Texte intégral
Nous recevons le ministre délégué en charge du Logement. Patrice VERGRIETE. Bonjour.
PATRICE VERGRIETE
Bonjour.
PAULINE DUCAMP
Alors, il y a énormément de sujets que l'on a envie d'aborder avec vous ce matin, vu la crise du logement que nous traversons, mais le premier c'est le PTZ, ce nouveau PTZ qui a été annoncé, alors, qui a donné beaucoup d'espoirs, espoirs qui sont très vite retombés, je pense notamment à la Fédération du bâtiment, qui montre qu'en fait 90% des gens ne vont pas pouvoir en bénéficier. Est-ce que vraiment, le nouveau PTZ, c'était une vraie solution ?
PATRICE VERGRIETE
Il faut rendre le Prêt à taux zéro compatible avec ce que sont les enjeux de fabrication de la ville de demain. On sait que l'on ne va plus pouvoir construire demain, j'ai envie de dire, en zone détendue, des maisons individuelles très éloignées de la ville. On a connu ce modèle-là, c'est ce qui a d'ailleurs poussé nos concitoyens à vivre à 50, 100 km de leur emploi, et on a vu ce que ça a donné. Donc aujourd'hui il y a un autre mode de fabrication de la ville à faire, et donc il faut réorienter le Prêt à taux zéro, là où on a le plus besoin. Il y a des territoires qui ont besoin de constructions neuves, il faut privilégier l'aide publique sur ces territoires-là.
PAULINE DUCAMP
Mais il y en a déjà un, quand je pense à l'Ile-de-France…
PATRICE VERGRIETE
Oui, et on a voulu le renforcer, et c'est ça qui est intéressant, on a voulu le renforcer justement sur ces territoires-là. Recentrer, oui, et renforcer, élargir, de nouveaux publics, plus de quotités pour les gens, donc le PTZ pourra être plus important sur les achats, et puis globalement les barèmes ont été relevés, et élargis aussi, plus de villes sont concernées aujourd'hui, puisque plus de villes sont en zones tendues.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a un deuxième outil que nous a promis Bruno LE MAIRE quand on l'a rencontré la semaine dernière, un Prêt à taux bonifié. Ce n'est pas dans le budget, ça sera peut-être dans les prochaines semaines ou les prochains moins, vous en êtes où, c'est quoi ce PTD ?
PATRICE VERGRIETE
D'abord, le Prêt à taux zéro est plus incitatif aujourd'hui. Quand vous avez des prêts effectivement à 1%, le Prêt à taux zéro ce n'est pas un gros gain. Là on est à 4%, 4,2, 3,8 selon les cas, et donc là on voit que le Prêt à taux zéro est un véritable gain, très important. Et donc on se disait... Donc, déjà, la priorité c'était de renforcer le Prêt à taux zéro comme je l'évoquais à l'instant. Après, on se disait que pour peut-être une partie de la population, celle qui n'est pas encore éligible au Prêt à taux zéro, pourquoi effectivement ne pas envisager un prêt à taux bonifié, mais ça ce serait effectivement pour des catégories plus aisées, en tout cas la priorité c'était déjà de renforcer le Prêt à taux zéro et déjà, rien qu'aujourd'hui avec le dispositif qu'on a prévu, malgré ce recentrage sur les zones où on en a le plus besoin, on espère avoir au moins autant de Prêt à taux zéro que cette année 2024.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va poursuivre la Liste à la Prévert, parce que c'est l'examen du PLF. Il y a beaucoup d'amendements, il y a beaucoup d'interrogations pour savoir si, vous direz oui ou non, on avait parlé à un moment donné d'alléger la fiscalité sur les terrains à bâtir, pour que les gens qui ont des terrains à bâtir les vendent et ne les gardent pas en attendant les 26 ans de l'exemption de plus-value. Est-ce que vous allez alléger cette fiscalité ?
PATRICE VERGRIETE
Oui, tout à fait. C'était une de mes propositions à Thomas CAZENAVE, d'effectivement essayer de faire une sorte de…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ministre du Budget.
PATRICE VERGRIETE
... de choc d'offre, d'offre foncière, et essayer d'abord, plutôt que de réfléchir, ce qui aurait pris beaucoup de temps, à la fiscalité, j'ai envie de dire, de plus-values de cessions foncières, provoquer un choc ponctuel, avec un abattement, un abattement assez fort sur les plus-values de cessions foncières. Donc oui, c'est intégré dans le projet de loi de finances, il y a plusieurs mesures en l'occurrence qui permettent ça, à la fois en direction des particuliers, mais aussi des entreprises, donc oui, nous allons intégrer des mesures d'abattement sur les plus-values de cessions foncières.
PAULINE DUCAMP
Alors, il y a le nerf de la guerre, c'est quand même le crédit, aujourd'hui les conditions de crédit elles sont extrêmement resserrées, les gens n'y accèdent plus. Où vous en êtes des négociations avec le gouverneur de la Banque de France, justement, pour assouplir ces conditions d'octroi de crédits ? Parce qu'on a l'impression que d'un côté vous êtes avec Bruno LE MAIRE en train de dire « il faut assouplir », et puis de l'autre côté on a François VILLEROY de GALHAU qui dit " non ".
PATRICE VERGRIETE
Oui. Eh bien oui, effectivement, pour l'instant le gouverneur de la Banque de France n'a pas décidé d'évoluer. Notre demande, c'est quoi ? Ce n'est pas forcément de revoir les règles prudentielles, ce fameux 35% et 25 ans de durée de prêt, c'est de dire que, de laisser aux banques 20% de marge réelle. Parce qu'aujourd'hui il y a des sous-critères sur ces marges des banques. Sur les 20% de marges des banques, vous avez par exemple un sous critère, qu'il faut qu'il y ait 70% de primo accédants dans la marge. Pourquoi ? Pourquoi ? Laissons aux banques, véritablement, 20% de marge, et c'est ça…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est-à-dire qu'il y a une règle générale qui est : pas plus de 35% d'endettement, par rapport à ses revenus…
PATRICE VERGRIETE
Et 25 ans de durée de prêt.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
25 ans maximum. Vous dites " on pourrait déroger à ces règles, pour 20% ".
PATRICE VERGRIETE
Voilà, mais c'est le cas aujourd'hui. Les banques ont droit à 20% de marge.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais sans critère…
PATRICE VERGRIETE
Sous critères, c'est-à-dire derrière dans cette marge, on remet des critères. Mais pourquoi ? Laissons aux banques leur travail. Et puis après, il y a un message aussi aux banques, tout n'est pas de la responsabilité du gouverneur, certaines banques sont aujourd'hui frileuses sur les crédits immobiliers, et je le regrette, et je le dis aussi aux banques, les banques pourraient effectivement vraiment utiliser davantage ces marges là aujourd'hui, il y a des gens solvables aujourd'hui qui ne peuvent pas accéder aux crédits immobiliers, et on peut le regretter.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, ce matin, je suis monsieur amendements. Autre discussion à l'Assemblée, c'est une demande des promoteurs immobiliers, vous savez que le marché est complément bloqué, la plupart des chantiers s'arrêtent, il y a des logements sur les bras, ils vous proposent de refaire une mesure qui existait il y a 20 ans, c'est celle de supprimer la fiscalité des droits de succession, pour les logements neufs qui seraient achetés dans les 12 et 18 mois qui viennent. On achète un logement neuf, on prend un promoteur, et on sait que ses enfants n'auront pas de droits de succession. Cette idée-là ?
PATRICE VERGRIETE
Non mais c'est la course aux idées.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah oui, mais le secteur ne va pas bien, et les promoteurs non plus.
PATRICE VERGRIETE
Le secteur est en crise, c'est une triple crise d'ailleurs, une crise de la production, mais aussi une crise environnementale, et même si on ajoute la question démographique, avec le vieillissement de la population, ça nécessite une forte adaptation des logements. Donc on a une triple crise, il faut y faire face, et effectivement on peut balayer tout le catalogue de aides, le but du jeu c'est d'être cohérent aussi au niveau de ces aides.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, la réponse c'est non.
PATRICE VERGRIETE
Non mais la question, c'est pourquoi pas un jour mais en tout cas, là aujourd'hui, ce n'est pas la priorité. On a essayé de renforcer l'accession avec le prêt à taux 0, on est en train de travailler sur l'investissement locatif, j'ai annoncé une mission qui vise à réviser la fiscalité de l'investissement locatif. Ça correspondait aussi à une demande des professionnels, on aura des propositions rapidement.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Notamment de porter l'abattement sur le meublé type Airbnb de 70 à 50 %.
PATRICE VERGRIETE
Oui, pas seulement. Ça, ça fait partie de la réflexion mais on peut imaginer aussi des mesures d'incitation à l'investissement locatif pour les particuliers. On travaille sur l'investissement locatif sur les institutionnels. Comment on remet un peu d'institutionnel ? Alors je ne crois pas trop aux assurances par exemple, mais comment on peut essayer de remettre un peu d'institutionnel sur le marché locatif. On ne reviendra jamais au 30% qui existait il y a un certain nombre d'années mais, en tout cas, on peut peut-être faire un peu mieux que 1% aujourd'hui. On est en train de travailler sur le logement locatif social, on a signé un accord avec le mouvement HLM qui permet aujourd'hui au logement social de faire à la fois la rénovation énergétique mais aussi de relancer la production. Tout ce travail, il est en cours. On essaye de travailler sur tous les segments mais on essaye d'avoir un certain nombre de mesures cohérentes et ce n'est pas fini – et ce n'est pas fini – puisque la semaine, j'annonçais encore des mesures plus ciblées sur les territoires qui en ont le plus besoin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais sur les promoteurs, vous dites comme Emmanuel MACRON : ils se sont enrichis pendant des décennies, maintenant on les laisse tomber.
PATRICE VERGRIETE
Non, absolument pas, on ne dit pas ça. Je veux dire, la promotion immobilière et d'une manière générale le secteur immobilier est un secteur important en France, très fortement pourvoyeur d'emplois à des qualités et des compétences. Absolument pas, personne n'est satisfait de la crise de la production du logement aujourd'hui. On le voit dans un certain nombre de villes. On a besoin. On voit le logement étudiant, on est en train de préparer un certain nombre de plans. On a mis en place un certain nombre de mesures, ce n'est pas terminé, on accompagnera. Le président de la République a annoncé une grande loi logement au printemps 2024, cette révision de la politique du logement, cette refondation de la politique du logement, elle a vocation aussi à répondre à la crise actuelle.
PAULINE DUCAMP
Mais est-ce que 2024 ce n'est pas trop tard quand on pense notamment à l'interdiction à la location des passoires thermiques où on a l'impression de courir à la catastrophe, où les gens de la CAPEB nous disent " la rénovation aujourd'hui des logements, elle ne compense pas tout ce qu'on ne construit pas aujourd'hui " ? Et puis est-ce qu'il y a une étude d'impact qui a été produite justement sur cette interdiction à la location des passoires ?
PATRICE VERGRIETE
Ce qui est intéressant, c'est qu'aujourd'hui il y a le discours sur " oui, on n'arrivera pas à faire les travaux pour les logements qui sont aussi loués aujourd'hui et qui sont en G par exemple ", donc les passoires thermiques. " On n'y arrivera pas, on n'y arrivera pas ! " Moi quand je discute avec les professionnels, ils ne me démontrent pas encore aujourd'hui que c'est impossible. Moi, on ne m'a pas démontré encore aujourd'hui qu'un logement en G ne pouvait pas passer en F d'ici 2025 avec des travaux basiques de changement de fenêtres ou autres. Donc moi j'ai envie de travailler avec les professionnels de l'immobilier mais de manière très pragmatique. Pas sur des discours théoriques de " on n'y arrivera pas ". D'abord, essayons d'y arriver. Essayons d'arriver à concilier la crise de la production et la crise de la rénovation énergétique, la crise environnementale.
PAULINE DUCAMP
Mais est-ce que vous avez mesuré tout ça ? Est-ce qu'on a une étude d'impact qui le mesure et qui nous le chiffre ?
PATRICE VERGRIETE
Mais bien sûr qu'on est en train de travailler avec les professionnels et on est en train de regarder si oui ou non il y a un problème. Aujourd'hui, je n'ai pas la démonstration qu'il y a un problème. Alors on peut crier au loup mais aujourd'hui essayons de travailler avec les professionnels de l'immobilier pour voir les cas qui poseraient problème. Aujourd'hui, moi je n'ai pas de remontées larges de cas à problème. S'il y a des besoins de travaux de copropriété qui prennent plus de temps sur le calendrier des passoires énergétiques, on aura l'occasion d'y revenir de manière très pragmatique.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas exclu ?
PATRICE VERGRIETE
Je suis pragmatique, je suis pragmatique. Qu'on me démontre aujourd'hui que le calendrier n'est pas tenable sur la question des passoires thermiques et après, on pourra adapter des mesures, mais ne crions pas avant d'avoir mal. Je veux dire, commençons déjà par essayer d'atteindre l'objectif. La transition énergétique, ce n'est pas une option. La transition climatique, ce n'est pas une option. Il faut y aller, il faut le faire. Donc la question, c'est le comment. Moi, j'aimerais qu'on me démontre qu'aujourd'hui, les calendriers de la loi climat et résilience ne sont pas tenable, et après on aura l'occasion de discuter.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes Ministre du Logement depuis juillet, ce n'est pas trop dur. Dans les négociations avec Bercy ? Vous découvrez ces négociations avec les gens qui tiennent les cordons de la bourse.
PATRICE VERGRIETE
Ce n'est pas dur au sens où notre pays vit aujourd'hui une difficulté macroéconomique avec l'inflation, donc Bercy est dans son rôle. Il y a un budget à tenir et il est logique pour l'économie de la France, l'économie du pays, il faut faire un certain nombre d'efforts. Donc ça, je le comprends tout à fait, chacun est dans sa position. Moi, je m'intéresse surtout à la question du logement et j'essaie de trouver justement les mesures qui ont le plus fort effet levier, pour à la fois relancer le secteur comme vous l'évoquiez tout à l'heure, et à la fois avoir le moins d'impact pour le budget de l'Etat parce qu'il faut réussir à concilier ces deux objectifs là. On ne peut pas faire l'un ou l'autre, il faut faire l'un et l'autre. Et en tout cas, nous, on s'attelle effectivement à relancer le secteur immobilier.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci Patrice VERGRIETE, ministre du Logement.
PATRICE VERGRIETE
Merci à vous
source : Service d'information du Gouvernement, le 26 octobre 2023