Déclaration de Mme Dominique Faure, ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur l'accession à la propriété, au Sénat le 10 octobre 2023.

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  • Dominique Faure - Ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Les Républicains

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l'accession à la propriété.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que le groupe auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite évidemment excuser l'absence, dans ce débat sur l'accession à la propriété, de mon collègue Patrice Vergriete,…

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Honteux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … qui a en effet répondu positivement à l'invitation du Président de la République à se rendre en Allemagne. Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur des débats.

Le Gouvernement est pleinement conscient de la crise immobilière des ventes dans l'ancien et le neuf, qui bloque le parcours résidentiel de beaucoup de ménages en France.

En effet, l'accession à la propriété est devenue bien plus difficile pour de nombreux ménages, faute d'un crédit abordable, avec des taux d'intérêt multipliés par trois, voire quatre, alors que les prix, qui ont également été impactés par l'inflation consécutive au conflit ukrainien, ne diminuent pas vraiment, comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice.

Conséquence, l'accès à un logement locatif est également plus compliqué dans de nombreuses villes, les locataires en place peinant à quitter leur logement pour poursuivre leur parcours résidentiel, ce qui bloque les nouveaux entrants sur le marché, particulièrement les étudiants, les jeunes actifs, mais aussi les ménages en situation de mobilité ou de séparation.

Face à cela, le Gouvernement cherche à combiner plusieurs mesures, sans croire en la mesure miracle qui permettrait de résoudre toute la crise d'un coup. Il s'agit d'intervenir sur tous les segments de l'offre, dont l'accession à la propriété.

Je citerai quatre axes d'action sur le sujet.

D'abord, le Gouvernement agit pour faciliter l'accès au crédit des Françaises et des Français.

Il faut rappeler que la France reste l'un des pays de l'Union européenne où la production de crédits à l'habitat est la plus dynamique. Sur les derniers mois, plus de 70 000 ménages ont trouvé un crédit chaque mois, soit une production qui se maintient à près de 11 milliards d'euros mensuels.

Certes, c'est une division par presque deux par rapport aux années fastes que furent les années 2019 à 2022, mais c'est un niveau qui reste élevé par rapport à nos voisins européens et usuel par rapport aux périodes de taux plus élevés.

C'est aussi une chute de la production liée à une baisse de la demande. Les banques reçoivent 25 % à 40 % de dossiers en moins environ, car les acheteurs éventuels attendent une baisse des prix à laquelle les vendeurs ne sont pas encore prêts.

Toutefois, le Gouvernement continue de travailler avec les banques pour dynamiser la production de crédits à l'habitat, dans un contexte où la hausse des taux pourrait se poursuivre, mais à un rythme moins important.

Des mesures ont déjà été prises. Sous l'impulsion de Bruno Le Maire, le taux d'usure a été mensualisé par la Banque de France pour s'adapter plus rapidement à la forte remontée des taux.

Certaines marges opérationnelles ont été mises en place par le Haut Conseil de stabilité financière pour permettre aux banques de déroger aux règles en vigueur concernant la durée maximale d'endettement, soit vingt-cinq ans, ou le taux maximal d'endettement, soit 35% des revenus. Aujourd'hui, 20% des dossiers peuvent déroger à ces règles, et le Gouvernement cherchera avec les banques à garantir l'utilisation maximale de ces marges, tout en maintenant les principes du cadre actuel, qui permet d'éviter le surendettement des ménages.

Par ailleurs, le Gouvernement est tout à fait disposé à étudier avec le secteur bancaire tous les dispositifs innovants de financement de l'accession à la propriété susceptibles de provoquer une baisse de la charge financière pour les accédants : crédits avec remboursement in fine, modèles basés sur des formes de démembrement, accession progressive à la propriété…

Ensuite, le Gouvernement agit pour solvabiliser les Françaises et les Français par le prêt à taux zéro.

Dans les zones où les prix du logement neuf sont les plus élevés, le prêt à taux zéro sera maintenu et élargi.

Le Gouvernement soutient également l'accession sociale à la propriété, qui permet de faire diminuer le prix des logements en accession à la propriété. Le PTZ sera ainsi maintenu pour toute l'accession sociale neuve à la propriété, dans tout le pays.

Par ailleurs, la quotité du PTZ pour la vente HLM sera doublée par un amendement au projet de loi de finances pour 2024. Concrètement, les ménages de la classe moyenne ou des classes populaires qui souhaiteraient acquérir leur logement social bénéficieront d'un montant d'emprunt gratuit deux fois plus élevé à partir de 2024.

En outre, le Gouvernement souhaite dynamiser le bail réel solidaire (BRS). Ce dispositif a été inventé par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan. Il a fait ses preuves depuis : 1 000 logements sont sortis de terre, 11 500 sont en projet, 150 offices fonciers ont été créés, notamment par les collectivités, et de plus en plus de communes fixent une part de BRS dans leurs programmes neufs. Le BRS est aussi comptabilisé dans le cadre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ce qui encourage les élus locaux à porter ce produit dans les communes déficitaires, en complément de l'indispensable production de logements locatifs sociaux.

Pour le dynamiser, le Gouvernement va étendre, par arrêté, les ménages éligibles au BRS dans les prochaines semaines.

Il va aussi engager un plan global sur le développement du produit, pour aller encore plus loin. Ce plan prévoira une mobilisation des acteurs, une simplification de la réglementation applicable et une meilleure diffusion de l'information auprès des intervenants de terrain, pour qu'ils s'approprient au mieux ce dispositif.

Enfin, le Gouvernement agit pour donner des outils aux collectivités locales de manière à réguler leurs parcs de logements et favoriser les résidences principales quand les élus souhaitent en faire une priorité.

C'est le sens des discussions qui se tiendront dans les prochains jours à l'Assemblée nationale sur la fiscalité locative. De nombreuses propositions sont sur la table, et nous espérons que le débat parlementaire permettra de dégager un consensus intelligent prenant en compte les spécificités des territoires tout en favorisant la location longue durée.

C'est aussi le sens du travail en cours pour élaborer de nouveaux outils de régulation au profit des communes.

Aujourd'hui, dans les communes qui le souhaitent, il est déjà possible de mettre en place l'autorisation de changement d'usage pour contrôler le nombre de résidences secondaires qui peuvent accueillir de la location touristique de courte durée. Il est aussi possible de mettre en place une compensation et de demander, en contrepartie, que des locaux existants qui ne sont pas des logements soient transformés en logements de longue durée.

Mais nous souhaitons aller plus loin, avec tous les parlementaires, dans les prochaines semaines, pour concrétiser rapidement les annonces que nous avons faites devant le groupe de travail sur l'attrition des logements permanents en zones touristiques le 18 juillet dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques axes témoignent de la variété des réponses qui sont apportées par notre gouvernement, et particulièrement par mon collègue Patrice Vergriete, pour faciliter l'accès à la propriété des Françaises et les Français et, plus largement, l'accès à une résidence principale.

Bien entendu, ces mesures sont complémentaires d'autres travaux en cours pour produire davantage de logements sociaux et de logements intermédiaires abordables, soutenir la production de logements au sens large, ou encore accompagner l'offre de logements dans les territoires en réindustrialisation ou en redynamisation. (M. Bernard Buis applaudit.)

- Débat interactif -

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose, pour répondre, d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour un grand nombre de nos concitoyens, l'accès à la propriété est synonyme d'indépendance et de sécurité matérielle.

Accéder à la propriété permet non seulement de constituer un investissement rentable, notamment en prévision de la retraite, mais également de disposer d'un patrimoine réputé sûr et transmissible aux héritiers.

Or les Français ont de plus en plus de mal à acquérir un bien immobilier. Je pense notamment à tous ces jeunes actifs qui ne sont plus en mesure d'accéder à la propriété dans les territoires qui les ont vus naître.

L'augmentation du coût des matériaux, la hausse du prix des terrains et la remontée des taux d'intérêt des crédits, qui placent les Français modestes et les classes moyennes dans l'incapacité d'emprunter, freinent considérablement l'accession à la propriété.

Le mois dernier, pour tenter de contenir l'inflation, la Banque centrale européenne a de nouveau relevé ses taux directeurs, portant le taux de dépôt à 4%, soit un niveau jamais atteint depuis le lancement de la monnaie unique en 1999.

Le prix du crédit va donc continuer à augmenter et, ainsi, restreindre le nombre de candidats à l'obtention d'un prêt immobilier.

Parallèlement, les mises en chantier dans le bâtiment neuf s'écroulent, et le zéro artificialisation nette va constituer un obstacle supplémentaire aux nouvelles constructions et participer à la hausse du prix de l'immobilier.

Madame la ministre, alors qu'elle doit être une chance offerte au plus grand nombre, l'accession à la propriété connaît actuellement une crise sans précédent.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer les mesures de soutien que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre afin de relancer la construction et favoriser l'accès de tous nos concitoyens à la propriété ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Marc, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, nous partageons votre diagnostic et nous sommes solidaires de l'absolue nécessité de faire face à la crise de la production de logements. J'ai alors eu l'occasion de vous présenter un certain nombre de mesures qui répondent en grande partie aux problématiques que vous soulevez, et que, encore une fois, je reprends à mon compte.

Cependant, votre question me permet d'évoquer quelques mesures complémentaires qui ont été engagées et que je n'ai pas mentionnées.

Pour ce qui concerne le logement locatif social, nous avons signé, la semaine dernière, un accord avec le mouvement HLM qui prévoit la mise en place de 8 milliards d'euros de prêts bonifiés pendant trois ans pour soutenir la production de logements locatifs très sociaux.

J'en viens au secteur locatif : en entérinant la fin du dispositif Pinel, que nous considérons comme coûteux et peu efficace, nous mettons en place des dispositions pour accroître la production de logements intermédiaires. Pour cela, nous avons élargi le périmètre des communes éligibles à ce dispositif.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous parlons d'accession à la propriété, madame !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Oui, madame la sénatrice !

Dans la discussion générale, j'ai cité un certain nombre d'actions que nous menons. Je n'y reviendrai pas, parce que je pense que vous m'avez tous bien écoutée et que vous ne manquerez pas de réagir.

Tels sont les compléments que je voulais apporter par rapport à ce que j'ai pu déclarer tout à l'heure.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Le sujet n'est pas à proprement parler celui des logements locatifs : nous souhaitons que les gens puissent accéder à la propriété dans nos milieux ruraux.

Sur le plan social, il me semble que c'est la meilleure des choses. Toutes les actions qui pourront être engagées en ce sens me paraissent de bon aloi.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, j'ai attentivement écouté vos propos liminaires.

À la question de la crise du logement, c'est par un arsenal de mesures techniques que le Gouvernement nous répond systématiquement. Et pourtant, comme cela a été dit, le sujet du logement est éminemment social, économique et politique.

Aujourd'hui, c'est de l'accession à la propriété qu'il s'agit, de la possibilité pour les Français de réaliser l'un de leurs rêves : devenir propriétaire.

Mais force est de constater que ce qui est l'un des principaux moteurs de la progression sociale – devenir propriétaire – est en panne.

Je rappelle que 57% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale. Cette proportion de la population est figée depuis 2010, alors qu'elle n'avait cessé de croître depuis les années 1980.

Le Gouvernement déclare être favorable au développement de l'accession à la propriété. Or nous assistons au déploiement d'une politique qui provoque tout l'inverse : un accès aux prêts immobiliers de plus en plus complexe, l'extinction de dispositifs visant à faciliter la primo-accession, l'explosion du prix de la pierre, un foncier de plus en plus rare…

Face à un tel phénomène, nous nous interrogeons sur vos véritables intentions.

Madame la ministre, ma question porte sur la vision de l'accession à la propriété dans notre pays que porte le Gouvernement. Êtes-vous réellement favorable à une France de propriétaires ? Si oui, comment allez-vous soutenir l'accession à la propriété, particulièrement pour les ménages les plus modestes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, je suis d'accord avec vous : il s'agit d'un sujet social, économique et politique absolument complexe.

J'ai bien compris que l'objet du débat de cet après-midi était l'accession à la propriété, mais j'ai tenté, lors de la discussion générale, de vous expliquer à quel point tous les sujets étaient imbriqués.

Vous exprimez des doutes sur la politique du Gouvernement. Je les respecte. Je n'ai pu noter tous les points que vous avez évoqués, mais ils sont tous purement conjoncturels. Nous les subissons, qu'il s'agisse de l'augmentation des taux d'intérêt liés à l'inflation ou de la rareté du foncier.

Nous avons mis en place une loi – je pense qu'elle ne fait plus débat – qui vise à établir une plus grande sobriété dans le domaine du foncier.

Le dispositif du PTZ, dont la base d'application a été élargie, a vocation à aider les classes moyennes à acquérir un bien neuf dans les zones tendues. Son élargissement et son amélioration en 2024 permettront de solvabiliser davantage les primo-accédants.

Les prix dans l'ancien ou le neuf dépassent parfois 6 000 euros du mètre carré ; c'est le cas en région parisienne, dans une partie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et dans certaines zones frontalières. Même avec un PTZ, l'accession à la propriété dans le neuf demeure difficile pour les classes moyennes.

Nous partageons votre diagnostic. Certaines collectivités imposent aux promoteurs de consacrer une partie de leurs programmes à des logements en accession à prix maîtrisé ou abordable. Vous le savez, les logements PSLA (prêt social location-accession) entrent dans les quotas de la loi SRU. Il s'agit, certes, d'accession sociale, mais bien d'accession à la propriété.

Nous avons agi, nous agissons et nous continuerons à agir ensemble pour faciliter l'accession à la propriété, malgré les contraintes que vous avez évoquées et que nous subissons.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, vous retombez toujours dans le même travers : je vous interroge sur vos orientations politiques et vous me donnez une réponse technique.

De quelle "France des propriétaires" voulez-vous ? Un pays où le taux de propriétaires sera dans dix ans de 70% ou de 80% ? Nous n'avons pas de réponse à cette question, et nous ne sommes toujours pas rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est peu dire que le logement connaît une crise extrêmement grave, historique ; elle résulte du fiasco de l'action du Gouvernement depuis six ans. On constate cette année une baisse de 30% de la construction de logements neufs, et le chiffre de 90 000 nouveaux logements sociaux ne sera probablement pas dépassé, contre 125 000 voilà six ans.

Sur ce dossier, vous faites de l'argent – 10 milliards d'euros sur Action Logement – et vous tenez des discours. Malheureusement, même le ministre concerné ne considère pas qu'il s'agit d'un débat essentiel.

Vous en appelez à la responsabilité des élus locaux ; il y a des élus locaux qui font le boulot…

Mme Sophie Primas. Beaucoup !

M. Yannick Jadot. … et qui le font bien. Je pense notamment à l'initiative, que vous avez mentionnée, du bail réel solidaire. La ville de Lyon, par exemple (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), planifie 1 000 BRS par an.

Quelle mesure envisagez-vous de prendre pour que la Banque des Territoires, outil majeur en faveur de ce type de dispositifs, massifie et mobilise beaucoup plus de financements en vue de favoriser les investissements des offices de foncier solidaire (OFS) et de faire de l'accession à la semi-propriété une réussite ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jadot, à votre prise de parole politique, j'apporterai une réponse non pas politique, mais la plus précise possible.

Encore une fois, vous posez un diagnostic et vous accusez le Gouvernement. Or les propositions que vous avez formulées en conclusion de votre propos sont déjà mises en œuvre !

Vous avez évoqué le BRS. Ce dispositif qui nous est si cher et dont vous vantez les mérites, c'est ce gouvernement qui l'a fait voter et qui le porte depuis 2017… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Non, c'est un gouvernement socialiste, en 2015 !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je fais partie de ceux qui considèrent que le BRS est très utile dans les zones tendues, où le prix du mètre carré est très élevé.

Vous souhaitez aussi que la Banque des Territoires intervienne beaucoup plus massivement. Or celle-ci est actionnaire de tous les OFS ! Elle joue donc pleinement son rôle.

Il est un point sur lequel nous pourrions diverger, et c'est l'ancienne élue locale qui vous parle : peut-être attendez-vous de l'État qu'il dicte aux collectivités locales la façon de mettre en œuvre tel ou tel dispositif… Or, dans le cadre de la libre administration des collectivités, celles-ci sont teintées des politiques publiques qu'elles portent.

Nous sommes là pour poser un diagnostic, comme vous, et pour trouver des outils permettant d'accélérer l'accession – sociale ou classique – à la propriété, qui fait partie de notre socle ; nous y travaillons assidûment.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour la réplique.

M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous prétendez apporter une réponse technique. Or je ne vous ai pas entendu expliquer comment la Banque des Territoires serait abondée pour que soit atteint le chiffre de 40 000 BRS, soit la contribution de ce dispositif à la construction de nouveaux logements.

En cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, je rappelle que plusieurs villes ont introduit un recours contre l'État, parce que celui-ci ne remplit pas ses obligations en termes d'accueil d'urgence. Les 330 000 sans-abri qui vivent dans notre pays sont très loin de l'accession à la propriété ! Ils dépendent de la solidarité nationale et des efforts consentis par le Gouvernement.

M. le président. Il faut conclure !

M. Yannick Jadot. Paris, Grenoble, Lyon, Bordeaux et Rennes (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) demandent que le Gouvernement fasse son travail ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les offices de foncier solidaire sont portés par les collectivités, à leur initiative. La participation de la Caisse des dépôts et consignations n'est pas limitée ! Vous avez dit qu'il nous faudrait abonder massivement la Banque des Territoires ; c'est le cas, via la Caisse des dépôts…

Nous sommes totalement convaincus de l'efficacité de la Banque des Territoires dans le domaine du logement, au travers d'outils réglementaires existants qui nous paraissent pertinents, à condition que les collectivités s'en saisissent.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. À l'occasion de cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, j'aurais aimé obtenir une réponse sur le sujet, qui concerne 330 000 de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a en effet un grave problème de logement en France, et je me réjouis que nous ouvrions la session parlementaire avec ce sujet. Et pour cause : 2,4 millions de personnes sont en attente d'un logement social ; 4 millions souffrent du mal-logement ; 330 000 sont sans domicile fixe.

En théorie, faciliter l'accès à la propriété, c'est permettre à celles et ceux qui le peuvent de libérer des logements en location et à de nouveaux locataires de libérer, parfois, des places d'hébergement.

C'est ainsi qu'est pensé le parcours résidentiel, mais en théorie seulement. Quand bien même il n'y aurait pas de taux d'intérêt exorbitants, multipliés par 3,5 en un an et demi, quand bien même il y aurait assez de constructions – il en faut près de 200 000 par an dans le secteur social et autant dans le privé –, l'accès à la propriété resterait pour beaucoup un rêve lointain.

Les causes des difficultés d'accès à la propriété sont multiples.

Il y a d'abord les bas salaires, bien sûr. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir terminer le mois. Comment voulez-vous qu'ils épargnent ou investissent ?

Vient ensuite le prix du foncier, notamment dans les métropoles, mais pas seulement – en tant que sénatrice de Seine-et-Marne, je le mesure particulièrement –, qui est le premier facteur responsable du coût exorbitant des logements.

Des solutions existent, comme le bail réel solidaire, pour réduire le coût du foncier dans les acquisitions. Mais il y a aussi un enjeu de lutte contre la spéculation. Sinon, les inégalités se creusent. L'héritage d'un patrimoine est aujourd'hui le meilleur moyen de devenir propriétaire… sans compter les multipropriétaires qui accaparent les logements disponibles pour se constituer une rente, renforçant ainsi la dynamique inégalitaire à l'œuvre.

Ma question est donc simple : madame la ministre, êtes-vous prête à prendre en main ce sujet en agissant contre la spéculation immobilière et en ouvrant plus largement l'accès à la propriété, qui contribue au respect du droit au logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Margaté, je partage vos propos sur le parcours résidentiel, absolument nécessaire, ainsi que sur la pénurie et la crise du logement.

Je rappellerai simplement les actions que nous conduisons à cet égard, au moyen d'outils que vous connaissez. Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) ainsi que les établissements publics fonciers d'État (EPFE) permettent ainsi aux collectivités ou à l'État de maîtriser le foncier, de lutter contre l'inflation de son prix et d'accompagner les primo-accédants vers l'accession, sociale ou non. Nous partageons donc votre constat.

Encore une fois, nous voulons absolument que les Français accèdent à la propriété.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (M. Éric Gold applaudit.)

Mme Annick Girardin. Madame la ministre, la pénurie de logements est la "bombe sociale" des années à venir. Les blocages sont connus de tous sur ces travées : pas assez de logements sociaux à louer ; pas assez de logements locatifs privés à louer ; une accession à la propriété gravement en panne du fait d'un prix de l'immobilier qui a flambé et de taux d'intérêt qui montent.

Pourtant, l'habitat, comme le travail, participe – nous en sommes tous d'accord – de la dignité et de l'émancipation des individus. Pour cette raison, nous, sénateurs du groupe RDSE, croyons que le plein logement est une priorité, au même titre que le plein emploi !

Avec le droit au logement, nous sommes attachés précisément au droit à la propriété. N'est-ce pas grâce à l'alliance des travailleurs et des petits propriétaires urbains ruraux et ultramarins qu'a pu émerger une République sociale au cours des deux derniers siècles ?

Comment répondre à la demande d'accession à la propriété, socle de notre société française, face à la crise actuelle du pouvoir d'achat ?

Des solutions existent : le prêt social location-accession, créé en 2004 et étendu en 2020 ; le bail réel solidaire, créé en 2016 ; l'aide à l'accession sociale et à la sortie de l'insalubrité spécifique à l'outre-mer, créée en 2019. Pourtant, force est de constater que la situation ne s'améliore pas et qu'il est très compliqué, pour la plupart de nos concitoyens, d'accéder à la propriété.

Certes, le Gouvernement vient de décider de relever les plafonds des revenus des ménages éligibles et de maintenir le prêt à taux zéro pour ce type d'acquisition. Mais les chiffres sont loin d'être suffisants : 14 000 contrats de location-accession dans le neuf ; 12 000 ventes dans le parc existant, avec des garanties qui ne sont pas toujours satisfaisantes en termes de qualité des logements. À moyen terme et à long terme, des questions se posent.

Le BRS présente des garanties, grâce aux offices de foncier solidaire. Comment comptez-vous faciliter son déploiement, massif et urgent, dans l'ensemble de notre pays, tant dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Girardin, vous soutenez le droit au logement et le droit à la propriété, et vous indiquez que les solutions existantes ne sont pas suffisamment efficaces du fait de la crise du logement.

J'ajouterai aux propos que j'ai déjà tenus que le mouvement HLM réalise chaque année 14 000 logements en accession sociale. Nous continuons à soutenir ces dispositifs ouverts au PTZ, partout en France.

Au sein de cette offre, le bail réel solidaire connaît un engouement réel, mais insuffisant ; vous avez raison. Ce dispositif est satisfaisant, mais il faut laisser le temps aux collectivités locales de se l'approprier. Plus de cent OFS agréés existent aujourd'hui. Certaines collectivités imposent d'ailleurs aux promoteurs de prévoir un quota de projets de logements en BRS.

Nous allons soutenir le développement de ce produit abordable et non spéculatif en augmentant les plafonds de ressources du dispositif – vous l'avez dit – et en lançant un plan de déploiement du BRS.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les crises et les défis s'accumulent dans la période que nous vivons, force est de constater que le secteur du logement n'y échappe pas : le marché de l'accession à la propriété est en déclin, pour le neuf comme pour l'existant.

Pourtant, accéder à la propriété doit demeurer une liberté, une possibilité pour les Français. Face à un constat aussi alarmant, profitons de ce débat pour parler des solutions. J'en vois deux : d'une part, le prêt à taux zéro ; d'autre part, le bail réel solidaire. Ces deux outils sont appelés à être modifiés, comme l'a récemment annoncé dans la presse le ministre chargé du logement.

Le prêt à taux zéro, tout d'abord, est destiné à l'achat d'un logement neuf ou d'un logement à réhabiliter, sans frais de dossier, et les intérêts sont à la charge de l'État. Dans quelle mesure les conditions d'accès à ce prêt seront-elles modifiées, et dans quelles communes ?

Il convient de reconnaître, ensuite, l'importance du bail réel solidaire, un dispositif créé en 2015 qui permet à des ménages modestes de devenir propriétaires d'un logement neuf situé en zone tendue, et ce à un prix réduit, obtenu en dissociant le bâti du terrain. Mais il faut aller encore plus loin. Madame la ministre, comment accompagner les communes qui veulent développer le BRS ?

D'autres solutions pourraient-elles être envisagées pour faciliter l'accession à la propriété des Français, alors que la crise du logement est bel et bien amorcée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous évoquez deux sujets dont nous avons largement parlé : le PTZ et le BRS.

Je veux vous donner quelques chiffres, qui auraient pu répondre aux attentes du sénateur Jadot. Notre objectif est d'atteindre 40 000 PTZ en 2024, avec une répartition sur l'ensemble des tranches de revenus et la création d'une tranche supplémentaire de revenus.

L'élargissement de l'accès au PTZ est la conséquence de l'arrêté flash relatif au zonage, qui a permis de classer 154 communes en zone tendue et de faire passer 55 communes de la zone B1 à la zone A. Les ménages de ces communes, qui regroupent près de 5 millions d'habitants, bénéficieront donc en 2024 d'un accès au PTZ amélioré pour des opérations neuves.

Pour ce qui concerne le BRS, vous m'avez interrogée sur l'accompagnement des collectivités locales.

Je l'ai indiqué, nombre de collectivités ont commencé à prévoir des quotas de BRS dans leurs programmes de logements neufs. Il existe près de 150 organismes de foncier solidaire, et les services déconcentrés de l'État sont déjà au travail pour promouvoir ces outils. Les associations régionales de bailleurs sociaux se tiennent à la disposition des élus pour leur expliquer comment monter une opération de bail réel solidaire.

Même si de nombreuses collectivités se saisissent déjà de ces outils, le Gouvernement envisage de lancer un véritable plan pour le développement du BRS dans les prochains mois, tout en respectant le libre arbitre des collectivités locales.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accession à la propriété est particulièrement complexe dans les zones touristiques, ainsi que dans les zones où le prix du foncier a explosé ces dernières années. Les jeunes ménages, mais pas seulement eux, n'ont plus les moyens de se loger dans leur région d'origine ou près de leur lieu de travail.

Je souhaite vous interroger, moi aussi, madame la ministre, sur le bail réel solidaire, créé en 2015, et non pas en 2018, comme vous l'avez dit.

Ce dispositif d'accession à la propriété qui permet aux ménages modestes de devenir propriétaires d'un logement neuf situé en zone tendue, à un prix abordable, a plusieurs avantages.

Tout d'abord, en dissociant le foncier du bâti, l'acheteur n'acquiert que le logement et loue son terrain à un organisme de foncier solidaire, ce qui lui fait réaliser entre 20% et 40% d'économies, selon le secteur géographique.

Ensuite, le bien acheté ne peut être utilisé qu'en résidence principale et ne peut pas changer de destination. Cela évite la stagnation des biens en résidence secondaire, alors que l'offre de logements est sous tension.

Il y a cependant un point négatif : le financement de ce dispositif ne concerne que les zones tendues. Certes, le décret du 26 août dernier, en révisant leur zonage, a permis de compléter la liste des communes. Mais, dans mon département des Hautes-Pyrénées, cela ne représente que 27 communes sur 469. Certaines, qui sont légitimement concernées par la pénurie de logements, ne peuvent donc pas prétendre au financement de la Banque des Territoires.

Ma question est simple : est-il envisagé d'étendre le financement de ce dispositif au-delà des zones tendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Artigalas, vous soulignez le fait que l'acquisition d'un bien en BRS permet de faire des économies à hauteur de 20% à 40%. C'est tout à fait juste. L'énorme avantage de ce dispositif est qu'il permet d'acquérir une résidence principale.

Vous avez aussi évoqué un point négatif : le financement. Or ce problème est constant, et non pas lié au BRS. Échangeons, travaillons, partageons : le sujet donnera lieu à des amendements lors de l'examen du projet de loi de finances.

Il est exact que, dans les Hautes-Pyrénées, peu de communes sont considérées comme relevant d'une zone tendue et que de nombreuses communes ne peuvent accéder à ces financements. Pour autant, nous avons fait le choix d'élargir la base d'application du dispositif. Je ne pense pas qu'il soit pertinent, alors que nous venons de conduire des évolutions significatives, de prévoir de nouveaux changements.

Cependant, le dialogue est toujours ouvert, et mon collègue Patrice Vergriete ne manquera pas de prendre contact avec vous pour discuter de votre demande.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Les critères des zones tendues sont trop restrictifs face à la crise actuelle du logement. La tension dans le secteur du logement s'observe partout, notamment dans les communes touristiques et dans celles situées en périphérie de ces zones.

L'extension du BRS permettrait à un nombre plus important de ménages d'accéder à la propriété. Il existe un réel problème de logement dans notre pays : 2,42 millions de ménages sont en attente d'un logement social, dont 1,63 million pour une première attribution. Ce chiffre n'a jamais été aussi élevé. Il faut aussi relancer la production de logements sociaux. C'est très important !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. En zone touristique tendue, l'accession sociale à la propriété, plus particulièrement par le biais des baux réels et solidaires, est une réponse que beaucoup de municipalités souhaitent choisir. Elles y voient en effet l'occasion de rétablir de réels parcours résidentiels et ainsi de favoriser le logement des jeunes et leur accession à la propriété.

Or le développement exponentiel des résidences secondaires auquel nous assistons ces dernières années rend très difficile la maîtrise du foncier par les bailleurs sociaux ou les collectivités locales. Celles-ci assistent ainsi, impuissantes, à une importante raréfaction de leur foncier, qui se répercute directement sur l'accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages.

La cause principale de cette flambée du nombre de résidences secondaires est connue : la rentabilité. En effet, si le coût d'achat peut paraître important, il est très rapidement amorti par le recours aux locations saisonnières, grâce à l'entremise des plateformes numériques, bien plus rapidement qu'en ayant recours à la location à l'année, qui s'effondre, ou à la construction d'un réel parcours résidentiel, dont l'accession sociale à la propriété est un élément majeur.

Dans ces conditions, le Gouvernement trouve-t-il encore judicieux de maintenir les abattements fiscaux, pouvant aller jusqu'à 71%, qui s'appliquent à la location de meublés touristiques ? Ne faudrait-il pas au contraire les supprimer, notamment pour les multipropriétaires ?

Ne faudrait-il pas aussi assujettir à la TVA le produit de ces locations saisonnières à partir d'un certain seuil ?

Enfin, ne faudrait-il pas permettre aux communes de bénéficier, au-delà de la majoration autorisée en zone tendue, de la décorrélation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) par rapport à la taxe foncière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Brisson, vous soulignez l'absolue nécessité d'agir pour que nos jeunes puissent accéder à la propriété plus facilement. Je souscris à vos propos.

Mme la sénatrice Artigalas me demandait pourquoi nous cantonnons l'accès du PTZ aux zones tendues ; nous le faisons parce que le prix du foncier y est de deux à trois fois plus élevé ! (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)

Nous voulons rendre l'accession à la propriété plus abordable. Là où elle l'est déjà, en effet, le dispositif du PTZ ne s'applique pas.

Monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux une révision de la fiscalité applicable aux résidences secondaires, et vous avez raison de le faire. Ce travail, en cours depuis plusieurs mois, a notamment fait l'objet de la réunion du groupe de travail que j'ai déjà évoquée. Avec Patrice Vergriete, Christophe Béchu et les services de Bercy, nous étudions une modification de cette fiscalité, qui pourra être proposée par voie d'amendement à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

Vous jugez que ces abattements fiscaux sont élevés ; ils peuvent atteindre 71% pour les meublés et les non meublés de tourisme classés. Pour autant, il convient d'encourager les propriétaires à être exemplaires en termes de préservation de l'environnement et de rénovation thermique…

Je réponds favorablement à votre demande : il faut mener un travail sur la fiscalité des trois catégories de logements suivantes : meublés et non meublés de tourisme classés, et logements nus.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Madame la ministre, vous nous dites que vous êtes en phase avec nos propositions et que nous avons raison…

Le Sénat a voté l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de finances, trois amendements visant à apporter des réponses aux problèmes que j'ai évoqués. À l'époque, le ministre des comptes publics avait reconnu l'intérêt de telles propositions. Mais celles-ci ont disparu du texte adopté à l'Assemblée nationale à la suite du recours à l'article 49.3. Vos paroles ne sont pas en conformité avec vos actes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Guislain Cambier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne saurait aborder la question du logement sans traiter la question foncière. Sans foncier, il n'est tout simplement pas possible de réaliser de nouvelles constructions et donc d'accéder à la propriété en France.

Le foncier est devenu une denrée rare et prisée. Sa raréfaction doit nous inciter à penser autrement notre politique d'accession à la propriété et au logement.

Quelles sont nos options ?

Premièrement, investir massivement dans la rénovation énergétique : en 2022, ce sont ainsi plus de 660 000 dossiers qui ont été transmis à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Mais nous ne sommes pas à la hauteur du défi pour l'instant. En effet, seuls 10% de ces dossiers concernent des rénovations globales.

Les ambitions annoncées par le Président de la République lors du Conseil de planification écologique sont, certes, encourageantes, mais nous attendons des actes.

Deuxièmement, bâtir autrement : là encore, nous ne répondons pas "présent". Nous sommes en plein milieu d'une crise du logement neuf d'une ampleur inédite et alarmante. Le nombre de logements neufs mis en vente a ainsi chuté de près de 30% entre 2022 et 2023.

Enfin, nous devons mobiliser tous les leviers disponibles pour lutter contre l'explosion actuelle du prix du foncier. Les Français les plus modestes doivent pouvoir accéder à la propriété, comme les plus fortunés. C'est un enjeu majeur de justice sociale pour notre pays.

Madame la ministre, par-delà les mesures ponctuelles et fragmentées, comment allez-vous rendre de nouveau le foncier accessible à tous ? Allons-nous enfin bâtir une politique d'accession à la propriété digne de notre pays et de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cambier, vous souhaitez que nous investissions massivement dans la rénovation des logements. Mais nous avons consacré pas moins de 5 milliards d'euros à la rénovation du parc existant !

Vous voudriez aussi que notre politique soit plus lisible et plus claire. Peut-être vous ai-je mal compris, mais tous les dispositifs que vous appelez de vos vœux existent ; il s'agit des outils que nous avons longuement évoqués : BRS, PTZ, Banque des Territoires via les offices de foncier solidaire. Et les établissements publics fonciers (EPF) aideront les collectivités à maîtriser leur foncier et à éviter l'inflation du prix du mètre carré…

Les outils sont donc là, lisibles et clairs ! Il faut investir pour encourager, à la fois, la construction de logements neufs et la rénovation, car les deux vont de pair, et le logement libre comme le logement social.

Le diagnostic est posé, et les solutions sont là. Elles ne sont pas parfaites, il faut les ajuster ; mais, face aux crises que l'on rencontre, on peut imaginer et inventer…

Vous dites qu'il faut faire autrement. Pour ma part, j'incite toujours à agir différemment, à inventer de nouveaux dispositifs. Je vous invite à exposer ceux que vous proposez de façon concise.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Nous avons besoin d'une vision d'ensemble, globale et à long terme, d'une véritable politique, afin de tenir un discours clair aux collectivités et aux Français. Or, à chaque fois, les réponses que l'on nous apporte sont techniques, partielles et fragmentées. Il n'y a pas de vision globale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Cambier, je vous remercie de votre précision. Je n'avais pas repris vos choix sémantiques ; vous considérez nos réponses comme "fragmentées" et insuffisamment politiques. S'il fallait valoriser un ou deux des outils qui ont été évoqués aujourd'hui au détriment de tous les autres, nous apparaîtrions, me semble-t-il, dogmatiques, défendant seulement une politique ciblée sur le logement social ou sur le logement libre. Au contraire, notre objectif est bien de conduire des politiques en faveur du logement neuf, de la rénovation énergétique au service des primo-accédants sociaux et des acquisitions permettant une accession à la propriété libre.

Notre politique vous paraît fragmentée du fait que nos outils sont adaptés à celles qui sont conduites par les acteurs du logement que sont nos collectivités locales. Elle ne nous semble ni dogmatique ni fragmentée ; elle n'est pas d'un seul bloc au service d'une seule cause. Elle sert toutes les formes de logements.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.

M. Guislain Cambier. Il faut savoir lire les chiffres et regarder les réalités en face : nous sommes confrontés à une véritable crise du logement. Nous pouvons tous nous mettre d'accord sur ce constat. Il est impossible de considérer que les réponses ont chaque fois été adaptées à l'enjeu, sans quoi cette crise serait terminée ! Or cette dernière s'accroît d'année en année, avec une acuité particulière à l'heure actuelle, preuve que les réponses demeurent trop ponctuelles pour pouvoir débloquer la situation.

Précédemment, madame la ministre, nous vous interpellions au travers d'une question de ma collègue Gacquerre sur l'ambition d'une France de propriétaires. Comment comptez-vous vous y prendre ? Avec quelle vision à long terme ? Nous avons besoin de savoir où le Gouvernement place le curseur… (Mme Amel Gacquerre acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.

M. Denis Bouad. Madame la ministre, j'ai connu une époque où la notion de "parcours résidentiel" avait un sens et offrait une perspective à la jeunesse du pays. Jeunes travailleurs, nous prenions notre indépendance en intégrant le parc locatif, qu'il soit social ou privé. Par la suite, en fonction de l'évolution de notre situation familiale et professionnelle, il était possible de déménager pour un logement plus grand et, dans certains cas, d'envisager une accession à la propriété.

À présent, cette simple idée de parcours résidentiel est beaucoup moins évidente. De trop nombreuses entrées dans le parc social sont définitives : on y entre et on y reste !

De la même manière, je connais dans mon département certaines communes dans lesquelles les jeunes qui grandissent, qui aimeraient vivre et travailler dans leur propre territoire ne peuvent même pas envisager d'y accéder à la propriété, du fait de prix trop élevés.

En quarante ans, le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux ! À terme, des questions pourraient se poser sur la mémoire et l'identité de nos villages, avec également des inquiétudes en matière d'effectifs scolaires dans certains territoires.

Face à un tel phénomène, nous devons apporter des réponses adaptées. Bien entendu, il nous faut maintenir et développer les outils d'accession sociale à la propriété : le prêt à taux zéro, qui a démontré son efficacité quand il est bien calibré ; le bail réel solidaire, mentionné par ma collègue Viviane Artigalas ; la vente de logements sociaux, qui peut également permettre aux bailleurs de financer des opérations nouvelles ; la TVA réduite sous certaines conditions ; le prêt social location-accession…

Tous ces dispositifs ont leur utilité, mais nous devons aussi regarder les chiffres. En vingt ans, les prix de l'immobilier ont été multipliés par près de 2,5, alors que les coûts de construction n'ont progressé que de 50 %. Il existe donc un enjeu de spéculation foncière, ce qui représente un frein à l'accession sociale à la propriété.

Aussi, madame la ministre, quelles mesures structurantes comptez-vous mettre en œuvre afin de contrer la spéculation foncière et ainsi de favoriser l'accession à la propriété et le parcours résidentiel des jeunes ménages ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, sans répéter l'ensemble des précédents propos, je profiterai de l'occasion pour essayer de synthétiser la position du Gouvernement et de la rendre, pour ainsi dire, plus lisible.

Nous sommes vous et moi en phase sur la lutte contre la spéculation là où elle se trouve. Le Gouvernement estime que les outils mis en place aideront à aller en ce sens, y compris dans nos villages. J'y suis extrêmement attentive. Si d'autres outils sont à élaborer pour atteindre cet objectif, nous sommes prêts à travailler avec vous.

Je tiens à souligner que 70 000 crédits sont encore accordés chaque mois, dont 30% pour des primo-accédants, 30% pour des résidences principales dans le cadre de déménagements pour accession et 20% pour des investisseurs locatifs.

Le PTZ sera maintenu tant dans les zones tendues pour les logements neufs, dispositif en outre élargi à de nouveaux ménages, que dans les zones détendues pour les logements anciens. Il s'inscrit dans le cadre de la lutte que je mène avec France Ruralité contre les logements vacants dans nos territoires. Le PTZ sera donc bien utilisable pour rénover les cœurs de village et les maisons anciennes.

En parallèle, nous souhaitons accélérer la rénovation énergétique des logements en accompagnant mieux les propriétaires. Notre ambition est de continuer à tenir la trajectoire en la matière en offrant une solution pour chaque propriétaire. Notre projet de loi de finances pour l'année 2024 prévoit ainsi un budget renforcé pour MaPrimeRénov' (MPR) et la possibilité pour les opérateurs de logement intermédiaire d'acquérir du bâti ancien pour le rénover et le mettre en location à des loyers abordables pour les classes moyennes.

En y ajoutant ceux que je citais précédemment, les outils sont donc multiples, afin de tenir compte à la fois de l'urgence écologique, à laquelle je connais votre attachement, et de l'urgence sociale, dans un contexte de crise du logement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, vous appartenez à un gouvernement qui n'a eu de cesse depuis quelques années de tuer l'accession à la propriété, en particulier à la campagne.

Premièrement, dans toutes les communes de campagne qui ont pu développer le gaz naturel, il a fallu détruire les routes et les trottoirs pour permettre ainsi de se chauffer plus facilement, avec un coût de chaudière moins élevé, et de favoriser dès lors l'accès à la propriété. Or vous avez interdit en 2022 les chaudières à gaz dans toutes les constructions neuves : les communes qui ont investi se sentent totalement dépourvues.

Deuxièmement, en matière d'écologie, vous n'avez eu de cesse d'augmenter le nombre de normes pesant sur les lotissements construits à la campagne. J'en veux pour preuve la commune de Saint-Paulien : sur trente-cinq lots, obligation a été faite d'en laisser un pour les grenouilles !

Troisièmement, votre gouvernement, au travers du "quoi qu'il en coûte", a entraîné l'inflation du coût des matériaux. Dès lors, l'accession à la propriété par la construction devient de plus en plus difficile.

Quatrièmement, le ministre de l'économie nous expliquait qu'emprunter à taux d'intérêt négatif revenait à gagner de l'argent. Avec l'augmentation actuelle, cette époque est terminée ! À 5 %, non seulement les gains n'existent pas, mais les jeunes, faute de moyens, ne construisent plus.

Cinquièmement, vous vous apprêtez à en rajouter une couche avec le dispositif zéro artificialisation nette. À partir de 2031, il faudra déconstruire pour construire… Seulement, ceux qui déconstruiront auront la possibilité d'exporter ce droit vers d'autres endroits en France. Autrement dit, le milieu rural sera dépouillé de ses droits à construire pour mieux les exporter !

Ma question est donc simple : ne pensez-vous pas que cette politique "bobo-écolo", plutôt parisienne, va totalement à l'encontre du développement de nos campagnes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Après avoir investi des milliards d'euros dans l'aménagement du territoire, vous faites le travail inverse : le déménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duplomb, je qualifierai cette prise de parole d'intervention à charge contre la politique du Gouvernement.

M. Laurent Duplomb. Nous faisons de la politique !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous sommes ici pour débattre, mais cette prise de parole étant à sens unique, j'ai du mal à me raccrocher à des remarques constructives. Il suffit de penser à votre exemple d'un lot sur trente-cinq réservé pour des grenouilles…

Le Gouvernement assume défendre une politique dans laquelle la planification et la transition écologiques sont transversales, placées au cœur de toutes nos actions publiques.

Pour revenir sur ce dont vous faites mention, le coût de construction depuis vingt ans n'a augmenté "que" de 50% : le chiffre est relativement modéré.

Si vous souhaitez vous livrer à un portrait à charge en nous accusant d'une politique "bobo-écolo", vous en avez le droit. À titre personnel, je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui a mis la transition écologique au coeur de son action, sans dogmatisme. Je suis donc très étonnée d'entendre parler d'un lot réservé aux grenouilles…

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Madame la ministre, j'attire votre attention sur la question de l'accession à la propriété pour les jeunes ménages primo-accédants, en particulier ceux qui résident en dehors des zones tendues.

Actuellement, le PTZ joue un rôle significatif dans une première accession à la propriété. Bien que le ministre Le Maire ait annoncé l'extension du prêt à taux zéro à 6 millions de personnes supplémentaires, je crains que ce dispositif ne soit pas en mesure d'apporter le soutien nécessaire aux primo-accédants, notamment dans les territoires ruraux. Il s'agit là d'un très mauvais signal.

En raison de la flambée des prix et des taux d'emprunt, ainsi que des difficultés immobilières que nous traversons, les jeunes ménages sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à accéder à la propriété. Ils sont déjà exclus d'office des zones tendues pour des raisons financières. Les forcer à se positionner là où la demande excède l'offre de logements disponibles ne me semble pas être une position tenable.

Vous semblez abandonner les zones "hors tension", à savoir, en grande partie, nos territoires ruraux, ce qui est dommage pour une ministre chargée de la ruralité… Pourtant, la situation y est particulièrement préoccupante. Nos villages constituent bien souvent les derniers endroits où les jeunes ont les capacités financières de s'installer. Or vous les excluez du champ du PTZ ! Cela favorise l'éviction des jeunes des villages, donc le non-renouvellement de la population et, par effet domino, la fermeture de classes, du fait des difficultés à accueillir les jeunes familles.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour soutenir les jeunes ménages souhaitant accéder à la propriété dans les zones "hors tension" et notamment dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. En effet, monsieur le sénateur Cardon, 6 millions de personnes supplémentaires pourront bénéficier du PTZ. Je suis étonnée par votre question : je pensais y avoir répondu. Je vous répète que le PTZ est ouvert aux accédants à la propriété pour des logements anciens en zone non tendue. Il est possible d'acquérir un tel bâti pour le rénover.

Connaissez-vous le nombre de logements vacants dans nos villages ? 800 000 ! Par conséquent, j'assume que le Gouvernement veuille privilégier dans des zones non tendues, où l'acquisition du foncier ne représente pas un coût aussi élevé qu'ailleurs, la rénovation dans l'ancien pour encourager l'acquisition de maisons. Pour un village dont le nombre d'habitants est compris entre 1 200 et 1 250, il y a en moyenne 100 à 200 logements vacants.

Plutôt que de construire des lotissements, nous assumons notre politique de sobriété foncière, à laquelle je suis sûre que vous souscrivez. Dans le même temps, nous employons les grands moyens pour permettre aux jeunes d'accéder à des logements anciens à rénover. Tout cela me semble cohérent. Il est possible de regretter que le logement neuf en ruralité ne soit pas accompagné par le PTZ, mais je pense en avoir expliqué les raisons.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Pour compléter mon propos, vous faites référence aux propos de M. Le Maire, qui annonçait le classement de 154 nouvelles communes en zone tendue. Dans ma circonscription de la Somme, sachez que nous comptons 772 communes… Or M. le ministre parlait pour la France ! Nous sommes donc très loin du compte. Cibler uniquement dans la ruralité les logements vacants est rabaissant, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Déficit naturel de foncier, pression touristique forte, obligations législatives et réglementaires spécifiques : la question de la pénurie de logements se pose avec une acuité particulière pour les territoires de montagne.

Face à ce cocktail explosif débouchant sur une élévation exponentielle des prix de l'immobilier, l'amélioration des conditions d'implantation de l'habitat permanent est devenue une priorité pour les communes supports de stations.

En effet, leurs maires, observateurs privilégiés de ce phénomène, n'ont toujours pas à leur disposition la boîte à outils adéquate pour prendre les mesures adaptées et nécessaires à leurs territoires, qui sont tous différents. À titre d'exemple, malgré un dernier arrêté en la matière, trop de stations de montagne subissent encore un zonage non pertinent au regard de leur situation et sont donc exclues des dispositifs qui pourraient concourir au maintien de leur population : PTZ, prêt social location-accession, bail réel solidaire.

C'est dans ce contexte que j'ai pris connaissance avec grand intérêt de l'interview du ministre chargé du logement samedi dernier dans Le Monde, dans laquelle il explicite un peu plus clairement la volonté présidentielle de décentralisation de la politique du logement, sachant que nos maires sont dans l'attente de cette liberté d'action.

Dans la droite ligne de cette nouvelle philosophie, et en lien avec une mesure annoncée au mois de juillet dernier, je vous interrogerai sur la nécessité d'adapter les outils d'urbanisme pour permettre aux communes supports de stations, au travers de leur plan local d'urbanisme (PLU), de favoriser le développement d'habitat permanent et l'accession à la propriété. Aussi, madame la ministre, seriez-vous favorable à la création au sein des PLU d'une sous-catégorie "habitat permanent" pour les communes touristiques ? À défaut, quels autres outils le Gouvernement pense-t-il proposer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Berthet, je vous confirme que nous conduisons des travaux depuis déjà quelques mois sur la décentralisation de la politique du logement. Toute proposition et tous travaux en la matière sont les bienvenus, qu'ils soient adressés aux ministres Christophe Béchu et Patrice Vergriete ou à moi-même. Depuis un mois, nos réflexions connaissent une avancée rapide, permettant d'y voir clair. L'idée est de pouvoir échanger avec vous.

Vous appelez de vos vœux une adaptation des règles d'urbanisme dans les stations de montagne, en zones tendues. Je vous répondrai favorablement : cette question est au cœur de nos préoccupations. Dans le cadre du groupe de travail que je mentionnais, nous avons ouvert une réflexion sur l'absolue nécessité d'adapter nos règlements d'urbanisme à ces territoires.

Je vous confirme que nous travaillons à encourager l'investissement dans ces zones tendues en mettant davantage en adéquation la fiscalité avec les politiques publiques sur lesquelles nous nous retrouvons.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Je vous remercie, madame la ministre. Le groupe de travail, c'est très bien ; encore faut-il que cela soit suivi d'applications concrètes. Pour l'instant, tout va à l'inverse de ce que nous souhaitons : nos jeunes qui ne peuvent pas rester habiter sur place doivent de plus en plus se déplacer.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons commencé depuis seulement deux mois.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Face aux défis qui se présentent à nous, l'immense majorité des maires s'investissent pour se conformer aux différents objectifs imposés en matière de logements sociaux et d'accession sociale à la propriété, en dépit des difficultés budgétaires croissantes, des recours juridiques nombreux et des injonctions parfois contradictoires de l'État.

Alors que la crise du logement que nous vivons devrait fédérer les énergies et récompenser les efforts réalisés, force est de constater que l'attitude de l'État est parfois très décourageante, voire stigmatisante pour les élus, malgré leurs efforts. Ainsi, au mois de mars dernier, un décret est venu relever le seuil de tension sur la demande de logements sociaux mesurée à l'échelle des territoires concernés par la loi SRU, amenant certaines communes à passer de 20% à 25% de production d'un tel bâti et entraînant mathématiquement et immédiatement un doublement de la pénalité SRU payable sans délai.

Pour les maires de ces communes, cette pénalité constitue une sanction insupportable à plusieurs titres.

Financièrement d'abord, car elle intervient de manière rétroactive dans un contexte particulièrement délicat pour les collectivités locales, compte tenu de l'explosion de leurs charges de fonctionnement et de la chute d'une partie de leurs recettes.

Juridiquement ensuite, car cette pénalité vient comme un couperet sanctionner, sans aucun délai ni préavis, la non-atteinte d'un objectif qui ne s'imposait pas jusqu'alors aux communes, ce qui est particulièrement discutable.

Humainement enfin, car il s'agit de sanctionner des élus qui, pour l'immense majorité, sont très actifs pour tenter de résorber le retard de production de logements sociaux et ne voient pas leurs efforts récompensés, bien au contraire, qui plus est dans des départements confrontés à la rareté et à la cherté du foncier.

Aussi, dans un contexte où la France pourrait manquer de 850 000 logements en 2030, l'État entend-il enfin instaurer une véritable politique partenariale et incitative à destination des élus œuvrant activement en faveur du logement social, en location ou en accession à la propriété ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, nous entendons bel et bien conduire une politique partenariale avec les collectivités locales. De fait, la loi SRU a permis de dynamiser la production de logements sociaux, dont plus de la moitié sont situés dans des communes déficitaires, mais aussi de renforcer l'investissement de ces territoires dans le logement social au travers des prélèvements imposés.

Le taux de logements sociaux dans une municipalité a été ramené ces dernières années de 25% à 20% ; nous revenons désormais à l'objectif de 25% du fait de la tension.

Nous sommes aussi attachés à une application de la loi en lien étroit avec les territoires, d'où ce terme de "partenariat" que vous avez évoqué et auquel je souscris. C'est le sens des contrats de mixité sociale (CMS), créés par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS. Ils permettent d'adapter les objectifs et, surtout, de recenser tous les leviers de production de logement.

Aujourd'hui, les logements en accession sociale sont comptabilisés dans la loi SRU.

Mme Sophie Primas. Grâce à nous !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les BRS sont pris en compte dans le calcul du déficit. Une commune peut donc à la fois respecter ses obligations SRU et produire un nombre important de logements en accession sociale.

L'accession sociale sera soutenue dans tous les territoires, tendus et détendus, de manière différenciée.

Pour favoriser l'accession sociale, le PTZ sera maintenu ; pour le BRS, le PSLA, la vente HLM et l'accession en zone Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), les plafonds de ressources des ménages éligibles seront étendus dans les prochaines semaines par voie réglementaire. Ainsi, de nombreuses familles en bénéficieront.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, en dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants. Le logement figure au premier rang des motifs de cette saignée. L'accession à la propriété constitue un horizon inatteignable pour l'immense majorité. Les jeunes nés à Paris savent qu'ils ne pourront pas vivre chez eux, dans leur ville, quel que soit leur parcours professionnel.

Qu'une ville rejette ses propres enfants est cruel et, surtout, de très mauvais augure pour l'avenir. Elle doit savoir attirer et conserver sa jeunesse, ses talents, toutes celles et tous ceux qui étudieront, travailleront et créeront.

Tel est également le cas des enseignants, soignants, artisans, policiers : tous se trouvent relégués hors de Paris, avec un accès limité au marché locatif et aucune perspective de devenir propriétaire.

M. Ian Brossat. Par manque de logement social !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour beaucoup, être locataire est bien sûr un choix, mais les inégalités de patrimoine et donc de revenu au moment de la retraite entre propriétaires et locataires sont terribles.

Face à cela, le projet, ou plutôt le choix de société de Mme Hidalgo est de compter 40% de logements sociaux à Paris, en préemptant à tout-va, de sorte que le marché est de plus en plus étroit entre la spéculation foncière et les achats de riches non-résidents étrangers. Cette situation diminue d'autant l'étendue du marché locatif, car, sans accession à la propriété, il n'y a pas non plus assez de logements à louer. (M. Ian Brossat proteste.)

Sans doute pour amuser la galerie, la mairie de Paris invoque alors le bail réel solidaire. Cette technique, qui a du sens dans les communes disposant de foncier, est de la poudre aux yeux et une injustice supplémentaire à Pari, où il y a à peu près autant de chance de se voir attribuer un logement en BRS que de gagner au loto !

Madame la ministre, comment comptez-vous favoriser une réelle accession à la propriété à Paris et dans les autres grandes villes de France ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Carrère-Gée, vous avez cité un certain nombre de nos fonctionnaires auxquels nous sommes très attachés, qui ont du mal à se loger compte tenu du prix au mètre carré dans Paris ; j'ajouterai à cette liste les pompiers.

Vous évoquiez la politique de logement de la maire de Paris. Je ne suis pas habilitée à porter un jugement.

M. Ian Brossat. Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un tel champ relève de la politique locale de l'habitat. Je partage toutefois votre constat : je me réjouis que la maire ait adopté le système du BRS récemment.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pas suffisamment !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je ne sais pas…

M. Ian Brossat. Nous avons été les premiers !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comment favoriser, me demandez-vous, l'accession à la propriété ? Je n'ajouterai rien au sujet des zones tendues, parce que s'exacerbe à Paris ce qui s'exacerbe à Lyon, à Bordeaux, à Lille ou à Marseille. Nous avons des outils destinés à la mise en œuvre d'une politique de l'habitat permettant l'accession sociale et l'accession libre à la propriété. Je n'ai pas de réponse spécifique à vous apporter à ce jour concernant Paris.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, puisque cela ne relève pas de votre portefeuille ministériel, ce n'est pas vous faire offense que de constater que les multiples mesures que vous avez égrenées ne me paraissent pas à la hauteur d'une crise qui frappe tout le monde, des zones de montagne à Paris, comme nous l'avons relevé au travers de nos interventions.

Il faudrait des actions spécifiques au travers d'une véritable politique : des objectifs, une stratégie et des moyens. Nous voyons votre boîte à outils – cela nous rappelle celle d'un Président de la République, M. Hollande, face au chômage –, mais pas votre politique !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour insister sur un point dont nous avons largement débattu, l'augmentation du plafond de ressources permet à un plus grand nombre d'accéder aux prêts. Nous espérons que ce sera suffisant. Toute proposition est bonne à prendre. Je vous ai entendue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, depuis une vingtaine d'années, l'accession à la propriété est problématique, car il existe un décalage croissant entre le souhait des Français d'être propriétaire et la difficulté à le devenir.

Ainsi, en 2023, les propriétaires représentent seulement 58% des ménages, alors que l'accession à la propriété est un objectif principal pour les Français. Par exemple, parmi les 18-30 ans, 80% des non-propriétaires souhaitent le devenir, selon un sondage Ifop de 2022. Cette situation est un enjeu de société tant l'accession à la propriété est facteur de promotion et d'intégration sociales.

Dans ce débat, à l'instar de mes collègues, j'attirerai surtout votre attention, madame la ministre, sur l'enjeu majeur de l'accession à la propriété dans les territoires ruraux à la suite des choix du Gouvernement relatifs à la politique du zéro artificialisation nette. Le ZAN est une politique qui s'inscrit dans une logique plutôt comptable, commode pour l'État, mais moins pour les programmes locaux d'urbanisme. Derrière les impératifs de renaturation, de sobriété foncière et de revitalisation du bâti, de fortes contraintes s'imposeront aux communes rurales.

Or, vous le savez, de nombreux ménages ne peuvent actuellement accéder à la propriété que par l'habitat individuel dans des territoires où le foncier est peu cher, c'est-à-dire dans les territoires dits périphériques, urbains comme ruraux. Bien que des améliorations aient été apportées au texte par le Sénat, l'objectif ZAN risque de remettre en cause cette possibilité malgré la garantie rurale, à savoir une capacité de développement d'un hectare pour chaque commune d'ici à 2031.

En ce sens, plusieurs travaux du Sénat ont montré que le ZAN touchera en priorité les classes moyennes modestes, habitant ou souhaitant habiter en zones rurales et périurbaines, qui verront leur projet d'accession à la propriété rendu de plus en plus difficile.

Face à ce risque majeur pour le développement de territoires déjà marqués par des inégalités au regard des communes les plus denses, quelles sont les solutions prévues par le Gouvernement pour soutenir l'accès à la propriété en milieu rural ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Anglars, vous savez de quoi vous parlez en évoquant les possibles difficultés dans l'accession à la propriété entraînées par nos objectifs de zéro artificialisation nette d'ici à 2050 et d'une diminution de 50% de l'artificialisation des sols à horizon de 2030.

La politique du Gouvernement est claire : mettre le paquet sur la rénovation énergétique et la rénovation tout court de l'ensemble de nos 800 000 logements vacants. Nous accompagnerons au travers de France Ruralité tous les maires qui le souhaitent en leur apportant l'ingénierie nécessaire à la lutte contre les vacances de logement et à la rénovation de ces maisons de village que nos jeunes aiment beaucoup, afin de les réhabiliter et les rendre attractives pour tous ceux qui voudront s'y installer.

Selon vous – et je respecte votre opinion –, du fait de cet objectif de zéro artificialisation nette, les classes moyennes pourraient rencontrer des difficultés à s'installer en zone rurale.

Pour la mise en œuvre de cette politique publique de réduction de l'artificialisation des sols, dont nous sommes fiers, nous avons retenu l'horizon 2030, voire 2050. Il sera donc temps de retravailler ensemble dans un an, deux ans ou trois ans pour faire évoluer les choses.

Laissons à cette politique le temps de se mettre en place, notamment au travers de cette garantie rurale, voulue par la grande majorité du Sénat. Nous aurons alors l'occasion d'évaluer collectivement si, oui ou non, nos jeunes peuvent accéder à la propriété dans nos beaux villages.


Source https://www.senat.fr, le 19 octobre 2023