Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle, en application de l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un débat sur la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette publique.
La parole est à M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
La dette a atteint 3 047 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2023 :…
M. Marc Le Fur
Vous pouvez être fiers !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…il est naturel qu'elle soit au cœur du débat public.
Je me félicite que nous tenions aujourd'hui un débat sur le sujet. Cela constitue l'une des avancées importantes de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances engagée par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin. Un tel débat offre au Gouvernement l'occasion de présenter, devant la représentation nationale, sa vision, sa stratégie…
M. Ian Boucard
Ses échecs !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…et ses objectifs de politique publique sur cette question centrale.
Je tiens à le rappeler en préambule : entre 2017 et 2019, la majorité présidentielle a diminué le niveau de la dette en proportion du PIB. Au milieu de l'année 2017, notre dette était supérieure à 100% du PIB. Grâce à nos bonnes performances économiques et à la maîtrise des finances publiques, la dette a été ramenée à 97,4% du PIB à la fin de l'année 2019.
Si notre dette a augmenté depuis, c'est en raison de choix qui ont permis de protéger les Français dans un contexte exceptionnel. Ils visaient, face aux crises que nous traversions, à assurer la santé de tous, à préserver les emplois et à sauver notre modèle social. Nous assumons d'avoir mis en œuvre le " quoi qu'il en coûte ", qui a augmenté significativement le poids de la dette : celle-ci a atteint près de 118% du PIB au début de l'année 2021 et représentait 112% à la fin du premier semestre 2023.
Mme Marie-Christine Dalloz
Le " quoi qu'il en coûte "' n'est pas la seule raison de cette hausse !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Si notre dette a augmenté, c'est aussi parce que nous avons fait le choix de protéger le pouvoir d'achat des Français face à l'inflation, afin de limiter la hausse des coûts de l'énergie et de revaloriser les pensions, les bourses des étudiants et les traitements des fonctionnaires.
En somme, la dette n'est pas une faute. Elle ne doit pas servir à menacer ou à culpabiliser nos concitoyens ; elle résulte des choix que nous avons faits et des moyens que nous avons mis en œuvre pour faire face aux crises. Si nous n'avions pas pris les décisions que nous avons prises, le débat actuel porterait moins sur la dette que sur la survie de notre modèle économique et social.
M. Nicolas Sansu
Catastrophisme habituel !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
L'augmentation de la dette doit également être regardée à la lumière d'une économie forte et d'une croissance bien plus dynamique que celle de nos voisins européens. Alors que l'Allemagne est entrée en récession en 2023, la croissance française est supérieure à la moyenne européenne. Ce résultat s'explique par les choix que nous avons faits et par les mesures que nous avons prises pendant les crises.
En 2024, notre croissance continuera d'être supérieure à celles de nos principaux partenaires économiques. Nous prévoyons désormais une croissance de 1,4% en 2024 – nous avons revu cette prévision à la baisse depuis l'an dernier : à l'époque, nous envisagions une croissance de 1,6%. Cette prévision est plus élevée que celle de la Banque de France – qui est de 0,9% – ou que celle de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économique – de 0,8% –, mais elle est en ligne avec celles des grands organismes internationaux : 1,2% selon la Commission européenne, 1,2% également selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, 1,3% selon le FMI, le Fonds monétaire international, dans sa dernière prévision, en date du 10 octobre. Avec cette croissance, la France fera mieux que ses principaux partenaires économiques, puisque les prévisions de croissance sont de 0,9% pour l'Allemagne, de 0,7% pour l'Italie et de 0,6% pour le Royaume-Uni.
Si notre stratégie a porté ses fruits, elle appelle aujourd'hui une réduction progressive du déficit. La trajectoire des finances publiques que nous souhaitons pour la période 2023-2027 est la maîtrise des dépenses. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le reconnaît : " hors charges d'intérêts, [les dépenses publiques] seraient quasi stables en volume sur la période […], ce qui représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé ". Rappelons que les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de 1,8% par an entre 2005 et 2008 et de 1% par an entre 2010 et 2019. Il s'agit donc bien d'un objectif ambitieux de maîtrise des dépenses publiques.
Grâce aux efforts consentis en matière de dépenses et au dynamisme de notre activité, la dette sera stabilisée entre 2023 et 2025, puis diminuera pour atteindre 108,1% du PIB en 2027. Le choc d'inflation a eu pour conséquence une forte augmentation des taux d'emprunt de la France, comparable à celle subie par nos voisins et par nos partenaires. Le taux des OAT – obligations assimilables du Trésor – à dix ans a atteint entre 3,3% et 3,5% au cours des derniers jours alors qu'il était négatif il y a trois ans. Toutefois, si ce taux a augmenté, les écarts de taux souverains entre la France et l'Allemagne sont restés relativement stables : entre 50 et 60 points de base depuis le printemps 2022. En 2023, la charge de la dette s'élèvera ainsi à plus de 38 milliards d'euros. Elle sera de 48 milliards en 2024 et atteindra près de 75 milliards en 2027.
La maîtrise de la dette est une priorité de notre action. Elle n'est pas la poursuite obstinée d'un objectif de rigueur, elle est la condition de notre indépendance et de notre souveraineté. Je serai clair : si la dette et le déficit continuent de croître, nous ne parviendrons pas à relever les défis auxquels notre pays doit faire face. Sans maîtrise des comptes, il n'y aura plus de financement pérenne pour notre modèle social, plus de service public à la hauteur des besoins des Français.
M. Nicolas Sansu
Oh là là ! Les sauterelles vont nous envahir !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il n'y aura ni adaptation ni atténuation face au changement climatique.
Un député du groupe LFI-NUPES
Terrifiant !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je veux, à cet égard, m'arrêter un instant sur les autres solutions qui nous sont proposées. À chaque fois que le Parlement examine un texte financier, les oppositions déposent des amendements qui se traduisent par des dizaines de milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires.
M. Nicolas Sansu
Et de recettes !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Certains nous disent pouvoir financer leur projet par les taxes, mais l'augmentation des impôts irait à l'encontre de l'objectif du plein emploi, donc du redressement des finances publiques. D'autres nous proposent des réductions massives des dépenses, sans jamais être capables de les identifier. C'est normal : réduire l'activité de l'État dans de telles proportions nuirait aux besoins des services publics et de la transition écologique. En vérité, le seul choix possible serait d'augmenter la dette, qui atteindrait alors un niveau record et enrichirait nos créanciers au détriment des contribuables, lesquels payeraient le prix fort pour ces dépenses inconsidérées.
Pour maîtriser la dette, nous pouvons compter sur une stratégie solide de financement, qui repose sur la diversification des produits, l'optimisation des émissions et la maîtrise de la maturité moyenne de notre dette en fonction des besoins de l'État, sur le professionnalisme de l'Agence France Trésor, sur la qualité de notre signature, la clarté de notre stratégie financière et la transparence des données que nous publions, enfin sur l'historique de notre dette et la stabilité qu'inspirent nos institutions à court et à moyen terme. Tous ces éléments expliquent qu'à chaque émission, de nombreux investisseurs français et étrangers achètent notre dette, y compris pour des maturités très longues, jusqu'à cinquante ans.
Au-delà de la stratégie de financement, l'ambition du Gouvernement s'inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Nous prévoyons de réduire notre déficit et avons fixé un objectif de 2,7% en 2027, cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier. Cet objectif est ambitieux, mais réaliste compte tenu des différents indicateurs à notre disposition.
Je l'ai dit, notre croissance est solide, ce que confirment les prévisions pour l'avenir. L'année prochaine, le reflux de l'inflation, estimée à 2,6%, nous permettra de réduire les dépenses engagées pour y faire face. Enfin, la France est – et restera – le pays le plus attractif pour les investissements étrangers, lesquels assurent la bonne santé de notre économie.
Pour réduire la dette, nous devrons procéder à une nouvelle revue des dépenses de l'État et limiter le coût de l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités au sein des administrations centrales, déconcentrées et décentralisées. Ces dépenses grèvent nos finances publiques sans bénéficier aux Français. Les réduire est notre priorité. Nous le ferons non pas seuls, mais dans une démarche transparente et ouverte, parce que la dette est l'affaire de tous et que la maîtrise des dépenses est plus efficace quand elle est comprise par tous.
Il s'agit d'une trajectoire non pas – contrairement à ce qui a été dit – d'austérité, mais de maîtrise responsable, qui respecte les engagements de l'État afin de préserver notre modèle et de soutenir nos services publics. Elle affirme notre ambition pour les armées, dans un contexte international d'instabilité, et permet d'augmenter le budget du ministère de la justice conformément aux mesures adoptées par l'Assemblée à une large majorité. Elle intègre notre stratégie énergétique, pour que la France soit précurseur dans les énergies renouvelables et reste un fleuron dans le domaine du nucléaire.
Cette trajectoire est aussi celle de la protection des classes moyennes, avec la garantie d'un taux de prélèvement obligatoire stable. Les impôts n'augmenteront pas au cours des prochaines années : ils baisseront, conformément à notre engagement.
Enfin, cette trajectoire intègre le soutien aux services publics les plus essentiels. Nous augmentons le budget du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, car investir dans la jeunesse est la politique la plus rentable qui soit.
Nous sommes tous comptables de la dette. C'est pourquoi cet effort national doit associer l'ensemble des acteurs : l'État, les collectivités territoriales et les administrations sociales doivent y participer en fonction de leurs capacités. C'est en travaillant tous ensemble que nous parviendrons à réduire la dette financière de la France.
Nous avons en réalité deux dettes : une dette financière et une dette climatique, dont les résorptions doivent être simultanées, car il serait contre-productif de les opposer. C'est la raison pour laquelle la réduction de la dette financière inclut un effort historique en faveur de la transition écologique.
Le climat est un usurier. Chaque dépense néfaste à la transition écologique que nous prolongeons, chaque investissement en faveur du climat que nous reportons coûtera plus cher demain. Parce que, bien sûr, je partage le constat de l'urgence, je pense que ce débat doit porter sur les deux dettes de la France : la dette financière, dont j'ai rappelé l'impératif, et la dette climatique.
M. Marc Le Fur
Ne mélangez pas tout !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous devons défendre un projet de réduction de la dette climatique juste, qui bénéficiera à tous : un projet permettant de rénover son logement et de baisser sa facture énergétique ; un projet permettant de se déplacer tout en réduisant les émissions de dioxyde de carbone ; un projet, enfin, permettant de préserver la biodiversité et de nous adapter aux conséquences concrètes du changement climatique. Notre vision est celle d'une transformation responsable, qui ne laissera personne de côté.
En outre, réduire nos dépenses brunes aidera à maîtriser nos comptes ; investir dans la transition écologique permettra de réduire nos dépenses ; entraîner le secteur privé dans une transformation de ses activités contribuera pleinement à l'objectif de plein emploi. Nous devons soutenir notre économie, maîtriser notre dépense et la concentrer dans ce qui est nécessaire pour garantir notre avenir.
Notre ambition en matière de transition écologique se traduit également dans notre politique financière. Par l'émission d'obligations vertes, nous avons levé des fonds alloués aux dépenses favorables à l'environnement. Ces obligations sont destinées à la réduction de la dette climatique, à la lutte contre la pollution et à la préservation de la biodiversité. La France a été pionnière en la matière et elle reste le premier émetteur souverain de titres verts.
Vous l'avez compris : nous devons réduire notre dette, et cela sans compromettre notre modèle social et en développant nos services publics, à la hauteur des attentes des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
(…)
Mme la présidente
Chaque groupe s'est exprimé, ainsi qu'une députée non inscrite. Je donne maintenant la parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je propose d'écarter d'emblée les solutions originales qui ont été présentées par certains, notamment par M. Louis Boyard, qui proposait que je me rende avec canne et chapeau, bras dessus bras dessous avec Christian Lindner, à Francfort pour demander à la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) d'annuler la dette française. J'ai peur de n'obtenir qu'un succès d'estime mais surtout, mon homologue allemand refusant de m'accompagner, de me retrouver tout seul dans le train. (Sourires sur les bancs du groupe RE.)
Ces solutions ont le mérite de l'originalité mais sans doute pas celui de l'efficacité. Laissons-les donc de côté pour privilégier la raison…
Mme Christine Arrighi
Ne parlez pas de la raison !
M. Bruno Le Maire, ministre
…afin d'éclairer la représentation nationale, ainsi que ceux de nos concitoyens qui ont le courage d'écouter un débat fondamental sur la dette.
M. Nicolas Sansu
Dépêchez-vous de nous éclairer ! La lumière va bientôt s'éteindre sur le projet de loi de finances.
M. Bruno Le Maire, ministre
Je vous invite d'abord à comparer l'historique de la dette française avec celui de la dette allemande afin de mieux comprendre le décrochage de la dette française et les leçons que nous pouvons en tirer.
Mme Christine Arrighi
Vous n'en avez tiré aucune !
M. Bruno Le Maire, ministre
En 2008, les dettes publiques allemande et française se trouvaient quasiment au même niveau : elles étaient respectivement à 65% et à 68% du PIB. En 2015, au lendemain de la crise des dettes souveraines de 2010, l'écart était de trente points : la dette française représentait 96% du PIB alors que l'Allemagne avait réussi à consolider sa dette et à revenir à un ratio de 65%.
M. Sébastien Jumel
Bientôt le 49.3 !
M. Bruno Le Maire, ministre
La France n'a donc pas réussi à consolider sa dette au lendemain de la crise financière de 2010.
M. Nicolas Sansu
Qui était au pouvoir ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous ne nous sommes jamais remis de ce décalage. Voilà la stricte réalité de l'historique des dettes française et allemande.
Pour faire face aux crises du covid et de l'inflation, la France, ainsi que tous les pays d'Europe, en particulier dans la zone euro, ont dû augmenter leur niveau de dette de dix à quinze points alors que l'écart avec l'Allemagne demeurait inchangé.
Nous sommes aujourd'hui sortis de la crise du covid et je ne regrette d'ailleurs aucun des euros dépensés pour y parvenir : ces euros ont sauvé des entreprises, des emplois et des technologies. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Pierre Dharréville
C'est la sécurité sociale qui paie !
M. Bruno Le Maire, ministre
Soyez honnêtes et reconnaissez-le : ces dépenses ont été utiles et elles ont sauvé l'économie française. Je me souviens que, lorsque nous gérions la crise du covid avec le Président de la République et le Premier ministre de l'époque, vous étiez nombreux à venir frapper à ma porte ou à m'envoyer des lettres pour demander que nous dépensions plus pour les entreprises, les salariés, les laboratoires, les boulangeries de vos circonscriptions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Christine Arrighi
Vous êtes trop faible, monsieur le ministre !
M. Sébastien Jumel
On assume d'être pour un État qui protège !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous avons relancé l'économie avant de devoir faire face à la plus grave crise inflationniste depuis les années soixante-dix, poussée par l'explosion des prix de l'énergie, liée notamment à la guerre en Ukraine et aux difficultés d'approvisionnement en gaz et en pétrole.
Pour y répondre, nous avons fait le choix, que je revendique, de protéger nos compatriotes contre la flambée des prix de l'énergie, principalement de l'électricité et du gaz, par la mise en place d'un bouclier tarifaire. Nous pouvons être fiers du résultat, puisque la France connaît depuis deux ans le plus faible taux d'inflation de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Nous sommes sortis de l'inflation de masse et nous reviendrons en 2024 à un taux raisonnable d'inflation, puisqu'il devrait se situer légèrement au-dessus de 2 %. Nous n'avons connu ni récession, puisque notre économie a continué à croître, ni brutalité inflationniste, comme d'autres pays européens. Nous revenons à la normale et c'est donc maintenant qu'il faut avoir le courage de réduire les dépenses publiques pour réduire la dette. Ne commettons pas en 2023 l'erreur que nous avons commise en 2010,…
M. Jocelyn Dessigny
Vous avez déjà commis beaucoup d'erreurs !
Mme Christine Arrighi
Vous allez d'erreur en erreur et vous vous apprêtez à en commettre d'autres !
M. Bruno Le Maire, ministre
…celle de retarder la consolidation de notre dette. C'est maintenant qu'il faut commencer à nous placer sur une trajectoire accélérée de désendettement et de réduction des dépenses publiques.
Mme Raquel Garrido
Nous vous avons proposé de créer de nouvelles recettes ; vous avez refusé.
Mme la présidente
Un peu de silence, s'il vous plaît.
M. Bruno Le Maire, ministre
Cette majorité est la seule à avoir réussi à réduire les dépenses publiques (Exclamations sur les bancs du groupe RN) : je rappelle que c'est grâce à la majorité…
Mme Raquel Garrido
De quelle majorité parlez-vous ?
M. Bruno Le Maire, ministre
…que la France a vu son déficit public passer sous la barre des 3% du PIB en 2018 et qu'elle a pu sortir de la procédure de déficit excessif (PDE), en prenant des décisions difficiles, notamment sur les emplois aidés.
M. Sébastien Jumel
Courage ! Il vous reste encore vingt minutes à meubler avant l'arrivée de la Première ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre
Dans l'immédiat, nous devons financer notre dette et, cela a été rappelé sur tous les bancs, lever 285 milliards l'année prochaine. Je rappelle que 90% des émissions de dette française se font à taux fixe, mais la France émet également des obligations indexées sur l'inflation, pour un montant correspondant à environ 10% de la dette publique.
M. Jocelyn Dessigny
C'est déjà énorme !
Mme Raquel Garrido
C'est trop !
M. Bruno Le Maire, ministre
J'ai entendu des critiques, de tous les bords, sur ces obligations indexées, mais s'il s'agissait vraiment d'un mauvais choix, pourquoi les autres pays du G7 – États-Unis, Allemagne, Royaume Uni, Italie – le font-ils aussi ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Plus c'est gros, plus ça passe !
M. Bruno Le Maire, ministre
Je sais bien que le Rassemblement national est plus intelligent que tous ces pays (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Thomas Rudigoz applaudit) , mais quand ceux-ci indexent une partie de leurs obligations sur l'inflation, c'est, me semble-t-il, pour de bonnes raisons. La première d'entre elles est que les investisseurs, qui achètent ces obligations, comme les banques, sont exposés à des produits indexés sur l'inflation, comme le livret A.
M. Jean-Philippe Tanguy
Le livret A date de 1815.
M. Bruno Le Maire, ministre
Pour acheter de nouvelles obligations à l'État français, les investisseurs, qui ont déjà acheté beaucoup d'obligations à taux fixe, demandent des obligations à un taux supérieur qui, si elles n'étaient pas indexées sur l'inflation, nous reviendraient beaucoup plus cher.
Offrir des produits répondant à la demande des investisseurs nous donne l'assurance de ne pas payer un prix exorbitant pour leur imposer des produits dont ils ne veulent pas. C'est simple à comprendre et c'est la raison pour laquelle la France et les autres pays du G7 émettent des obligations indexées sur l'inflation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Marine Le Pen
N'importe quoi !
M. Thomas Rudigoz
Excellent !
M. Manuel Bompard
Elle n'est pas encore arrivée.
M. Bruno Le Maire, ministre
Ces obligations représenteraient selon certains un surcoût de 9 milliards, mais il n'est pas très honnête d'avancer ce chiffre, car il représente une provision faite en 2023, à un moment où le taux d'inflation était élevé. Pourquoi ne pas citer aussi la provision négative de 15 milliards faite en 2021 lorsque l'inflation était faible ? Au bout du compte, l'État français s'y retrouve et, je le répète, ces obligations représentent une dépense moins élevée que celle de produits imposés aux investisseurs.
M. Nicolas Sansu
Encore dix minutes !
M. Manuel Bompard
Elle ne va pas tarder.
M. Bruno Le Maire, ministre
Quelle est notre stratégie à long terme après avoir levé 285 milliards de dettes ? Je souligne d'abord que si notre situation d'endettement était mauvaise, l'écart de taux d'intérêt avec l'Allemagne – qui reste stable, aux alentours de soixante points de base – la refléterait. L'émission de dettes et la politique économique de la France sont crédibles.
Mme Marine Le Pen
Ce n'est pas grâce à vous !
M. Bruno Le Maire, ministre
Madame Le Pen, je ne suis pas sûr que si le Rassemblement national était au pouvoir, le spread entre la France et l'Allemagne serait ce qu'il est aujourd'hui !
M. Jocelyn Dessigny
Si nous étions au pouvoir, nous n'aurions pas ce débat aujourd'hui !
M. Bruno Le Maire, ministre
Avec l'absence de réforme des retraites, la baisse de la TVA et les dépenses supplémentaires que vous prônez, je suis convaincu que le spread exploserait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
S'il vous plaît, seul M. le ministre a la parole.
Mme Stella Dupont
Il faut rester zen !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous devons donc adopter une stratégie de long terme, préoccupation qui fait défaut à certains d'entre vous. Notre stratégie est d'abord celle de la croissance, qui est la meilleure façon de réduire le ratio entre la dette et le PIB, puisque ce dernier augmente. Ceux qui ont exprimé des doutes sur les prévisions de croissance dans notre pays sont les mêmes qui annonçaient, il y a un an, la récession.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous n'avons jamais dit cela !
M. Bruno Le Maire, ministre
Ils prévoyaient une récession de 0,5% en 2023 alors que notre économie a crû de 1%, taux sur lequel le Gouvernement et la majorité s'étaient engagés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Certains reprochent à nos hypothèses d'être trop généreuses, mais, puisqu'elles se vérifient, ce sont de bonnes hypothèses.
Celle que nous avançons pour la croissance en 2024 est de 1,4%, alors que le FMI avance un taux de 1,3% et l'OCDE de 1,2%.
M. Sébastien Jumel
Avec un taux de chômage qui va grimper un peu !
M. Bruno Le Maire, ministre
Je ne pense donc pas que nous surévaluions le potentiel de croissance de notre économie. Certains croient moins dans le potentiel des salariés et des entrepreneurs français que cette majorité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Jocelyn Dessigny
Vous avez liquidé l'industrie française !
M. Sébastien Jumel
Ce n'est plus M. le ministre ; c'est M. Meuble ! (Rires sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme Raquel Garrido
À quoi sert ce discours, puisque tout va se finir en 49.3 ?
Mme la présidente
Madame Garrido, s'il vous plaît ! Le Gouvernement répond aux orateurs dans le cadre de l'organisation de ce débat.
M. Bruno Le Maire, ministre
Madame la députée, je vous ai écoutée longuement ; ayez la patience de m'écouter quelques instants. Vous êtes plus dissipée que nos compatriotes qui nous écoutent attentivement depuis les tribunes…
M. Sébastien Jumel
Évidemment, ils n'ont pas le droit de parler ! S'ils pouvaient le faire, on les entendrait ; seulement, ils n'ont pas envie de payer une amende !
M. Bruno Le Maire, ministre
…et qui doivent être une nouvelle fois affligés par le comportement des députés de La France insoumise.
Le deuxième volet de notre stratégie de long terme concerne les réformes de structure. La réforme des retraites rapportera 12,5 milliards en 2027, tout comme celle de l'assurance chômage. Ceux qui n'ont pas voté ces réformes n'ont aucune leçon à donner à cette majorité qui a eu le courage de les faire. Concrètement, elles permettent à l'État français de réaliser d'importantes économies.
M. Nicolas Sansu
Si elle était bien organisée, elle arriverait à seize heures quarante-neuf.
M. Sébastien Jumel
Elle vient de se garer.
M. Bruno Le Maire, ministre
Le troisième volet concerne les économies : sortie du bouclier tarifaire et réduction de la portée des dispositifs de la politique de l'emploi.
Mme Raquel Garrido
C'est de la provocation !
M. Jocelyn Dessigny
Vous tapez sur les plus pauvres.
M. Bruno Le Maire, ministre
Si, comme certains le disent, ces économies sont simples à réaliser, pourquoi ne pas les voter ? Pourquoi ceux qui prônent une réduction des dépenses ne nous soutiennent pas ?
Je rappelle que nous avons engagé une revue des dépenses publiques, grâce à laquelle nous examinerons chaque année quinze à vingt programmes de dépenses publiques afin de réduire celles qui sont inefficaces et qui ne répondent pas aux attentes de nos compatriotes.
Au-delà de cette stratégie en trois volets, je me permets de partager avec vous une réflexion plus globale sur le modèle social français. Je rappelle qu'il a été construit en 1945,…
Mme Sophia Chikirou
Non ! On ne peut pas vous croire !
M. Bruno Le Maire, ministre
…alors que notre démographie était beaucoup plus dynamique, que l'industrie représentait 35% du PIB et que notre pays comptait des millions d'exploitations agricoles.
M. Alexis Corbière
Il ose nous dire qu'en 1945, la situation était plus favorable qu'aujourd'hui ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Depuis, nous n'avons cessé d'ajouter des dépenses pour rendre ce modèle plus généreux et plus protecteur, alors que, dans le même temps, la part de l'industrie dans le PIB est passée de 35% à 10% et le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par dix.
M. Marc Le Fur
À qui la faute ?
M. Nicolas Sansu
Quel aveu !
M. Bruno Le Maire, ministre
Moins de production, plus de dépenses publiques : ne cherchez pas ailleurs la cause des problèmes du modèle social français. Si nous voulons vraiment répondre à ces problèmes et à ceux de la dette, il nous faudra remettre en question le périmètre de l'État et celui de notre modèle social. Nous devons regarder cette vérité en face pour répondre aux attentes de nos compatriotes. À défaut, nous devrons – comme on l'a fait pendant les décennies précédentes – ponctionner toujours plus d'argent sur le travail des Français et compenser des charges par la dépense publique.
M. Nicolas Sansu
Elle est là ! Elle s'agite en coulisse.
M. Bruno Le Maire, ministre
Ces deux solutions sont des impasses : nous devons inventer un nouveau modèle pour financer nos dépenses publiques et notre dette.
En conclusion,…
Mme Christine Arrighi
Ah ? Elle arrive ?
M. Bruno Le Maire, ministre
…je souligne que le désendettement est un impératif absolu car l'intérêt national et notre indépendance sont en jeu. La situation géopolitique, notamment au Proche-Orient, exige de reconstituer des réserves financières pour faire face à toute nouvelle forme de crise économique. Nos obligations vis-à-vis de nos partenaires européens tout comme la garantie que nous devons donner à nos compatriotes de l'indépendance financière de la nation française exigent que nous réduisions notre dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 20 octobre 2023