'inflation. Depuis plus d'un an, elle fragilise de nombreuses entreprises qui ne peuvent plus faire face aux prix des matériaux, de l'énergie ou d'autres bien de consommation.
De nouveau, nous avons fait le choix de protéger, comme aucun autre pays européen. Le résultat, c'est un taux d'inflation parmi les plus bas en Europe, une croissance qui est restée positive à 1 % en 2023 et une prévision à 1,4 % pour 2024.
Nous sommes sur le point de gagner cette bataille contre l'inflation.
Mais je veux que vous restiez vigilants. Vous êtes au total 21 000 experts-comptables et plus 170 000 collaborateurs. Vous êtes présents dans chaque région, dans chaque département, dans chaque ville. Vous êtes les vigies de notre économie.
Continuez à faire remonter en temps réel les problèmes concrets que rencontrent nos entreprises, pour que nous puissions leur apporter des réponses adaptées.
Et je veux vous dire que tout ce qui permettra de simplifier votre profession sera retenu, tout ce qui permettra de moderniser votre profession sera retenu.
Mais je remercie votre Présidente, car il est rare qu'un ministre de l'Économie et des Finances se déplace quelque part à un congrès ou à une manifestation, sans qu'on ne lui demande de l'argent public. Vous n'avez rien demandé, donc, vous obtiendrez tout. "Tout" ça veut dire donc… pas d'argent public. [Rires] Mais je vais, au-delà de la boutade, être très sérieux avec vous.
Si vous pouviez être des relais auprès de l'opinion publique, des salariés et des entrepreneurs, de cette réalité qui est qu'après avoir beaucoup dépensé pendant la crise du Covid, beaucoup protégé les entreprises, beaucoup protégé les salariés, après avoir mis en place un bouclier tarifaire sur l'électricité et sur le gaz, comme il n'en a existé nulle part ailleurs en Europe, après avoir affronté ces crises avec beaucoup d'efficacité puisque nous avons eu le taux d'inflation le plus faible des pays de la zone euro et que nous gardons aujourd'hui un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro, là où certains de nos partenaires, pas très loin de chez nous, sont en récession.
Maintenant, il faut rétablir les finances publiques, baisser les dépenses publiques et accélérer le désendettement de la nation française. C'est une nécessité absolue. Et comme je me sens parfois bien seul dans ce combat pour le désendettement de la France et pour la réduction de la dépense publique et pour une meilleure dépense publique, si je pouvais avoir aujourd'hui le soutien de 7 000 experts comptables réunis à Montpellier, ça me ferait plaisir.
Pour le reste, je vous le dis, je suis prêt à accéder à toutes vos demandes parce qu'elles sont raisonnables, de bons sens, et qu'elles reposent sur une expertise à nulles autre pareil.
Première demande : la simplification.
Nous allons lancer, avec Olivia Grégoire, dans quelques semaines, les Assises de la simplification. Faites-moi vos propositions. Je veux moins de normes, moins de règles, moins d'obligations pour les entreprises françaises et c'est à vous de me proposer des solutions.
Les règles, je le rappelle, ça a un coût. Les règles, ça représente du temps et très souvent du temps perdu. Les normes, certaines sont nécessaires, mais d'autres sont totalement inutiles. Certaines sont précieuses, d'autres n'ont aucun sens. Certaines sont simples et compréhensibles, d'autres sont totalement inapplicables et donnent la migraine à tous les chefs d'entreprise de France et de Navarre. Alors, aidez-moi à simplifier l'économie française et à simplifier ses règles et ses normes.
Deuxième proposition qu'a faite votre Présidente et que je soutiens totalement : améliorer les décisions sur ce qui restera un succès d'estime de l'administration française, même si le principe était bon, c'est le guichet unique. Vous avez tout dit. L'idée était excellente, l'exécution a laissé à désirer, c'est le moins que l'on puisse dire.
L'idée, c'était de fusionner 6 systèmes différents pour avoir un portail unique qui permette de créer, de modifier, de cesser son entreprise et de déposer ses comptes, sur le papier, c'est très bien.
Mais nous nous sommes heurtés à des difficultés insupportables pendant des mois. Et je voudrais ici, pour la première fois, présenter mes excuses à toutes les entreprises, toutes les TPE, toutes les PME pour lesquelles la mise en place du guichet unique a été faite.
Nous avons le devoir d'être aussi bons dans la conception que dans l'exécution. La conception a été bonne, l'exécution ne l'a pas été.
Vous avez été patients, vous avez été constructifs. Je vous en remercie. Maintenant que nous sommes sur la bonne voie pour remettre cette bonne réforme sur les bons rails, nous devons continuer.
Un million de formalités enregistrées depuis le début de l'année, 95 % des créations et des cessations qui sont désormais sur le guichet, l'intégralité des dépôts des comptes. Nous avons remis cette réforme sur de bons rails et c'est grâce à vous. Donc, je compte sur vous pour les mois qui viennent. Il faut perfectionner le système, il faut encore perfectionner son ergonomie, sa fiabilité, augmenter le flux des formalités. Je compte sur vous.
Utilisez davantage le guichet unique. Accompagnez les entreprises en ce sens. Je suis sûr que, dans quelques mois, peut-être quelques années, les erreurs de départ ne seront plus qu'un mauvais souvenir et chacun pourra se dire que nous avons un instrument efficace et moderne à notre disposition.
Troisième proposition de votre Présidente à laquelle j'accède encore plus volontiers parce qu'elle est absolument fondamentale pour la modernisation de notre économie : la facturation électronique.
Vous avez tout dit, Madame la Présidente. Et je vais vous écouter encore davantage, dans les mois qui viennent, sur cette facturation électronique et vous donner, dès maintenant, un certain nombre de précisions.
D'abord que chacun comprenne qu'au-delà des 7 000 personnes informées ici, de l'enjeu majeur de simplification que représente cette facturation électronique : un enjeu majeur pour la réduction des coûts des entreprises, qu'elles soient petites ou qu'elles soient très grandes, un enjeu majeur de modernisation de votre profession qui va, une fois encore, gagner en éclat, en respect, en professionnalisme avec cette facturation électronique, un enjeu majeur, pour les entrepreneurs, de pilotage en temps réel de leur activité pour savoir exactement quels sont leurs résultats, où ils en sont, dans leur trésorerie et dans leurs comptes. Et accessoirement, un enjeu majeur pour le premier percepteur de France qu'est le ministre des Finances.
Je sais que ce n'est pas votre préoccupation numéro un dans cette facturation électronique, mais ça l'est pour moi néanmoins, car ça va me permettre de lutter avec beaucoup plus d'efficacité contre toutes les fraudes, en particulier la fraude à la TVA, et ça va mettre quelques milliards d'euros dans les caisses de l'État qui en a bien besoin.
Maintenant, il nous faut un calendrier. N'ayez aucun doute, la facturation électronique sera mise en place et elle sera mise en place rapidement. Pour que les choses soient bien claires, je vous propose, après en avoir discuté avec votre Présidente, un calendrier en 3 temps, pour que chacun puisse se préparer, voir comment nous avançons et anticiper les décisions qui seront nécessaires.
Première étape : tester la plateforme, je suggère que ce soit l'objet de l'année 2024.
Deuxième étape : la mise à l'essai de cette plateforme sur une base volontaire. Je retiens la proposition de votre Présidente. Je propose que ce soit fait dans l'année 2025.
Enfin, la mise en place définitive de cette facturation électronique. Je propose que cela soit fait en 2026 pour que nous ayons un calendrier en 3 ans.
Tests, possibilités d'utiliser la plateforme à partir de 2025 sur une base volontaire, mise en place définitive en 2026 : 3 ans pour mettre en place une réforme de cette importance pour la facturation électronique, cela me paraît raisonnable.
Je comprends que nous pouvons tous ensemble, aujourd'hui, retenir ce calendrier. Je le dis parce que mes services sont présents et que, par définition, ce que le ministre demande, les services le mettent en œuvre. C'est comme cela que je conçois l'autorité de l'État depuis 15 ans et je pense qu'à 54 ans, il est trop tard pour se refaire.
Un mot sur votre projet DataLake. J'y suis évidemment très favorable. Vous êtes une mine d'or. Une mine d'or de données, d'informations économiques, d'informations comptables, d'informations financières. Vous allez mettre à disposition des données d'indicateurs de suivi de gestion de PME et TPE qui sont extrêmement précieuses.
J'insiste juste sur un point : sécurisez bien ces données, car elles sont une mine d'or et les mines d'or, en règle générale, amènent parfois un certain nombre de prédateurs, sous forme de cyberattaques, et d'autres risques qui menacent aujourd'hui notre économie. Foncez sur le DataLake et protégez bien ces données qui sont absolument vitales.
Un mot sur la responsabilité sociale des entreprises. Inutile de revenir sur l'impératif absolu, après celui du désendettement et de la transition écologique. La directive CSRD définit pour la première fois des normes européennes de reporting et de durabilité. C'est vous qui allez en avoir la responsabilité.
Je rappelle que ce n'est pas une faculté pour les entreprises. C'est une obligation qui va entrer en vigueur non pas en 26 ou en 27, en 2024. Toutes les entreprises de plus de 250 salariés, sans exception, devront s'y soumettre. 7 600 entreprises sont concernées et ces entreprises vont devoir, sans délai - puisque 2024, c'est demain - rassembler des informations sur l'incidence de leurs activités, soumettre ces informations à un auditeur externe qui sera gage de sérieux.
Vous serez l'acteur déterminant de la mise en œuvre de cette directive. Donc, je compte sur vous pour accompagner les entreprises, définir avec elles les reportings de durabilité, jouer le rôle de certificateur en tant que prestataire de services d'assurance indépendant. Le succès de la mise en œuvre de cette directive sur la durabilité est entre vos mains. Je compte sur vous.
Au passage, je me souviens des discussions que nous avions eues, là aussi avec votre Présidente et avec ses prédécesseurs, vous redoutiez de ne pas avoir suffisamment d'activités dans les années qui viennent. Quand je vois tout ce que je viens de citer, notamment sur la durabilité , sur l'impact climatique des entreprises, je pense que vous avez du pain sur la planche et que c'est une excellente nouvelle pour la profession des experts comptables. Un dernier mot, enfin, sur deux sujets qui ont été abordés par votre Présidente : le statut de tiers de confiance et l'assiette sociale des indépendants.
Vous êtes des tiers de confiance. Vous êtes les premiers tiers de confiance de l'économie française. Ça n'est pas le ministre de l'Économie, ça n'est pas les chefs d'entreprise, ce sont les experts comptables, ceux à qui on s'en réfère en premier chef.
Je sais bien les difficultés que peuvent poser, en termes de confidentialité, l'accès aux services en ligne de vos clients et notamment fiscaux. Mais je vais vous dire, je souhaite que vous puissiez accéder plus facilement aux données de vos clients. Je souhaite que vous puissiez accéder au compte fiscal, je souhaite que vous disposiez d'un mandat implicite pour vous simplifier votre vie. L'enjeu est majeur.
Je ne vous cache pas les difficultés que cela va soulever. Ça va demander beaucoup de concertation, beaucoup de dialogue. Mais au bout du compte, mettre en place ce mandat implicite va simplifier évidemment votre vie, mais va simplifier la vie de tous vos mandants. Ça vaut le coup de se battre pour le mandat implicite et pour la simplification de la vie économique française.
Un tout dernier mot sur l'assiette sociale des indépendants. Alors, c'est quasiment l'heure de déjeuner, donc je ne vais pas finir sur un sujet qui donnerait des migraines à n'importe quel esprit bien constitué. En réalité, nous ne nous sommes pas suffisamment vus et nous n'avons pas suffisamment échangé sur le sujet. Donc je ne vais pas rentrer dans le fond de la réforme, cette mesure essentielle. Je dis simplement, Madame la Présidente, et à travers vous les 7 000 experts comptables qui sont présents ici, la porte de mon bureau vous est grande ouverte pour qu'on étudie ensemble la réforme de l'assiette sociale des indépendants.
Merci à toutes et à tous, bonne fin de congrès.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 4 octobre 2023