Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le projet de loi de finances pour 2024, à l'Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

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Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Discussion générale du projet de loi de finances pour 2024

Texte intégral

Bonjour à toutes et à tous,

Je suis ravi d'être avec vous pour cette discussion générale du projet de loi de finances pour 2024.

1. Je veux profiter de nos débats pour remercier notre majorité

1) Vous avez fait preuve de constance dans notre politique économique.

La politique de l'offre que nous menons depuis près de sept ans avec le président de la République donne des résultats parmi les meilleurs de toutes les grandes économies de la zone euro.

Cette politique va nous permettre d'atteindre une croissance de 1% en 2023. Ce chiffre est conforme aux prévisions du Gouvernement et à ce que j’avais annoncé à cette tribune il y a un an, malgré le scepticisme de nombreux économistes.

2) La réalisation de notre objectif de croissance en 2023 nous permet d'être confiants pour la réalisation de notre objectif de croissance pour 2024 : 1,4%.

Pour réaliser cet objectif, nous maintiendrons cette politique de l'offre qui nous a permis de créer 2 millions d'emplois depuis 2017, dont 100 000 dans l'industrie, et d'avoir le taux d'emploi le plus élevé depuis quarante ans.

Nous la maintiendrons, parce qu1elle nous a aussi permis de mettre fin à l'hémorragie de délocalisations des décennies précédentes. Elle a permis de recréer des filières, notamment dans le domaine des batteries électriques, avec l'ouverture de 4 gigafactories dans les années qui viennent.

Nous avons fait de la France le pays le plus attractif en Europe.

Nous avons fait de la France un pays qui réussit économiquement

Nous avons tourné la France vers l'avenir avec une ambition : devenir la première nation décarbonée en Europe à horizon 2040.

Nous pouvons en être fiers.

3) Notre détermination à maintenir la politique de l'offre se lit aussi dans ce budget avec la baisse d'1 Md€ des impôts de production, qui doit nous amener à supprimer définitivement la CVAE dans les meilleurs délais.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, la seule baisse d'impôts majeure en 2024 est faite pour les PME, pour le monde industriel, pour les entreprises.

On ne peut exprimer plus clairement notre détermination à tenir notre ligne de politique économique.

Il. Je veux aussi féliciter notre majorité pour sa solidité dans les débats budgétaires

1) Vous avez tenu depuis plusieurs jours une ligne de responsabilité budgétaire, dans un moment où il est plus facile de proposer des augmentations de dépenses que des économies.

Des amendements dépensiers, il en pleut comme à Gravelotte. Sur les 3 000 amendements déposés en commission des finances, 10 % augmentent la fiscalité et les 90 % restants augmentent la dépense : création d'un crédit d'impôt sur la TVA… soit un crédit d'impôt pour le paiement d'un autre impôt ; TICPE flottante ; baisse de la TVA ; baisse de la CSG ; crédits d'impôts pour les animaux domestiques… J’en passe et des meilleurs.

Les Républicains sont les seuls à nous demander de réduire davantage la dépense publique. Sage résolution. Mais alors pourquoi sur leurs 1 546 amendements, seuls 4 réduisent la dépense. Et pour le reste, 100 Md€ de dépenses supplémentaires. Visiblement, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Et je passe sur le déluge fiscal des LFI, pour lesquels un bon impôt est un impôt à 100%, ou sur les inventions baroques du RN, qui veut supprimer la justice fiscale avant 30 ans et le travail après 60 ans.

Dans le fond, les oppositions imaginent un monde où tout est gratuit.

Je veux rappeler une réalité: tout a un coût. Toutes ces propositions coûtent de l'argent public et l'argent public coûte lui-même de plus en plus cher : la charge de la dette représentera 74 Md€ en 2027. Pire encore pour les oppositions, qui font minent de l'ignorer: la dette publique se rembourse.

Le désendettement de la nation est donc un impératif absolu pour préserver notre souveraineté, notre indépendance et notre liberté.

2) Je le dis avec d'autant plus de conviction que nous pouvons faire face à un troisième choc économique, après le Covid et l'inflation, en cas d'extension du conflit au Proche-Orient.

Les évènements actuels nous commandent de reconstituer nos marges de manœuvre pour être capables de protéger nos compatriotes en cas de nécessité.

3) Notre pays tiendra donc son engagement de ramener le déficit à 4,4 % en 2024, comme il tiendra son engagement à 4,9 % en 2023.

Car l'objectif est bien le retour sous les 3 % de déficit en 2027.

Nous engagerons pour cela 16 Md€ d'économies dans ce budget 2024 avec la sortie du bouclier énergétique, la fin de certaines aides aux entreprises, la fin du dispositif PINEL et le recentrage de la politique de l'emploi.

1 Md€ supplémentaires ont été identifiés par le Rapporteur général du budget et les commissaires des finances de la majorité. Je soutiens leurs propositions.

III. Mon troisième message est un message de fierté: alors que nos oppositions ont rejeté en commission le budget dans la nuit de vendredi à samedi, la majorité peut et doit être fière de son budget.

1) C'est un budget qui protège.

Il apporte la preuve que l'on peut rétablir les comptes publics sans passer par la case austérité.

Je vais donner quatre exemples.

Premier exemple : nous indexons l'intégralité des prestations sociales, l'intégralité des prestations familiales et le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation. Les pensions de retraites seront également revalorisées de 5,2 % pour protéger nos aînés. Cela représente au total 25 Md€ de dépenses.

Deuxième exemple : nous maintenons notre aide pour payer les factures d'électricité. Je rappelle que l'État paye aujourd'hui 34% des factures d'électricité des ménages. Ce soutien se poursuivra en 2024 et nous coûtera 10 Md€. Aucun autre pays européen ne le fait.

Troisième exemple : nous allons soutenir les ménages qui ont le plus de mal à accéder à un crédit pour se loger. Nous changerons les règles du PTZ, pour permettre à un plus grand nombre de personnes d'avoir accès à ces prêts dans des conditions plus favorables. Nous continuerons aussi à travailler sur le prêt à taux bonifié.

Enfin, quatrième et dernier exemple, que je cite car le président Maillard y est attaché : nous réduirons les efforts financiers demandés au CCI et CMA, à hauteur respectivement de 25 M€ et de 13 M€.

2) C’est un budget qui prépare l'avenir.

Nous engageons 7 Md€ supplémentaires pour la transition écologique, ce qui porte le total à 41 Md€.

Nous augmentons Ma prime renov’ et le bonus sur les véhicules électriques, qui sera recentré exclusivement sur les véhicules les moins lourds et les moins polluants. Les contribuables Français n’ont pas à financer des véhicules qui n’ont de vert que le nom.

Nous mettons aussi en place, pour la première fois en Europe, un crédit d'impôt vert pour encourager le développement de nouvelles filières industrielles et répondre à l'IRA américain.

Cette décision vient après des changements structurels à l'échelle européenne, portés par  le président de la République et la majorité : dette en commun, MACF, renforcement des contrôles sur les investissements étrangers, investissements dans les PlEEC, aides d'État pour les grands projets industriels.

Tout cela précède d'autres combats à venir pour protéger l'industrie européenne.

Nous voulons aussi verdir notre fiscalité de manière structurelle.

Je salue l'accord passé avec le monde agricole et les entreprises des travaux publics pour faire évoluer plus rapidement la fiscalité sur le GNR. Je m'engage à ce que toutes les recettes fiscales supplémentaires soient consacrées à l'accompagnement des petites entreprises de ces secteurs et à la consolidation de la filière des biocarburants.

3) C'est un budget qui garantit un État fort, capable d'assurer dans les meilleures conditions ses missions régaliennes.

Quand la nation est menacée et attaquée par le terrorisme, il serait irresponsable de ne pas nous donner les moyens de nous protéger.

Nous augmenterons donc le budget du ministère des Armées, du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice.

Quand la nation fait face à une  révolution technologique majeure, qui va définir les nouveaux rapports entre puissances, il est tout aussi essentiel d'investir dans l'éducation et la formation.

Nous continuerons à soutenir le ministère de l'Éducation nationale et les enseignants.

L'éducation est le premier enjeu économique de la nation.

Je veux à cette occasion leur redire toute mon admiration et leur exprimer ma gratitude pour leur travail quotidien auprès de nos enfants.

Nous sommes à leurs côtés dans le moment difficile qu’ils traversent.

4) Enfin, avec ce budget, nous affirmons une nouvelle fois notre volonté de valoriser le travail.

Nous voulons qu1une entreprise qui fait des rachats d'actions soit obligée de distribuer à ses salariés plus de participation et d'intéressement, plutôt que d'augmenter sa taxation. Je préfère augmenter les salariés que de remplir les caisses de l'État.

Nous voulons qu’une femme seule qui a du mal à faire garder ses enfants lorsqu’elle va travailler  puisse trouver une solution. Ce sera l'objet des débats lors du PLFSS.

Nous voulons qu’une personne, qui n’a pas d'autre choix que de prendre son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail, soit soutenue financièrement. C’est pour cela que nous mettrons en place une indemnité carburant travailleur.

Enfin, à la suite de la conférence sociale qui a eu lieu hier, je veux dire que toutes les entreprises qui le peuvent doivent continuer à augmenter les salaires.

Ce combat pour le travail est un combat de tous les instants. Nous ne devons pas relâcher nos efforts.

IV. Mon dernier message est simple: ne cédons pas aux sirènes de la vieille politique

À chaque budget depuis sept ans, j’entends revenir le même chant séduisant des sirène : plus de dépenses publiques, plus de dette, plus de taxes, et tout ira mieux.

Ce chant des sirènes, comme tous les chants de toutes les sirènes, est un piège. Il conduira tout droit sur les récifs du surendettement et l'appauvrissement - les Charybde et Scylla de l'indépendance financière et de la croissance.

La réalité, c’est que nous conservons un niveau de dépense publique et d'imposition parmi les plus élevés au monde et que nous devons les réduire.

La réalité, ce sont des incertitudes géopolitiques qui doivent nous amener à reconstituer des marges de manœuvre financières.

La réalité, ce sont des investissements indispensables dans la transition écologique, la sécurité, l'éducation.

La réalité, c’est un 21ème siècle difficile pour les grandes nations occidentales.

Derrière ce budget, c’est la puissance française qui se joue.

Et la puissance française ne s’achète pas à crédit. Elle se construit par l'investissement, l'innovation, la reconstitution de nos capacités de production, le travail et l'effort.

C’est le chemin que nous vous proposons.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 19 octobre 2023