Texte intégral
BENJAMIN FONTAINE
Bonjour Éric DUPOND-MORETTI.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Bonjour monsieur.
BENJAMIN FONTAINE
La réforme de la justice a fait l'objet d'un accord hier entre députés et sénateurs. Elle devrait être définitivement adoptée la semaine prochaine. Le budget passera de 9,6 milliards à près de 11 milliards d'ici 2027, plus de 3 000 magistrats et greffiers seront embauchés. Quand est-ce qu'on en verra vraiment les effets ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Très rapidement parce que nous avons déjà des embauches qui sont prévues et qui vont arriver dans les juridictions dès les mois qui viennent.
BENJAMIN FONTAINE
La justice met deux ans en moyenne pour traiter un dossier. Les audiences finissent parfois tard la nuit car les juges sont écrasés sous les dossiers. Ça va changer, ça, grâce à la réforme ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui, mais on va un peu vite dans la présentation de ce texte. Pardon, moi je ne suis pas venu faire du culturisme et je ne veux pas me payer de mots mais c'est une réforme historique. Il faut quand même qu'on s'y arrête deux petites secondes.
AGATHE LAMBRET
Alors expliquez-nous pourquoi est-ce une réforme historique.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
D'abord en termes de personnels. C'est 1 500 magistrats de plus, c'est 1 800 greffiers de plus, c'est des contractuels que nous avons appelés attachés de justice qui vont arriver par milliers dans les juridictions. L'objectif, c'est naturellement de décharger les magistrats, les greffiers d'une charge de travail qui est importante et puis de réparer de 30 ans d'abandon politique, budgétaire et humain. Mais c'est aussi, bien sûr, de rendre une justice plus protectrice – ça, ce sont les mots du président de la République - plus rapide et plus proche de nos compatriotes.
AGATHE LAMBRET
Justement, vous aviez dit que vous vouliez diviser par deux le délai de traitement d'un dossier qui est de deux ans en moyenne aujourd'hui. Donc ça, grâce à cette réforme notamment, cet objectif pourra être tenu et à quelle échéance ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Alors d'abord, permettez-moi de vous dire que ce n'est pas qu'une question d'argent, de personnel supplémentaire, de budget. Il y a d'autres leviers qui vont nous permettre d'aller vers ces objectifs. Lesquels ? La constitution d'une équipe autour du magistrat, ça c'est tout à fait nouveau et c'est ce qui est porté par le texte. Équipe composée notamment de greffiers et d'attachés de justice. Quand on a cette équipe autour du magistrat, on a des décisions qui sont rendues deux fois plus vite. Aussi la numérisation de la justice : 0 papier pour 2027, c'est l'objectif. J'ai déjà envoyé dans les juridictions des techniciens informatique parce que les greffiers, qui sont absolument indispensables à la justice, se plaignaient notamment d'un certain nombre de bugs. Et puis - et puis - des simplifications de la procédure pénale et de la procédure civile pour que l'on aille plus vite. C'est anormal, vous dites deux ans, c'est une moyenne. Mais il y a beaucoup de justiciables qui nous écoutent qui ont vécu des procès civils qui ont duré bien plus de deux ans. Donc il faut que drastiquement, on puisse réduire tout ça, et sur le plan civil ce qui intéresse 60% des litiges et beaucoup de ceux qui nous écoutent - les divorces etc - on veut mettre en place la politique de l'amiable. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans des procès qui touchent à l'intime, parfois le justiciable ne voit pas son juge. Mais comment vous voulez aimer la justice si elle est désincarnée ? Il faut qu'il y ait, pour le justiciable, la possibilité de dire les choses et de se réapproprier son procès, et il faut que la justice tranche rapidement et l'amiable le permet. C'est la raison pour laquelle…
BENJAMIN FONTAINE
Mais les procédures à l'amiable permettent aussi de gagner du temps souvent.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr, bien sûr. C'est une justice qui est beaucoup plus proche et c'est une justice qui permet, bien sûr, d'aller plus vite, ce que nos compatriotes attendent. Et ce sont les objectifs que je me suis fixés.
BENJAMIN FONTAINE
Vous ne voulez pas y renoncer pour autant à ces procédures.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
À la procédure de l'amiable ?
BENJAMIN FONTAINE
Oui.
ERIC DUPOND-MORETTI
Pas du tout. Je la mets en place, je la lance. Nous avons été chercher à l'étranger deux procédures que nous mettons en place et qui rentrent en vigueur le 1er novembre. Et beaucoup de magistrats autour de nous, d'avocats, de notaires, de commissaires, de justice, de conciliateurs, de médiateurs sont partants pour justement mettre en place cette justice de l'amiable. Mais rien que quand on entend ces mots justice de l'amiable, on a compris que c'était une justice de proximité.
AGATHE LAMBRET
Éric DUPOND-MORETTI, l'objectif de votre réforme c'est aussi la création de 15 000 places de prison d'ici 2027. Vous allez d'ailleurs aujourd'hui inaugurer une nouvelle prison à Caen avec la Première ministre, mais en 2017 Emmanuel MACRON avait promis déjà 15 000 places de prison sur cinq ans. Finalement environ 2 500 ont été créées. Qu'est-ce qui nous dit que cette fois, les 15 000 c'est la bonne ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Vous avez raison de dire que cet après-midi, je vais inaugurer avec la Première ministre un nouvel établissement pénitentiaire à Caen. 550 places, gros établissement pénitentiaire. Je vais en inaugurer deux autres dans les 15 jours qui viennent, total 1 500 places. Vous avez raison de rappeler que nous avons pris un peu de retard mais il y a deux raisons à cela. Le premier, c'est que la Covid est passée par là, et tous ceux qui ont eu à construire une maison individuelle savent que les choses ont été évidemment retardées ; je ne m'arrête pas plus longtemps que cela sur ce point. Deuxième chose c'est la pénurie de matériaux, la guerre en Ukraine. Donc on rattrape ce retard, moi je mets mon casque de chantier, mes bottes, je fais le tour et l'année prochaine, j'aurai inauguré la moitié des établissements pénitentiaires du plan 15 000.
AGATHE LAMBRET
L'année prochaine, vous aurez inauguré donc 7 500.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
La moitié des établissements seront construits, opérationnels, recevront des détenus. Vous savez il y a deux choses, cet objectif il est double. Naturellement les conditions de détention qui sont indignes dans certains établissements, et puis les conditions de travail du personnel pénitentiaire.
AGATHE LAMBRET
Oui, parce qu'il y a des détenus qui dorment sur des matelas à même le sol, donc afficher des objectifs… D'ailleurs vous nous dites que les 15 000 seront tenues d'ici 2027 aussi.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Alors il y a deux choses. Il y a les 15 000 places et puis il y a également les rénovations, car nous avons consacré un budget qui est deux fois supérieur au budget précédent pour rénover les établissements pénitentiaires. Je pense à la Santé par exemple, je pense à Fleury qui ont été rénovés. Moi vous savez, j'ai été avocat 36 ans, j'ai connu l'époque où c'était une douche par semaine pour les détenus. Aujourd'hui c'est douche individuelle. Il est impérieux qu'on améliore les conditions de détention parce que la prison, c'est punir - ce que j'assume - et punir fermement, mais c'est aussi bien sûr réinsérer. Et la réinsertion, elle ne peut se faire que si les conditions de détention sont dignes.
BENJAMIN FONTAINE
Et face à la surpopulation justement, est-ce que les mesures alternatives, le développement continu des mesures alternatives ne serait pas une solution également ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais vous avez parfaitement raison. D'ailleurs dans le texte que j'ai porté et qui fera l'objet d'un vote solennel la semaine prochaine, il y a tout un volet pour renforcer le travail d'intérêt général. Le travail d'intérêt général est une peine, il faut le rappeler, ancienne maintenant, qui a fait ses preuves et qui concerne évidemment la délinquance de basse intensité, bien sûr. On ne condamne pas un crime avec un travail d'intérêt général. Il y a aussi la libération sous contrainte que j'ai mise en place pour permettre en réalité d'éviter les sorties sèches. Les sorties sèches, vous savez, c'est quelqu'un qui est allé au bout de sa peine, qui sort : aucune perspective. Le troisième levier, c'est le contrat d'emploi pénitentiaire que j'ai mis en place pour qu'on puisse se former. Je rappelle que j'ai supprimé les réductions de peine automatiques, pour moi elles n'avaient aucun sens, et je les ai conditionnées à l'effort.
BENJAMIN FONTAINE
Mais est-ce que les juges font suffisamment appel à ces mesures-là ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Alors c'est une question qui se pose, et je demande par voie de circulaire régulièrement, à ce que l'on est davantage - comment dirais-je - le réflexe pour aller vers ces peines, je le redis, pour de la délinquance de basse intensité.
AGATHE LAMBRET
Mais Éric DUPOND-MORETTI, pardon, mais en 2018 Emmanuel MACRON avait promis de sortir plusieurs milliers de personnes de prison. Il disait vouloir changer la philosophie des peines, il disait vouloir expérimenter la régulation carcérale, c'est-à-dire le fait de réguler les entrées en prison, mais récemment la majorité a refusé un tel mécanisme de régulation proposé par la gauche. Pourquoi alors ? Est-ce que ce n'est ça la solution ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Non mais attendez, excusez-moi, ce numerus clausus n'a absolument aucun sens.
AGATHE LAMBRET
Et pourquoi ? La contrôleuse, par exemple, des prisons elle est favorable à une régulation.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
La contrôleuse est une autorité administrative, elle s'exprime comme elle a envie de s'exprimer mais la solution qu'elle propose n'est pas la bonne. Pourquoi ? Parce que demain, vous allez venir en réalité contrecarrer des décisions de justice qui ont été rendues, et vous allez dire qu'untel et untel ayant été condamné à telle peine ne doit pas purger sa peine. Mais c'est absolument impossible ! Et l'autre mécanisme que l'on met en place, c'est de dire là où il y a un taux d'occupation qui n'est pas très important, on peut encore envoyer en prison, et là où il y a un taux d'occupation très important on ne peut plus le faire. Enfin, ce serait d'une injustice totale. Et puis disons-le très clairement, la justice, en dépit de tout ce que j'entends partout et tout le temps - et je vous invite d'ailleurs à lire le dernier rapport de la Cour des comptes sur ce sujet - la justice n'a jamais été aussi sévère. Le président de la République l'a redit dans une longue interview qu'il a accordée au Point, mais qu'il s'agisse de la matière correctionnelle ou de la matière criminelle, je rappelle qu'en matière criminelle c'est le jury populaire qui décide des peines, nous avons une augmentation constante des peines. Et il y a eu une espèce de, je ne peux pas dire une rumeur mais de fantasme qui voudrait que la justice soit laxiste. Et l'autre démonstration de ce qu'elle n'est pas laxiste, c'est la surpopulation carcérale. Mais les leviers, ils sont là dans ce que je viens d'égrener.
BENJAMIN FONTAINE
Éric DUPOND-MORETTI, vous restez avec nous. On vous retrouve dans quelques instants sur Franceinfo, juste après le fil info avec Diane FERCHIT. (…)
AGATHE LAMBRET
Toujours avec Éric DUPOND-MORETTI, garde des Sceaux. Éric DUPOND-MORETTI, nous sommes le 6 octobre, dans un mois, le 6 novembre, vous serez jugé par la Cour de justice de la République. Comment vous le vivez ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Écoutez, d'abord, qu'il me soit permis de vous faire remarquer, que ça n'a jamais entravé mon travail de ministre. La justice, j'espère que tout le monde s'en rend compte, est en train de bouger. On lui donne davantage de moyens, on demande à la justice évidemment de prendre ces moyens, bien sûr, mais également de participer à ce changement de paradigme, qui va nous permettre d'aller vers les modifications que nos compatriotes attendent.
BENJAMIN FONTAINE
Mais ça ne vous a pas entravé pour l'instant, mais vous allez forcément être mobilisé, un peu plus tard.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je réponds à votre question, deux petites secondes. C'est pour d'abord vous dire et vous rappeler que ça ne m'a jamais entravé dans mon travail. Bon.
BENJAMIN FONTAINE
Certes. Le projet arrive maintenant, dans un mois.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Attendez, d'ici le mois qui arrive, il y a beaucoup de choses à faire. D'abord, la dernière lecture des deux textes que j'ai portés. Ensuite le budget, ensuite une loi sur les repentis qui est en préparation. Ensuite les mesures post-émeutes, que nous allons pendre. Etc. etc. etc. Je dois vous dire que je ne manque pas de travail, monsieur, et…
BENJAMIN FONTAINE
Vous allez faire tout ça avant le 6 novembre, et démissionner ou pas ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais, écoutez-moi, la seule chose qui compte pour moi, la seule, c'est que le ministère continue pendant cette période de 8 jours et demi, qui sera celle du procès qui s'ouvre, vous l'avez rappelé, le 6 novembre.
AGATHE LAMBRET
Voilà, et juste pour rappeler les faits, Éric DUPOND-MORETTI, vous êtes soupçonné d'avoir profité de votre fonction, pour lancer des enquêtes administratives, contre des magistrats avec lesquels vous aviez eu maille à partir quand vous étiez avocat. Vous contestez tout conflit d'intérêt. Maintenant, la question que l'on vous pose c'est : est-ce qu'on peut être ministre de la Justice et en même temps comparaître à un procès ? C'est-à-dire, comment vous ferez par exemple quand les audiences seront en plein Conseil des ministres ou pendant des séances de Questions au gouvernement ? Est-ce que vous vous déporterez sur certains dossiers, est-ce que vous vous ferez remplacer à certains moments ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais nous verrons, et vous verrez. Moi je veux travailler jusqu'à la dernière minute, je travaillerai encore ensuite évidemment…
BENJAMIN FONTAINE
Dernière minute de quoi ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je travaillerai encore ensuite évidemment, parce qu'il y a des choses que vous ne pouvez pas laisser tomber. Je vous dis que mon but, évidemment, c'est que le ministère de la Justice puisse continuer. Et pardon pour cette familiarité et pour ce verbe, à tourner. Voilà. C'est clair, c'est net et c'est précis.
AGATHE LAMBRET
Mais vous pourriez ponctuellement être remplacé par la Première ministre ou par votre cabinet.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Vous allez me poser 50 fois la question ?
AGATHE LAMBRET
Est-ce que si vous êtes condamné, Éric DUPOND-MORETTI, vous démissionnerez ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais madame, c'est extraordinaire comme vous voulez aller plus vite que la musique. D'abord le résumé que vous faites…
AGATHE LAMBRET
C'est un résumé.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui, c'est un résumé d'un résumé. Bon. Vous me permettrez de dire un certain nombre de choses, de m'exprimer, de me défendre, voilà on va arrêter là, et ensuite vous verrez. Vous verrez. N'allons pas plus vite que la musique. Ce procès ne doit pas prendre toute la place. Là je suis venu vous dire qu'il y a une réforme historique, que la justice bouge, que je veux l'entraîner avec moi dans un certain nombre de modifications, au bénéfice de nos compatriotes, que depuis que le président de la République est là, on a augmenté le budget de 50 %, qui sera augmenté au total de 60%, est-ce qu'on peut 2 minutes s'arrêter sur ces nouvelles qui sont, pardon de le dire, d'excellentes…
AGATHE LAMBRET
Et on l'a fait, et on a même commencé par ça.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Voilà.
AGATHE LAMBRET
Et d'ailleurs ça concerne aussi la Justice, Éric DUPOND-MORETTI, il se trouve que vous êtes renvoyé devant la Cour de justice, et c'est une cour qui est composée notamment de 6 députés et 6 sénateurs. Est-ce que c'est normal d'être jugé par ses pairs ? Emmanuel MACRON par exemple voulait supprimer cette Cour de justice de la République, qui est accusée d'être une justice d'exception.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Madame, c'est la loi, on va arrêter avec ce sujet. Patientez un peu. Est-ce que je puis me permettre de vous le suggérez, il m'est impossible de de vous donner des ordres, comme je ne peux pas en donner au procureur de la République, comme…
BENJAMIN FONTAINE
Mais vous nous permettez de vous poser des questions réelles à ce sujet.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Comme je ne peux pas en donner au procureur de la République, et c'est très bien comme ça. Madame, attendez un peu, suivez-le le procès.
AGATHE LAMBRET
Mais c'est une question sur le fonctionnement de la justice.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Non mais j'attends que ceux qui ont écrit, dit, raconté un tas de choses, soient présents et suivent ce projet. Attendez, patientez, ça arrive dans un mois. Moi je patiente, vous aussi.
BENJAMIN FONTAINE
Mais Éric DUPOND-MORETTI, vous comprenez que c'est assez inédit, de toute façon, qu'un ministre de la Justice soit…
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, passons à autre chose si vous le voulez bien, je pense avoir été clair, je pense vous avoir a répondu. Mais je…
BENJAMIN FONTAINE
Vous comprenez que pour le devoir d'exemplarité dont Emmanuel MACRON a beaucoup parlé, vous comprenez que ça puisse faire tache.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, faire tache ?
BENJAMIN FONTAINE
Eh bien auprès des Français.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Non, monsieur, d'abord je voudrais vous dire, je suis présumé innocent…
BENJAMIN FONTAINE
Bien sûr.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Comme vous le sauriez si vous étiez…
BENJAMIN FONTAINE
Bien sûr. ... en poste.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Voilà. Premièrement. Et deuxièmement monsieur, plutôt que d'en parler comme ça, venez au procès. Venez, venez, il sera public.
AGATHE LAMBRET
Éric DUPOND-MORETTI, les chiffres de la délinquance pour 2022 sont alarmants, + 15% de coups et blessures, + 9% d'homicides, + 11% d'agressions sexuelles. Comment vous l'expliquez ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Enfin, madame, il faudrait organiser un colloque qui dure plusieurs heures pour que l'on puisse débattre de ces questions. Il y a plein de choses. Il y a par exemple l'impact de la Covid, comment le mesure-t-on ? Parce que nous savons que la jeunesse a été impactée par la Covid. Il y a les réseaux sociaux, cette violence verbale des réseaux sociaux. Il y a un très grand linguiste qui dit que la langue est là pour pacifier les choses. Mais quand le volume lexical n'est pas au rendez-vous, quand on ne se parle plus, quand on s'injurie, etc. ça génère de la violence. Voilà deux pistes de réflexion. Le reste, évidemment, c'est aussi le travail des sociologues, vous le savez, et des travaux sont en cours sur toutes ces questions. Il y a une réalité, c'est qu'il faut y répondre, et au moment des émeutes par exemple, la justice a trouvé toute sa place, elle est intervenue avec fermeté, avec célérité, et moi je veux rendre hommage à l'ensemble des magistrats et des greffiers, je le dis, qui ont mouillé la chemise, et qui ont permis de rétablir en un temps bref, l'ordre républicain, avec le concours naturellement des forces de sécurité intérieure, qui ont été mises disons-le à très rude épreuve.
AGATHE LAMBRET
Et ça c'est vrai, c'est allé vite, l'ordre, l'ordre, l'ordre, comme disait Emmanuel MACRON, mais la réponse de fond on attend toujours, pardon, mais hier vous étiez à un Conseil national de la refondation à Matignon, avec des maires, des associations, pour plancher sur la réponse aux émeutes. En juillet, Emmanuel MACRON avait déjà écouté 200 élus à l'Élysée. Vous allez poser combien de diagnostics avant de nous donner la réponse aux émeutes ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je pense qu'en octobre vous aurez les réponses. Vous imaginez madame que nous avons quand même travaillé, mais il y a quelque chose qu'il est important de préciser. D'aucuns disent que la démocratie s'éloigne, que... Moi je pense le contraire, la preuve d'ailleurs c'est que ces deux textes que j'ai portés, qui ont fait l'objet de compromis, de discussions, de co-constructions avec le Sénat, avec l'Assemblée nationale, là en l'occurrence c'était très très important pour nous de rencontrer les élus, de tous les échelons, l'échelon régional, départemental, local, parce que les maires ils sont si j'ose dire en première ligne. Donc c'était important de les entendre, c'était important qu'ils entendent les pistes vers lesquelles on va, et je vous garantis que nous serons au rendez-vous et pas dans des temps trop éloignés, madame. Nous voulons absolument répondre à ces émeutes. Nous avons c'est vrai, vous l'avez dit, planché sur la question, et les élus hier nous ont apporté des réflexions qui nous ont nourri, qui étaient absolument indispensables.
AGATHE LAMBRET
Vous deviez plancher sur le fait de sanctionner les parents, Emmanuel MACRON avait expliqué envisager de sanctionner financièrement les familles, dès, je cite "la première connerie de leur enfant". Est-ce que c'est toujours d'actualité, est-ce que cela impliquerait de modifier la loi, ou on peut le faire à droit constant ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Alors, il y a des choses qui seront du domaine réglementaire, il y a des choses qui seront sans doute du domaine législatif. Naturellement il ne faut pas y avoir, on ne peut pas avoir une réponse systématique, il faut faire du cas par cas. Il faut d'abord distinguer, vous voyez, dans ces questions de responsabilité parentale, les parents qui sont en mesure d'assurer l'éducation de leurs enfants et qui ne le font pas. Et puis la maman par exemple, totalement débordée…
AGATHE LAMBRET
La mère isolée…
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Eh bien oui. D'ailleurs, on constate que parmi les émeutiers, beaucoup, 60 % d'entre eux sont élevés par un seul parent, souvent leur maman d'ailleurs. Donc il faut distinguer tout ça, il faut le faire avec efficacité, fermeté et humanité.
BENJAMIN FONTAINE
Éric DUPOND-MORETTI est l'invité du 8:30 France Info, on vous retrouve juste après le fil info avec Diane FERCHIT. (…)
AGATHE LAMBRET
Toujours avec Éric DUPOND-MORETTI, garde des sceaux. Devant le Conseil constitutionnel mercredi, Emmanuel MACRON a promis d'élargir le champ du référendum. A quel type de sujet ? Est-ce que l'immigration par exemple, ça pourrait être un thème comme le souhaitent les Républicains et le Rassemblement national ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Vous avez entendu ce qu'a dit le Président de la République. D'abord, on a célébré l'anniversaire de la Constitution. 65 ans, ça n'est pas rien pour une constitution. Nous, nous l'aimons cette Constitution de 58, contrairement à d'autres qui voudraient la déchirer, la jeter à la poubelle. Le Président de la République dit cependant qu'une constitution doit vivre mais pas à n'importe quel prix, donc il a lancé un certain nombre de réflexions pour des modifications constitutionnelles à venir. Le président LARCHER a également indiqué qu'il n'était pas opposé à quelques modifications constitutionnelles. Enfin, bon, ce texte doit s'adapter, si j'ose dire, à son temps. Pour le reste, il faut encore que le travail se fasse. Vous avez vu par exemple que dans les réunions de Saint-Denis, un certain nombre de sujets avaient été évoqués, ils sont sur la table. Et le moment venu, le Président de la République dira ce qu'il doit dire sur cette question.
AGATHE LAMBRET
Mais est-ce que ce serait dangereux un référendum sur l'immigration ? Certains disent que le sujet est trop éruptif, trop émotif, qu'il ne faut pas jouer avec ces sujets-là ou ne pas consulter les Français.
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Il faut faire très attention. Vous le savez évidemment en posant la question, il y a un certain nombre de questions qui sont des questions sociétales majeures auxquelles on ne peut pas forcément répondre par oui ou par non. Donc nous verrons. Vous savez, le garde des Sceaux aimerait toucher à la presse qui permet de sceller les modifications constitutionnelles. Mais je vous le dis, pas à n'importe quel prix. On ne modifie pas pour modifier ; le Président de la République, au fond, on a dit que c'était d'une main tremblante que l'on devait toucher à la Constitution. Mais il lui est apparu nécessaire de réfléchir à un certain nombre de sujets. Voilà ce que je peux vous dire à ce stade.
BENJAMIN FONTAINE
Éric DUPOND-MORETTI, la députée Sophia CHIKIROU, très proche de Jean-Luc MÉLENCHON, est mise en cause notamment dans une enquête de France 2 pour son comportement, ses méthodes notamment dans sa gestion de la web télé Le Média. "Aujourd'hui on envoie qui à l'hôpital ?" aurait aurait-elle écrit au lendemain d'un malaise d'un salarié transporté aux urgences. Elle aurait aussi qualifié de tafiole de merde, je cite, les membres de la rédaction du Média. Qu'est-ce que ça vous inspire ça ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
J'ai vu que certains médias annoncent une tempête judiciaire à venir. Monsieur, moi je suis infiniment respectueux de la présomption d'innocence et je veux dire à ce stade que si la justice doit travailler, elle travaillera. J'ajoute : en toute indépendance. Mais je pense que certains LFIstes réfléchiront à la façon dont, en d'autres temps, ils ont traité certaines présomptions d'innocence. Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Vous voyez, autant on peut parler d'une peine définitive. Monsieur MÉLENCHON souhaite semble-t-il se présenter à la prochaine élection présidentielle, il a été définitivement condamné pour avoir bousculé des policiers et un procureur. Vous vous souvenez du fameux épisode "la République, c'est moi". Oui, il n'y avait pas que des mots, il y avait des gestes aussi qui lui ont valu une condamnation désormais définitive ; ça, on peut en parler. Vous voyez le reste, il y a un travail judiciaire, le garde des Sceaux n'a pas volonté à dire quoi que ce soit. J'ai lu évidemment comme vous, j'ai entendu un certain nombre de choses. Je ne veux pas davantage les commenter.
AGATHE LAMBRET
Mais d'un point de vue politique, Éric DUPOND-MORETTI, vous qui avez toujours été très engagé dans la lutte contre le Rassemblement national, est-ce qu'aujourd'hui vous mettez RN et LFI sur le même plan, hors du champ républicain ou ce n'est pas pareil ?
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Madame, le meilleur allié du Rassemblement national que je combats c'est Jean-Luc MÉLENCHON. Parce qu'avec ses excès, vous voyez, il donne le sentiment au fond que la dédiabolisation, la cravate, le silence, une certaine tenue, tout cela ce sont les excès de Monsieur Jean-Luc MÉLENCHON qui permettent de mettre en lumière le silence du Rassemblement national. Mais je veux vous dire, quand Madame LE PEN abandonne Madame MELONI, puisque madame MELONI allait tout faire et puis nous savons qu'aujourd'hui, elle redevient plus que jamais pro-européenne, il n'en reste pas moins que Madame LE PEN a un nouvel ami, Monsieur SALVINI. Souvenons-nous que par exemple, quand il va à Moscou - il y est allé souvent - il regarde la Place Rouge, il dit qu'elle est propre, qu'elle ne comporte pas de saletés et qu'il n'y a pas de Roms. Vous voyez, moi je ne peux pas être ami avec un type comme ça. Donc je n'oublie rien de mes combats, mais pour moi LFI c'est, au fond, le meilleur allié du Rassemblement national, parce que tous les excès de LFI nous font regarder le Rassemblement national comme apaisé, dédiabolisé, tranquille et calme.
BENJAMIN FONTAINE
Ce sera le mot de la fin Éric DUPOND-MORETTI. Merci d'avoir répondu à nos questions ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2023