Texte intégral
Je suis heureux de vous présenter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec mes collègues Aurore Bergé et Aurélien Rousseau.
Ce texte, nous pouvons en être fiers.
Nous pouvons en être fiers car il continue d'investir massivement dans la protection sociale et dans la santé des Français. Nous pouvons en être fiers car il développe de nouveaux axes en matière de prévention en santé et d'accès de nos concitoyens aux thérapies dont ils ont besoin.
Nous pouvons en être fiers aussi car il traduit nos engagements dans le champ de l'autonomie, par exemple en donnant les moyens de recruter dans les EHPAD ou de mieux identifier et accompagner les enfants en situation de handicap.
Nous pouvons en être fiers car il porte ces priorités tout en assurant la maîtrise des dépenses, condition indispensable pour préserver notre système à court et long terme.
Nous pouvons en être fiers enfin car ce texte apporte des mesures nouvelles et très fermes dans la lutte contre la fraude, qui est un enjeu financier mais aussi et surtout de cohésion sociale.
Aussi, ce PLFSS répond, je le crois, à l'aspiration des Français en faveur d'un système de protection sociale équitable et pérennisé.
Avant de vous présenter plus en détail l'équilibre financier et les mesures que porte ce PLFSS, je souhaite rappeler le cap qui a été le mien, et que je sais être une préoccupation pour la plupart d'entre vous : il s'agit tout simplement de la soutenabilité de notre système.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la question financière.
Il en va de notre capacité à pouvoir affronter sereinement les crises de demain. Nous avons su pendant les années de crise covid mettre en place le " quoi qu'il en coûte ". Nous avons su accompagner les établissements face à l'envolée des prix de l'énergie.
Le niveau de dépenses et de déficit que nous avons connu pendant la crise n'est cependant pas soutenable dans la durée : il ne peut pas devenir notre point de référence. Les recettes ne peuvent pas devenir la variable d'ajustement pour résorber nos déficits.
Cette logique est valable pour la sécurité sociale comme pour les finances publiques dans leur ensemble. Nous avons pour objectif de réduire le déficit public sous la barre des 3% à horizon 2027.
Ce n'est pas un totem, ce sont les marges de manœuvre de demain. Ce n'est pas non plus hors de portée. C'est tout simplement le niveau de déficit que nous avions avant crise, en 2018 et 2019. Nous pouvons y revenir et nous y reviendrons, à condition que l'effort soit partagé : Etat, collectivités locales et sécurité sociale.
Enfin, comme vous le savez, dans le champ social, maîtriser les dépenses c'est nager contre le courant. La dynamique naturelle des dépenses joue en sens contraire : c'est l'effet de la démographie, du vieillissement, mais aussi du renchérissement associé au progrès médical. Les mesures de maîtrise sont donc absolument nécessaires pour ne pas voir le système dériver.
Ce PLFSS s'inscrit donc pleinement dans notre trajectoire de maîtrise des dépenses publiques et dans l'objectif de soutenabilité de long terme.
Mais ce PLFSS n'est, pour autant, pas synonyme d'austérité, loin de là. C'est un texte qui traduit, encore une fois, une priorité très claire donnée à nos politiques sociales et à notre politique de santé.
Ce texte assure des moyens historiquement élevés aux établissements de santé.
Ces derniers ont bénéficié d'un important soutien financier de l'assurance maladie ces dernières années. Par exemple, 6,5 Md€ ont été versés depuis 2020 au titre du désendettement hospitalier.
Le Ségur a représenté au total 13,4 milliards d'euros en 2023 pour investir et pour les mesures salariales.
Je rappelle aussi qu'un amortisseur électricité a été mis en place pour faire face à la crise des prix de l'énergie et a permis de limiter la hausse des coûts pour un montant estimé à près de 300 millions d'euros.
Le soutien public au financement des hôpitaux restera massif en 2024. Le sous-objectif qui leur est dédié dépassera en effet 100 Md€ pour la deuxième année consécutive, soit un niveau historique.
S'agissant plus spécifiquement de la compensation de l'inflation, qui fait l'objet de plusieurs amendements de votre part, je rappelle qu'elle est prise en compte dans l'ONDAM avec une enveloppe de 800 millions d'euros pour les hôpitaux, en plus des 200 millions d'euros destinés aux établissements médico-sociaux.
Dans le champ médico-social, l'ONDAM 2023 intègre les 100 M€ annoncés par la Première ministre cet été, dans le cadre d'un nouveau " fonds d'urgence ". Ce dispositif permettra d'accompagner les EHPAD et les services à domicile rencontrant des difficultés financières.
Le PLFSS prévoit aussi, dans la continuité notamment du rapport de Mme Pirès-Beaune, une réforme du financement des EHPAD. Plus largement, l'ONDAM médico-social, couvrant le champ du grand âge et du handicap, dépassera pour la première fois les 30 Md€.
Enfin, de manière transversale aux établissements sanitaires et médico-sociaux, le PLFSS prolonge les acquis des dernières années en matière de revalorisation salariale. En 2024, les mesures de revalorisation et d'attractivité décidées en 2023 coûteront 3,3 Md€. Si l'on inclut le relèvement du point d'indice de 3,5% de 2022, ce sont 6,2 Md€ de gains pour les professionnels l'année prochaine, qui viennent s'ajouter aux mesures Ségur prises au moment de la crise sanitaire.
Au total, l'ONDAM 2024 progressera donc de 3,2%, soit un niveau supérieur à celui de l'inflation, qui s'établira quant à elle à 2,5%. Sur le quinquennat, l'ONDAM sera systématiquement supérieur à l'inflation.
En-dehors de l'ONDAM, je souhaite rappeler que le Gouvernement maintient un système protecteur d'indexation des prestations sur l'inflation qui, pour les retraites, représente 14 Md€ et pour les prestations familiales, plus d'un 1 Md€.
Ces montants reflètent un engagement, une priorité, un investissement pour protéger tous les Français.
Dans ce contexte, nous construisons une trajectoire graduelle de rétablissements des comptes.
Le dynamisme de l'emploi est le premier déterminant de cette trajectoire, parce qu'il permet une évolution dynamique des cotisations sociales qui sont le socle du financement de notre sécurité sociale. Je rappelle que deux millions d'emplois ont été créés depuis 2017, et que nous continuerons sur cette voie.
Nous tirons aussi le bénéfice des réformes conduites ces dernières années. Je pense notamment aux réformes de l'assurance chômage et des retraites, portées par mon collègue Olivier Dussopt.
Il nous faut préserver ce bénéfice.
Cela concerne notamment l'AGIRC-ARRCO. L'objectif de sanctuariser les économies réalisées a été présenté de manière transparente depuis le début de la concertation sur la réforme des retraites, y compris dans une logique de solidarité inter-régimes.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux se sont accordés début octobre sur un accord créateur de dépenses nouvelles des retraites complémentaires. Mais notre volonté demeure de continuer à avancer par la voie du dialogue social.
C'est pourquoi, à ce stade, nous ne déposerons pas d'amendement réduisant les recettes du régime AGIRC-ARRCO.
Nous avons cependant noté que l'article 9 de l'ANI ouvre la porte à une nouvelle discussion sur le financement de dispositifs de solidarité. Nous souhaitons donc que les partenaires sociaux s'engagent sur cette base pour définir un cofinancement des minima de pension des salariés, ou d'autres dispositifs de solidarité, à partir de 2024.
Nous demandons des avancées concrètes et rapides sur ce point, sans quoi nous serions contraints d'examiner à nouveau, dans la suite de la navette parlementaire, les alternatives possibles pour garantir l'équilibre du système de retraite d'ici 2030.
Par ailleurs, toujours pour sécuriser la réduction de notre déficit public dès 2024, nous serons favorables à un amendement porté par plusieurs membres de la majorité pour réduire l'augmentation des allègements de charges, dans la suite des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Nous stabiliserons les barèmes à leur niveau de 2023 s'agissant des bornes à 2,5 SMIC et 3,5 SMIC, ce qui évitera une perte de recettes de l'ordre de 600M€ pour la sécurité sociale.
Si nous agissons donc sur les ressources de la sécurité sociale, de nouvelles mesures de maîtrise des dépenses sont nécessaires, dès 2024, et d'autres devront être prises à partir de 2025.
En 2024, l'ONDAM intègre ainsi 3,5 Md€ d'économies. Ces économies seront un effort réparti entre tous les acteurs du système de santé, c'est-à-dire aussi bien les assurés que les prescripteurs ou les industriels.
Je veux par ailleurs souligner que les mesures d'économies que nous proposons répondent non seulement à des enjeux financiers mais aussi à des impératifs sanitaires et environnementaux. Ce PLFSS confirme ainsi qu'il existe une voie pour une forme de sobriété, et que les objectifs financiers, sanitaires et environnementaux peuvent être réconciliés.
Ces 3,5 Md€ d'économies seront donc un effort partagé :
• 1,3 Md€ d'économies sont également attendues de la responsabilisation des assurés.
Cette dernière peut passer par un ensemble de leviers, qui ne relèvent pas nécessairement de mesures législatives en PLFSS et qui sont en train d'être travaillés et concertés.
Les économies pourraient ainsi résulter de la hausse des franchises et participations forfaitaires qui n'ont pas augmenté depuis leur création il y a près de vingt ans, ou de la hausse du ticket modérateur, correspondant à la part prise en charge par l'assuré ou par sa mutuelle. Une telle évolution est par exemple intégrée au PLFSS sur les soins dentaires.
La responsabilisation des assurés doit aussi permettre des dépenses plus efficientes, par exemple en recourant au transport sanitaire partagé – qui est également plus favorable à l'environnement – ou en privilégiant chaque fois que possible les médicaments génériques ou biosimilaires.
• 1,3 Md€ d'économies sont attendues sur les dépenses de médicaments et dispositifs médicaux, dont 1 Md€ au titre de la baisse des prix et 300 M€ du fait de la baisse des volumes.
Pour y parvenir, deux mesures sont prévues dans le PLFSS :
La première conditionne la délivrance d'antibiotiques pour certaines pathologies à la réalisation d'un test en confirmant l'utilité ;
La deuxième prévoit d'activer des mesures " d'épargne ", telles que le conditionnement à l'unité et les ordonnances conditionnelles, en cas de risque de rupture de stock de médicaments. Je souhaite d'ailleurs que des travaux soient engagés pour généraliser ces mesures en-dehors des périodes de rupture d'approvisionnement.
• 900 millions d'euros d'économies viendront enfin des soins de ville et des mesures d'efficience à l'hôpital.
Concernant les soins de ville, les économies sont liées à la réforme du financement des produits de contraste utilisés dans l'imagerie médicale, qui entrera en vigueur en 2024, et à la baisse des tarifs de biologie.
Dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, les mesures d'efficience, notamment sur les achats, ainsi que les actions engagées en matière de pertinence et d'efficience des soins, devront permettre d'atteindre 600 M€ d'économies en 2024.
Ces économies viennent en plus des mesures nécessaires de maîtrise médicalisée de l'ensemble des dépenses de santé, qui représentent 0,9 Md€.
Les mesures de maîtrise médicalisée recouvrent l'ensemble des actions engagées par l'assurance maladie, qui devront être renforcées en 2024, par exemple pour accompagner les prescriptions d'actes médicaux et de médicaments.
Pour 2025, nous devrons faire 6 Md€ d'économies supplémentaires, comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques.
Enfin, j'ai souhaité que ce PLFSS, comme d'ailleurs le PLF, soit celui de la lutte contre la fraude.
C'est un impératif d'équité et de justice sociale pour l'ensemble des assurés. Il n'est pas admissible que certains éludent leurs cotisations, perçoivent indûment des prestations, abusent de leur expertise ou, comme nous l'avons vu dans l'actualité récente, facilitent la fraude. La fraude est une violation du contrat social qui est au fondement de notre sécurité sociale.
C'est pourquoi ce PLFSS prévoit plusieurs mesures :
- Le circuit de paiement des cotisations des travailleurs de plateformes sera sécurisé, garantissant leur paiement mais aussi l'acquisition de nouveaux droits sociaux pour ces travailleurs. Cette mesure sera mise en œuvre à partir de 2026 auprès de certaines plateformes, et généralisée à partir de 2027.
- Les sanctions contre les professionnels de santé fraudeurs seront renforcées. Ainsi, les professionnels concernés devront rembourser les cotisations prises en charge par l'assurance maladie. Les travaux d'évaluation de la CNAM, rendus publics la semaine dernière, ont renforcé notre détermination sur ce sujet. Sur 316 millions d'euros de fraudes détectées en 2022, 68% sont le fait de professionnels de santé.
- Le dispositif de l'avance immédiate au crédit d'impôt services à la personne, qui simplifie l'accès à ces services mais qui est, de manière démontrée, à l'origine de nouveaux schémas de fraude, sera sécurisé.
Je voudrais aussi revenir sur la mesure concernant le contrôle des arrêts de travail. Je sais qu'elle suscite des inquiétudes. Mais nous avons trouvé un bon équilibre. La mesure simplifie le circuit de contrôle des arrêts maladie et rend ce contrôle plus effectif tout en préservant les droits des assurés.
C'est un premier pas vers une plus grande maîtrise des dépenses d'indemnités journalières qui sont très dynamiques. Nous poursuivrons cette année des travaux et des concertations en vue d'une réforme plus structurelle qui prendra effet en 2025.
J'ai enfin souhaité que l'on crée un délit de promotion et de facilitation de la fraude sociale. Il est tout simplement insupportable que certains ne se contentent pas de frauder mais se vantent encore d'inciter les autres à le faire et pire encore d'en faire commerce. C'est pourquoi j'ai souhaité que soit déposé un amendement au PLFSS en ce sens, pendant du délit qui sera instauré pour l'incitation à la fraude fiscale dans le PLF.
Le PLFSS s'inscrit ainsi dans la mise en œuvre du plan de lutte contre toutes les fraudes, par ailleurs doté de moyens humains renforcés.
Je profite donc de cette occasion pour remercier les agents des organismes de protection sociale et de Bercy pleinement mobilisés. Dans ce cadre, je suis heureux de pouvoir indiquer que pour ces derniers, nous allons en PLF remédier à une incohérence des textes encadrant la prise en compte des revenus sur lesquels ils ont cotisé pour l'établissement de leurs pensions. L'indemnité de technicité sera prise en compte dans la retraite des fonctionnaires de Bercy ayant pris leur retraite alors qu'ils étaient en mobilité.
Avant de conclure mon intervention, je souhaiterais évoquer notre discussion à venir.
Nous devons adopter une loi de financement de la sécurité sociale, en conformité avec les textes organiques dont nous nous sommes collectivement dotés.
La dernière loi organique sur ce sujet date du début d'année 2022. Elle a été votée à une large majorité par vous tous. Nous étions alors d'accord sur la nécessité de ces textes qui donnent un cadre financier à près de la moitié de la dépense publique !
Du fait de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, aucun autre texte ne peut par ailleurs autoriser les organismes de sécurité sociale à recourir à l'emprunt, ce qu'ils devront faire en 2024, comme les années précédentes.
Enfin, il n'existe pas de procédure de carence, pas de budget par 12e dans le cas de la sécurité sociale, donc, même si les crédits ne sont pas limitatifs, il en résulterait une grande désorganisation du financement et une absence totale de pilotage.
Je constate que le texte a été rejeté en commission des affaires sociales. Mais une majorité de rejet n'est pas une majorité de projet.
Nous sommes extrêmement attentifs aux débats de commission et à ceux qui vont s'ouvrir en séance publique. Car je sais que sur certains sujets nous pouvons trouver et nous avons trouvé des points de convergence.
Je veux en donner plusieurs exemples, au-delà de l'évolution des allègements généraux que j'ai déjà évoquée :
• Nous avons fait le choix de retenir votre proposition sur la généralisation du dépistage du cytomégalovirus pendant la grossesse, en déposant un amendement du Gouvernement qui permettra de l'intégrer au PLFSS ;
• Nous pouvons aussi nous rejoindre sur des mesures d'ajustement des financements, par exemple sur la dialyse et la radiothérapie, que vous avez adoptées en commission.
En conclusion, je voudrais vous redire ma détermination :
- celle de trouver les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de priorités fondamentalement partagées en matière sanitaire et sociale ;
- mais aussi celle de mettre en œuvre des mesures de maîtrise de la dépense qui sont nécessaires pour la soutenabilité de notre système, comme en matière de santé publique et d'environnement.
Je vous remercie pour votre attention.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 25 octobre 2023